Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Deux splendides Pauillac 1990 samedi, 25 juillet 2020

L’amie que nous avions reçue il y a peu nous invite chez elle et nous reçoit avec son fils. Elle a mis les petits plats dans les grands. Pour l’apéritif nous aurons du saumon fumé, de délicieux morceaux de camerones servis avec des œufs de caille, du foie gras à la figue, et des tranches de jambon fumé.

Le Champagne Deutz, Cuvée William Deutz 2002 est plaisant et confortable. Comme l’Amour de Deutz il a un splendide équilibre qui fait que l’on se sent bien en le buvant. Il est moins complexe que l’Amour de Deutz, mais son épanouissement le rend convaincant. Il est très agréable.

Depuis la mort de son mari, notre amie a très peu acheté de vin et elle me proposer d’aller avec son fils choisir le vin du repas en cave. Elle nous a annoncé les plats. Sans nous être concertés avant, nous pensons tous les deux à Pauillac. Et notre choix se porte sur Château Pontet-Canet 1990.

Sur les pommes de terre à la truffe, le Château Pontet-Canet 1990 est la quintessence d’un bordeaux élégant. Il est fort, puissant, évoque la truffe, mais surtout il a atteint une maturité parfaite. Il a trente ans et semble fait pour l’éternité. C’est un très grand vin aux accents riches de truffes. Il est raffiné, élégant et complexe. Il est au-dessus de l’idée que je m’en faisais.

Pour les tranches de foies gras poêlés aux copeaux de pomme et un écrasé de pomme de terre, il faut retourner en cave et le choix le plus pertinent est un autre Pauillac, Château Haut-Bages Averous 1990. Ce vin est aussi brillant, aidé par le millésime exceptionnel et ce qui est amusant est que mon amie et son fils préfèrent le Haut-Bages Averous qui est plus facile d’accès alors que je préfète le Pontet-Canet, plus complexe et plus vif. Comme quoi le goût est subjectif.

Le brie fourré à la truffe est absolument délicieux et s’accorde parfaitement au Pauillac.

Cela fait bien plus de quarante ans que je n’avais mangé une glace Mystère recouverte de praliné croquant. Quel plaisir de renouer avec des souvenirs car il fut une époque où le Mystère était souvent présent sur nos tables. Un vrai bonheur que ce dessert à la vanille avec un peu de meringue. Il a parachevé ce repas d’amitié où deux Pauillac de 1990 ont été particulièrement brillants.

Amour de Deutz 2009 samedi, 25 juillet 2020

Nous retournons au restaurant Hemingway à La Londe des Maures qui est situé sur une vaste plage de la baie d’Hyères. Nous aimons l’ambiance et l’atmosphère et nous avons la chance d’avoir un serveur très compétent. Ayant eu beaucoup de plaisir avec le champagne lors de la dernière visite, je commande à nouveau un Champagne Deutz Amour de Deutz 2009.

Le menu sera : Dim Sum raviolis crevettes, sauce thaï et sauce piment / thon mi- cuit au curry Madras, champignons sautés, quinoa aux agrumes, salade exotique, sauce mangue épicée / croustillants chocolat praliné Valrhona, glace vanille. Tout cela est simple et facile à manger, et les épices en abondance rendent tout délicieux.

Le champagne est une vraie réussite. On ne se pose aucune question car son équilibre est parfait et il se laisse boire, joyeux et rafraîchissant. Il participe à notre joie de venir en ce lieu qui donne du sens aux vacances en été. On en redemande !

Deux vins de 2007 remarquables samedi, 25 juillet 2020

Des amis viennent dîner à la maison et nous prenons toutes précautions pour éviter la transmission possible d’un virus qui nous aurait rejoints à l’insu de notre plein gré. L’apéritif comporte de l’anchoïade, du jambon Pata Negra, des pignons et du gouda au pesto. Le Champagne Delamotte Brut sans année sur une base de champagne de millésimes autour de 2012 est servi en magnum. Je l’ai ouvert une heure avant et il s’était exprimé par une belle explosion. Avant de grignoter les mets de l’apéritif je fais faire à chacun l’expérience de goûter une fraise puis de boire le champagne. La fraise propulse le champagne à des hauteurs insoupçonnées. Le champagne devient frais et aérien.

