Archives de catégorie : dîners ou repas privés

déjeuner au restaurant Mirazur à Menton dimanche, 12 mai 2019

Avec des amis du Var, nous décidons d’aller déjeuner au restaurant Mirazur à Menton qui vient de recevoir trois étoiles après avoir obtenu des places enviables dans les classements mondiaux. Il faut près de 2h30 pour atteindre le restaurant qui surplombe la mer et offre de très beaux panoramas. L’accueil est souriant et naturel. Etant arrivé en avance avec ma femme, je regarde la carte des vins et je commande un Champagne Charles Heidsieck Cuvée des Millénaires 1995. Charles le sommelier l’apporte au moment où nos amis arrivent. Charles me fait goûter et j’approuve le vin. Il sert un premier verre, puis un second et tout-à-coup la bouteille devient un geyser, expulsant le vin et de fortes bulles comme un canon. Mon ami est aspergé légèrement, le sol est tout mouillé.

Personne ne comprend comment cette expulsion impressionnante a pu arriver alors que Charles a pu verser trois verres sans incident. Les maîtres d’hôtel arrivent pour nettoyer et personne ne comprend. La bouteille est remplacée. Les amuse-bouches, autant que je me souvienne consistent en une sorte de cromesquis à base de pomme de terre, une coquille de moule remplie d’une délicieuse crème à la moule revêtue de pétales de fleurs roses, des sticks végétaux enroulés de lard de Colonnata, de minuscules calamars frits et un feuilleté de pomme de terre avec une crème délicieuse.

D’emblée on ressent le talent de Mauro Colagreco le chef et l’on pense à Laurent Petit, le chef du restaurant le Clos des Sens qui lui aussi a obtenu sa troisième étoile cette année. Les deux chefs ont un immense talent qui se voit dès les amuse-bouches. Le champagne est agréable et accompagne bien les mets variés. C’est sur les plats du repas que je constaterai que son finale est sec, comme s’il avait un léger goût de bouchon.

Nous montons à l’étage du restaurant où presque toutes les tables sont déjà occupées. La vue est encore plus belle. Le menu à neuf plats que nous avons pris est ainsi libellé : huître Gillardeau crème d’échalotes, déclinaison de poires / Nanakusa-No-Sekku / haricots beurre, sauce au caviar osciètre / calamar de Bordighera, sauce bagna cauda / petites pommes de terre nouvelles, sauce Sudachi / turbot, mousseline de céleri rave, sauce fumée aux coquillages / pigeon de Marie Le Guen, fraises des bois, épeautre, achillée millefeuille / fromages / soupe de pomme Granny Smith, glace au yaourt et cristalline de coriandre / fraise, roquette, rhubarbe / mignardises.

Le repas commence par le partage du pain, que l’on trempe dans une huile d’olive au citron et au gingembre qui est extrêmement gourmande et d’une persistance aromatique extrême. L’huître est une ‘numéro un’ qui trouve avec les poires une harmonie éblouissante. Le Nanakusa-No-Sekku est une tartelette avec un nombre incalculable de fleurs du jardin. La crème de petits pois est superbe. On croque les haricots verts comme si l’on était au jardin, tant ils sont frais. Tous les plats sont recouverts de jolies petites fleurs très romantiques. Le Chablis Grand cru Blanchot domaine François Raveneau 2007 est vif, cinglant, mais sait aussi être rond. Il est minéral, ce qui convient à cette cuisine florale. Il est aussi flexible.

Le calamar se présente en languettes que l’on frotte d’une crème. C’est tellement bon que j’ai envie d’essayer le vin rouge sur ce plat. Le Gaja Sperss Langhe 1999 a été ouvert au dernier moment pour que l’on profite de son éclosion et ce vin est d’un raffinement rare, combinant harmonieusement puissance et délicatesse.

Pour les pommes de terre, plat d’une qualité exceptionnelle, il est préférable de revenir au Chablis qui est très gastronomique et rond. Malgré la sauce, le vin italien convient bien au turbot. Son heure de gloire sera sur l’excellent pigeon d’une tendreté idéale. Les fraises des bois sont extrêmement intéressantes. Avec la chair du pigeon seule, le mariage est excitant et il y a une belle plus-value. Avec le vin, je préfère la chair exquise du pigeon seule. Le vin prend un charme extrême.

Pour les fromages on peut aussi bien trouver son bonheur avec le champagne, le chablis et le vin italien. J’ai commandé un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 2007 très vif, mais en même temps très flexible aussi bien sur les fromages qu’avec les desserts.

De tous les plats, tous passionnants, les deux qui émergent pour moi sont l’huître en accord avec la poire, et les petites pommes de terre avec des œufs de saumon et une sauce diabolique. Ensuite, le calamar en lamelles est très original.

Des vins c’est le Gaja 1999 qui s’est montré le plus brillant, avec une justesse de ton, une finesse et un raffinement remarquables, suivi par le Chablis très équilibré et gastronomique.

J’ai eu la chance de pouvoir bavarder avec le chef. Je l’ai complimenté en disant que sa cuisine ne cherche pas à plaire. Elle est spontanée et conforme à ses souhaits. Je lui ai cité les deux plats que j’ai préférés et il m’a répondu qu’il fait le même choix.

Le service a été de très haute qualité. Le service des vins par Anaïs a été parfait. Ce repas se situe tout en haut du classement des tables que j’ai eu l’occasion de fréquenter, avec des plats d’un aboutissement exceptionnel. Ce repas est inoubliable.

