Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Corton Charlemagne Coche Dury 1998 à La Cagouille mercredi, 16 janvier 2008

Le Président de Château Latour, Frédéric Engerer, vient sur Paris présenter certains de ses vins. Je suis informé de l’événement auquel je ne pourrai me rendre. Je lui demande s’il est libre à déjeuner avant ou après. Il l’est. Il me demande de lui proposer un lieu mais après quelques échanges, je sens qu’il souhaiterait de la nouveauté. Jean-François Coche-Dury, grand vigneron de Bourgogne, m’avait suggéré d’aller à La Cagouille, restaurant de poisson. C’était l’occasion. Nous nous y retrouvons. J’arrive en avance et je me présente à André Robert le tonique propriétaire des lieux. Lorsque je dis qui m’avait suggéré l’adresse, son visage s’éclaire. Il se sent honoré qu’un tel vigneron ait pensé à le recommander. Il cherche avec quel vin trinquer avec moi, demande la carte des vins et choisit un Meursault Coche-Dury 2001 qui fera le début de notre repas. Nous trinquons joyeusement et je vais m’attabler. Le vin a une acidité citronnée très plaisante et un nez soufré qui n’est pas désagréable. Le vin se place bien sur la langue. Je regarde la carte des vins et je m’étonne qu’il n’y ait pas de Corton Charlemagne de Coche-Dury. André Robert m’explique qu’il les garde pour lui. Il voit ma mine, ce qui l’attendrit et il me dit : « bon, je ferai une exception si vous me proposez un prix qui me convient ». Je lui réponds : « si je suis hors cible, surtout, ne le prenez pas mal, je ne mets aucune intention dans le fait de taper trop haut ou trop bas ». Il acquiesce et je lance un prix qui lui sied. L’affaire est conclue.  Je lui demande alors seulement quel est le millésime. C’est 1998.

Pour commencer, je prends des huîtres « pousse en claire » de David Hervé, fort goûteuses, qui se marient bien avec le Meursault. Belle salinité, expressivité forte, ce sont des huîtres délicieuses d’un calibre supérieur à ce que je choisis habituellement. Les langoustines juste saisies sont délicieuses et appellent le Corton Charlemagne Coche-Dury 1998. Le nez est très pétrolé, l’attaque est belle et virile. Le vin frais, carafé mais encore peu oxygéné a une belle acidité faite d’agrumes confits. Le final est marqué mais encore peu rebondissant. Cela viendra plus tard avec l’oxygène et un ou deux degrés de plus. Nous avons pris un bar entier de un kilo pour deux dont la cuisson est parfaite. C’est un plat remarquable. Le Coche-Dury vit sa vie dans son coin, car même s’ils font un bout de chemin ensemble, le vin et le poisson ne se parlent pas beaucoup. Le Corton Charlemagne aurait besoin de provocations plus fortes. C’est en effet un vin charnu qui appelle un combat gustatif. J’adore ce Corton Charlemagne, même s’il explose un peu moins que d’autres que j’ai bus.

Le chef apporte un Cognac Paul Giraud, grande champagne « très rare », d’une quarantaine d’années. C’est délicieux et sans aspérité. Nos discussions se poursuivent dans une ambiance amicale. Nous sommes heureux tous les deux d’avoir découvert un restaurant accueillant, au patron plus que sympathique, qui fait une cuisine juste, sans chichi, respectueuse du produit. Une adresse à ne divulguer à personne, pour se la garder.