Le champagne est un aimable compagnon de l’apéritif, précis mais relativement peu complexe. Il est vif avec l’anchoïade et le jambon ibérique, mais essoufflé avec le gouda. J’aime beaucoup les champagnes du cousin du champagne Salon, mais je préfère leur blanc de blancs à ce brut. Il nous a aimablement désaltérés.

La première entrée est d’une coquille Saint-Jacques juste poêlée surmontée d’une fine tranche d’anguille fumée. Le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 2007 ouvert à 16 heures m’avait gratifié d’un parfum extraordinaire où se trouvaient des accents raffinés de fruits rouges. Le vin servi maintenant a le même parfum envoûtant. En bouche il est riche plein, dense. Certains amis lui trouvent des accents de sauternes. Je ne partage pas cette idée car le vin est résolument sec. Son ampleur est magistrale.

La seconde entrée est du cœur de saumon fumé de la maison Kaviari que ma femme et moi adorons. Le vin blanc est magistral et noble, riche et long en bouche. C’est la noblesse la plus pure du vin blanc ce Bourgogne, avec un parfum irréellement intense.

Le plat principal est un veau basse température qui a cuit tout l’après-midi, d’une tendreté rare. Il est accompagné par du riz blanc et des pignons. Le Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau magnum 2007 a été aussi ouvert à 16 heures et m’avait offert un parfum aussi riche et raffiné que celui du Chevalier-Montrachet. Le vin servi dans les verres embaume. Ce vin a toutes les qualités d’un grand Châteauneuf. Il est riche et intense, offre de la garrigue et du romarin et aussi des suggestions d’olives. Sa râpe est très agréable. L’accord avec le plat est idéal. Ma voisine qui avait gardé un peu de vin blanc me dit que l’accord du veau et du vin de Bouchard est aussi très grand, ce que j’imagine volontiers.

Le vin se comporte mieux sur un camembert Jort que sur un saint-nectaire dont le côté crémeux freine le vin du Rhône.

Sur une tarte aux abricots j’ouvre sur l’instant un Champagne Dom Pérignon 2004 qui brille par sa fraîcheur et son élégance. C’est un champagne qui convient à toutes les situations, à la belle complexité.

Les vedettes de ce repas sont les deux vins de 2007, quasiment ex-aequo, avec peut-être une courte longueur d’avance pour le Chevalier-Montrachet à la richesse infinie.

Premier dîner post confinement avec une amie jeudi, 16 juillet 2020

C’est la première fois que nous recevons à la maison depuis quatre mois, du fait du confinement. Nous invitons une amie qui a perdu récemment son mari et qui m’avait offert il y a quelques mois une bouteille de vin de la cave de son mari, afin que nous la buvions à sa mémoire.

L’apéritif consiste en des tranches fines de poutargue présentée enveloppée dans de la cire d’abeille au lieu de la cire blanche habituelle. Cette poutargue ou boutargue est particulièrement bonne. Il y a aussi de fines tranches de Cecina de Léone, et un gouda au pesto. Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996 a un bouchon qui sort sans effort, en faisant un pschitt bien marqué. La couleur est d’un ambre clair et la bulle est active. Le premier mot qui me vient à l’esprit avec ce champagne, c’est « confortable ». Cet Henriot est extrêmement consensuel au sommet de la qualité. Il y a des champagnes plus vifs ou plus typés, mais celui-ci apporte de la joie de vivre et de la sérénité. Il est grand, aimable et confortable. Il est aussi gastronomique, à l’aise sur chaque saveur de l’apéritif. Si je devais imager ce champagne, ce serait Gary Cooper, acteur élégant et consensuel.

