Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner au Train Bleu de la Gare de Lyon vendredi, 4 octobre 2019

Ma belle-fille américaine et sa fille sont à Paris en même temps que ma nièce allemande. Il est intéressant de leur montrer l’un des restaurants les plus incroyables qui soient, le restaurant Le Train Bleu qui est au bout des quais de la Gare de Lyon. La décoration a été faite par les peintres les plus talentueux du 19ème siècle, donnant à cet espace gigantesque un cachet unique. Nous avons la table la plus centrale qui donne une vue sur les plafonds aux évocations de nombreuses villes de France.

Je demande à nouveau, comme la dernière fois, un Champagne Bollinger La Grande Année 2008 dont l’étiquette indique : élevé en fut, remué et dégorgé à la main. Le serveur qui nous a reconnus nous annonce que c’est la dernière bouteille. Nous trinquons et ce champagne me semble encore meilleur que le précédent, ample, opulent, mais aussi vif et charmant. Un grand champagne d’une grande année.

Nous prenons tous des plats différents. Les miens seront : fraîcheur de daurade et homard à la parisienne, vinaigrette de crustacés / aïoli de cabillaud vapeur, légumes d’été à l’huile d’olive des Baux de Provence / nage glacée de pêches infusées à la verveine fraîche, croustillant aux amandes.

Les plats sont superbes et bien cuisinés. La cuisson du cabillaud est absolument parfaite. Le Meursault Clos de Mazeray Monopole Domaine Jacques Prieur 2015 est généreux, joyeux, de beau fruit et de belle mâche. Il plait à mes convives car il est franc, lisible et raffiné. C’est un vin de plaisir.

J’ai poussé ma nièce à prendre un Paris-Brest qui est un péché de gourmandise à la puissance dix. Comme il est très copieux j’ai pu en goûter un morceau qui m’a donné envie de revenir au Train Bleu pour ne manger qu’un Paris-Brest qui est vraiment exceptionnel. Ce restaurant est inspirant.

Nouveau dîner de famille avec des vins plus classiques vendredi, 4 octobre 2019

Le soir même, un nouveau dîner réunit à la maison mon fils et ma nièce allemande. Pour elle on va explorer la cuisine de la France profonde, puisqu’il y aura des rillettes, des andouillettes avec un gratin de pommes de terre et des fromages. Le Champagne Salon 1999 est pour moi une heureuse surprise. Je considérais jusqu’à présent qu’il était encore trop jeune, or il offre une belle sérénité et de beaux fruits jaunes. Il est plein, glorieux et agréable à boire. Bien sûr il va encore s’épanouir, mais il est déjà d’un bel aplomb.

On se régale avec les rillettes et ce Salon. Pour les andouillettes j’ai ouvert peu avant le dîner un Vega Sicilia Unico Ribeira del Duero 1991. Le niveau dans le goulot est très haut et c’est une caractéristique de ce vin, comme des Côtes Rôties de Guigal de n’avoir quasiment jamais de pertes de volume. La couleur du vin est très rouge foncé et le parfum est d’une belle jeunesse, très intense et expressif.

En bouche ce qui me fascine toujours, c’est le finale. Car le parcours en bouche est riche, opulent, fait de beaux fruits noirs, et le finale au contraire est d’une fraîcheur presque mentholée. On ne dirait jamais que ce vin a 28 ans car il en paraît trois fois moins. C’est un régal dont on ne se lasse pas.

Les deux grands vins de ce soir ont des caractéristiques communes. Ils sont racés, riches et faciles à comprendre. C’est ce qu’il fallait pour ce repas aux plats typiquement français.

déjeuner au restaurant Pages avec un instant d’une émotion infinie vendredi, 4 octobre 2019

Un ami fidèle de mes dîners m’invite à déjeuner au restaurant Pages. Il apporte un champagne et je choisis en cave deux demi-bouteilles de vins très dissemblables pour voir comment ils se comporteront.