Un Charlemagne, beaujolais blanc 1943 exceptionnel samedi, 12 janvier 2008

Après des journées bien tristes sous un ciel chargé de pluie, c’est le retour à Paris. Le pied à peine à terre, nous accueillons mon fils, sa femme, et une gentille troupe de cinq enfants. Mon fils pose sur la table un argument de poids : dans un linge dépassant des bords d’un cageot, un kilo de truffes s’offrent à notre regard. Je m’inquiète de savoir s’il n’y aura pas demain dans les journaux un écho au titre accrocheur : « le casse du siècle », car il n’est pas possible d’avoir chapardé un tel monceau de tubercules sans avoir défénestré ses détenteurs. Dans la table de la cuisine, sur une planche, un couteau découpe des tranches épaisses, que l’on oint dans une huile salée, qui s’empilent en liasses sur une baguette croustillante. Je prends conscience de la notion d’infini, car il y en a tellement que l’on peut tartiner sans limite. Le goût intense nous imprègne. Tout ceci se mange sans boire car nous sommes au milieu de l’après-midi. L’exercice continue au moment de l’apéritif sur un champagne Bollinger Grande Année 1990. La couleur s’est orangée, la bulle s’est calmée, et je n’attendais pas que ce champagne ait pris une telle maturité. Les Salon et Krug de la même année semblent des gamins. Mais le champagne est subtil, expressif, d’un fruit joyeux. On a en bouche un champagne riche, heureux, précis, patiné, mais qui n’a pas la complexité des Salon et Krug. La vitesse à laquelle la marée s’est retirée indique que nous l’avons aimé.

Pour les pommes de terre aux truffes, j’ai pensé à un vin blanc, pour changer du dernier essai, et j’ai prélevé en cave un Charlemagne, appellation contrôlée, Jacques Bouchard 1943. Ce n’est pas un Corton Charlemagne, mais un Charlemagne, vin blanc du Beaujolais. Au moment où je saisis la bouteille qui est présente dans ma cave depuis plus de vingt ans, je constate que le bouchon flotte dans le liquide. Je vais immédiatement carafer et je sens une odeur particulièrement plaisante. Le bouchon devait être à sa bonne place, et a glissé au moment où j’ai saisi la bouteille,  sans polluer le contenu. Quand nous le buvons à table, je constate de nouveau une odeur précise et précieuse, une couleur d’un ambré presque rose plutôt que gris, et en bouche, je suis frappé par la perfection du vin. Même si l’on cherche le moindre indice de fatigue, on ne trouve pas le moindre défaut. Le vin a une magnifique acidité citronnée, un fruit riche et un final enlevé. On ne peut pas dire que ce vin est jeune car il fait son âge. Ce qui frappe au lieu de la jeunesse, c’est la vivacité. Je dirais très volontiers que c’est un vin parfait. Avec la truffe et sa pomme de terre à la crème, la cohabitation est quasi inexistante. Aucun des deux n’ajoute quoi que ce soit à l’autre, du plat et du vin. Il reste un peu de ce blanc pour accompagner un poulet fermier farci avec une abondante truffe. La chair du poulet vibre remarquablement avec le vin. Pour le volatile j’ai prévu Pétrus 1974. Mais c’est surtout la présence de truffes qui a guidé mon choix. Le niveau dans la bouteille est dans le goulot, le bouchon est d’une qualité exemplaire. Le nez du vin est clair, précis, et en bouche on est heureux. Le vin est assez discret dans son attaque, et quand il s’étend en bouche il décline une palette raffinée. C’est son final qui me ravit, vif, enjoué, d’un beau panache. Ce vin est l’exemple le plus convaincant de l’intérêt qu’il y a à ne pas juger ou comparer les vins. Car on a la bonne surprise que ce vin se comporte mieux que ce que l’on attend d’un 1974. Et on a une belle expression de Pétrus, que l’on aurait sans doute critiquée si elle était comparée à un autre Pétrus. Là, sans obligation de noter ou de comparer, on a un beau Pétrus qui nous rend bien l’hommage que nous lui faisons, car sur la farce à la truffe, Pétrus devient truffe, phénomène que j’ai très souvent remarqué. L’ambiance étant festive J’ai exhumé une vieille bouteille de Liqueur de la Vieille Cure qui doit bien avoir 70 ans. Les parfums champêtres et les douceurs sucrées ponctuent le retour familial en capitale.

dîner avec un Beaujolais blanc de 1943 samedi, 12 janvier 2008

L’arrivée des truffes. Puis leur découpe.

 

Champagne Bollinger Grande Année 1990.

Pomme de terre à la crème et à la truffe.

 Le "Charlemagne" 1943 Jacques Bouchard et Cie négociants à Beaune et Paris, concessionnaires exclusifs du château de Poncié

La mousse au chocolat de mon épouse. Un monument !

 

Liqueur de la vieille Cure.