L’entrée est de foie gras. Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1975 ne fait aucun pschitt à l’ouverture. La bulle est fine mais rare, la couleur est un peu plus ambrée que celle de l’Henriot. Le champagne est noble et plaisant, un peu plus complexe que l’enchanteleur, mais il n’est pas avantagé d’être servi après le 1996. Il aurait fallu inverser l’ordre de service, car le Mumm montre des signes de vieillesse. Il a en lui de beaux fruits orangés, une belle vivacité, mais le champagne Henriot lui fait un peu d’ombre.

C’est avant 16 heures que j’avais ouvert le cadeau de notre amie. Le Château Lafite-Rothschild 1988 a un niveau dans le goulot, à moins de deux centimètres sous le bouchon. Estimant que son âge est faible j’imagine pouvoir tirer le bouchon avec un classique limonadier. Je tire doucement, avec beaucoup de précautions mais à un moment, je sens que le bas du bouchon se déchire et je n’extirpe que les quatre cinquièmes du bouchon, la lunule du bas restant en place. Je me prépare à utiliser une longue mèche pour faire sortir la lunule, et j’entends comme une explosion. Des gouttes de vin sortent d’un coup et arrosent la table dans un périmètre de cinquante centimètres, pour une seule raison : en tirant doucement, j’ai créé une dépression de l’air sous le bouchon. La lunule était remontée, puis aspirée par la dépression, lâchant des gouttes de vin par le goulot. Ce phénomène surprenant m’était déjà arrivé mais j’avais oublié que c’était possible. Si j’avais utilisé la longue mèche dès le début, cet incident ne serait pas survenu.

J’essaie sans y croire de piquer une mèche dans la lunule, mais elle tombe dans le liquide. Il faut donc carafer le vin puisqu’il ne sera bu que dans six heures. En versant le vin en carafe je vois qu’il y a un peu de lie. J’arrive à faire sortir la lunule, je nettoie la bouteille et je verse le vin carafé dans la bouteille, constatant que le niveau n’a pratiquement pas baissé, les fines gouttes explosées ne représentant qu’un volume très faible.

Sur des côtelettes d’agneau aux herbes de Provence, je verse le Château Lafite-Rothschild 1988. La couleur est très jeune, presque noire. Le nez est puissant de charbon ou de mine de crayon. On sent la densité que ce vin promet. En bouche, le vin est noble, racé, puissant et conquérant. C’est manifestement un grand vin, mais peut-être – et je suis sans doute exagérément critique – un peu trop « propre sur lui ». C’est-à-dire qu’il est le premier de la classe, ayant réponse à tout, mais que les jeunes filles vont ignorer dans les surprises-parties, parce qu’il n’est pas assez canaille.

Riche, truffé et dense, c’est un vin parfait, un peu trop lisse pour que j’en tombe définitivement amoureux.

Un délicieux moelleux au chocolat à la densité calorique d’un trou noir a parachevé ce premier dîner d’amitié après quatre mois de confinement. Quel bonheur !

Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant Bleu 1971 dimanche, 12 juillet 2020

Il restait beaucoup de crustacés du copieux plateau de fruits de mer. Je ne pouvais me résoudre à ne boire que de l’eau. Je choisis en cave une très jolie bouteille de Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Diamant Bleu 1971. Cette bouteille a une forme de quille de bowling, qui ressemble un peu aux bouteilles anciennes de Lanson. La capsule de ce champagne est probablement la plus belle de toutes celles que je connais avec une magnifique couleur bleue et des lettres jaunes.

Le bouchon vient sans faire le moindre pschitt. La couleur est joliment ambrée. Il n’y a aucune bulle mais dès la première gorgée je ressens que le pétillant est là. Le parfum est celui d’un champagne mature et le Diamant Bleu fait plus que son âge. Je connais des champagnes des années 50 qui sont plus jeunes que lui. Ma première impression est celle du goût d’un sauternes. On sent du miel, du pamplemousse confit, et son acidité est vivante, intense dans le palais. C’est un champagne fort qui occupe l’espace. Il tient parfaitement son rôle sur le plateau de fruits de mer, mais c’est sur un camembert moulé à la louche de la coopérative d’Isigny Sainte-Mère que je l’ai préféré car le fromage domestique son acidité et lui donne rondeur et longueur.

