Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Un vin roumain, la perle de la Moldavie jeudi, 16 décembre 2021

A la maison, ma femme a préparé des coquilles Saint-Jacques juste poêlées accompagnées d’épinards cuits dans du gras de foie gras. J’ai envie d’essayer ce soir un vin que j’ai acheté il y a une trentaine d’années et que je n’ai jamais goûté sauf au moment de l’achat. C’est un Château Cotnari Grasa sélection de grains nobles 1988. Ce vin roumain d’appelait au quinzième siècle « la perle de la Moldavie ». Il est vinifié comme le sauternes. Sa couleur est d’un bel or. Le nez évoque la couleur et en bouche il est agréable comme un sauternes. L’accord avec les coquilles est naturel et à ma grande surprise l’accord se trouve aussi avec les épinards délicieux, assouplis par leur cuisson.

Parmi les fromages qui font la suite du repas, c’est un Sainte Maure qui s’accorde le mieux avec le vin roumain. Mon choix de vin avait été influencé par le fait que de dessert soit une mangue coupée en dés. L’accord se trouve bien sûr malgré le fait que la mangue ne soit pas tonitruante. J’ai alors l’idée de servir le fond de la bouteille du Bastor Lamontagne 1929, qui permet de faire deux verres, pour ma nièce et moi. Et c’est ainsi qu’on se rend compte de l’abîme qui sépare les deux vins liquoreux. Le Cotnari Grasa nous plaisait et le sauternes nous projette dans la transcendance. Il n’est pas mauvais de faire ce type de comparaison qui éclaire la vision sur un vin fort agréable mais simple. Ma nièce a été subjuguée par la complexité aromatique du sauternes de 92 ans.

Repas de conscrits au complet de notre club mercredi, 15 décembre 2021

C’est la première fois depuis deux ans que notre cercle de conscrits est au complet. L’ami qui invite nous reçoit au Yacht Club de France. Il a conçu avec Thierry Le Luc directeur de la restauration et Benoît Fleury le chef de cuisine un bien joli programme.

Les hors d’œuvre d’apéritif sont copieux et délicieux présentés sur l’argenterie d’un bateau d’un membre du club. Il y a de la poutargue sur canapé avec une sauce pertinente, du homard, du thon fumé et des charcuteries fines dont de goûteuses andouilles. Le Champagne Bliard Moriset du Mesnil-sur-Oger est un blanc de blancs agréable.

Le menu composé par le club est : assiette de fruits de mer / bar de ligne en croûte de sel, sauce hollandaise, pommes dauphine, asperges vertes / fromages d’Éric Lefebvre / croquant au chocolat noisette.

Les vins qui accompagnent ce beau menu sont eux aussi agréables, un Puligny-Montrachet dont je n’ai noté ni l’année ni le nom, suivi d’un Meursault Vieilles Vignes Buisson-Charles 2015 dont une première bouteille souffrait d’un défaut olfactif et la seconde d’une belle prestance et une jolie présence minérale.

Le Château les Carmes Haut-Brion 2002 est lui aussi fort courtois. Le plus impressionnant du repas fut le bar en croûte de sel dont la chair idéale nous a comblés. Une fois de plus nous avons reconstruit le monde qui n’attendait, bien sûr, que nos réflexions.

Saucisse de Morteau et vin jaune lundi, 13 décembre 2021

Ma fille cadette vient avec ses enfants déjeuner le dimanche. Ma femme a dès la veille fait mijoter des saucisses de Morteau avec du chou, des carottes et des pommes de terre. J’ai un amour aveugle pour les saucisses de Morteau.

A l’apéritif où nous grignotons des chips de toutes formes, sarrasin, truffe, nature ainsi que des amandes salées, j’ai ouvert un Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1990. Sa couleur est claire et belle, le pschitt est très affaibli mais la bulle est bien présente. Ce champagne est confortable. Il a une maturité idéale qui lui donne de beaux accents de jeunesse. Il est gourmand, long très agréable.