J’arrive à 11 heures au restaurant pour ouvrir mes vins. Le Moulin-à-Vent Roy Père & Fils demi-bouteille 1929 a un niveau exceptionnel qui me fait penser que le vin a été reconditionné. La bouteille est soufflée et donc très ancienne, au cul profond. Le bouchon vient entier mais en tirant très fort car le goulot n’est pas cylindrique. Ce bouchon doit être des années 50. La couleur m’avait impressionné à l’achat car elle est splendide. Le vin sent bon. Nous allons très probablement nous régaler. Le Château Haut-Bailly demi-bouteille 1982 a un niveau très haut dans le goulot. La capsule m’indique que le bouchage est d’origine. Le bouchon vient entier aussi, avec beaucoup de résistance car le bouchon est plus large que le goulot et a été comprimé pendant 35 ans. Le parfum à l’ouverture est splendide.

L’ouverture ayant duré peu de temps, je peux boire selon la tradition qui suit mes ouvertures une bière et des édamames qui sont d’agréables mises en appétit. Un peu avant midi Lumi réunit toute l’équipe de cuisine pour réviser les plats qui seront servis et tenir compte des particularités des différentes tables. On sent une cohésion et un engagement de chacun qui font plaisir à voir. C’est le chef Ken qui m’a proposé le pigeon, non prévu au menu, pour accompagner mes vins.

Mon ami arrive et nous trinquons au Champagne Pommery Cuvée Louise rosé 1980. Ce champagne se distingue par un équilibre et une sérénité rares. Tout en lui est magnifiquement mesuré et dosé. C’est un beau champagne gratifiant et gastronomique. On se complait à le boire. Et c’est assez intéressant de constater que le champagne 1980 d’hier et ce rosé montrent que l’année 1980 réussit aux champagnes, ce qui n’est pas tellement la réputation de ce millésime.

Le menu est ainsi rédigé : Otsumami : parmesan et poire / Céviche / betterave raifort // caviar Daurenki, mousseline de pomme de terre, esturgeon fumé / risotto d’épeautre, girolles, potiron, homard, œufs de saumon / raviole de foie gras, anguille caramélisée, cèpe poêlé / cabillaud confit, navet blue meat, sauce umami au bouillon de haddock, coques d’Utah Beach / pigeon, cromesquis et céleri / gelée et granité au champagne, muscat / tarte au chocolat et figue.

Déjeuner au restaurant Pages est toujours un régal. Les entrées de Candice qui vient de rejoindre l’équipe de cuisine, sont excellentes. Il faudrait juste que l’épaisseur de la betterave soit un peu plus fine, ce qui est du domaine du détail. Le caviar est superbe dans cette préparation mais j’ai un petit faible pour la préparation avec de fines crêpes. Le plat du homard est un peu plus complexe car il comprend beaucoup d’ingrédients. L’anguille est une merveille et elle appelle le Château Haut-Bailly demi-bouteille 1982. Ce vin parfait se montre d’une noblesse rare. Il sublime l’appellation de Graves car il est d’une justesse parfaite. Et on ne ressent en aucun cas un effet demi-bouteille qui limiterait l’ampleur du vin. Il est parfait et surtout noble.

J’ai avec le cabillaud un de ces chocs gustatifs qui marquent une vie. La sauce umami au bouillon de haddock du plat est une telle réussite que je suis comme tétanisé par un uppercut. Il est rare que je ressente un goût aussi émouvant, prenant aux tripes et au cœur, comme si l’on atteignait le Graal culinaire. Je n’arrête pas de féliciter le chef de la justesse de ce plat. Quelle merveille ! Ce plat appelle le champagne rosé qui par son équilibre est un compagnon idéal. Les coques, elles, se marient bien au bordeaux.

Le pigeon est réussi et le cromesquis est très bon. Au céleri j’aurais volontiers préféré des pâtes à l’italienne. Le Moulin-à-Vent Roy Père & Fils demi-bouteille 1929 serait indécouvrable à l’aveugle. On citerait volontiers Rayas ou un bourgogne, mais jamais un beaujolais. Sa couleur est belle, sans tuilé. Il va s’épanouir dans le verre car il n’a eu que deux heures d’aération. Plus on avance dans le temps, plus le vin est grand, avec une puissance que l’on n’attendrait jamais d’un beaujolais. Il est noble, extrêmement séduisant. C’est un grand vin.