L’huile la plus recherchée des différentes huiles faites par le chef

les amuse-bouches

le pain que l’on partage avec ce poème :

Dîner au restaurant Pages avec de divines surprises jeudi, 9 mai 2019

Mon fils voulait pendant son séjour en France revoir un ami d’enfance savoyard qui vit à Dubaï. Il me propose de me joindre à eux pour partager des vins. J’ai proposé le restaurant Pages. Mon fils m’a confié une bouteille de sa cave française que j’emporterai avec mes propres bouteilles, et je les ouvrirai à l’avance, comme j’ai l’habitude de faire.

J’arrive un peu avant 18 heures au restaurant Pages et je vois que Matthieu le sommelier a préparé des verres pour me les faire goûter. Il a les yeux qui brillent car il veut m’étonner. Il s’agit des restes du déjeuner de mon ami Tomo. Le Champagne Krug Grande Cuvée sans année est strictement le même que celui que j’ai bu hier, mais celui-ci n’a aucun défaut. Il me tend ensuite un verre de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1970 dont il reste plus de la moitié de la bouteille car Tomo ne l’avait pas jugé plaisant. Ce que je bois me semble plutôt sympathique et même s’il est un peu fatigué, il se boirait volontiers. Il faut dire que le vin avait été ouvert au dernier moment, ce qui explique le rejet à ce moment et l’amélioration qui a suivi.

Je goûte ensuite un liquoreux. Trouver Yquem n’est pas très compliqué et je hasarde 1966 alors qu’il s’agit d’Yquem 1934. La solidité du vin et sa fraîcheur m’avaient fait penser à 1966. Cela confirme à quel point ce 1934 est jeune. Le dernier que je bois, car il faut que je travaille à l’ouverture des vins, est un Vosne-Romanée les Beaux Monts Leroy 2001. Quel grand vin, mais si jeune !

A l’ouverture le Château Mouton-Rothschild 1969 de mon fils a un parfum d’une grandeur que je n’imaginais pas possible pour cette année. Il promet des merveilles. Le nez de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969 est encore incertain. J’ai bon espoir, mais on ne sait jamais. Comme pour le 1919 de la veille, je reste sur une prudente réserve.

Je discute avec Ken, le chef en second du restaurant, qui gère seul avec son équipe la cuisine du restaurant et nous décidons des modifications à apporter à tel ou tel plat du menu prévu pour ce soir. Nous nous comprenons à demi-mot. Avec Yuki, la charmante pâtissière, la discussion sera plus longue mais utile pour trouver un dessert pour le Rivesaltes Cazes 1943. La solution trouvée par Yuki et Ken est un millefeuille aux noisettes. J’applaudis cette idée.

Je bois une bière en grignotant des fèves edamame en attendant mon fils et son ami. J’avais ouvert le Champagne Dom Pérignon 1969 il y a une vingtaine de minutes et le bouchon cisaillé a été récupéré avec un tirebouchon. Le parfum est très élégant et vif et la bulle est faible mais le pétillant est actif. Le champagne est racé, puissant, cinglant. C’est un très grand Dom Pérignon. Les trois petits amuse-bouches sont parfaits pour le champagne, dont un maquereau très vif qui rend encore plus tranchant le champagne.

Le menu préparé avec Ken le second du chef Teshi est : maquereau à l’orange / Montanara, oignon confit et ventrèche / Caviar Daurenki, mousseline de pomme de terre, esturgeon fumé, céleri / ‘Aburiyaki’ de bœuf Ozaki / tortelli de foie gras, morille, petits pois / homard bleu de Bretagne, bisque au vin rouge / cabillaud, chou rave, Agretti, jus de volaille / pigeon de Vendée, cromesquis au foie gras, sauce salmis, chou-fleur / La Normande 6 semaines,, Rubia Gallega de Galice 10 semaines, bœuf Ozaki / sabayon brûlé, rhubarbe / millefeuille à la crème diplomate, noisettes caramélisées / mignardises.

Le caviar est très bien mis en valeur par la mousseline et l’accord avec le champagne est divin. Le bœuf Ozaki, un wagyu délicatement gras est presque en carpaccio, juste passé au chalumeau pour adoucir le gras. L’accord est aussi d’une grande pertinence, mais personnellement je n’aime pas trop ce qui est fumé, préférant la chair si douce dans sa pureté. La morille est divine et si le champagne joue bien son rôle, un vin rouge aurait pu presque convenir. Ce Dom Pérignon très vif est un bonheur.

Le homard est absolument exceptionnel et d’une cuisson idéale. Il est magique. J’avais demandé une sauce pour le Château Mouton-Rothschild 1969 et l’accord est sublime. Alors que 1969 n’est pas une grande année à Bordeaux, ce Mouton est aussi glorieux que s’il provenait d’une grande année. C’est son parfum qui est le plus envoûtant. Sa trame est dense et riche avec des évocations de truffe. C’est un très grand vin.

L’accord du Mouton avec le cabillaud rivalise avec l’accord créé par le homard car là aussi la cuisson est exceptionnelle. Une agréable erreur est commise par le service car on nous sert des asperges blanches avec des coques, que j’avais demandé de ne pas mettre, car aucun vin ne conviendrait. Le plat que nous ne refusons pas car nous sommes gourmands est bon mais en rupture dans notre dîner.

