Archives de catégorie : dîners ou repas privés

deux bourgognes au bistrot du sommelier mercredi, 9 mai 2007

Jean Philippe Durand, mon ami cuisinier d’immense talent veut m’offrir pour mon anniversaire Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux Louis Latour 1943.

Démarrage sur Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1993.

 

Des plats roboratifs de cuisine simple.

 

Merveille des merveilles, Romanée Saint-Vivant marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 1997.

Le Boeuf Couronné, souvenirs et cholestérol mardi, 8 mai 2007

Nicolas Sarkozy ayant cité cent fois Jaurès, il s’ouvrait un boulevard vers la victoire. C’est le boulevard que j’ai suivi, pour me ressourcer au Boeuf Couronné (188 av Jean Jaurès).

J’ai fait un rapide calcul. Ayant travaillé 40 ans au moins, avec 250 jours par an, cela fait environ 10.000 déjeuners possibles pendant mon expérience professionnelle. Si l’on me disait qu’il y en a mille au Boeuf Couronné, je ne serais pas forcément étonné. Car travaillant à La Courneuve, puis à Aubervilliers, puis à Garges lès Gonesse, le Boeuf était le plus proche des restaurants possibles.

J’ai même hésité à le racheter quand les propriétaires depuis 3 générations ont eu envie de céder et m’en ont parlé. Mais le 19ème n’est pas le quartier où l’on ouvre des vins rares.

Depuis au moins trois ans je n’y avais pas mis les pieds. La nouvelle direction s’installait, avec de grosses hésitations.

J’y reviens, et je vois Christine tout sourire qui m’embrasse affectueusement. Nous parlons du bon temps.

Je vais passer ma commande en fonction des vins. Comme depuis toujours il y a des vins vraiment moyens et une ou deux pépites. Je commande Mouton-Rothschild, mais le mouton a dû être mangé par un loup avide car on me répond qu’il n’est plus là. On me propose des solutions alternatives, qui sont mi-chèvre mi-loup.

Je décide donc que ce sera Dom Pérignon 1998.

Pour me rappeler le bon vieux temps et me souvenir des centaines de kilos que le Boeuf Couronné ajoutait à mon tour de taille, j’ai pris l’os à moelle. Et j’ai pris le pavé des mandataires, dans le coeur de filet avec les pommes soufflées, qui sont l’article 1 de la constitution du bon mangeur.

L’os à moelle du Boeuf, c’est un monument. On devrait ajouter au plat la présence d’un docteur qui pourrait à tout instant faire une piqûre de survie. Car de la moelle, y en a, et y a que ça (cf Tontons Flingueurs). Avec du gros sel, ça concerne. Et le Dom Pérignon là-dessus s’amuse comme un collégien.

La chair du filet de boeuf est précise et exactement cuite. La béarnaise n’est pas nécessaire tant la chair se suffit. J’ai eu droit à deux services de pommes soufflées, délicieux bonbons et le plus sûr médicament contre la morosité.

Là dessus, le Dom Pérignon fait un peu le snob, pour montrer qu’il vaut mieux que ces nourritures d’équarrisseur. Mais il est suffisamment poli pour que ça passe très bien.

Christine était toute attention, donnant à l’endroit le rayon de soleil indispensable. Et moi, déjeunant seul, car mon emploi du temps le voulait ainsi, j’ai vu réapparaître mille souvenirs de ce lieu que j’ai connu quand les halles étaient encore à la Villette, avec les tabliers blancs au comptoir, rouges de sang, puis comme entrepreneur quand mille contrats, projets, associations, rachats se sont négociés ici. Et une petite larme est venue au coin de mes yeux, tant la nostalgie est un bonheur premier.

Un sabayon aux agrumes est assez banal à côté des piliers incontournables de cette belle maison.

Amis du cholestérol, c’est au Boeuf Couronné qu’il faut impérativement aller.

L’os à moelle est premier ministre

Le coeur de filet de boeuf est ministre de l’intérieur,

et les pommes soufflées sont le ministre de l’identité nationale.

Malgré une carte des vins sans aucun intérêt, il faut aller à ce lieu de tous les souvenirs d’une gastronomie antédiluvienne mais chère au coeur de la France du solide manger.

Boeuf Couronné (suite) mardi, 8 mai 2007

Essayez d’imaginer :

voici un restaurant qui vous propose comme desserts :

Crêpes Suzette flambées au Grand Marnier

Baba gourmand au miel d’acacia arrosé de Rhum ambré Saint-james

L’anti-stress du manager (tout chocolat)

Crème brûlée à la cassonade

Profiteroles, 3 choux garnis de glace vanille et nappés de chocolat chaud.

