Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner au restaurant Astrance jeudi, 28 mars 2024

Deux mois exactement se sont écoulés depuis la dégustation des vins de Trévallon racontés dans le bulletin précédent. Deux mois sans vin car j’ai été opéré d’une prothèse totale d’un genou. Séjour dans deux hôpitaux, celui de la chirurgie à Toulon et celui de la rééducation à Hyères, ce qui a permis à mon épouse de venir me voir puisque notre résidence d’été (et en l’occurrence, d’hiver) est à courte distance.

On ne dira jamais assez l’engagement et la bienveillance du personnel hospitalier, du personnel soignant et de tous ceux qui accompagnent le retour à la vie normale des patients. J’ai été très impressionné par le travail qu’ils accomplissent avec engagement et sourire.

Pour le premier déjeuner de retour à Paris, nous avons choisi, avec un ami, le restaurant Astrance de Pascal Barbot et Christophe Rohat.

A mon arrivée nous avons bavardé en cuisine sur les péripéties et difficultés nées de l’ouverture du restaurant en plein Covid et de malfaçons contrariant le démarrage. J’y étais venu il y a un peu plus d’un an. D’emblée aujourd’hui on ressent que ce restaurant a pris un rythme de croisière de haute qualité.

Mon ami qui m’invite me laisse le choix des vins. Je repère sur la carte un Chablis Grand Cru Les Clos qui fera l’affaire et comme le menu-dégustation dont nous ne savons rien accueillera mieux les blancs, selon Christophe, s’ajouteront un Champagne Agrapart Terroirs extra brut et mon œil ayant glissé sur la carte, une Gueuse Lambic Cantillon.

Un craquelin aux pois chiches a des notes amères qui me semblent appeler la Bière Gueuse Lambic Cantillon mise en bouteille le 15 mai 2023. Quelle personnalité et quel accord ! J’ai suggéré à Christophe en fin de repas que cette combinaison soit proposée aux clients, tant elle est fusionnelle. La brioche est un délice et copine avec le Champagne Agrapart Terroirs extra brut fait de vins de 2011 et dégorgé en 2014. Ce Blanc de Blancs d’Avize me fait penser à une volonté très proche de celle d’Anselme Selosse. Le champagne est long, racé, vif et de grande intelligence. Au cours du repas si on ne savait pas quel vin prendre, la solution champagne était souvent la bonne.

Arrive le premier plat de bulot, huître et praire, sauce agrumes et piment qui offre des combinaisons de saveurs passionnantes. Le bulot appelle le Chablis Grand Cru Les Clos Vincent Dauvissat 2005. Le nez à l’ouverture est assez discret et ce qui me fascine, c’est la longueur de vin. Il est comme un ricochet réussi dont on voit qu’il pourrait être sans fin. C’est sans doute le plus accompli des vins de ce repas. L’huître impose l’Agrapart et la praire vogue avec la bière Cantillon. C’est un beau départ.

Il est à noter que la bière a une telle personnalité que l’on peut passer de la bière au champagne et inversement sans que cela heurte le palais. Les deux sont grands.

La coquille Saint-Jacques crue est accompagnée d’huître et de préparations assez vives. Vient ensuite du riz Koshihikari traité de façon japonaise avec une tartine de confiture de crevette particulièrement goûteuse. Le champagne accompagne le riz et la Gueuse le pain croquant.

Le turbot vapeur au koji est magique, d’une cuisson d’une rare justesse, et les barbes avec une sauce lourde sont à se damner. Le Chablis brille à coté de ce plat et sa longueur continue d’impressionner.

Un intermède de légumes est charmant.

Une feuille roulée crée une saveur qui nous fait réagir, mon ami et moi, car nous sommes face à un goût cohérent parfait où acidité et douceur sont à leur apogée. C’est flagrant.

Le plat de ris de veau et morilles fourrées à l’ail des ours et vin jaune est un plat gourmand. On se laisse aller à cet appel au bonheur. Le vin blanc est parfait et certaines parties du plat auraient pu accueillir un vin rouge.

Un plat combinant un granité de bleu d’Auvergne avec un kiwi rouge et un sorbet au basilic me séduit moins.

Une coupelle avec oseille et cacahuète est extraordinaire car les deux se combinent parfaitement. Bravo au chef d’avoir créé cette association.