C’est un joli champagne, un peu plus vieux qu’il n’aurait dû.

Bollinger VVF 1999 samedi, 11 juillet 2020

Dans la commune du sud où nous passons nos vacances, au port, une brasserie propose des plateaux de fruits de mer. Des amis nous les avaient conseillés et nous avions vérifié l’intérêt de ces plateaux. Ce soir, ce sera plateau de fruits de mer, avec des huîtres fines de claires numéro trois, des crevettes, des gambas et des pinces de crabe royal.

Pour les huîtres, un champagne s’impose. Mais il faut un champagne qui sache aussi se comporter honorablement avec les gambas et les pinces de crabes. Un blanc de blancs est exclu et je jette mon dévolu sur un Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999. Ce champagne de production microscopique est issu de vignes préphylloxériques, ce qui lui donne une aura particulière.

Je l’ouvre deux heures avant le repas, car j’ai envie qu’il prenne de la largeur. Le pschitt à l’ouverture est très affirmé. Le bouchon est d’un cylindre parfait. Je m’autorise à en boire un peu juste à l’ouverture. Il est riche, solide comme un roc, et puissant. Il a une forte personnalité avec des évocations d’abricot, et ce qui m’étonne, c’est qu’il a du gras, mais un gras noble, de présence et d’ampleur. Je sens qu’il sera gastronomique, comme je le souhaitais.

Quand nous nous mettons à table, le champagne est parfait sur les huîtres, qui lui donnent un caractère tranchant. Sur les crevettes et gambas, le champagne devient un bloc de marbre, ou plutôt une pyramide égyptienne. Car il est massif mais aussi porteur d’évocations sensibles. Ce champagne combine une puissance certaine avec une belle sérénité et une faculté de s’adapter à toutes les saveurs.

En fin de compte ce champagne adaptatif, à l’aise dans toutes les situations, n’est pas très complexe. Il est franc, plus que complexe. Mais comme il occupe l’espace, on en peut que l’aimer. C’est son adaptabilité qui m’a convaincu. Si je devais donner de lui une image préphylloxérique, ce serait un soldat de l’an II, en uniforme d’apparat, honoré par Napoléon.

Clos de Tart 2004 lundi, 6 juillet 2020

Je suis allé faire des emplettes chez le poissonnier de la gare d’Hyères. N’ayant pas la sagesse de ma femme et ayant sans doute les yeux plus gros que le ventre, j’ai acheté beaucoup trop. Ce soir nous aurons profusion de camerones, et le bar de ligne sera reporté au lendemain.

D’instinct, je choisis dans l’armoire fraîche des vins rouges un Clos de Tart 2004. Et je l’ouvrirai au dernier moment. Le bouchon n’est pas imbibé, comme neuf. Le premier parfum est de la fraîcheur pure. On sent la Bourgogne terrienne mais raffinée. En bouche, c’est un petit moment de bonheur. Le vin est frais, pur, délicat, élégant et expressif. Et on ressent son côté bourguignon qui est de ne pas chercher à plaire. Le vin me dit : essaie de me comprendre. Et l’on voit passer dans le cerveau les sillons tracés entre les rangées de vigne, la terre riche et hospitalière, l’amertume de la grappe et ce final du travail bien fait. Pour moi, ce vin est la Bourgogne élégante et délicate qui m’évoque immédiatement celui qui a fait ce vin, Sylvain Pitiot, qui a tant fait pour ce domaine.

Les camerones sont goûteux et leur chair intense se marie très bien avec vin qui est d’un charme rare, tout en suggestion. Le vin ne fait pas partie des puissants, ni des follement complexes, mais j’aime son authenticité.