Vous ne sentez pas la volonté d’être un bienfaiteur de l’humanité ? Il y a des Prix Nobel de la Paix qui ne sont pas assez justement attribués.

lunch by La Villa Madie of Enrico Bernardo mardi, 1 mai 2007

I have been by the new restaurant of Enrico Bernardo, best world sommelier in 2005. I have a special friendship with Enrico as when we have tasted wines together, we had generally the same feelings. I remember tasting with him Moët 1952. We had the same passion for this wine, and the same words, in a very different way from the group with whom we were.

His new place is La Villa Madie in Cassis.

Knowing that I would come to meet friends of the group of tasting that I have formed, I phoned him and he seemed happy that I would come, and he said bring what you want.

Being in advance, and having read the very intelligent wine list (it shows that a best world sommelier can have a sense for making a great wine card) I had the idea to make a lunch with three red wines. I wanted to compare a Vega Sicilia Unico Reserve (blend of 1952, 1953 and 1954) to a Hommage à Jacques Perrin Beaucastel 1995 and my first idea was to take a Chave Hermitage 1991, but after having decided the menu and after having talked about wines that I love, we decided that it would be a Terrebrune Bandol 1982.

The menu was : tuna fish, pigeon, foie gras with morels.

We began with an asparagus with Jabugo with a glass of an Alsatian white wine 2005 that I will not remember as it was extremely limited even if easy to drink.

We had then the three wines in front of us.

The Vega has a smell which is absolutely erotic. It is like a jam of raspberries, but adds coffee, tropical wood and so on. In mouth it is so juicy, rich and full of everything that it is a pure pleasure. Easy to understand, it develops a nice complexity.

The Hommage is evidently a great wine, but it is so blocked, closed, that a big part of the pleasure is not there.

The Terrebrune makes a little weak beside the others. So I said to Enrico : Vega is stratospheric, Hommage is in the sky and the Bandol is on earth.

But things changed very much. The Hommage became open and brilliant on the pigeon : we had nearly all what this wine can give. But ten minutes later, it began to close itself again, as if it were too shy or not ready to enter in the world.

The Terrebrune expanded completely and became a great wine. With the morels, it became largely above the Hommage, and it attained what I expected from such a splendid wine.

Meanwhile, the Vega Sicilia performed constantly at its best. And I loved it above everything. I had a wine of pure pleasure.

I made an experiment with Enrico. I asked him that the chef gives us some slices of grilled foie gras without anything else and we drank on it a Maury La Coume du Roy 1925. And it was stellar. The wine which has normally some aspects of vanilla, got very deep tastes of liquorice, revealed by the foie gras. The combination was unique and Enrico was impressed by this try. We continued to drink the Maury on a blue cheese (too strong), and on a delicious chocolate cake, with which the combination works naturally.

I would be happy to say that this place is not worth the trip, as I would be happy to find a free table whenever I want to reserve. But honestly, this place will become a pure star of the Marseille region.

I have had the chance to buy last week 23 bottles of Vega Sicilia Unico from 1953 to 1978, including some “Reserve” (this one was produced only in 5,600 bottles), and I wanted to try one “urgently”. It confirms my love for this magnificent wine.

les plats

les vins :

 

 

5600 bouteilles seulement de ce beau vin ont été faites.

 

Montrachet Comtes Lafon au Tan Dinh lundi, 23 avril 2007

Montrachet Comtes Lafon 1993

 

Pour boire un bon vin, je ne connais pas d’endroit plus adapté que le restaurant Tan Dinh, animé par Robert Vifian, l’un des plus fins palais que je connaisse. Quelqu’un qui annonce avoir bu une trentaine de fois Pétrus 1947 impose le respect. Robert fait essayer un Macon-Bussières, appellation Macon-Villages 1999 des héritiers du Comte Lafon. C’est assez anecdotique mais bien fait. Sur une cuisine vietnamienne intelligente, où les épices sont dosées de façon précise et où les saveurs ne s’égarent pas dans des divagations préjudiciables au vin, je choisis un Montrachet Comtes Lafon 1993 parce que Robert m’a dit : « ça se goûte bien en ce moment ». Ce n’est pas le plus puissant des Montrachet, mais il a une générosité aromatique abondante. On se plait à tourner les pages du récit de ce vin car à chaque fois c’est une nouvelle aventure qui est contée.  La bouche est pleine de joie. Tan Dinh est un temple où tous les amoureux des vins devraient venir se recueillir.

Un fantastique rosé d’Algérie 1940 samedi, 21 avril 2007

Ma fille, enceinte et fort ronde et mon gendre sont venus à la maison, alors que ma femme est dans le Sud. Ils ont apporté une magnifique et volumineuse truffe noire. Voilà un passeport sympathique que je vais valider.