C’est maintenant au tour du La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969 d’apparaître sur un pigeon réussi. L’accord est lui aussi pertinent. J’avais dit plusieurs fois avant l’arrivée du vin mes doutes et mes incertitudes sur le vin mais elles sont balayées car le vin à la belle couleur de sang clair a tous les attributs d’un grand vin. L’ami de mon fils qui lit mes bulletins est heureux de sentir pour la première fois, puisque c’est la première fois qu’il boit un vin du domaine, le goût de sel qui est un marqueur de la noblesse des vins de ce domaine.

Matthieu nous sert maintenant à chacun un verre du La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1970 délaissé au déjeuner de mon ami Tomo. Il est très évident que la couleur plus terreuse annonce un vin fatigué et le premier contact n’est pas flatteur, même si le vin se boit avec le plaisir de la découverte. Mais un petit miracle va apparaître sur les trois viandes de bœuf. Le 1969 brille sur le pigeon alors que le 1970 n’est pas à l’aise. C’est sur la viande de la Normande que le 1970 me donne une impression de perfection. Il lui fallait une viande qui l’agresse pour qu’il se réveille. Il s’illumine comme une fusée de feu d’artifice, qui s’éteint après son instant de gloire. Savoir que le 1969 a été superbe d’accomplissement et que le 1970 a eu sa minute de perfection, cela me ravit et mes deux convives sont aux anges.

Le Rivesaltes Cazes 1943 qui titre 16° est tout en douceur. Il trouve un écho parfait avec le millefeuille. C’est toujours une bonne surprise de boire des rivesaltes aussi raffinés et sublimés par l’âge.

Tout dans ce repas a été parfait. Le plus grand vin est La Tâche 1969 mais la plus belle surprise est celle du Mouton 1969 au parfum irréel. Le plus bel accord est celui du homard exceptionnel avec le Mouton. Et la surprise est le réveil inattendu du 1970 qu’on n’attendait pas à ce niveau. Tout ce soir a été irréellement palpitant. Nous étions sur le petit nuage d’une grande expérience gastronomique.

Les couleurs de La Tâche 1969 à gauche et 1970 à droite

Un Richebourg centenaire exceptionnel jeudi, 9 mai 2019

Il y a quelques semaines, en cherchant des vins dans ma cave, j’ai vu qu’une bouteille centenaire avait perdu du volume. Il fallait la boire au plus vite. Connaissant les dates de séjour de mon fils à Paris, j’ai programmé de la boire ce soir. Nous serons deux à boire. J’ai prévu une bouteille de secours si la centenaire faisait défaut et je prévois un champagne. Peu après 17 heures j’ouvre la bouteille pour le dîner. Le haut de la capsule a un point qui se présente comme un cratère, comme si une explosion avait eu lieu entre la capsule et le bouchon, ce qui explique la perte de volume. Le bouchon vient comme celui d’un vin très ancien, en se brisant sans faire de miettes. Je sens le vin et j’ai un réel espoir que le vin soit grand. J’estime ne pas avoir besoin d’ouvrir la bouteille de secours.

L’apéritif consiste en des bâtonnets de comté et de fines tranches d’un jambon espagnol. Le Champagne Krug Grande Cuvée sans année a une étiquette jaune olive qui est la première des étiquettes de Grande Cuvée, qui prenait la suite de Private Cuvée. Les vins qui composent ce champagne sont de 1978 à 1982 plus quelques autres millésimes plus anciens. Le bouchon se brise à la torsion et le bas doit être extirpé au tirebouchon. Il n’y a pas de pschitt mais dans le verre la bulle est fin et vive. Le nez me gêne et la bouche aussi. Il y a bien sûr de belles choses dans ce champagne, mais il manque d’équilibre du fait d’un début de goût de bouchon.

Mon fils est volontiers plus accueillant que moi. J’ai beaucoup plus de mal à accepter ce champagne que nous boirons quand même entièrement.

Entre le moment de l’ouverture et son service, j’étais allé en cave par curiosité sentir l’évolution du parfum du Richebourg Marey et Liger-Belair 1919. J’ai eu une petite frayeur du fait que le vin me semblait ne pas évoluer comme j’aurais aimé. Au moment du service, je pousse un grand ouf, car le vin a un parfum superbe. En bouche, le vin est généreux, droit, précis, sans défaut. En le buvant, je n’ose pas encore le considérer comme parfait, mais il s’élargit dans le verre et tout à coup le miracle se produit : oui, il s’agit d’un vin parfait. Il est riche, joyeux. Il se présente pour moi très différent de ce que serait un Richebourg de la Romanée Conti, solide, droit et guerrier. On est plutôt en face du charme d’un chambertin. Il y a du velours et une longueur incroyable. Je suis un peu dans l’état d’esprit du jeune homme qui dans un café voit une jeune femme attablée d’une beauté infinie : elle me regarde, est-ce bien sûr que c’est moi qu’elle regarde. Je n’y crois pas, ça ne peut pas être moi. Ce Richebourg me semble parfait et comme le jeune homme je me dis : non ce n’est pas possible, il ne peut pas être parfait, or en fait il l’est. J’ai du mal à accepter l’évidence, ce vin équilibré, doux soyeux, velouté est un vin exceptionnel.