Pour la potée aux saucisses de Morteau j’ouvre un Vin Jaune Henri Maire 1942 d’une bouteille de 62 cl, un beau Clavelin. Le niveau est quasiment dans le goulot. Je ne m’imaginais pas que ce vin jaune puisse avoir une telle qualité. Je savais que l’année 1942 est excellente pour les vins jaunes et les Château Chalon, mais à ce point de réussite je ne m’y attendais pas. Ce qui caractérise ce vin, c’est le charme et la cohérence. L’accord est absolument idéal. Nous continuons à boire le vin du Jura avec du comté comme il se doit.

Dans l’après-midi mon fils nous rejoint et reste à dîner. Il finira les deux vins qui sont toujours aussi bons et riches et il boira du Château Bastor Lamontagne 1929 que j’avais ouvert pour le déjeuner récent dans ma cave et qui brille encore aussi bien par son parfum que par son goût raffiné et profond. Sa couleur est devenue absolument noire mais le vin est bon. Il en restera une goutte pour demain.

Déjeuner de vins anciens dans ma cave jeudi, 9 décembre 2021

Deux amis viennent déjeuner dans ma cave. Ma collaboratrice a acheté de quoi faire un menu : sushis et sashimis / foie gras / pâté en croûte / saint-nectaire et comté / tarte aux pommes.

Le matin, avant 9 heures, j’ouvre le vin rouge et le liquoreux. A 11 heures j’ouvre le champagne. Tout est prêt quand les amis arrivent.

Le Champagne Krug Private Cuvée années 60 a un bouchon parfaitement cylindrique d’un beau liège, qui résiste un peu à la levée. Il n’y a pas de pschitt. La couleur du champagne est claire pour un champagne de soixante ans et la bulle est très visible dans le verre. Ce qui caractérise ce champagne c’est la pureté, puis la précision. Il est vif, cinglant et noble. C’est vraiment un grand champagne. Il est poli avec les sushis et c’est surtout avec le foie gras qu’il prend son envol. C’est un élégant champagne au long finale.

Le Vosne-Romanée Morin Père & Fils 1945 a un niveau un peu bas. La couleur du vin variera dans nos verres en fonction de la hauteur dans la bouteille, claire au début et de plus en plus sombre, laissant en fond de bouteille une lie que je boirai avec bonheur. Le vin un peu frais a une petite amertume au début qui s’estompe quand il se réchauffe et devient résolument bourguignon avec une belle personnalité. Il est charpenté, a un peu de café discret et sa solidité me séduit. Pour 76 ans il a une vigueur convaincante. Le saint-nectaire a dû rester de longues semaines sur l’étal du marchand, car il est d’une puissance dévastatrice et le Vosne-Romanée s’en accommode idéalement.

Il y a environ une quinzaine d’années, à Saint-Emilion, j’avais débusqué chez un marchand un lot impressionnant de vieux sauternes dont plusieurs Bastor Lamontagne des années 1900, 1911 et 1929. L’année était marquée sur le papier d’emballage de chaque bouteille, mais lors de déménagements et de rangements les papiers se sont envolés ou effacés. Par bonheur le bouchon lisible indique 1929.

Le Château Bastor Lamontagne Sauternes 1929 a une bouteille de très beau niveau et une couleur très sombre. Dans le verre le vin est marron et dense. Le parfum est superbe et élégant, d’une belle finesse. En bouche il est gourmand, raffiné et on dirait que la tarte au pomme a été faite pour lui.

C’était l’occasion de faire constater à mes amis que des vins de plus de 70 ans peuvent vieillir remarquablement, même s’ils ne sont pas des vins que tous les amateurs s’arrachent. Ils sont d’années mythiques, 1945 et 1929 et ils expriment la beauté de ces années.

J’ai une fois de plus servi le calvados d’un de mes chauffeurs qui est d’une qualité infinie, si pur et d’une pomme si fraîche. Ce déjeuner d’amitié a été un grand moment.

Rousseau et Rayas mardi, 30 novembre 2021

Un ami avait repéré il y a longtemps le restaurant secret où je trouvais de belles bouteilles à des prix incitatifs. Il a profité de cette opportunité et l’idée lui vint que nous allions ensemble en ce lieu pour partager de belles bouteilles. Nous serons trois au restaurant l’Ecu de France.