Les œufs coque froids au jasmin rafraîchissants sont une tradition de Pascal Barbot. Et l’on finit avec des madeleines et des feuilles de chocolat.

Après deux mois sans vin et sans gastronomie, je me rends compte que ma vie actuelle se nourrit de gastronomie, de grands vins et de partage avec des amateurs et grands chefs. Je suis heureux dans ce monde de recherche de l’excellence. Pascal Barbot a un talent qui va s’exprimer dans ce bel écrin de la rue de Longchamp. J’ai passé un moment heureux dans ce restaurant qui promet d’être grand.

Déjeuner de conscrits jeudi, 25 janvier 2024

Nous nous retrouvons une nouvelle fois au Yacht Club de France pour un nouveau déjeuner de notre club de conscrits. L’ami qui devait nous inviter avait conçu un menu avec Thierry Le Luc mais une subite maladie l’a empêché de venir. Un autre ami le remplace.

Les hors d’œuvre d’apéritif sont toujours aussi copieux et délicieux : charcuterie fine, huîtres de Carantec au beurre blanc, crème Dubarry au homard. Nous buvons un Champagne Laurent-Perrier sans année qui est très agréable et très consensuel. C’est exactement ce que l’on attend d’un champagne non millésimé.

Le menu est ainsi composé : noix de Saint-Jacques en carpaccio vinaigrette fruit de la passion et langoustines rôties / pot au feu de la mer en courge potimaron / fromages / crêpes Suzette, tuiles crème pâtissière à l’orange.

Thierry Le Luc avait suggéré que l’on boive un Saint-Aubin 1er cru Murgers des dents de chien Domaine Berthelemot 2015. C’est une belle proposition car le vin est extrêmement agréable, fruité, généreux, agréable. Il n’est pas d’une grande complexité, mais sa spontanéité procure un grand plaisir.

Pour le fromage un Château les Carmes Haut-Brion 2002 est lui aussi d’une belle franchise et joyeux.

Nous avons accueilli un nouveau membre et les discussions ont été passionnantes. L’implication de toutes les forces vives du Yacht Club de France pour nous satisfaire ajoute à notre plaisir.

Déjeuner avec deux vins magnifiques mardi, 23 janvier 2024

Un jeune ami m’avait proposé de déjeuner avec un Moët & Chandon 1880 que nous avions apprécié. Nous nous retrouvons à nouveau pour déjeuner au restaurant Pages. Je n’ai pas pu arriver en avance aussi les vins sont ouverts au moment où nous entrons dans le restaurant.

J’ouvre mon vin, un Hermitage La Sizeranne Chapoutier 1949 au niveau parfait et à la couleur idéale. La capsule est en plastique et sur le haut du bouchon il y a une espèce de glu que je dois essuyer. Et l’odeur du haut du bouchon est très désagréable, combinant du caoutchouc et un fort vinaigre. Le bouchon vient en mille morceaux car le haut du goulot a un pincement qui empêche le bouchon de monter. A noter que le bouchon était fortement imbibé de vin.

Il est urgent d’attendre et je regrette de ne pas être venu deux heures plus tôt car ces odeurs auraient disparu plus vite. Mon ami ouvre la bouteille de Champagne Dom Pérignon 1982 à l’étiquette abîmée mais au millésime lisible. Le beau bouchon vient entier et sans pschitt, mais on voit que la bulle est abondante quand on verse dans les verres. La couleur est un peu plus ambrée que celle du Dom Pérignon 1982 que j’avais bu récemment.

Le champagne est un peu plus chaud qu’il ne devrait et tant mieux car cela lui donne une énergie et une largeur de toute beauté. Ce champagne est de belle maturité, vaste et complexe, entraînant. C’est certainement un des plus grands Dom Pérignon 1982 que j’ai bus.

Le menu est d’amuse-bouches puis de l’encornet avec une sauce crémée / lotte et coques et sauce umami / joue de bœuf, sauce au vin et carottes / wagyu et sa gaufre et Lucas a fait à ma demande un dessert très simple et parfait.

Le champagne prend de l’énergie sur les coques seules et brille sur la sauce umami.

L’Hermitage La Sizeranne Chapoutier 1949 m’enchante dès la première gorgée. Il n’a aucun défaut olfactif et ce qui frappe, c’est la fraîcheur et la jeunesse de ce vin délicat qui ne joue en aucun cas de sa puissance alors qu’il en a. Une merveille.