Les desserts se prennent avec le champagne rosé, toujours à son aise. Ce qui est à noter c’est que les trois vins ont été d’une justesse extrême et parfaits. Je retiendrai surtout cet instant magique et inoubliable qui m’a donné l’impression de toucher le nirvana gustatif, cette sauce du cabillaud à l’émotion infinie. Bravo l’équipe du Pages.


les demi-bouteilles de ma cave

le briefing avant le déjeuner

chez Pages, on a recopié sur le grand tableau une phrase de Jacques Chirac

voici le plat dont la sauce a créé une émotion inouïe pour moi

un rhum Blairmont 1991 que mon ami garde au restaurant

Dîner de famille avec des vins inhabituels vendredi, 4 octobre 2019

Une nièce de ma femme vient passer quelques jours à la maison. Il y aura ce soir mon fils et ma nièce allemande à dîner. Ma femme a annoncé des linguines avec des pétoncles. L’idée qui me vient est d’associer ce plat avec un vin blanc allemand. Et aucun dessert n’étant annoncé, je choisis en cave un vin de paille autrichien. Je pense que du litchi irait avec ce vin, mais faute de litchi, l’ananas ferait un bel accord. Je prends un champagne dans ma musette et je reviens au logis croyant être en avance, mais mon fils et ma nièce sont déjà là.

J’ouvre le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Cave Privée Brut 1980 et contre toute attente, le bouchon se brise à la torsion. Je lève le bas de bouchon au tirebouchon et aucun pschitt majeur n’apparaît alors que la bulle est belle. Le champagne n’est pas du tout ambré. En bouche, le champagne est une surprise absolue. Jamais je n’attendrais d’un 1980 qu’il puisse être aussi expressif, aussi mature et aussi convaincant. Nous sommes en face d’un très grand champagne. Il faudra que je m’enquière d’en trouver d’autres.

Ma femme ouvre un foie gras délicieux qui offre un accord superbe avec le champagne. J’essaie avec un camembert de quelques jours et je suis le seul à être convaincu par l’apport que l’amertume du fromage offre au champagne. Nous nous disons, mon fils et moi, que ce champagne joue dans la cour des très grands.

Pendant l’apéritif, j’ouvre les deux vins qui vont suivre. Sur le plat préparé par ma femme je sers un Niersteiner Königskerze Monopole Bansa & Sohn Rheinessen 1959. Ce vin légèrement ambré est sec mais doté d’un lourd botrytis qui le rend à la limite du liquoreux. Il est d’une cohésion et d’une cohérence qui n’appartiennent qu’aux vins anciens. Il est riche, très long en bouche et infiniment séducteur. On se dit à chaque occasion que l’on ne boit jamais assez de vins blancs allemands. L’accord avec le sucré des pétoncles est tout simplement sublime, la pâte italienne jouant un rôle d’amortisseur, pour que le goût du vin se prolonge en bouche. Nous sommes aux anges. La persistance aromatique de ce vin est rare.

Le vin allemand poursuit son voyage avec comté assez doux qui confirme sa sérénité.

J’ai apporté une tarte à l’ananas et en secours une boîte de conserve de litchis, car il n’en existe pas de frais. Le Golser Strohwein (vin de paille) Georg Lunser Autriche 1998 en bouteille de 50 centilitres titre 11°. Il est nettement plus ambré que le vin allemand. Ce vin d’une richesse rare est un Stromboli de saveurs. Il est kaléidoscopique. Il est riche, très sucré, et tous les fruits exotiques s’y trouvent. A l’ouverture ce qui frappait c’était son parfum de litchi. Mais associé au gâteau, il respire l’ananas. Ce vin a tout d’une confiture multi fruits, plombant, mais offrant aussi une belle fraîcheur ce qui n’est pas paradoxal. Ce vin est un péché de gourmandise.

Il serait impossible de classer ces vins tant ils sont différents. Le veuve Clicquot 1980 s’est montré à un niveau que je n’aurais jamais imaginé, d’une cohérence rare. Le Rheinessen 1959 est d’une richesse infinie et l’accord avec les pétoncles est magique. Et le vin de paille de 1998, malgré son jeune âge, en remontrerait à beaucoup de vins plus anciens, tant il explose de complexités. Je suis content d’avoir suscité des accords d’une belle précision. Ce dîner atypique fut heureux.