Nous commençons par un Champagne Jacques Selosse Substance dégorgé en novembre 2017. Ouvert depuis peu il montre une certaine amertume qui va s’estomper assez rapidement. C’est un champagne imposant et sans concession.

Le menu que nous prendrons est : brunoise de saumon et crémeux de poissons / volaille fermière de Culoiseau, petits légumes, jus légèrement corsé / Cantal affiné, brie de Meaux aux brisures de truffes / crème brulée, pomme paysanne, amandes au lait de coco, glace caramel au beurre salé.

Le Chambertin Armand Rousseau 2013 est frais, subtil, charmant et délicat. C’est la perfection d’un jeune chambertin.

Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2007 a une puissance énorme, virile. C’est un conquistador.

Je préfère nettement le chambertin pour sa subtilité. Je pensais que Rayas était le plus bourguignon des Châteauneuf-du-Pape, mais mis face à face, ils sont complètement dissemblables.

Une bonne leçon à noter : ne jamais mettre ces vins ensemble, car ils brilleraient mieux si on les boit séparément. En une autre occasion j’aurais adoré le Rayas, mais ici, le Rousseau est inapprochable.

Le déjeuner fut fort agréable dans cette maison où je me sens en famille.

Un beau champagne de 1976 dimanche, 28 novembre 2021

Ma fille viendra demain dîner à la maison avec ses deux enfants. Je cherche des vins en me promenant dans ma cave. Mon œil est attiré par la belle étiquette d’un Château La Cabanne Pomerol 1955. Je prends la bouteille en main et je constate hélas que le niveau est plus bas que le bas de l’épaule. Il est exclu que je la repose sur place aussi nous essaierons de la boire. Par précaution je prends un Clos René Pomerol 1950 au niveau superbe. Je continue à arpenter les allées de la cave et je choisis un Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant 1976 dont la bouteille biseautée est magnifique.

Le lendemain vers 16 heures je vais procéder à l’ouverture du pomerol. Je découpe la capsule et je constate que le bouchon est tombé dans le vin. Décidément, je n’ai pas de chance avec ce vin. Le parfum est particulièrement pur. Aucun signe d’acidité, de déviation ou de moisissure. A priori le vin n’est pas affecté par la chute du bouchon qui n’est peut-être apparue que lorsque j’ai soulevé la bouteille. Nous allons donc l’essayer.

Au moment de l’apéritif, j’ouvre le Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant 1976. Un tout petit pschitt salue l’ouverture du bouchon de belle qualité. Le vin est d’une belle couleur dorée et la bulle est active. Dès le premier contact on ressent la noblesse de ce champagne. Il est vif, long et intense. C’est un champagne noble mais aussi plaisant. Sa rémanence en bouche est impressionnante. Il a une belle personnalité.

Sur un plat de légumes le Château La Cabanne Pomerol 1955 se montre sans défaut. Il est riche, profond avec des notes truffées. Ma fille, à qui je n’ai pas raconté les malheurs de ce vin, l’aime beaucoup, comme moi. Il est superbe sur un fromage de chèvre de grande qualité. C’est un beau pomerol.

Pour la tarte au pomme je prélève dans l’armoire à alcools un Madère Misa probablement de 1929 puisque j’ai des madères Misa de 1929. Il est un peu moins vif que ce qu’il devrait puisqu’il a été ouvert il y a longtemps mais il a suffisamment de charme pour que nous l’appréciions.

C’est le champagne qui s’est imposé comme le meilleur de cet agréable repas.

Déjeuner de conscrits à l’Automobile Club vendredi, 19 novembre 2021

Le lendemain du déjeuner de conscrits d’école, un déjeuner me fait retrouver mes conscrits par l’âge à l’Automobile Club de France. Le site magnifique de ce club sur la place de la Concorde a été rénové avec beaucoup de goût pendant la période de confinement. L’ami qui nous invite fait servir un Champagne Ruinart 2010. Je le trouve très supérieur à l’image que je m’en faisais. Extrêmement consensuel, il représente une belle image de la Champagne.