Il y avait à une table voisine un américain, une italienne et une française qui déjeunaient calmement, mais l’américain m’avait reconnu car il me suit sur Instagram. Je leur ai apporté un verre de chaque vin. Ils étaient aux anges.

La joue de bœuf est idéale pour l’Hermitage. Je n’ai pas le souvenir d’en avoir bu de si gracieux, et de si belle fraîcheur. Si on disait que ce vin est de 1990, ce ne serait pas choquant alors que le vin a quarante ans de plus.

L’Hermitage est aussi très bon sur le wagyu, mais le gras de la joue est plus pertinent sur le vin que le gras du wagyu.

Nous avons fini le champagne sur le dessert. Il avait gardé de sa fraîcheur et s’était encore élargi. Quel grand 1982.

Pierre Alexandre le directeur attentionné nous a fait goûter un Cognac X.O. Jean Doussoux Héritage très plaisant et peu pesant qui a mis un joli point final à ce beau déjeuner où les deux vins ont été au sommet de leur art.

Dîner et déjeuner en famille dimanche, 21 janvier 2024

Mon fils vient dîner à la maison. Il a fait tous les achats pour ce repas. Lorsque j’ai transféré ma cave d’un entrepôt qui avait fait l’objet d’une expropriation du fait des travaux pour le Grand Paris, j’avais réservé dans le nouveau local une zone pour les bouteilles illisibles, que l’on inventorierait plus tard. Nous sommes presque douze ans plus tard et rien n’a été répertorié.

J’ai envie de fureter dans cette zone. Je vois une bouteille de Pétrus dont l’étiquette de vente aux enchères porte une indication manuscrite : « 47 », en plus du numéro du lot. La capsule du vin est verte ce qui indique un vin mis en bouteille par un négociant et j’imagine qu’il s’agit de Van der Meulen, qui a eu la réputation d’avoir fait des faux Pétrus 1947. Et un vague souvenir me revient d’avoir acheté un Pétrus 1947 à prix bas, prenant le risque d’un faux éventuel avec toutefois l’impression donnée par cette bouteille qu’il n’y aurait pas à redouter un faux.

Pendant ma recherche dans la zone des vins non identifiés, je prends en main une bouteille qui me fait bonne impression. Il s’agit d’une bouteille de Bourgogne sans étiquette avec une capsule rose comme celle de Chambertins 1913 que j’ai adorés. Je n’arrive pas à lire complètement ce qui est écrit mais Instagram m’aidera à trouver. C’est : « Caves du Restaurant La Bourgogne ». J’avais remis à sa place cette bouteille au niveau parfait et quand je suis revenu prendre la bouteille, j’ai eu en main une bouteille qui a perdu de l’ordre d’un tiers de son volume. J’ai alors réalisé que j’avais trois bouteilles de ces caves, apparemment de périodes différentes. J’en ai pris deux avec moi, la très basse et celle qui m’avait séduit.

Avant l’arrivée de mon fils j’ouvre le Pétrus 1947. Le goulot étant resserré le bouchon se déchire en miettes et il m’est impossible de vérifier l’année que l’étiquette bien abîmée ne laisse pas voir. Le nez est prometteur.

J’ouvre ensuite la bouteille de la plus basse des deux bourgognes. Le bouchon est descendu dans le goulot. Je n’arrive pas à le remonter car il est coincé dans le goulot. En utilisant le tirebouchon Durand qui combine mèche et bilame, je relève enfin le bouchon. L’odeur ne récompense pas mes efforts car elle est putride, horrible, affreuse. Je n’ai pas d’espoir mais il faut quand même donner la chance au vin.

Le bouchon du deuxième bourgogne à la capsule rose vient plus facilement. L’odeur me plait beaucoup.

Peu avant l’arrivée de mon fils j’ouvre un Champagne Veuve Clicquot sans année à la jolie étiquette d’un jaune ancien. Le bouchon de belle qualité est venu avec un pschitt bien significatif. J’ai même vu des bulles se montrer.

Mon fils arrive avec des victuailles pouvant nourrir un régiment. Nous trinquons avec le Champagne Veuve Clicquot sans année probable années 70 sur des rillettes qui l’excitent bien. Ce champagne est d’un équilibre parfait et d’une grande vivacité. Il a environ cinquante ans et montre une grandeur rare. J’aime ces Veuve Clicquot sans année lorsqu’ils ont cet âge.