Quand on ose un vin ordinaire, ça ne marche pas chaque fois vendredi, 4 janvier 2008

Mon gendre va travailler à Paris et revient deux jours après car il devra reconduire femme et bébé à la capitale. Ce sera ce soir une joue de bœuf aux carottes. Pour l’apéritif, un champagne Ruinart non millésimé a des accents de miel. Il est agréablement typé. Ayant acheté près d’Orange une cave à un particulier – ce que je ne referai plus, car c’est un métier, pas un caprice – il faut bien que l’on ouvre ce que j’ai acquis où nous avons fait d’assez bonnes pioches. Je jette mon dévolu sur un « Réserve de Prévallée », grand vin de Bourgogne sans année, appellation bourgogne contrôlée qui doit dater du milieu des années soixante si l’on se fie au reste de la cave. Ce vin est vendu par « l’agence centrale de distribution des grands vins », qui est parisienne, mais il y a un petit tampon qui recouvre cette mention, d’un caviste de La Rochelle. Le vin a été embouteillé par la SA Valette à Charenton, où l’on a pris la précaution d’indiquer sur la bouteille, gravé dans le verre, qu’il ne doit pas être réutilisé, et tous ces périples après le passage à Orange se finissent chez moi. Le vin n’ira pas plus loin et c’est un bien. La bouteille, délicieusement ringarde d’un vin plus qu’ordinaire, a belle allure. Le bouchon se brise en plusieurs  morceaux et le bouchon sent bon, comme le vin dans le goulot. Je verse deux verres et nous trinquons. Nous ne pousserons pas l’expérience très loin, car le vin est torréfié comme après un coup de chaud en cave. Ce vin est mort. Il offrira un nez agréable le lendemain mais rien ne me motive à l’essayer. J’avais prévu une possible faiblesse de ce bourgogne. Le Côtes de Provence La Courtade 1990, vin de l’île de Porquerolles, est une surprise plus qu’agréable. Il se confirme chaque fois que l’âge profite aux vins de Provence. Le vin est solide, présent en bouche, d’une longueur acceptable, et ce qui est le plus significatif, c’est qu’il joue juste. Il a très plaisamment accompagné le bœuf aux carottes. Ce n’est que plus tard, près d’une heure après, que j’ai pris conscience que la trame de ce vin n’a pas la profondeur des grands vins du Rhône que nous avons bus. C’est intéressant, car sur la viande, il jouait d’un charme remarquable.

Un réveillon qui n’en finit pas .. Hommage à Jacques Perrin 1999 mercredi, 2 janvier 2008

Nous nous revoyons le lendemain chez nos amis, car il faut finir les restes. Cela permet d’essayer de nouveaux accords, comme le Château Chalon sur le Gex du Jura. La joie de se remémorer les beaux moments éclaire nos sourires. Nous finissons quelques vins et nous nous répartissons ceux qui restent. Nous retournons chez nous, et je suis prêt à faire une diète salutaire. Mais mon gendre annonce que les truffes ne passeront pas la nuit et se met à composer des truffes entières, enrobées dans de la poitrine de porc, qu’il enveloppe d’une belle pâte pour faire des truffes en croûte. Nous voilà repartis pour un tour. C’est donc l’excuse pour finir l’Hermitage La Chapelle 1990 dont il restait l’équivalent d’une demi-bouteille. L’effet d’un jour de plus est spectaculaire sur ce vin. Il a gagné en opulence, en maturité, en joie de vivre et en séduction à tel point que nous sommes emportés par sa perfection. Ce grand vin se doit de respirer. Et sur la truffe, il développe des sensations que nous n’avions pas connues hier.

Le deux janvier devrait être enfin le jour du repos. Mais pas du tout. Ma femme avait fourré de foie gras quelques pigeons, et il fallait bien les prévoir à notre dîner. Nous commençons par le champagne Dom Pérignon 1998 qui est toujours aussi charmant. Sur un jambon corse couillu, viril comme un bouquetin à l’aube du printemps, la bouche est tellement torturée que tout chavire sur un étoc gustatif. La Corse n’aurait pas besoin d’explosif, ce jambon suffit. Sur la poutargue, les papilles se remettent en rang, et le champagne expose son côté floral, gentiment titillé par l’iode intense de l’œuf de mulet. On n’a pas la complexité des Salon, mais le confort gustatif de ce champagne est intelligent.