Ma femme a préparé une souris d’agneau avec des petites pommes de terre. Le plat est divin pour mettre en valeur le vin d’un accomplissement rare. Il est sans sage, car il a atteint une forme qui ne bougera plus, figée dans l’éternité. Un vin centenaire partagé avec mon fils, c’est un rare bonheur.

Repas pour l’anniversaire de mon fils jeudi, 9 mai 2019

Pour l’anniversaire de mon fils mes trois enfants et quatre petits-enfants dîneront à la maison. J’ai envie d’ouvrir des bouteilles dont certaines seront peu conventionnelles. Vers 17 heures j’ouvre trois vins. Dans deux cas, un resserrement du goulot en haut de la bouteille entraîne que les bouchons se déchirent en mille morceaux en se levant. Deux vins me semblent en très mauvaise condition car les odeurs sont inamicales. Je repère des bouteilles que j’ouvrirai en cas de besoin.

L’apéritif consiste en des petits crackers tartinés d’houmous, de la rillette de sardine, un fromage au pesto et un fromage aux orties. Le Champagne Krug Private Cuvée doit dater des années 60 ou du début des années 70. Le bouchon se brise à la torsion et je récupère la base du bouchon avec un tirebouchon. Le pschitt est quasiment inexistant mais une fine bulle est visible dans les verres. Le champagne est magnifique, profond, riche et ce qui frappe c’est un fruit doré imposant. Ce champagne gourmand et vif est un champagne de plaisir.

J’avais ouvert sans trop d’illusion un Meursault C. Charton Fils 1942 au niveau assez bas. Les odeurs faisaient penser à une serpillère au moment de l’ouverture. Lorsqu’il est servi, toutes les mauvaises odeurs ont disparu. Mais le vin est plat, fade, et ne porte aucune émotion. Il est inutile d’insister.

J’ouvre un Chablis Grand Cru Les Clos Robert Vocoret & Fils 1971. Le niveau est beau, la couleur est claire, le nez est expressif. Le vin est superbe. C’est la forme la plus aboutie d’un Chablis Grand Cru. On se régale avec ce vin qui est généreux. Le cœur de filet de saumon le rend encore plus vibrant.

L’Aloxe-Corton Joseph Drouhin 1969 avait un nez absolument superbe à l’ouverture. Il l’a encore et se montre brillant. J’adore quand des vins Villages vibrent comme des grands vins. Il a une grâce bourguignonne extrême avec une jolie râpe et des accents délicats.

Le Chambertin Charles Viénot 1934 est un vin que j’avais acheté il y a une vingtaine d’années lors d’une vente aux enchères de vins du restaurant Maxim’s. Le niveau est très acceptable pour cet âge. A l’ouverture le parfum souffrait de beaucoup de vilaines odeurs, au point que j’avais peur que le vin ne puisse être bu à table. Au moment de servir je suis rassuré, car les mauvaises odeurs ont disparu. Il reste une légère torréfaction qui va s’estomper progressivement. Ma femme a préparé des poulets au four avec un gratin de pommes de terre qui sont idéaux pour mettre en valeur les vins. Le chambertin s’améliore et devient ce que j’espérais, un riche vin généreux, puissant et subtil. C’est un beau témoignage même si le vin a un peu souffert.

Les deux vins rouges ont brillé sur des fromages divers, dont un chèvre qui a effacé toute trace imprécise du 1934.

Le classement final serait : 1 – Krug, 2 – Chablis 1971, 3 – Chambertin 1934, 4 – Aloxe-Corton 1969. Ce fut un beau dîner de famille.

Déjeuner au restaurant Garance vendredi, 3 mai 2019

Déjeuner au restaurant Garance avec un ami mauricien grand amateur de vins que je n’avais pas vu depuis quelques années. Je suis arrivé à 11h20 pour ouvrir le vin que j’ai apporté. L’ouverture se fait facilement et le parfum du vin me semble prometteur. Sur les suggestions de Guillaume Muller, directeur du restaurant, je vais visiter la boutique « Le livre de Cave » qui est spécialisé dans les vins rares et anciens. J’y rencontre un marchand que je connais depuis plus de vingt ans. Je suis favorablement impressionné par la variété et la qualité des vins qu’il vend.

Le déjeuner avec mon ami commence par un Champagne V. O. (version originale) Jacques Selosse sans année, dégorgé en 2014. Nous jonglerons avec sa température, car il arrivera un peu trop chaud, sera refroidi, reviendra trop froid et sera fini à bonne température. C’est un champagne vif et droit, cinglant mais aussi accueillant. J’aime son énergie. L’amuse-bouche comporte une crème assez épaisse rafraîchie par du miel de la ferme Garance aux évocations très florales. Le champagne aime bien cette confrontation.

Le menu mis au point avec Guillaume Muller sera composé de : petites pommes de terre nouvelles de la ferme Garance servies avec un œuf et des crèmes marines bien dosées / pièce de bœuf, d’un bœuf de la ferme Garance tué en février 2019, il y a environ deux mois et demi, avec des légumes verts et une purée de pommes de terre / dessert avec crème et glace à base de café.

Guillaume Muller est très fier et motivé d’utiliser les produits de sa ferme qui sont délicieux. La viande est absolument superbe, ferme et goûteuse. Le chef Alexis Bijaoui fait une cuisine simple, lisible et précise, très agréable pour mettre en valeur les vins.