Dîner avec mon fils et des vins anciens vendredi, 27 septembre 2019

C’est seulement hier que j’ai appris que mon fils arrive aujourd’hui de Miami. Je choisis dans la cave trois vins atypiques, dont certains de bas niveaux, car il est plus facile de prendre des risques avec mon fils. Je rentre tôt à la maison pour ouvrir le vin rouge plusieurs heures avant le repas. J’ouvre la bouteille de Chambertin Côte Saint-Jacques premier cru Récolte 1923 dont l’étiquette ne dit rien de plus sur le domaine ou sur le négociant qui a produit ce vin. Un vigneron que mon fils a rencontré le lendemain lui a dit qu’il s’agit du domaine du Comte de Moucheron. La bouteille est soufflée avec un cul profond, et le bouchon très sec résiste car le goulot n’est pas cylindrique ce qui fait qu’une surépaisseur empêche le bouchon de sortir intact. Je remonte donc des miettes de bouchon dont certaines sèches et d’autres noires et fort heureusement aucune miette ne tombe dans le liquide. Le niveau est bas et la première odeur ne semble pas viciée, mais il y a une odeur de bouchon dont je ne sais pas encore si elle tient au vin ou à ce qui imprègne encore le goulot.

Nous commençons le repas avec un Champagne Gonet Père et Fils Blanc de Blancs du Mesnil demi-bouteille 1959. La bouteille est magnifique et les couleurs d’un rouge passé de la cape sont magnifiques. Le bouchon vient en même temps que le muselet sans aucun pschitt. La couleur ambrée est plus claire que ce que j’attendais. En bouche je suis frappé par le beau fruit jaune et par la cohérence du champagne. Il n’est pas tonitruant mais serein. Il convient bien à une rillette de maquereau relativement peu expressive et à un camembert peu affiné.

Pour le poulet et des pommes de terre sautées, je sers le Chambertin Côte Saint-Jacques premier cru domaine Comte de Moucheron Récolte 1923. L’odeur de bouchon est beaucoup plus forte que je ne l’imaginais, mais en bouche on retient surtout le velours du grain de ce vin. L’attaque est de bouchon, le passage en bouche est délicieux et le finale est un peu biaisé. Mais on ne peut pas s’empêcher de l’aimer malgré ses imperfections. L’image que je ferais est la suivante : on me montre une carte dessinée du temps de Vasco de Gama indiquant son périple vers les Indes. Sur la carte il y a une tache. Cette tache, on ne la voit pas, car on ne s’intéresse qu’au parcours suivi par le navigateur. C’est le sentiment que nous avons, mon fils et moi : le vin est blessé, a perdu de son excellence, mais le milieu de bouche se justifie.

Nous passons malgré cela au Champagne Krug Private Cuvée années 40 dont l’estimation d’âge se confirme avec le bouchon qui a vécu. Lui aussi était venu sans pschitt lorsque j’avais ouvert la bouteille une heure avant le repas. La couleur est plus ambrée, la bulle est bien présente, et en bouche, ce qui frappe, c’est la noblesse et le raffinement de ce champagne qui a tout d’un grand Krug. Malgré un niveau assez bas, il n’a pas le moindre défaut. L’accord se trouve bien avec la joyeuse saveur du poulet et aussi avec divers fromages.

La tentation est grande de revenir au vin rouge qui souffre toujours de son nez de bouchon, mais la bouche est beaucoup plus vive et passionnante. Nous le laissons tranquille. Nous surprendra-t-il demain ? Acceptons-en l’augure.

Déjeuner au restaurant la Rotonde vendredi, 27 septembre 2019

Ma sœur invite ses deux frères pour le déjeuner traditionnel de notre fratrie. C’est au restaurant la Rotonde, célèbre et traditionnelle brasserie du quartier Montparnasse. On est un peu à l’étroit car les sièges sont serrés. La carte des vins est relativement minimaliste, comme à l’Auberge du Bonheur, aussi nous déjeunerons sur un seul bon champagne le Champagne Ruinart Blanc de Blancs sans année. Mon choix est des huîtres fines de claires n°4, une aile de raie française à la grenobloise et des pruneaux d’Agen à l’armagnac. Le Champagne Ruinart Blanc de Blancs sans année est très confortable. C’est ce qui se fait de mieux, à mon goût, dans les bruts sans année. Les huîtres sont excellentes, l’aile de raie est un peu trop cuite et il manque le beurre blanc qui accompagne souvent les câpres pour faire apparaître leur aimable acidité. Dans cette agréable ambiance de brasserie nous avons passé un honnête déjeuner mais sans que rien ne nous impressionne.