Il reste du vin le lendemain pour accompagner le bar de ligne de belle taille. Sa chair blanche est fine et raffinée. Comme aucun accompagnement n’a été prévu, la chair ne provoque pas le vin qui montre un peu plus son amertume. Comme il n’est pas conquérant, il reste sage et s’il m’émeut encore, je n’ai plus la vibration de la veille. Clos de Tart 2004 est un vin délicat qui s’écoute religieusement.

Amour de Deutz 2009 lundi, 6 juillet 2020

A La Londe des Maures, sur une jolie plage où d’imposants pins parasols protègent les vacanciers du soleil, un restaurant s’est implanté, le restaurant Hemingway. La très jolie décoration est d’influence balinaise avec de hauts totems et des bois flottés. La cuisine est d’inspiration orientale ou Thaï. Le menu est disponible sur table à chaque place comme un set de table et la carte des boissons est consultable sur smartphone en scannant un carré magique.

Les plats que j’ai commandés sont Dim Sum à la vapeur à la cantonaise, filet de daurade assorti de riz et cheesecake aux fruits rouges. Je demande un Champagne Deutz Amour de Deutz 2009. Il est servi avant les plats, avec une tapenade très légère.

Dès la première gorgée, mon cœur se réjouit. Ce champagne est un rayon de soleil. Cohérent, équilibré, jouant juste, il a tout ce que j’aime, joie de vivre et dynamisme. Je ne m’attendais pas à le trouver à ce niveau de plaisir.

Ce qui est curieux, c’est que la cuisine très épicée ne lui convient pas vraiment. Pendant tout le repas, il n’offrira pas le rayon de soleil du début, tout en restant fort agréable. La sauce salée au soja dans laquelle baigne la daurade joue effectivement un rôle de frein à la grâce de cet Amour.

Le champagne reprendra des vigueurs sur le cheesecake. Il m’aura suffi d’un moment éblouissant à la première gorgée pour que je sois enchanté par ce beau champagne.

Hermitage La Chapelle 1990 samedi, 27 juin 2020

Depuis le début du confinement – on a de nouveaux repères historiques inconnus dans le monde d’avant – nous n’avions pas mangé la moindre viande. L’envie était là. Je vais chez notre traiteur favori et ami et je prends une belle côte de bœuf de Simmenthal. Elle est bien grasse. Cédric rappelle les instructions de cuisson, trente minutes au four à 40° puis tourne et retourne sur la poêle. J’ajoute de la rillette et un fromage Jort à boîte bois marquée au fer.

Je choisis en cave un Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1990. C’est une très grande année. J’ai bu ce vin six fois dont quatre fois dans mes dîners et je l’ai toujours apprécié. Alors que ce vin a déjà trente ans, l’envie me prend de l’ouvrir au dernier moment, comme je le fais volontiers pour les vins très jeunes. Je suppose qu’avec la puissance de ce bel Hermitage, cela a un sens. Le vin est placé dans une mini cave à 14° jusqu’à l’ouverture.

Le niveau du vin est à trois centimètres sous le bouchon. Le bouchon vient facilement. La couleur dans le verre est noire, comme celle d’un vin de l’année. Le nez est très conquérant. On sent la puissance extrême. Le premier contact en bouche est très boisé, mais cela va disparaître, car le premier verre contient du vin qui était au contact du bouchon. L’accord avec la viande forte et goûteuse est idéal.

Le vin exprime une puissance extrême. L’image qui me vient est celle d’un cheval sauvage noir qui refuse d’être dompté. Car le vin est sans concession, avec des fruits noirs et une affirmation convaincante.

Mais il me manque quelque chose pour l’adorer complètement. Il manque de vibration. Il affirme et ne veut pas plaire. Il me semble que ce vin est à un moment charnière de sa vie. Il est encore très jeune mais il n’est plus jeune. Il n’est pas encore assez âgé pour que la puissance se transforme en complexité. A mon sens, ou plutôt à mon goût, il sera très brillant, grand parmi les grands, dans une vingtaine d’années.