Le Chambolle-Musigny Joseph Drouhin 1959 a un beau niveau dans la bouteille. Elle est debout depuis l’ouverture aussi la couleur des premiers verres servis est clairette, d’un joli rose. Au fil du service le vin sera plus foncé. Le nez est très engageant et bourguignon. En bouche le vin est une fantastique surprise. Alors qu’il s’agit d’un vin « Villages » de soixante ans, il explose de fruits rouges très jeunes. On sent bien qu’il n’a pas l’opulence d’un grand cru, mais il a un charme infini, avec une belle râpe bourguignonne. Le vin va tenir pendant tout le repas avec une solidité et une force de conviction impressionnante. Je suis à peu près sûr que si je partageais ce vin avec les membres de la famille Drouhin qui dirigent le domaine, ils seraient comme je viens de l’être, étonnés d’une prestation aussi magistrale de ce vin.

Guillaume et Alexis à qui j’ai offert un verre ont été étonnés de la vivacité et du fruit de ce vin. Sur la si belle viande ce vin a illuminé un repas d’amitié.

Déjeuner de famille mercredi, 1 mai 2019

Mon fils arrive de Miami juste avant le déjeuner du premier Mai. Ma femme a prévu des mets simples et mon fils a apporté des compléments riches en calories. Il y aura des asperges blanches avec une mayonnaise allégée, des rillettes, une salade aux crevettes, avocats, concombre et mangue, des fromages, des fraises et des meringues immortalisées dans le film « qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?».

Le Champagne Dom Pérignon 1990 a un bouchon qui résiste et nécessite que je l’extirpe avec un casse-noix en tournant le plus possible puisque le bouchon ne veut pas remonter. Il vient entier. Le pschitt est affirmé. La couleur est d’un or très clair. Le nez est intense. Tout en lui évoque l’or. En le buvant, c’est comme si l’on avait posé sur ma langue une boule d’or. Mais enfant trouvent le champagne très doux. Je le trouve très riche et serein. Il est au-dessus de la mémoire que j’ai de ce beau millésime de Dom Pérignon. Il est si abouti que je le trouve dans une expression parfaite et il ne serait besoin d’aller chercher des P2 et P3, d’autres plénitudes de ce champagne, tant son expression aujourd’hui est l’aboutissement de ce qu’on pourrait souhaiter boire. C’est avec la rillette que l’accord est le plus simple et le plus pertinent.

La bouteille est assez vite finie car ma fille cadette est de la partie et je propose d’ouvrir un autre champagne mais mes enfants ont envie de vin rouge. Il faut qu’il soit jeune car il sera ouvert sur l’instant. J’ouvre un Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Domaine Armand Rousseau 1996. Sa couleur est plutôt ambrée pour un vin jeune. Le vin est superbement délicat et bourguignon. Il est subtil, et sur un chèvre Sainte-maure-de-Touraine il crée un accord parfait. Ce vin progressera sans doute avec quelques décennies de plus, gagnant en plénitude, mais tel qu’il est, c’est un bourgogne racé et vif très gastronomique. En le buvant, on a l’impression de croquer de beaux grains de raisins. Dans ce millésime, il aura un grand futur.

Les meringues et les fraises n’ont besoin que d’eau pour les accompagner.

Dîner au restaurant Neige d’Eté mercredi, 1 mai 2019

Lors de la soirée à la Manufacture Kaviari avec en cuisine le chef du restaurant Neige d’Eté, j’avais rencontré un couple d’habitués de ce restaurant. Eric a eu envie de nous faire connaître Neige d’Eté dirigé par le chef Hideki Nishi. Lorsque nous arrivons un peu en avance, ma femme et moi, à l’adresse indiquée, le restaurant n’est pas facile à trouver car le nom est à peine visible. Des tentures ferment la porte d’entrée aussi pensons-nous que le restaurant n’est pas ouvert et nous nous promenons alentour.

Lorsque nous revenons, nous osons repousser la tenture et, oh surprise, il y a déjà des personnes qui dînent. Le lieu est petit, à la décoration minimaliste à la japonaise, de bon goût. Eric sachant que nous étions en avance m’avait écrit un message me priant de boire en attendant. Je commande une bouteille de champagne. Le temps de chercher la bouteille est long, au point que nos amis arrivent avant qu’un verre ne me soit versé. Nous trinquons donc ensemble au plaisir de nous rencontrer en ce lieu familier pour Eric et Isabelle.

Le menu est imposé avec seulement deux options pour le caviar et pour le fromage. Il est ainsi composé : avocat et crevette, mousseline de pomme de terre marinière / beignet de ventrèche de thon rouge et tartare de Toro avec caviar Kristal / consommé de canard, morilles, foie gras / turbot, paëlla / bœuf wagyu de Gumma A5, filet de veau de Galice / fromages affinés / fraise des bois, menthe / chantilly de yuzu, marmelade et zest de pamplemousse rose.

Le Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 2006 est d’une couleur très jeune et d’une bulle active. Il est solide et carré, champagne très consensuel et de grand plaisir raffiné. Il va accompagner plusieurs moments de ce repas. Je commande un vin blanc et un vin rouge. La carte des vins est assez limitée et les vins de haut niveau sont assez chers. C’est l’occasion d’explorer d’autres pistes.