Déjeuner de conscrits au restaurant l’Auberge du Bonheur vendredi, 27 septembre 2019

Après la trêve estivale, nos déjeuners de conscrits vont reprendre, mais comme certains amis n’ont pas encore fini leurs transhumances estivales nous ne serons que quatre. Nul de nous quatre ne sait qui a suggéré le restaurant l’Auberge du Bonheur, situé juste derrière l’accès au restaurant la Grande Cascade. Est-ce le nom très prometteur ou est-ce le lieu qui doit être charmant quand il fait beau ? Mais aujourd’hui il pleut. C’est la première fois que je viens en ce lieu car je me suis toujours arrêté avant, à la Grande Cascade, merveilleuse bonbonnière qui a dû cacher des amours passagères du temps des crinolines et des vertugadins.

La carte des vins est particulièrement chiche. Ne trouvant aucun vin blanc et aucun vin rouge susceptible d’exciter mon intérêt, je suggère aux amis que l’on déjeune au champagne. Pour donner une idée de la carte, il n’y a que quatre vins blancs, tous de 2018. Pour les champagnes, aucun n’est millésimé. Nous prenons d’abord le Champagne Taittinger Brut sans année. C’est un aimable champagne de soif, capable de s’animer dès qu’il accompagne les mets.

Nos choix sont différents. Le mien est une salade fraîcheur avec une macédoine de légume et du haddock, puis un filet de turbot. Le champagne trouve un bel appui avec le haddock. La macédoine a peu d’affinité avec le haddock. Nous commandons ensuite un Champagne Louis Roederer brut sans année qui est joliment gastronomique.

Apparemment ce restaurant accueille des clients même les jours où il pleut mais on peut penser que dans un cadre aussi champêtre, il pourrait viser un niveau de cuisine et une carte des vins un peu plus représentatifs du génie français. Ce qui ne nous a pas empêchés de passer un agréable moment d’amitié.

Un beau Dom Pérignon vendredi, 27 septembre 2019

Pour ma fille qui nous rend visite avec ses enfants, j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 2002. Ma fille a apporté un fromage Abondance de Haute-Savoie qui est idéal pour que le champagne s’exprime sans contrainte. Il combine harmonieusement puissance et délicatesse. Je nomme volontiers romantiques ces champagnes qui pianotent aussi élégamment leur force que leurs complexités. Aussi bien l’omelette que la salade sont à manger sans l’appui du champagne. De délicieuses figues vertes à cœur blanc du figuier du jardin créent un accord blanc sur blanc de grand plaisir qui illumine le champagne.

Je n’arrive pas à imaginer, car je ne l’ai pas encore goûté, que l’on puisse faire un Champagne P2 (deuxième plénitude) pour le Dom Pérignon 2002, tant sa fraîcheur est belle et sa jeunesse folle, tel qu’il se présente aujourd’hui.

Dîner au restaurant Le Train Bleu samedi, 21 septembre 2019

Nous allons dîner avec une amie américaine au restaurant Le Train Bleu, pour lui montrer ce site extravagant mais aussi pour voir comment Michel Rostang a pris en main ce lieu chargé d’histoire. Je suis toujours fasciné par la richesse mémorielle de ce lieu avec des décorations luxuriantes, des peintures d’une rare qualité. Comment le PLM (Paris Lyon Marseille) qui sera fondu plus tard dans la SNCF a pu permettre une telle débauche de création, cela laisse pantois.

La carte des mets est simplifiée par rapport au temps jadis. Ma mère venait manger des huîtres et casser des pinces de crabes, qui ont disparu. Le lieu est devenu plus restaurant que brasserie, avec quelques plats conservés. La carte des vins est assez courte et recèle peu de pépites. Mais nous allons trouver notre bonheur. Mon menu sera choisi avec un parti pris de tradition : quenelle de brochet à la lyonnaise, sauce Newburg, riz basmati grillé / gigot d’agneau de nos régions rôti, servi à la voiture de tranche, gratin dauphinois de la Maison Rostang / cigare croustillant fait de tabac de la Havane, crème légère au cognac XO Hennessy.