Pour mon gendre, le Chateauneuf du Pape Hommage à Jacques Perrin 1999 est son premier Hommage. C’est un baptême. Et c’est un magnifique démarrage, car dès la première gorgée, nous prenons conscience qu’il s’agit d’un vin parfait. C’est assez saisissant. On oublie que le vin est jeune, car son boisé, son fruit, sa charge alcoolique sont parfaitement maîtrisés, et le mot qui revient est : « c’est parfait ». La chair du pigeon est remarquablement goûteuse et met en valeur, mais il n’en a pas besoin, ce vin délicieux, jouissif, qui fait penser que rien d’autre ne serait meilleur. Il m’indifférerait qu’on me dise qu’une autre année serait meilleure, car ce que j’ai en bouche, dans un registre jeune, est d’une invraisemblable justesse. C’est grand. Point. Il ne fait pas de doute que ce vin fait partie de l’excellence du Rhône. Conquis par l’Hermitage La Chapelle, je suis enlevé par l’Hommage, d’une magnitude supérieure.

le réveillon du 31 décembre 2007 à Carqueiranne lundi, 31 décembre 2007

A 17 heures j’apporte les vins chez nos amis et j’ouvre les vins pour qu’ils s’oxygènent. Nous récitons le scénario et je suggère que l’on ajoute une viande pour pouvoir profiter un peu plus longtemps des trois vins rouges. Mon amie part en ville, fait relever le rideau métallique baissé du boucher qui avait fini son année, chambres froides quasi vides, et revient avec de l’onglet.

Après les premiers vœux télévisuels de notre Président, nous arrivons chez nos amis. Catherine nous explique qu’elle tremble depuis un mois. Elle sait en effet que j’écris le récit de mes aventures qu’elle lit toutes. La perspective d’une faute qui serait stigmatisée dans mes écrits l’a poussée à tout raffiner. Ce fut d’une délicatesse remarquée. Elle peut souffler, il n’y aura pas de critique.

Nous commençons l’apéritif avec un Champagne Ruinart non millésimé très expressif et fort agréable. Il est suivi par un champagne Laurent Perrier Grand Siècle beaucoup plus doux qui va mettre en valeur les oursins pêchés du matin. La combinaison de ce champagne charmeur avec l’iode et le sucré de l’oursin est remarquable.

Il reste quelques gouttes du champagne pour accueillir les huîtres creuses de Marennes Oléron. La cohabitation est gouvernementale, c’est-à-dire polie, et vite oubliée, car le Bâtard-Montrachet domaine Ramonet 1992 crée ce qui est sans doute le plus bel accord avec des huîtres que j’aie jamais rencontré. C’est saisissant au point que toute la table est stupéfaite. Nous restons longtemps à profiter de cette combinaison, comme si l’on pouvait la rendre éternelle. La multiplication des saveurs, le dialogue qui s’instaure entre l’huître et le vin font partie de ces moments rares où l’on comprend qu’une dimension supplémentaire est ouverte, quand la symbiose est aussi réussie.

Le plat suivant avait donné lieu à de nombreux échanges de mails entre Catherine et moi. Mon insistance pour la pureté clinique des goûts est la négation de toute fantaisie. On comprend en mangeant et buvant que c’est ce qu’il faut faire. Le tartare de rascasse sur un lit d’épinard est une chair totalement nue découpée en petits dés sur des feuilles qui n’ont pas le moindre assaisonnement. Et le Château Chalon Fruitière Vinicole de Voiteur 1966 joue juste sur ces saveurs claires. Il faut du temps pour s’acclimater et j’ai déclaré un peu trop vite que le vin jaune est trop fort et écrase l’accord. Car en fait, quand le palais est habitué, l’accord est très subtil, avec ce vin envoûtant que tout le monde aime à cette table. Notre ami s’est mis à frotter un peu de vin jaune sur la peau de l’intérieur de son poignet, pour nous faire sentir les accents de marc du vin jaune. Chacun se mit à l’imiter et nous avons comparé la noblesse et la variété de la texture de nos peaux. Nous avons inventé un parfum millésimé. La fortune nous attend.