Les andouilles sont un peu brutales pour le champagne. Nous poursuivons avec du caviar osciètre et du caviar Baeri sur du pain et du beurre. Alors qu’au moment du réveillon de la Saint-Sylvestre le Baeri avait brillé, aujourd’hui c’est l’osciètre qui montre une complexité et une longueur beaucoup plus affirmées.

C’est le moment du Pétrus 1947. Quand j’avais ouvert le vin, essayant de détecter un faux éventuel, j’ai cru sentir un peu de vin hermitagé, croyant reconnaître un ajout algérien mais maintenant en le buvant il est clair qu’il n’y a pas l’ombre d’un ajout de vin ensoleillé. Car ce vin très strict, pur, gracile mais affirmé est d’une rigueur authentique. Le pomerol se reconnaît sans défaut. On est certainement face à un Pétrus 1947, mais il n’a aucun caractère tonitruant. Et sa retenue m’empêche de m’extasier.

Je sens le bourgogne qui a le plus bas niveau et à ma grande surprise il n’y a plus aucune mauvaise odeur. N’ayant pas l’envie d’essayer ce soir ce vin, je sers directement le Bourgogne Caves du Restaurant La Bourgogne années de 20 à 40 et peut-être années 10 tant la capsule a un rose qui rappelle les chambertins Sosthène de Grézigny 1913 que j’ai bus avec tant de bonheur.

D’emblée nous sommes conquis. Alors que ce vin mis en bouteille par le restaurant pourrait être un « Villages », nous sommes face à un vin dont la qualité pourrait être celle d’un Grand Cru. Je pense à la puissance d’un Musigny. La couleur de la capsule est tellement proche de celles des 1913 que j’ai bus que je pourrais penser que ce vin est de cet âge mais pour rester prudent disons qu’il est d’avant 1940. Nous sommes ravis.

Les fromages sont bons et le plus proche du Pétrus est un Reblochon très doux, tandis que le saint-nectaire est plus adapté au bourguignon.

Nous avons tant mangé que la galette des rois sera pour le déjeuner de demain puisque ma fille cadette nous rejoindra avec son fils.

Mon fils, ma fille cadette et un de mes petits-enfants sont présents à déjeuner à la maison. Il restait suffisamment de vin de la veille pour que je n’ouvre d’autres vins qu’en cas de besoin. Il y en aura un car mon fils a acheté des saucisses de Montbéliard et de la choucroute qui n’ira pour aucun vin. J’ouvre donc un Riesling Spätlese Friedrich Wilhelm Gymnasium Trittenheimer Apotheke Mosel Saar 1985.

Le Veuve Clicquot sans année est aussi brillant que la veille voire plus large et épanoui. Un grand champagne que l’on boit sur le caviar restant et sur la rillette.

Le Pétrus 1947 a perdu de son charme et se montre légèrement fatigué. Mon fils essaie le Bourgogne Caves du Restaurant La Bourgogne qui avait un niveau très bas et que je situe dans les années 50. Il ne lui trouve pas un grand intérêt.

Mon fils continue d’aimer le Bourgogne Caves du Restaurant La Bourgogne au meilleur niveau. Je suis moins enthousiaste et ma fille n’aime pas ce vin. Nous avons peut-être été un peu plus enthousiastes qu’il eût fallu pour ce vin. Il ne faut pas le regretter.

Sur les délicieuses saucisses que j’apprécie car elles sont presque cousines de saucisses de Morteau que je révère, le Riesling Spätlese Friedrich Wilhelm Gymnasium Trittenheimer Apotheke Mosel Saar 1985 est particulièrement agréable. Il est beaucoup plus aérien de ce qu’on attendrait d’une ‘vendange tardive’. C’est un véritable kaléidoscope car les fruits comme l’ananas, le litchi, la poire et bien d’autres virevoltent dans ce goût charmant et frais.

Il accompagnera aimablement une délicieuse galette des rois à la frangipane légère. Le hasard fait bien les choses puisque mon petit-fils fut désigné roi.

Tous les vins n’ont pas toujours brillé mais ce fut un beau moment familial avec un Veuve Clicquot de très haut niveau.