La quenelle me rappelle des souvenirs vifs. Je l’ai adorée, surtout pour sa sauce. La table de découpe avait deux gigots déjà largement entamés du fait des demandes d’autres tables, aussi, répondant à mon souci, le directeur de salle a fait venir un manche de gigot tout ‘neuf’ dont mon amie et moi avons eu les meilleurs morceaux. La viande est parfaite et le gratin est d’une légèreté à signaler.

Un petit incident n’a pas réussi à casser notre bonheur. J’avais choisi sur la carte des vins un Champagne Bollinger millésimé la grande année 2008. C’est ainsi que c’est rédigé sur la carte des vins et c’est le seul champagne millésimé de la carte. Quand j’ai vu arriver un Bollinger 2007, mon sang n’a fait qu’un tour. Rien ne m’exaspère autant qu’une erreur de millésime, propice à tous les quiproquos. Le serveur est allé rechercher un 2008, et la suite de son service a été tellement attentionnée qu’il est pardonné.

Le champagne est vraiment jeune. Il faut qu’il se réchauffe pour qu’il gagne en largeur et en charme. C’est un beau champagne qu’il faut impérativement attendre contrairement à d’autres 2008 déjà épanouis.

J’ai choisi pour la viande une Côte Rôtie La Mouline Guigal 2000. Ce millésime n’est sans doute pas l’un des plus épanouis pour les Côtes Rôties de Guigal, mais sa râpe qui se combine à un beau velours en fait un vin qu’on ne peut qu’adorer. Il est incisif et entraînant, avec un finale qui claque.

Le service est très attentionné mais cela peut tenir aussi aux bouteilles que j’ai commandées. Tout paraît très professionnel et très rôdé comme du temps de ma jeunesse. J’ai beaucoup aimé cette cuisine et comme le cadre m’enchante par cette évocation d’un 19ème siècle ambitieux, je n’ai qu’une envie, c’est d’y revenir.

J’ai rapporté chez moi le reste du vin rouge. Le lendemain, ce qui caractérise définitivement le vin de Guigal, c’est le velours. Il est riche, sent bon la garrigue, mais le velours s’impose. J’ai pu faire l’expérience d’un accord qui ne marche que dans un sens : lorsqu’on boit le vin après avoir mangé une figue blanche, le vin n’en profite pas tellement. Mais lorsqu’on mange la figue après avoir bu le vin, elle devient encore plus délicieuse.

je me suis amusé à faire un selfie !!!

Dîner à quatre mains au restaurant Cheval Blanc de Saint-Tropez vendredi, 20 septembre 2019

Lors de notre visite au restaurant la Vague d’Or à Saint-Tropez il y a trois mois environ, j’avais entendu parler d’un repas à quatre mains qui se ferait en cet endroit avec Arnaud Donckele le chef du restaurant et avec Arnaud Lallement, le chef de l’Assiette Champenoise à Reims. Deux places avaient été réservées pour ma femme et moi. Ma femme étant dans l’impossibilité de venir, je me présente seul pour le dîner intitulé « symphonie à quatre mains au fil d’une belle amitié ».

Etant arrivé en avance, je vais saluer les deux chefs tout souriants et je leur lance une invitation à partager une belle bouteille que j’ai apportée, pour l’après-dîner. Ils acceptent avec joie.

J’avais demandé à Thierry di Tullio le directeur de salle, de trouver une table que je pourrais rejoindre, car dîner seul est un peu triste. Il parle à un homme attablé seul, entrepreneur en Normandie et ami d’Arnaud Lallement. Nous dinerons tous les deux à la même table. Ce fut une heureuse rencontre.