Ils vont préparer une brouillade d’œufs à la truffe et des pommes de terre à la truffe. Nous commencerons par un feuilleté au jambon et par ailleurs du Serrano assez fade.

Je vais en cave avec mon gendre, et j’extrais un vin d’Algérie de Frédéric Lung de 1940 que j’imagine sous la poussière être un blanc. Après avoir choisi il y a cinq jours pour le château d’Yquem un Royal Khébir Frédéric Lung 1945, je trouve que le clin d’œil a de l’intérêt. Le choix du rouge est plus simple : ma fille est enceinte et née en 1974. Ce sera Pétrus 1974.

Je sers le vin de Frédéric Lung 1940, et, oh surprise, c’est un rosé. Lung, à cette époque, faisait les trois couleurs. La robe est magnifique de présence, riche et séduisante, le nez est juste banal. En bouche, le vin est phénoménal. Je dis bien phénoménal. Ce vin est complètement immense. A mille coudées au dessus du rosé de Mouton de 1936, qui fut tant apprécié à Yquem. On en jouit de façon totale, transporté que l’on est avec ce vin dans des dimensions irréelles. Il est impossible de le décrire. Je hasarde que cela me fait penser à des tranches de citrouille que l’on poêlerait. Mais ce n’est qu’un aspect au milieu de mille. Ma fille signale à juste titre, avec les trois gouttes qu’elle boit, que c’est un rosé authentique. Et je me dis qu’il serait impossible de faire comprendre que ce vin est sublime à quelqu’un qui ne le boit pas.

Sur les pommes de terre à la crème et aux truffes, le Pétrus 1974 capte un nez de truffe. En bouche, c’est un vin d’une subtilité extrême, car il a adopté l’essence de la truffe. Mon gendre est en extase. Je pense qu’aucun 1974 ne peut égaler ce vin là. Il faut bien sûr connaître Pétrus pour l’apprécier au mieux, mais mon gendre en profite avec une joie sans mélange.

Sur des pâtisseries qu’on ne peut plus nommer « tête de nègre », je fais goûter un fond de bouteille d’un Maury La Coume du Roy 1880. Ce vin qui est merveilleux et dont j’ai encore quelques bouteilles provenant d’un tonnelet que je connais, est complètement passé. Difficilement buvable, il est délaissé.

Le rosé d’Algérie 1940 était invraisemblablement grand, et Pétrus 1974, sans être un immense Pétrus était un vin de grand plaisir. Qu’un obscur rosé de 1940 soit devant un Pétrus, qui lui-même est très bon dans une petite année, voilà qui est original.

Ce fut un bien beau dîner.

 

Générosité de la truffe et de la crème sur les pommes de terre, et la merveilleuse couleur de ce rosé Lung 1940.

La veille du dîner à Yquem dimanche, 15 avril 2007

Je me rends à l’hôtel du Château d’Arche, à une portée de fusil du château d’Yquem où se tiendra un dîner qui, je l’espère, fera date dans la dégustation de vins historiques. Des convives de ce dîner me rejoignent la veille et nous allons dîner dans un petit restaurant de Preignac, « Les Erables », qui contrairement à ce que le nom évoque, est spécialiste de poissons. Ce n’est pas une adresse que je recommanderais pour un festin gastronomique, mais un Pavillon Rouge de Château Margaux 1996 est un vin très agréable et de belle mâche.

Demain, c’est un grand moment œnologique qui se tiendra dans mon Taj Mahal personnel : château d’Yquem.

Au Chapon Fin, Mission 48, 26, 29 et Laville 47 avec mon ami américain samedi, 14 avril 2007

En retrouvant mon ami et son fils à Bordeaux au Chapon Fin le samedi soir, c’est avec étonnement que je constate qu’ils sont dans une forme éblouissante. Nous sommes cinq autour de la table pour le dîner final, rejoints par un couple d’amateurs de vins bordelais jeunes et fort sympathiques. J’étais venu à 16 heures pour ouvrir mes deux bouteilles. Celles de mes amis sont ouvertes au dernier moment. Nous aurons un amuse bouche en forme d’émulsion au foie gras, une langoustine au caviar, un Saint-pierre et un roboratif pigeon délicieux.

Le Château Laville Haut-Brion 1947 est très différent du 1945 que nous avions bu il y a seulement huit jours, lors du premier dîner de la longue série de mon ami. Le 1945 était d’une puissance généreuse. Celui-ci est plus subtil, un peu plus élégant, mais n’a pas la classe du 1945.