Un signe qui joue en sa faveur. Je suis un fan du camembert Jort à la boîte en bois marquée au fer. Et l’accord totalement improbable entre ce fromage et Vega Sicilia Unico joue à la perfection. Il y a des amertumes et des acidités qui s’emboîtent l’une dans l’autre. L’essai avec l’Hermitage est concluant, il fonctionne idéalement. Bon point pour La Chapelle.

Le lendemain midi va m’apprendre beaucoup de choses. L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1990 a été rebouché et placé dans l’armoire cave à 14°. Ma femme a prévu des saucisses aux herbes de Provence. Je sers le vin qui est encore à 14°. Le nez est évidemment un peu pincé. La bouche est fraîche du fait de la température, mais le vin est fluide, joyeux, précis, et m’offre les vibrations que j’attendais hier. Il est charmant. Il n’est plus en puissance mais en fluidité guillerette. J’apprends ainsi deux choses. En période de quasi canicule, il ne faut pas hésiter à servir les vins plus frais que recommandé, surtout s’il s’agit de vins puissants comme celui-ci. La seconde leçon est que j’aurais dû pratiquer l’oxygénation lente, nommée « méthode Audouze », car à trente ans, un vin ne profite plus de la fragilité de son éclosion sur l’instant.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1990 est un grand vin, à ouvrir à l’avance, mais qu’il vaudrait mieux garder en cave encore une vingtaine d’années.

L’aventure continue le soir même. Le vin a été gardé à 14°. Il est donc servi frais. Immédiatement il dégage des accents de jeunesse, de gaieté et de fraîcheur. Et il offre de belles vibrations car il est fluide, charmant et épanoui. Il est évident que cela est dû à la continuation du processus d’aération. Cela montre que ce vin avait besoin de beaucoup d’aération. La prochaine fois que je l’ouvrirai, ce sera avec une dizaine d’heures d’avance avant son service. Je révise mon jugement. Ce vin qui gagnera à coup sûr de rester en cave vingt ans de plus peut être bu à son âge actuel, à condition de lui offrir une longue oxygénation.

Champagne Dom Pérignon 1970 dimanche, 21 juin 2020

Ma femme a prévu un bar pour ce soir. Par ailleurs il y a une boîte de caviar osciètre qui attend d’être consommée. Le plan que j’imagine est d’ouvrir un champagne qui sur deux jours accompagnera ces mets. Pour le caviar je prendrais volontiers un Champagne Salon 1997, mais pour le bar, je choisirais un Champagne Dom Pérignon 1970. Comme nous allons commencer par le bar, je choisis le 1970.

Le Champagne Dom Pérignon 1970 a une étiquette qui comporte le nom d’un importateur italien. Il fait donc une remigration dans son pays d’origine. Le bouchon très chevillé n’oppose aucune résistance et délivre un pschitt de bon aloi, même s’il est relativement discret. La couleur dans le verre est d’un bel or prononcé et le nez n’est pas significatif.

Dès le premier contact, ce vin ensoleille mon horizon. C’est de la joie qui explose. Le bulles sont toutes fines et discrètes. Le champagne suggère des fruits jaunes et un peu de miel. Ce champagne est un appel au bonheur. Il est intense et glorieux, nettement au-dessus de ce que j’attendais d’un 1970. L’accord avec le bar est superbe.

Le lendemain, le champagne a gardé la même couleur et je ressens qu’il est plus calme et plus structuré. Il est plus noble, moins dans un registre ensoleillé, plus dans un registre de précision. Le caviar osciètre prestige de Kaviari est magnifique avec un beau gras et une trace salée d’une longueur infinie. Le Salon 1997 eût été sans doute plus en harmonie avec le caractère tranchant du caviar, mais tel qu’il est, le Dom Pérignon offre beaucoup de plaisir.

Le caviar se mange avec du pain de campagne à peine toasté et du beurre, et c’est le beurre qui fait briller ces grains merveilleux, mais il faut toutes les trois bouchées, prendre du caviar seul, à la cuiller, pour se souvenir de extrême vivacité.

Le Dom Pérignon 1970 est décidément un très grand champagne.