L’Altenberg de Bergheim Alsace Grand Cru Marcel Deiss 2009 est assez doux ce que je n’imaginais pas. On dirait un vin qui combine les complexités des vins de Sicile avec celles des vins de glace, le tout regroupant des évocations d’épices d’Orient. Il est assez incroyable et déroutant mais il est si bien fait qu’il va provoquer des accord d’anthologie avec le foie gras et la morille et surtout avec la chair si tendre du wagyu. C’est un vin de gastronomie, insaisissable tant il sait comme le caméléon ou la pieuvre se fondre dans le décor que lui offre le plat.

Le Cornas Auguste Clape 2011 a été ouvert au dernier moment, à ma demande, et se montre d’une délicatesse rare. C’est un vin raffiné qui va commencer à nous éblouir avec le consommé de canard, accord divin, avec l’asperge verte, mais surtout avec le turbot pris seul. L’accord est magistral. Ce vin ne convient pas au wagyu, plus à l’aise avec le vin d’Alsace, et se marie mieux avec le veau. Il brille évidemment sur le Brillat-Savarin et sur le saint-nectaire. C’est un vin dont j’apprécie l’élégance. Curieusement le fond de bouteille contient une lie abondante inhabituelle sur un vin aussi jeune.

Ce qui est intéressant, c’est que sur chaque plat et sur chaque composante des plats l’un des trois vins se montre d’une justesse extrême. Il faut dire que la cuisine d’Hideki est d’une précision et d’une réalisation qui rendent ces rencontres vin et plat possibles. Ainsi, c’est le champagne qui était le plus pertinent sur le riz de la petite paëlla qui frayait avec le turbot.

Les grands moments culinaires sont pour moi d’abord le turbot, d’une chair parfaite et d’une cuisson idéale. Ensuite, la tendreté du wagyu servi généreusement qui a permis au vin d’Alsace de s’exprimer totalement. Et il ne faudrait pas oublier les divins et légers desserts de la charmante et souriante pâtissière au talent fou. Une mention particulière sera donnée au maître d’hôtel qui nous a présenté les fromages avec une intelligence et une pertinence rare. Même lorsque l’on sait ce qu’il dit sur tel ou tel fromage, on est content de l’entendre.

J’avais aimé la cuisine du chef lors de sa prestation au siège de Kaviari. Je l’ai aimée encore plus lorsqu’il joue sur son terrain. Le vin de Deiss est la plus belle surprise du fait de sa flexibilité aux accords. Toutes choses mises ensemble, cela constitue un repas magistral.

Nous inviterons nos nouveaux amis au restaurant Pages, pour explorer une cuisine qui a beaucoup de similitudes avec celle de ce lieu charmant.

Le menu indique les vins qui sont prévus dans des accords mets et vins, ce que nous n’avons pas pris.

Couscous et vins algériens dimanche, 28 avril 2019

Un samedi midi avec mes deux filles et leurs quatre enfants nous allons fêter mon anniversaire et celui de la nounou de deux des petits-enfants. Ma femme a préparé depuis hier un couscous qui sent bon dès que l’on soulève le couvercle de la casserole. C’est un beau challenge pour le choix des vins que j’ai envie de relever de belle façon.

Pour l’apéritif nous aurons des petits crackers tartinés de guacamole, puis des tartelettes au gruyère et jambon. Le Champagne Dom Pérignon 1964 a son bouchon recouvert d’une cape en plastique qui se craquèle et se déchire dès qu’on veut l’enlever. Le bouchon vient entier sans aucun pschitt. La bulle est quasiment inexistante. La couleur est magnifique, quasiment non marquée par l’âge, d’un or délicat. Le nez est superbe, intense et de forte personnalité. Le champagne est divin. Rond, équilibré, cohérent il est comme une boule de soleil. Il est incroyablement charmeur et facile à vivre. Il a un beau pétillant malgré la faiblesse de la bulle, et se montre généreux. Il est l’expression d’un champagne qui frôle la perfection. J’ai toujours eu un amour pour les champagnes de 1964, année solide et charpentée.

Pour le couscous j’ai ouvert un Sidi-Brahim Vin Fin Vieux de Mascara rosé Algérie 1942. L’étiquette dit que ce vin est vendu par André Vigna, vins fins d’Algérie à Alger et que le vin titre 13,5° à 14°. Le niveau dans la bouteille est très haut, le bouchon très sec est venu facilement mais déchiré, extirpé d’un goulot très étroit d’une bouteille de 90 centilitres. Pour que mes filles cherchent de quel vin il s’agit j’ai versé le vin dans une carafe et à ma grande surprise le vin est presque noir ou gris, comme un vin gris, mais encore plus foncé. Ma fille cadette a trouvé la piste algérienne, ce qui est à signaler.

Versé dans le verre le vin a des nuances de rosé, mais vraiment foncé. Le nez est discret mais prometteur. Et le miracle se produit car ce vin est fait pour le couscous et ses épices douces. Il est simple, droit, assemblé, avec des petites intonations de café tant il est intensément profond. Ce n’est pas un vin complexe, mais il est pur, sans âge, merveilleux accompagnateur du couscous.

Ne sachant pas si le rosé serait bon, j’avais ouvert il y a plus de trois heures un Vin de F. Sénéclauze Saint-Eugène Oran 1953. Ce vin titre 13°. Son niveau dans la bouteille était parfait. Le bouchon s’est brisé en morceaux mais sans problème. Le premier nez m’a rebuté mais ce fut fugace, le parfum revenant dans des odeurs cohérentes. Lors du service dans les verres, la couleur du vin est d’un rouge sang très jeune. Le nez est intense et franc. En bouche on n’a pas les goûts intenses des vins des côtes de Mascara mais on a un vin ensoleillé, franc, simple et gouleyant. Le vin est beaucoup moins adapté au couscous que le rosé. Il prend sa revanche avec les fromages notamment avec un camembert et avec un chèvre délicieux.