Déjeuner au restaurant Pages avec un ami dimanche, 21 janvier 2024

Au restaurant Pages, je déjeune avec un ami. Arrivé un peu en avance, j’ouvre les deux vins que j’aimerais qu’il découvre sans qu’il sache de quoi il s’agit. Il n’y a aucun problème à l’ouverture et les parfums sont prometteurs, surtout celui du vin blanc.

J’avais vu le chef Ken à mon arrivée pour faire le menu. Il y aura des filets de pagre cru et du cabillaud à la sauce umami, sauce traditionnelle du restaurant. Puis nous aurons de l’agneau et un peu de wagyu. Le dessert sera breton, avec de la pomme et du cidre en une interprétation originale de la tarte Tatin.

Le Graves Blanc Barton & Guestier 1959 a un niveau très haut et une couleur magnifique et claire dans la bouteille parfaitement transparente sans couleur. Dans le verre il est plus doré, d’un or de blé d’été. En bouche, ce qui me fascine, c’est l’incroyable longueur du vin et sa persistance en bouche qui est quasi infinie. Alors que ce vin de négociant est un Graves simple, il a la prestance d’un très grand cru. Le millésime exceptionnel joue certainement un rôle dans la réussite de ce vin. C’est surtout sur le pagre cru que le vin s’exprime, plus que sur la sauce umami qui réclamerait un vin blanc plus lourd.

Mon ami se trompe largement de région quand il essaie de découvrir le vin rouge, mais que celui qui n’a jamais fait fausse route lui jette la première pierre. Il s’agit d’un Château Lafite-Rothschild dont je ne connais pas l’année, sans étiquette et au niveau presque dans le goulot. On pourrait penser à un vin d’avant 1970. Dans l’assiette où le bouchon est brisé en plusieurs morceaux, mon ami scrute, fait tournoyer les petits morceaux pour chercher des indices qui permettraient de dater le vin, mais cette recherche est vaine.

A la première gorgée, l’idée qui me vient est 1962. Mais en continuant à boire, il me semble que l’année est plus faible que 1962 car le vin délicat et très subtil est assez léger. Il y a bien sûr un goût de truffe propre à Lafite, mais discret. Alors ce qui semble plausible est 1956 ou 1957, le plus probable étant 1957. Le vin s’est montré à l’aise avec le wagyu. Il s’agit d’un Lafite sensible, mais manquant quand même un peu d’opulence.

Mon ami avait apporté un Bourgogne blanc Domaine Clément de Coulanges-la-Vineuse 2018
sympathique et inattendu mais qui n’est pas du niveau du Graves.

Pierre-Alexandre, le directeur du restaurant, en fin de repas nous a fait goûter un Château Climens Asphodèle sec 2019. Une absolue merveille. Ce vin combine une extrême complexité et une grande richesse avec une belle fraîcheur. Il est gastronomique et divin à cet âge. Gardera t’il la même richesse dans les prochaines années, je ne sais pas, mais il m’a ébloui.

Le gagnant du repas est le Graves Sec 1959 de très belle prestance.

Déjeuner de l’épiphanie dimanche, 7 janvier 2024

Une semaine après le réveillon de la Saint-Sylvestre nous recevons des amis dans notre maison du sud pour fêter l’épiphanie. L’apéritif comprendra du gouda au pesto, une mimolette et un foie gras.

J’ai envie de faire une expérience. J’avais ouvert pour le réveillon un Krug Clos du Mesnil 2004 et un Laurent-Perrier Grand Siècle années 70. Il restait du Krug. Le Grand Siècle n’avait pas été bu au dîner mais bu partiellement le lendemain. Que valent ces deux vins sept jours après avoir été ouverts ?

A notre grande surprise le Krug a encore des bulles fines et vives. En bouche le vin donne l’impression de ne pas avoir souffert du temps, car il est vif, de belle complexité. Quelle surprise. En fait la fatigue n’apparaîtra qu’après quelques minutes, mais, même si l’on ressent la fatigue le champagne est encore très vivant et plaisant à boire.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle années 70 est d’une belle couleur ambrée. Nous convenons sans difficulté que ce champagne oxydatif est aussi bon que si on l’avait bu quand il a été ouvert. Il est gourmand, de belle maturité et de grand plaisir. Il n’a pas de signe qui montrerait une faiblesse ou une fatigue liée à son ouverture précoce.