Claude, notre ami, gère la cuisson des langoustes sur son barbecue. Il gère et gèle, car il fait un froid redoutable sous le ciel étoilé. Là aussi, c’est la simplicité qui domine, quelques feuilles de sauge étant le seul complément admis sur des demi-langoustes qui ne cuisent que sur le côté carapace. La chair délicieuse va accompagner trois vins rouges. Le Château Cheval Blanc 1994 a une belle couleur profonde et racée. Le Chambertin Edouard Jantot 1961 a une couleur d’un rose élégant. L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1990 a une couleur sang de pigeon très prometteuse. Tout oppose les parfums de ces trois vins ce qui va rendre l’expérience passionnante. Le nez du chambertin est séducteur dans une douceur feutrée, celui du bordelais est racé et celui du rhodanien annonce du muscle sous la chemise. La chair accueille les trois vins, trop distincts pour se neutraliser, mais c’est mon gendre qui est le premier à signaler que le plus fringuant des trois sur la langouste est le Cheval Blanc. Et c’est évident, car il contrôle le mieux la chair typée. Sur le corail de la tête, le chambertin est plaisant. Chacun des vins est d’un goût appréciable, mais le Cheval Blanc 1994 – qui l’eût cru ? – s’est montré le plus adapté des trois.

Sur l’onglet « de la dernière heure », goûteux à souhait, juste poêlé et accompagné de flageolets, j’attendais le retour en grâce du chambertin et une complicité facile avec l’Hermitage, mais c’est encore le Cheval Blanc qui ramasse la mise. C’est lui qui parle le plus clairement à cette chair typée elle aussi.

Il est fort tard, nous nous étions embrassés sous le gui depuis plusieurs heures, aussi proposai-je de faire l’impasse sur la terrine de foie gras faite par mon épouse. Nous commençons à entamer un Sainte-Maure pour rechercher le vin rouge qui lui convient, et c’est l’Hermitage qui me semble le plus adapté. Nous passons ensuite au bleu de Termignon, au bleu de Gex et à la fourme de Montbrison qui accueillent le Château d’Yquem 1976. Ce qui est assez remarquable, c’est qu’Yquem 1976 est toujours parfait. C’est certainement l’un des plus équilibrés des Yquem actuels, combinant une jeunesse joyeuse avec un beau début de maturité. Les trois fromages judicieusement choisis se marient à merveille à l’Yquem. J’ai un petit faible pour le bleu de Termignon, pour son caractère salin, mais les trois ont brillamment accompagné l’Yquem.

Il n’était plus question de boire quoi que ce soit tant nous avions honoré les vins précédents, et le champagne prévu sur les desserts resta dans son coin. Un sorbet à la framboise et une glace à la vanille, accompagnés de petits gâteaux secs de chez Ré, « le » pâtissier de Hyères, furent sectionnés de long et en large et dégustés à l’infini, supports de discussions fort tardives d’un réveillon qui ne voulait pas s’éteindre. Dans la chaleur de l’amitié, une maîtresse de maison attentive et son mari ont permis de mettre en valeur des vins très variés de nombreuses belles régions. Mais le détail à signaler, qui a réellement ajouté à notre bonheur, c’est le choix pour chaque plat ou chaque intermède d’une musique appropriée. Ce fut fort juste et d’une grande émotion.

Le plus grand vin de ce grand réveillon, c’est le Bâtard-Montrachet Ramonet 1992. Le plus bel accord, c’est le féerique mariage de ce vin avec les huîtres. En petit comité dans le Sud, ce fut un beau réveillon.

le réveillon, photos lundi, 31 décembre 2007

Délicats petits canapés d’apéritif

 

Les oursins pêchés du matin et la rascasse en tartare sur ses feuilles d’épinard

 

Les langoustes cuites au barbecue à la belle étoile et les feuilles de sauge

 Cheval Blanc 1994, Chambertin 1961 et Hermitage La Chapelle 1990, puis le Bâtard-Montrachet 1992 et le Chateau Chalon 1966 forment une belle brochette de vins.

les vins du réveillon du 31/12/2007 lundi, 31 décembre 2007

Nous allons chez des amis et j’apporte les vins.

Des changements se feront, mais voici ce que j’ai prévu :

Photo de groupe. Et maintenant, des sous-groupes :

 Les vins :

 

champagne Laurent Perrier Grand Siècle en magnum, Bâtard Montrachet Domaine Ramonet 1992

 

Chateau Chalon 1966 Fruitière Vinicole de Voiteur, Cheval Blanc 1994

 

Chambertin Edouard Jantot 1961

 

Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1990 et Chateau d’Yquem 1976

 Champagne Dom Pérignon 1998.