Ma femme a fait une tarte fine à la fraise qui s’inspire de celle que nous avons mangée récemment au pavillon Ledoyen. Elle est excellente et accompagnée d’une tartelette au citron délicieuse elle aussi.

Je suis très heureux d’avoir choisi trois vins qui ont été au rendez-vous et ont montré des qualités extrêmes. Le champagne est évidemment d’une complexité très supérieure, mais le rosé a été parfait pour le couscous, et le rouge a bien tenu sa place. Les trois vins étaient sans âge, sans signe de vieillissement. De telles réussites sont un grand plaisir. Un rosé de 1942 avec un couscous, c’est un beau succès.

très belle couleur du champagne

couleur étonnante du rosé au milieu

déjeuner au restaurant Alléno Paris du Pavillon Ledoyen mardi, 23 avril 2019

Un ami a son anniversaire deux jours avant moi. Avec sa femme et la mienne, nous allons déjeuner le jour de mon anniversaire au restaurant Alléno Paris situé dans le Pavillon Ledoyen. Etant en avance, nous avons le temps avec ma femme d’explorer la carte et j’ai le temps de regarder la carte des vins très fournie, mais où il faut savoir slalomer pour dénicher des pépites, car il y en a. Yannick Alléno vient s’asseoir à notre table et nous bavardons. Il est très décontracté, amical, et on le sent en plein épanouissement, philosophe et heureux. Le charmant sommelier m’a offert un verre de champagne jeune que je n’ai pas aimé car il ressemble trop aux champagnes des intégristes de la biodynamie, qui tiennent plus du cidre que du champagne. Seule l’attention comptait et j’ai apprécié.

Nos amis arrivent et sont salués par Yannick qui nous laisse composer nos menus. Alors que ma femme n’est pas très favorable aux longs menus ‘dégustation’, c’est ce que nous allons prendre, car c’est trop tentant.

Les amuse-bouches sont : biscuit de polenta crème acidulée à l’échalote, bœuf fumé au thym / coque d’Agria, crème de jaune d’œuf, mimolette, pourpier / fuseau aux algues, crémeux à l’anguille fumée.

Pour l’apéritif nous buvons un Champagne Charles Heidsieck ‘Blanc des Millénaires’ 1995 qui est dans état de grâce absolu. Il est vif, cinglant, mais il sait aussi se montrer diplomate, accueillant. L’amuse-bouche à l’anguille est à se damner car quand on croque le fuseau, le gout de l’anguille n’apparaît que beaucoup plus tard, et c’est divin. Le champagne y trouve un supplément d’âme. Les amuse-bouches sont d’un niveau exceptionnel, qui n’appartient qu’aux chefs trois étoiles.

Le menu ‘dégustation’ est : tourteau de casier en rémoulade moderne, délicate gelée / asperges blanches de Noirmoutier copeaux aux parfums de litchi et fleurs de sureau fermentées, puis les têtes vanillées et déshydratées / morilles étuvées à la scarmoza fumée, poudrées au citron noir d’Iran et orange, salade maraîchère aux Gros Paris / il y a ensuite le plat principal, soit de turbot soit de ris de veau dont je donne les intitulés. J’ai pris le turbot : tout blanc de turbot à la fleur d’oranger, beignets de fleurs de jasmin, crème chaude de navet et tiges au lard / subric au vacherin Mont d’or, sirop d’érable et gelée de vin jaune / pour deux autres le ris de veau est en deux services, cœur de burrata au thon gras et morceaux marinés à l’anchois, soufflé pané aux tagliatelles d’asperges vertes, mayonnaise relevée au vin jaune / pour tous, ensuite : glace plombière au chaource et raisins muscat, gelée de Cognac / touches sucrées : tarte super fine de fraises caramélisée, salade de fleurs à la fermentation d’estragon, glace mozzarella / guimauve au gros Paris assaisonnée de chocolat et fleur de sel, touches abricotées / légère meringue à la noisette et glace à l’extraction de champignon / mignardises.

Ce repas est exceptionnel. On sent un chef qui ose. A partir du moment où il ose, on sait que l’on n’aimera pas forcément tout, mais on est enthousiaste devant la prouesse culinaire. Si je n’ai pas aimé tel ou tel aspect de ce menu, cela n’a aucune importance, car je suis ravi du tout. Le tourteau était accompagné d’une mayonnaise qui s’accordait à la salade mais ne cooptait pas la chair du crabe. Je ne l’ai pas trop aimée. Pour le plat suivant, n’ayant pas entendu que l’asperge était en deux services, j’ai pensé que le litchi écrasait l’asperge qui aurait dû être dominante. Mais elle n’était qu’en suggestion car le plat d’asperge suivait, superbe.

La morille est à se damner tant elle est bonne. Sa préparation est originale car elle est surplombée par une architecture fine de pomme de terre qui imite la structure extérieure de la morille. Des petites fleurs sont fichées aux croisements des alvéoles. La structure est enlevée, posée sur une assiette et reçoit des salades et une crème. Du fait de la séparation des composantes du plat, les deux morilles fourrées appellent un vin rouge.