Ces expériences étant faites, nous buvons le Champagne Krug Private Cuvée première édition à étiquette de couleur olive. Ce champagne a été commercialisé en 1981 et 1982 et contient donc des vins des années 70. Je l’avais ouvert il y a trois heures. Il n’avait eu aucun pschitt et son magnifique bouchon était venu entier. Il a une grande personnalité de champagne ancien avec des notes douces combinées à une forte énergie. Il se marie au foie gras de belle façon dans un accord douceur sur douceur.

Le premier plat est des escargots que nos amis adorent. Je les associe à La Petite Sibérie Côtes de Roussillon Villages 2006 d’Hervé Bizeul. Notre amie aurait pensé que les escargots appellent un vin blanc mais la démonstration est faite que ce vin est le compagnon idéal des escargots. Je l’adore. Il titre 15° et a une forte puissance, mais aussi un fruité qui lui donne de la fraîcheur et un finale mentholé, le même que celui des Vega Sicilia Unico. Ce vin a d’énormes qualités et me plait.

Pour les pommes de terre à la crème et à la truffe apparaît la Côte Rôtie La Mouline Côte Blonde Guigal 1984. Il est d’un monde complètement différent du vin de Bizeul. Il brille par sa complexité qui offre des saveurs qui changent à chaque instant et virevoltent. Ce vin est calme et subtil quand la Petite Sibérie est un cheval fou, qui fonce pour montrer sa vivacité. L’accord de la Côte Rôtie avec le plat est une merveille.

Vient ensuite un poulet rôti aux pommes de terre grenaille qui accepte les deux vins dont on peut se régaler, chacun pour son message. La Petite Sibérie, c’est Marcel Cerdan et La Mouline, c’est Gary Cooper.

Pour le camembert Jort il est évident pour moi que le vin du Roussillon créera un accord parfait et c’est le cas.

Comme il se doit, le déjeuner d’épiphanie se conclut par la galette des rois qui ne nécessite pas de vin. Par un hasard que j’ai peut-être un peu aidé, notre amie aura eu les deux fèves. Lors de ce déjeuner amical, la Petite Sibérie s’est montrée sous un jour enthousiasmant.

Journée de la Saint Sylvestre lundi, 1 janvier 2024

C’est la Saint Sylvestre. Pour le midi nous grignotons des amuse-bouches aux goûts francs et clairs : tranche de foie gras frais, andouille de Guéméné, jambon ibérique Pata Negra, anchoïade. J’aime ces goûts directs. Il y avait assez de vins à terminer pour que nous soyons heureux de ce petit pique-nique.

Une phase importante de la préparation est de choisir les verres du repas. Il faut sortir tous les verres des boîtes dépareillées et les présenter sur table pour choisir les verres idoines. Nous avons commencé de bon matin.

A 16 heures, je lance l’ouverture des vins. Le Pétrus 1985 a un parfum riche et engageant. Le Clos de la Roche Dujac 2002 a un parfum subtil et délicat. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1985 a un bouchon tellement serré qu’il me faudra près d’un quart d’heure pour l’extirper car le cylindre en verre du goulot a des surépaisseurs qui bloquent la montée. Le parfum du vin est une récompense car il est brillant, avec tout ce que j’aime dans la Romanée Conti.

Le parfum du magnum de Dom Pérignon 1998 est très expressif et le pschitt est royal. Le Krug Clos du Mesnil s’annonce noble et élégant, avec un pschitt plus discret. J’ouvre un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle années 60 qui est un des champagnes anciens que j’adore.

Ça fourmille en cuisine car la préparation des plats nécessite une rigueur absolue. Le menu sera : canapés amuse-bouches d’un traiteur local, dont on ne peut pas attendre des goûts purs, puisqu’il cherche des raffinements, anchoïade, jambon Pata Negra, pains Pita au curry, boudin blanc truffé, tomates séchées et poulpes, asperges tapenade, crevettes au curry, foie gras figue, etc. Le menu est : deux caviars Baeri et osciètre avec pain blanc et beurre Bordier / pommes de terre à la crème et à la truffe / pigeon en deux services avec purée Robuchon, filets d’abord et cuisses ensuite / fromages : Mont-d’or et Epoisses / tarte Tatin.