Je voulais prendre des cèpes dont c’est la saison avec des escargots en persillade, mais le jeune serveur nous dit : en fait ce ne sont pas des cèpes. Ce ne sera pas la seule surprise. Mon choix se portera sur un foie gras poêlé et champignon farci, plat délicieux.

Le Château Montrose Saint-Estèphe 2012 est un enfant doué, mais mon Dieu qu’il est jeune ! Quand je dis que ce vin sera magnifique dans trente ans, un des amis me dit qu’il y a peu de chances que nous puissions le vérifier.

Nous sommes une majorité à avoir choisi le ris de veau croustillant aux blettes. Le Corton Château de Corton Grancey 2012 a le même âge que le bordeaux mais il dégage un charme redoutable qui fait oublier sa jeunesse. Sur le ris de veau cuit très exactement le vin dégage des complexités raffinées. Il est très agréable à boire. Nous continuerons à le boire sur un délicieux brie bien onctueux. Sa subtilité bourguignonne est entraînante.

Pour les desserts, nouvelle surprise. Il n’y a plus le traditionnel chariot de desserts mais une vitrine fixe au loin, qui ne nous donne pas envie de quitter la table pour aller voir. Pour plusieurs desserts, le serveur nous dit qu’il n’en reste plus qu’un ou qu’il n’y en a plus. J’ai pu goûter le seul millefeuille qui restait, nommé feuille à feuille chocolat au poivre Sarawak. Nous avons quand même tous eu des desserts qu’accompagnait un Château Suduiraut Sauternes 1978 absolument éblouissant, solaire, radieux d’une énergie puissante et d’une suavité extrême.

Pour continuer dans l’étonnant, la table avait été retenue par un ami, membre de l’Automobile Club alors que c’est un autre ami qui nous invitait. Vers 15 heures un serveur vient chuchoter à l’oreille du membre du club qu’il serait bon qu’il règle la note, car la caisse va se fermer. Il prévient l’ami invitant qui nous quitte le temps de payer son écot. Dans ce si beau cadre où la cuisine a fait de sensibles progrès, il y a encore des points à améliorer, fort heureusement bénins.

Le Suduiraut 1978 a été l’illumination de ce repas, suivi du Corton Grancey de haute qualité. Les soubresauts parfois délirants de l’activité internationale ne nous ont pas privés de sujets de conversation.

Champagne du 11 novembre vendredi, 19 novembre 2021

Le 11 novembre est un jour férié alors que les poilus sont depuis longtemps dans des tranchées éternelles. Ma femme a prévu des coquilles Saint-Jacques que nous mangerons d’abord crues, et ensuite légèrement poêlées avec des pommes de terre passées au four. C’est une invitation à ouvrir un champagne. Ce sera un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1983. Ce champagne fait de 70% de pinot noir et de 30% de chardonnay a été dégorgé en 1989. Le muselet est fermé par un joli écusson en métal gris. Le bouchon est beau et libère un pschitt très discret.

La bulle est active et la couleur du champagne est joliment dorée. En bouche le champagne est vif, viril et cinglant. Il sait se montrer accueillant aux coquilles Saint-Jacques. C’est manifestement un champagne de gastronomie qui ne fait pas son âge tant est belle sa vivacité.

dîner au restaurant l’Oiseau Blanc de l’hôtel Peninsula dimanche, 31 octobre 2021

Des amis sont de passage à Paris. Nous les voyons fréquemment dans le sud et ils nous invitent à dîner au restaurant l’Oiseau Blanc de l’hôtel Peninsula, car ils ont envie de goûter le lièvre à la royale du chef David Bizet qui fut nommé champion du monde du lièvre à la royale il y a peu d’années. Leur voyage à Paris est lié à l’anniversaire de Valérie, qui se souhaitera dans plusieurs grands restaurants parisiens. Je m’enquiers discrètement de sa date de naissance.