Jusqu’alors, nous goûtions les plats avec le champagne et avec un Chablis Grand cru Les Preuses domaine Vincent Dauvissat 2010, superbe et riche, très vif comme le champagne, les deux se fécondant mutuellement. Ce Chablis a une puissance rare. Mais pour la morille, il fallait vite faire la place au Nuits-Saint-Georges Premier cru Clos de la Maréchale Jacques Frédéric Mugnier 2005. J’ai demandé que le vin ne soit ouvert qu’à la dernière seconde et pas carafé, afin que l’on jouisse de l’éclosion du vin dans sa fraîcheur.

Le Nuits-Saint-Georges est d’un charme inouï. Tout en lui est suggéré et l’ouverture sur l’instant donne l’impression d’une frêle fleur qui vient d’éclore. Avec la morille, l’accord est à se damner. Le vin rouge est délicieusement romantique, timide même mais diablement complexe. Un régal bourguignon féminin.

Je suis émerveillé par le turbot. Alors que ce poisson est habituellement un sénateur gustatif, Yannick Alléno le traite comme un poisson sauvage, diablement marin et j’ai vraiment l’impression qu’il frétille dans l’assiette. L’émotion est incroyable. On peut avec le turbot profiter soit du champagne soit du Chablis qui étale sa richesse.

La préparation fromagère convient au Clos de la Maréchale qui s’est élargi et embourgeoisé. Il est plus large et plus doctrinal. Il a perdu son vibrato émouvant pour devenir assis et puissant. C’est un très grand vin. Les desserts sont d’une légèreté et d’un raffinement impressionnants.

Il serait bien difficile de hiérarchiser les plats qui m’ont enthousiasmé. L’amuse-bouche à l’anguille, les morilles, le turbot et la légère meringue à la noisette et glace à l’extraction de champignon sont mes chouchous, avec un faible pour la chair du turbot.

Classer les vins est quasi impossible car les trois sont des vedettes dans leurs catégories. J’ai un petit faible pour le champagne et pour l’éclosion du Nuits-Saint-Georges.

Le service a été excellent. Yannick Alléno est un chef que j’apprécie depuis vingt ans, quand j’écrivais à chaque repas au Scribe qu’il devait avoir les trois étoiles qu’il méritait avant de les obtenir. Quel beau repas d’anniversaire !

déjeuner en terrasse au restaurant l’Ecu de France samedi, 20 avril 2019

Le samedi précédent le jour de Pâques, nous allons en famille déjeuner au restaurant l’Ecu de France. C’est le premier jour où le restaurant offre la possibilité de déjeuner dehors, sur la terrasse qui est en surplomb de la Marne. Il fait beau, la température est estivale. De nombreuses personnes font du canoë ou du kayak. Il y a même des baigneurs qui se sont risqués à plonger dans la Marne.

Au restaurant, en plein air ou à l’extérieur il y a beaucoup de réunions familiales, des anniversaires qui se fêtent et même un mariage.

Je vais saluer le chef Peter Delaboss qui m’annonce son menu et sait qu’il faudra simplifier les recettes. Sur la foi de ce qu’il m’annonce, je commande les vins du repas.

Le menu composé par Peter Delaboss est : amuse-bouche : trilogie de saumon, pickles de merguez et concassé de tomates / Ceviche de Saint-Jacques à l’huile de gingembre, œuf mollet frit / marbré de foie de canard, caramel de betteraves / duo de sole et homard, bouillon de volaille, émulsion de parmesan / esquisse au chocolat, ananas Victoria, glace au thym / mignardises.

Le Corton-Charlemagne domaine Bonneau du Martray 2005 a un nez riche et noble. Il est puissant. En bouche, le vin est riche et puissant, extrêmement complexe. Avec les Saint-Jacques l’accord est percutant. Le vin est rayonnant, accompli et de belle maturité malgré son jeune âge.

J’ai demandé que le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2005 soit ouvert au moment précis où le homard et la sole sont servis. J’adore l’éclosion d’un vin jeune qui pendant le premier tiers de la bouteille délivre un frémissement et une subtilité qui sont extrêmes. Ce vin se présente au premier contact comme subtil, fragile, délicat. Je l’adore. Quand le vin est plus aéré, il devient plus assis, moins conquérant mais c’est un grand vin qui évoque des subtilités bourguignonnes sur un support de vin du Rhône.

L’accord avec la sole et le homard est superbe. Je l’apprécie plus sur la sole que sur le homard et plus sur la pince du homard que sur le corps. Lorsque l’on revient au vin blanc, on est subjugué par la puissance du Corton Charlemagne, très supérieure à celle du Rayas. Ces deux vins sont très grands.

Peter Delaboss qui présente ses plats comme Kandinsky présente ses toiles, en un Etna de création, fait beaucoup d’efforts pour rendre ses recettes cohérentes, alors que son tempérament est plutôt de faire des feux d’artifice. Les plats ont été excellents, surtout le Ceviche et le duo sole et homard.

Le service est attentif. Le lieu chargé d’histoire est agréable et déjeuner en plein air à la mi-avril est un grand bonheur. Deux grands vins ont illuminé ce repas printanier. Mes petits-enfants ont des étoiles dans les yeux dans cet endroit de rêve. C’est un beau cadeau de Pâques.