Dès que je hume le Champagne Dom Pérignon magnum 1998, je ressens un nez de bouchon qui influence le goût, mais de façon discrète car les amuse-bouches variés arrivent à faire oublier ce défaut. Je sens que mes convives ne sont pas gênés par le léger défaut au point que nous finirons ce champagne sur les caviars lorsque nous passerons à table.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 2004 montre avec évidence comme il est racé, fin et d’une grande élégance. Souvent caviar varie, car ce soir, c’est l’osciètre que je préfère au Baeri. Nous nous régalons de la cohérence de l’accord, mais personnellement, je pense que le Dom Pérignon plus rond enveloppe mieux les caviars.

Comme nous allons passer aux pommes de terre à la truffe, je ne sers pas le Laurent Perrier Grand Siècle, bien qu’il soit ouvert.

Au moment de la préparation du plat, la truffe embaumait dans toute la maison. Associée avec une pomme de terre à la crème délicieuse, un accord divin se forme. Et le Pétrus 1985 est lui-même divin. Il ‘est’ truffe et son association au plat est fusionnelle. Le Pétrus est riche, très truffe, dense et noble. Un très grand vin.

Sur les filets de pigeon nous aurons deux vins servis avec un décalage. Le Clos de la Roche Domaine Dujac 2002 est élégant, charmeur, le gentleman courtois. Dans un autre contexte où il serait le seul vin, on l’adorerait, mais le vin qui va être servi lui fait de l’ombre. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1985 est parfait et me comble d’aise car il a les marqueurs des vins du Domaine, la rose et le sel. Sa subtilité est aussi présente que sa puissance. Le régal se poursuit sur les pattes.

Le Vega Sicilia Unico 1960 apparaît maintenant sur les deux fromages, un Mont-d’or et un Époisses d’une puissance extrême. Il a probablement dépassé sa date de péremption et ce sera une bonne chose, car à ma grande stupeur le vin espagnol a un fort nez de bouchon qui se ressent en bouche, sauf avec l’époisses. Je suis mécontent car j’avais acheté cette bouteille tout juste avant Noël pour qu’il brille à la Saint-Sylvestre. Cette bouteille au niveau parfait me faisait envie. Je suis triste, mais les amis ont fait bonne figure à ce vin.

La tarte Tatin est une des plus réussies que ma femme ait faite, avec des accents caramélisés parfaits. Le Château Coutet Barsac 1959 a une couleur d’un or noble qui n’a pas foncé. Au nez et en bouche, c’est la perfection absolue et l’accord couleur sur couleur du vin avec la tarte est un exemple d’accord parfait. Quel bonheur, quel charme, quelle suavité.

Comme l’an dernier je compterai ce dîner dans les dîners de wine-dinners, même si aucune compensation financière n’a été demandée, on l’imagine. Ce sera le 280ème dîner. Le vote est sur quatre vins seulement parmi les sept que nous avons bus.

Trois vins ont eu des votes de premier, le Richebourg trois fois, le Coutet trois fois aussi et le Clos du Mesnil une fois.

Le vote de la table est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1985, 2 – Château Coutet 1959, 3 – Krug Clos du Mesnil 2004, 4 – Pétrus 1985.

Mon vote est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1985, 2 – Château Coutet 1959, 3 – Pétrus 1985, 4 – Krug Clos du Mesnil 2004.

Si l’on avait voté sur cinq vins, le Clos de la Roche Dujac 2002 aurait certainement été celui-là.

La contreperformance du Vega Sicilia m’a attristé, mais l’ambiance de ce dîner a été tellement amicale et riante que nous le passage d’un millésime à l’autre a été une vraie réussite.

dîner du deuxième jour samedi, 30 décembre 2023

Le soir du deuxième jour, le programme est limité pour que nous ménagions nos forces. Le plat est d’anguilles fumées et de pommes de terre à la mayonnaise. Un des amis présents avec qui j’avais bu un Champagne Pierre Deville Pinot Noir grand cru 2012 au restaurant Abysse, a apporté le même champagne car il avait vu que j’avais apprécié ce champagne qui m’était inconnu.