Nous commençons les rouges par le Château d’Issan 1899 que j’avais ouvert à 16 heures, et dont le parfum m’avait plu. Il sentait la confiture de framboise et évoquait les fûts de chêne. Hélas, en processus de décoloration, le vin tourne en vinaigre. Cette bouteille, reconditionnée et rebouchée au château en 1999 n’aurait jamais dû être rebouchée. Car la blessure qu’elle affiche aujourd’hui n’est pas récente. Elle eût dû être détectée à ce moment là. Fort heureusement ma deuxième bouteille, Mission Haut-Brion 1948, est parfaite. La couleur est belle, d’un rouge profond, l’odeur est de truffe et le goût est intense, puissant, envahissant de plaisir. Très évocateur de Mission, ce vin est très plaisant.

Le Château Talbot 1926 est très romantique, très aérien, délicat. Un vin fort agréable à boire qui fait contraste au Mission Haut-Brion 1926, d’une année de pleine réussite pour les Graves, un peu plus léger que le 1948. Ce vin a une trame parfaite, emplit la bouche d’un liquide serein, structuré qui rassure sur la beauté de son terroir d’origine. Cette bouteille a été parfaitement reconditionnée en 1979.

Je savais que mon ami allait apporter Mission 1926 et c’est à dessein que j’avais choisi le 1948. Le troisième compère, en apportant Mission Haut-Brion 1929 ne connaissait pas nos apports. La surprise n’en fut que plus belle, d’autant plus que son vin fut pour tous le plus parfait des trois. Mission 1929 est intéressant parce qu’il montre que les dimensions d’un vin sont sans limite. On se plait avec le 1948, on applaudit la structure du 1926, et le 1929 vient montrer qu’il existe un Mission Haut-Brion qui est la synthèse de tout. D’un équilibre majeur, sans aucune faute de goût, ce vin est « la » définition de Mission. Vin de plaisir où tout semble facile, tant c’est brillamment exécuté.

Le Château Doisy 1922 est un régal. C’est un sauternes que l’on pourrait qualifier de léger, de peu sucré, mais qui n’en dégage que mieux ses subtiles qualités. J’adore ces sauternes qui suggèrent plus qu’ils n’assènent des vérités.

Nous avons voté, comme on le fait habituellement dans les dîners de wine-dinners. La Mission 1929 recueillit quatre votes de premier sur cinq votants. Le Laville 1947 eut un vote de premier. La moyenne des votes serait : Mission 1929, Mission 1948 ex aequo avec 1926 et Laville 1947.

Mon vote est : La Mission 1929, Laville Haut-Brion 1947, La Mission 1926 et La Mission 1948.

Ordre sur la photo : Talbot 1926, Mission 1926, Issan 1899, Doisy 1922, Mission 1948, Mission 1929. En arrière-plan, les célèbres rocailles de l’endroit.

Ce dîner mettait un terme au voyage extraordinaire de mon ami américain en terres françaises où il distribua 24 bouteilles de nos plus grands vins à de nombreux acteurs du vin. Je suis fier d’avoir partagé le premier et le dernier dîner de son périple avec des vins de première grandeur. Nous nous sommes promis de nous voir au moins trois fois par an. Il y a tant de grandissimes bouteilles qu’il nous faut partager avec nos enfants.

Les vins bus par mon ami américain lors de son séjour à Bordeaux vendredi, 13 avril 2007

Peu après, je prends la direction de Bordeaux pour retrouver mon ami américain après sa semaine de brillantes dégustations. J’ai noté les vins qu’il m’a énoncés, car c’est assez incroyable. On aura à l’énoncé des vins une idée soit du lieu, soit des compères de table. Je le laisse deviner.

Le lundi : magnum de Dom Ruinart blanc de blancs, Haut-Brion blanc 1978, Bouscaut blanc 1947, Ausone 1945, Taillefer 1945, Château Margaux 1924, Pichon Comtesse 1924, Latour 1924, Vouvray Huet 1924, Château d’Arche 1921. La quasi totalité des vins étaient offerts par mon ami, qui poussa le raffinement jusqu’à offrir à ses invités des cigares cubains de 1921.

Le mardi, champagne Billecart-Salmon, Domaine de Chevalier blanc 1987, 1977, 1967, château Bravet 1947, La Gaffelière 967, Domaine de Chevalier rouge 1957, 1947, 1937, Château La Respide 1917, Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1985, Château Guiraud 1926, et des cigares Montecristo 1960.

Le mercredi en petit comité, Haut-Brion blanc 1971, Le Pin 1985, Vieux Château Certan 1952 et Yquem 1962. Le jeudi : Pavillon blanc de Margaux 1993, Château Margaux 1989 et 1985, Bollinger 1952 et une demie Yquem 1983. Le vendredi midi : Krug 1988, Haut-Brion blanc 1975 et Gruaud Larose 1949. Si j’ai cité ces vins de dîners où je n’étais pas, c’est pour montrer la passion de cet américain généreux.