Le dîner est présenté, avec l’indication AL si le plat est d’Arnaud Lallement et AD s’il est d’Arnaud Donckele. Les amuse-bouches (AD) : sous l’olivier de Provence, courgettes boule collection au chèvre truffé / sériole et chair d’esquinado / fleur de courgette croustillante / bouillon de cigales de mer au romarin (AD). Les plats : anguilles fumées, jus de cresson (AL) / tomates confites 12 heures, eau de tomate (AL) / pâte Zitone fourrée de truffe noire et foie gras (AD) / homard bleu, oignon paprika (AL) / turbot cuit aux morilles des pins et palourdes (AD) / lapereau au fenouil, à l’absinthe et au lard paysan (AD) / feuille-à-feuille aux fruits rouges (AD) / mignardises autour de la vanille de Tahaa et cédrat (AD).

Nous prenons l’apéritif avec un verre de Champagne Krug Grande Cuvée 162ème édition en jéroboam. L’effet du format de la bouteille est époustouflant car ce champagne a une ampleur qu’il n’aurait jamais en bouteille. Et l’édition 162 mise sur le marché vers 2014 a une maturité qui rend le champagne encore plus noble. Le parfum du champagne est irréellement puissant. C’est ce qui me séduit tout particulièrement.

Dès que l’on mord dans le premier amuse-bouche, on sait déjà que l’on est sur le terrain de l’excellence. Car chaque saveur des amuse-bouches de (AD) est une merveille de précision. On nous propose d’accompagner notre repas avec quatre Krug différents. Nous hésitons, car le budget est coquet, mais nous succombons à cette proposition. Nous aurons donc au cours du repas le Champagne Krug Grande Cuvée 167ème édition en bouteille qui fait vraiment gamin impubère après son aîné en jéroboam, même s’il a un raffinement certain. Le Champagne Krug 2004 est un Krug racé et vif. Il a un magnifique avenir devant lui. Le Champagne Krug Clos du Mesnil 2004 est noble, délicat et fin. Sa longueur est infinie. Le Champagne Krug rosé d’une édition récente (22ème ?) est un superbe rosé à la forte personnalité. Et quand nous sommes revenus au Champagne Krug Grande Cuvée 162ème édition en jéroboam dont le parfum me tétanise, nous avons pu mesurer à quel point l’âge est un apport précieux pour les champagnes Krug.

On comprendra aisément que si nous étions attentifs aux beaux champagnes, nos sujets d’intérêt étaient aussi les plats. Les deux chefs ont un immense talent et sont généreux. Ils ont eu raison d’évoquer l’amitié dans le titre du dîner car tous les plats respirent cette amitié. Il serait vain de juger des plats et de les hiérarchiser. J’ai les yeux de Chimène pour l’anguille fumée et pour le turbot, parce que c’est mon goût, mais chaque plat est une réussite. Il y a une précision des goûts et une lisibilité qui sont communes aux deux cuisines. Ce sont deux champions des saveurs et des sauces. Mon compagnon de table a dû être étonné de me voir pousser des « oh » et des « ah » tant j’étais heureux de ces traits de génie.

Lorsque les convives se sont évaporés, je fais servir le Champagne Dom Pérignon 1973 que j’avais apporté. Et nous trinquons, les deux Arnaud, mon camarade de table et moi, à la joie de cette expérience gastronomique. Commentant les plats et les sensations et évoquant des souvenirs de haute gastronomie. Les sourires des deux chefs font plaisir à voir. Un détail amusant mérite d’être conté. Pour accompagner le champagne, Arnaud Donckele a demandé qu’on apporte des chocolats qui sont arrivés vite puis il a demandé des palets au chocolat. Le serveur a dû mal entendre, car un quart d’heure plus tard arrive pour moi une assiette d’un merveilleux et complexe dessert au chocolat, sculpté et orné d’or. Arnaud n’en revient pas, car la cuisine était fermée depuis longtemps et des cuisiniers sont resté uniquement pour réaliser ce chef-d’œuvre. Je l’ai dégusté avec une infinie reconnaissance.

Le lieu en cet été indien est magique, les serveuses sont compétentes et celle qui nous a annoncé les plats le fait avec pertinence. Maxime Valéry le compétent sommelier a été à l’écoute de nos désirs et généreux pour nous faire plaisir. Le rythme du service des plats de deux chefs a été parfait. De telles expériences gastronomiques sont des moments inoubliables. Vive la cuisine française quand elle est de ce niveau.

le dessert au chocolat fait après 1 heure du matin !