Ce champagne est aussi bon que le souvenir que j’avais gardé. Fraîcheur, persuasion, droiture, finesse et belle personnalité. Nous nous sommes régalés avec les gourmandes et grasses anguilles de Kaviari.

déjeuner du deuxième jour samedi, 30 décembre 2023

Le programme du déjeuner du deuxième jour est de comparer trois caviars Kaviari, le Baeri, le Kristal et l’osciètre. Le vin sera un Dom Pérignon 2010 apporté par les amis qui ont fourni les caviars. Pour préparer le palais aux caviars, je découpe des morceaux de Gouda au pesto. Et c’est effectivement une bonne mise en place de nos papilles.

Le Champagne Dom Pérignon 2010 est un grand champagne mais un peu discret. Il est sans doute dans une phase de repos qui ne sera que provisoire, car je pressens que ce champagne aura un parcours comme celui du millésime 1992 qui s’exprime si bien aujourd’hui.

Contre toute attente j’ai classé le Kristal devant le Baeri et devant l’osciètre alors qu’habituellement je suis un fan fidèle de l’osciètre.

Les caviars sont suivis d’un camembert Jort qui met en valeur le champagne beaucoup plus que les caviars. Qui aurait pensé que cela soit possible ?

Les kumquats du jardin et une tarte au pomme ont trouvé un camarade idéal avec le Coteaux du Layon Chaume Domaine La Roche Moreau 1992 qui s’est encore élargi depuis la veille.

Premier dîner de la Saint-Sylvestre samedi, 30 décembre 2023

Nous descendons dans le sud pour les fêtes de la Saint-Sylvestre. Je commande un plateau de fruits de mer à un restaurant du port, pour demain, le premier de trois dîners.

Les premiers amis arrivent à 13h40 et selon la tradition, j’ouvre un magnum de Champagne Salon, qui est comme le tir au pistolet qui marque le départ d’une course.

Le Champagne Salon magnum 2002 a eu ce matin un pschitt très dynamique. Dans le verre, la couleur est claire. Dès la première gorgée, on sent que le champagne est grand, plus que grand. Il est intense, jeune, vif mais avec une belle rondeur de plaisir. Un régal. Sur un pâté de tête de notre boucher préféré, c’est un bonheur. Avec de fines tranches d’andouille de Guéméné, le plaisir est aussi grand. Le summum est atteint sur un camembert Jort peu affiné qui fait chanter le champagne.

A 16 heures, ce sont deux autres amis qui arrivent. Le Champagne Salon accompagne un gâteau au chocolat, un peu moins compagnon de jeu que les cochonnailles précédentes.

Le plateau de fruits de mer est composé d’huîtres de deux sortes, grasses ou iodées, de crevettes roses, de langoustines et de pinces de crabe. J’ai envie d’associer chaque élément avec un vin différent. Et ce qui chatouille mes méninges, c’est d’essayer un Coteaux du Layon avec la pince de crabe.

Nous passons à table. Le Champagne Perrier-Jouët Belle Epoque 1979 est particulièrement adapté aux deux sortes d’huîtres, offrant deux visages différents. C’est avec les huîtres iodées que je préfère la vivacité de ce beau champagne, alors que sur les huîtres grasses, il fait plus notaire de province.

Sur les crevettes nous buvons un Chablis Grand Cru Blanchot Vocoret 1988. A l’ouverture il m’avait fait un peu peur, mais il a retrouvé sa puissance et sa complexité. C’est un grand Chablis.

Sur les langoustines apparaît un Meursault Charmes Comtes Lafon 2003. Au début, il paraît calme après le vif chablis, mais rapidement il prend de l’ampleur et le mot charme associé à son appellation lui convient parfaitement. Là aussi, l’accord est pertinent. Le meursault paraît plus noble que le chablis mais le chablis est plus vif et expressif que le meursault.

C’est maintenant que je vais savoir si mon audace est justifiée. Le Coteaux du Layon Chaume Domaine La Roche Moreau 1992 est d’une délicatesse infinie. Il est doucereux, mais bien affirmé et l’accord avec la chair de la pince de crabe me ravit. J’adore explorer de telles associations improbables. Je suis aux anges.

Les quatre associations étaient pertinentes. La plus belle me semble être celle du chablis avec les crevettes et la plus originale celle du vin de Loire avec les pinces de crabe. J’ai trouvé le Coteaux du Layon particulièrement élégant. On n’a ni la puissance ni la complexité des sauternes, mais ce vin gracieux est enchanteur.

Des glaces à la vanille ou au caramel beurre salé ont conclu ce repas.

Le premier dîner lance bien l’aventure qui commence.