Par ailleurs j’appelle Florent Martin, sommelier du restaurant, qui a été nommé meilleur sommelier français 2020 et que j’avais rencontré lors d’une visite dans le territoire de l’appellation Jasnières. Il m’invite à apporter du vin si je le désire.

L’idée me vient de choisir des vins qui conviendraient au lièvre à la royale dans des directions si possibles extrêmes. L’idée me plait et je cherche des vins du millésime de Valérie. J’apporterai un Vega Sicilia Unico vin solide qui créera un accord naturel, un Château d’Arlay Côtes du Jura qui peut provoquer le lièvre et enfin un Château de Cérons, vin doux des Premières Côtes de Bordeaux qui peut apporter des douceurs à un accord hors des sentiers battus.

Notre table au restaurant est dans un bel espace où nous avons une vue magnifique sur la Tour Eiffel dont les lumières scintillantes créent de beaux effets sur les nuages gris d’une soirée pluvieuse.

Pour l’apéritif, Valérie choisit un champagne de Selosse Elle demande Version Originale et Florent Martin revient de la cave et nous annonce qu’il n’a pas ce champagne mais qu’il a un Substance, non présent sur la carte, ce qui nous comble d’aise. Sur les délicieux petits amuse-bouches nous allons juxtaposer le Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en octobre 2020 et le Château d’Arlay Côtes du Jura 1973.

Le champagne est extrêmement vif et très sauvage comme tous les champagnes de cette grande maison. Le vin du Jura a une couleur plus ambrée que celle du champagne elle-même ambrée. Il est d’une rare puissance et d’une richesse aromatique remarquable. Je n’aurais jamais imaginé que le vin d’Arlay se montrerait plus brillant que ce champagne mythique. Tant mieux pour le Jura, car on se régale avec ce vin très long. Une palourde et un kouglof sont magnifiquement goûteux.

Nous consultons les menus et la carte. Les plats que j’ai choisis sont : tagliatelle de butternut, vieille mimolette, truffe blanche d’Alba, cappuccino fromentin / lièvre à la royale, tartare de champignon, râble rôti, diable, sénateur Couteaux/ fromages / chocolat Criollo, écume de bois de hêtre, condiment fumé, ganache chocolat.

Le plat de tagliatelle est délicieux, mais le butternut efface un peu la truffe blanche. J’aurais aimé que dans un coin de l’assiette il y ait un petit morceau de truffe pour pouvoir en croquer un peu, même s’il ne faut pas rêver tant ce champignon est hors de prix. Le vin du Jura est parfait sur ce plat.

Le lièvre à la royale a une présentation d’une rare beauté. Nous aurons les trois vins que j’ai prévus. Dès la première bouchée, je sais que je suis au sommet de l’Olympe. Ce lièvre puissant est remarquable. J’ai fait ouvrir au dernier moment le Vega Sicilia Unico 1973, oubliant que ce vin n’est plus jeune. Cela n’a pas affecté son goût superbe. Ce vin est d’un charme absolu avec une fraîcheur rare. C’est un vin que j’adore, d’une maturité idéale. Il est puissant mais tout velours. Il n’y a pas de meilleur accompagnant du lièvre.

Nous avons trois assiettes, l’une du lièvre avec sa lourde sauce au sang, la deuxième de morceaux de lièvre traités comme un gibier et la troisième d’une purée. Le vin espagnol convient parfaitement au lièvre à la royale, le vin du Jura s’associe très bien au lièvre traité en gibier et le Cérons Château de Cérons 1973 est idéal pour accompagner la purée. Passer d’un vin à l’autre en passant d’une assiette à l’autre magnifie notre plaisir. Le Cérons est assez puissant mais moins qu’un sauternes ce qui permet de passer d’un vin à l’autre. Franc, doux, typé, il a une belle personnalité. J’adore ce liquoreux expressif.

Les trois vins et le champagne trouvent des occasions d’accords avec les fromages. Nous avons hésité longtemps entre le dessert au chocolat et le dessert à la vanille. J’ai choisi celui au chocolat qui permet de trouver des accords que la vanille ne pourrait pas susciter.