Salon 1990 sur camembert et truffe, à comparer au 1988 lundi, 31 décembre 2007

Les enfants arrivent avec la petite dernière – six mois déjà – dans notre maison du Sud. Ils se joindront à nous pour le réveillon qui aura lieu chez des voisins amis. Catherine, notre voisine, m’a déjà annoncé le menu du soir et j’ai apporté de Paris des vins pour composer un beau réveillon. Je vais avec mon gendre chercher quelques victuailles pour le premier jour de l’An, nous achetons quelques fleurs pour nos épouses respectives, et nous voilà proches du déjeuner. Je risque un : « qu’est-ce qu’on boit ? » immédiatement contré comme en un passing-shot de revers par la mère et la fille : « ce midi, que de l’eau ». Guillaume ne s’en laisse pas compter et exhibe un torchon en forme de bourse qu’il nous fait sentir. Même un anoure de l’appendice nasal aurait reconnu le parfum de la truffe. Je jette un œil dans le réfrigérateur et j’extirpe un flacon qui ne se peut refuser.

Nous tranchons quelques parcelles de poutargue, et le champagne Salon 1990 s’ébroue. On sent instantanément que ce champagne de grande noblesse n’aura pas l’épanouissement du Salon 1988. Il va compenser par une hauteur de vue assez rare. Intéressant mais sans plus sur la poutargue qui le titille gentiment, le Salon sera le compagnon poli de coquelets qui avaient été prévus. Comme il faut quand même provoquer ce Salon, Guillaume va chercher deux petites truffes, fait toaster un pain biologique, l’inonde d’huile d’olive, et lorsqu’on a pris soin de recouvrir de noir toute trace de pain, on a une bouchée royale qui tire du Salon des chants d’amour. Quel grand champagne. Le mot qui me vient est « noble ». C’est effectivement un champagne racé. On n’a pas du tout l’émotion qu’a créée le Salon 1988, d’un romantisme inoubliable, mais on a la pureté du blanc de blancs, avec cette patte qui n’appartient qu’aux plus grands. Le camembert de Noël a fait ses classes. Il vibre avec le Salon d’un unisson que l’on ne trouverait avec aucune autre saveur. Lorsqu’on essaie ensuite avec un peu de foie gras, juste pour voir, on prend conscience que rien ne vaut le champagne sur le foie gras. Mais on est loin de la vibration du camembert avec le champagne. L’histoire de ce repas de midi s’arrête là. Dans à peine deux heures j’apporterai chez ma voisine les vins du réveillon. Le Salon 1990, que j’ai encore en bouche est un champagne noble, quand le Salon 1988 est un jeune premier.

Le Salon du lendemain samedi, 29 décembre 2007

Reprise du combat par un chaud soleil. Nous déjeunons dehors. Sur le faux-filet seul, le reste du Salon 1988 est un interlocuteur poli. Je verrais très bien ces dames qui accompagnent les visites privées d’un musée confidentiel. Il y a la délicatesse et la connaissance, mais la situation ne brille pas par une sensualité débridée.

Sur des fettucini que ma femme a cuits sans aucun adjuvant et sans contact avec la truffe qui est en lamelles dans un petit bol, le Salon, qui a perdu à peine de sa bulle, mais suffisamment pour le faire paraître un peu plus âgé, gagne en noblesse. Je le verrais bien déambuler dans les salles capitulaires de l’Escurial, comme toute la noblesse espagnole. Car il est noble le gaillard, avec toujours des évocations florales et fruitées, mais devenues plus raffinées et strictes. Et quand le camembert arrive, avec un jour de plus qui lui va à merveille, le Salon devient le loulou de banlieue. Ça surine sec à Noisy-le-Sec. Ça danse la java dans mon palais et je suis aux anges. Il reste dans mon verre quelques gouttes pendant que j’écris, et le champagne est fruité, a gardé son teint de rose et des évocations florales et de fruits blancs, roses et rouge pâle. Il est vineux bien sûr mais avec un romantisme certain.

Mon Dieu que c’est beau.