La cuisine de David Bizet est d’une grande précision de saveurs comme on le remarque avec l’élégance des amuse-bouches, grands indicateurs du talent d’un chef. Le service de table et le service du vin ont été d’une grande efficacité. Cette table a tous les atouts pour connaître un grand succès.

mes trois vins dans la cave

Dîner au restaurant La Tour d’Argent samedi, 30 octobre 2021

Un ami italien qui a participé à plusieurs de mes dîners m’appelle et me demande si je serais partant pour partager avec lui au restaurant La Tour d’Argent un Ermitage Cuvée Cathelin de la maison Chave. L’idée me plait car les occasions de boire ce vin mythique sont rares.

Lorsque je me présente au restaurant, j’ai mon masque sur le nez. Le réceptionniste me dit « bonjour monsieur Audouze ». La table ayant été réservée par mon ami, je suis étonné qu’on ait pu me reconnaître. Je m’en étonne et il me répond : « si je ne vous avais pas reconnu il faudrait que je change de métier ». Voilà qui met de bonne humeur.

Lorsque je monte à l’étage du restaurant je vois mon ami qui étudie la liste des vins dans un livre d’une épaisseur qui inspire le respect. Il suggère que nous prenions un Auxey-Duresses Domaine d’Auvenay et avec le sommelier nous choisissons les millésimes, 1998 pour le vin blanc et 1995 pour le vin rouge.

Nous choisissons les plats que nous prendrons. Pour moi ce sera : cèpes confits au beurre d’ail et sarrasin torréfié, Guanciale Al Pepe voilé à l’huile de cerfeuil / ris de veau fermier doré au sautoir à l’huile de noisettes, endives braisées au pralin, jus torréfié.

Le sommelier apporte l’Auxey-Duresses Domaine d’Auvenay 1998 et se verse une belle dose dans un verre pour goûter le vin. Il nous sert et dès la première gorgée mon ami et moi sentons que le vin est plat. L’énergie qui est une des caractéristiques de ce vin fait par Lalou Bize-Leroy n’est pas au rendez-vous. Je n’ai aucune envie de discuter avec le sommelier de son diagnostic lorsqu’il a bu le vin aussi serons-nous obligés de voyager avec cet Auxey-Duresses qui ne montre qu’une pâle image de ce qu’il pourrait être.

Lorsque le sommelier avait ouvert la bouteille nous avons vu qu’il peinait et que des miettes de liège étaient tombés dans le vin, ce qui ne devrait jamais se produire avec un vin si jeune. Le bouchon humide avait donc été imprégné par le vin dans la cave du restaurant. Les amuse-bouches sont particulièrement simples et la mise en bouche de saumon fumé est très simple également.

Le plat de cèpes est délicieux et gourmand avec une sauce divine. C’est un plat simple mais bien fait qui va réveiller le vin blanc.

J’avais demandé que le vin rouge soit ouvert seulement au moment où le ris de veau serait servi. C’est ce qui fut fait et mon ami a pu constater ainsi à quel point la fraîcheur du vin qui éclot est pertinente. Le vin n’a pas le flamboyant que doit avoir un Cathelin, mais cet Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1995 est un grand vin. Le ris de veau est parfaitement cuit et sa sauce est superbe.

Les deux vins vont se révéler vraiment au moment des fromages de grande qualité. Du moins nous faisons tout pour nous persuader qu’ils retrouvent leur splendeur.

Ne prenant pas de dessert nous recevons des mignardises qui ne sont pas dignes d’un restaurant historique et emblématique de la cuisine française. Le chef Yannick Franques qui est MOF 2004 a incontestablement du talent dans une cuisine bourgeoise simple et goûteuse mais il devrait rehausser le niveau de ses ambitions culinaires. Il est très probable que ce jugement sur la cuisine est influencé par la déception pour les vins.

Nous avons passé une excellente soirée car nous étions heureux de nous revoir, mais on ne peut pas cacher un regret quand deux vins emblématiques ont offert une partie seulement de ce dont ils sont capables.