Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Dîner merveilleux au restaurant Taillevent samedi, 26 mai 2018

Tomo est l’ami avec lequel j’aime ouvrir des raretés de ma cave, car il a l’amour du vin mais aussi parce que sa cave comporte, elle aussi, des joyaux, le plus souvent différents des miens. Lorsque le réalisateur du film « les quatre saisons à la Romanée Conti » m’a demandé de me filmer buvant une Romanée Conti, nous nous sommes retrouvés tous les deux Tomo et moi buvant une Romanée Conti 1986 et une Romanée Conti 1996, la 1996 apportée par Tomo et la 1986 apportée par moi. Le réalisateur souhaitait filmer un japonais en plus de moi – ça tombait bien – et nous avions en tête de finir les bouteilles filmées au restaurant Le Grand Véfour, ce que nous avons fait en restant déjeuner là où nous avons été filmés. Entre nous deux la notion de partage est forte, ce qui n’empêche pas que nous essayions le plus possible d’équilibrer nos apports pour qu’aucun de nous ne se sente ni redevable ni lésé, du moins sur le papier, puisqu’on ne sait jamais comment chaque vin se comportera. La solution la plus simple, trouvée par ailleurs, est d’acheter à deux une bouteille mythique. C’est ce que nous avons fait avec le vin légendaire Les Gaudichots Domaine de la Romanée Conti 1929 que nous avons partagé avec Aubert de Villaine, co-gérant de la Romanée Conti. Pour le dîner de ce soir, après avoir multiplié les propositions, nous avons trouvé un accord.

A 17h15 j’arrive au restaurant Taillevent pour ouvrir mes vins. La bouteille de Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1942 a un beau niveau ce qui est relativement rare pour les vins anciens du domaine, qui ont une fâcheuse tendance à s’évaporer vite. Le verre de la bouteille est bleu comme ce fut le cas pour les bouteilles de la guerre. Lorsque j’enlève la capsule, le haut du bouchon est noir et je sens de la terre, comme souvent. Le bouchon vient entier ce qui m’a demandé beaucoup de travail. Il est noir et presque brûlé sur le haut alors que le bas du bouchon est très sain. Le parfum du vin m’étonne car il exhale un fruit rouge profond comme ceux que j’avais sentis avec de très vieux Clos de Tart dans les caves de ce domaine. Le nez est délicat, subtil et prometteur.

Dans ma cave, la seconde bouteille m’avait fait de l’œil et je lui avais fait confiance malgré un niveau entre basse et mi- épaule. Dans le décor du restaurant sombre car les lumières ne sont pas toutes allumées, la bouteille me sourit moins. Je décapsule La Fleur-Pétrus Pomerol 1945 et je vois que le bouchon est légèrement descendu dans le goulot, de 6 millimètres peut-être. Si je veux piquer le tirebouchon, je pense que le bouchon va glisser vers le bas, car le haut du bouchon est comme vitrifié ce qui rend le pointage de la mèche extrêmement difficile. Commence alors une chirurgie délicate car je ne peux quasiment rien retirer sans déchirer le bouchon en mille morceaux. La raison en est que le haut du goulot est plus étroit que le goulot. J’émiette tout et je suis même obligé d’aller à la pêche aux quelques morceaux qui sont tombés dans le liquide. Je sens le vin est c’est assez repoussant. Il y a une odeur assez acide et de serpillière qui en rebuterait plus d’un. Etant habitué à ces odeurs, j’espère que tout se passera bien. Ma seule crainte est que le goût ne soit un peu torréfié car les autres mauvaises odeurs ont toutes les chances de disparaître. J’ai apporté avec moi un vin de secours de Bourgogne d’une année qu’aime Tomo, plus une demi-bouteille d’un jeune Yquem et enfin une surprise que je veux faire à Tomo.

Je n’ouvre plus rien et je laisse les trois autres vins en place car j’ai une réunion de travail prévue avec le chef Teshi du restaurant Pages pour un dîner que je ferai avec lui la semaine prochaine. Tomo m’avait dit qu’il me retrouverait au restaurant Pages et je suis étonné car il est déjà là, et plus exactement à la brasserie qui jouxte le restaurant Pages. Il m’informe qu’il a apporté quelque chose à boire. C’est un Champagne Dom Pérignon Réserve de l’Abbaye Vintage 1993. Apparemment cette cuvée est réservée au marché japonais. Je n’en avais jamais entendu parler. Dans la brasserie le 116 Pages une table se forme avec Teshi le chef, son épouse, son adjoint en cuisine, Tomo et moi et nous bâtissons le menu du futur dîner tout en trinquant sur le champagne apporté par Tomo.

Ce qui me frappe, c’est que ce champagne ne fait pas assemblé. Il manque de cohérence. Il a des aspects lactés. Il ne manque pas de mystère, il est buvable et l’on peut imaginer que dans une quinzaine d’années il sera assemblé. Mais pour l’instant, ce n’est pas ça. La bouteille s’assèche quand même dans la joie et les fèves Edamamé appellent une bière japonaise idéalement faite pour les fèves. Nous saluons tout le monde et nous repartons à pied vers le restaurant Taillevent.

Le Champagne Krug Cuvée d’Ambonnay Blanc de Noirs 1998 est l’apport de Tomo. C’est une très agréable surprise car ce champagne qui a maintenant 20 ans jouit d’une belle maturité. Cohérent, noble, il va accompagner certains plats avec bonheur. Je l’aime beaucoup alors que jusqu’à présent je n’avais jamais été enthousiasmé par ce champagne plus cher que d’autres cuvées de Krug qui sont plus complexes.

Sur l’entrée appelée Carabineros, ce qui évoque aussi bien les carabiniers que les Caraïbes, Tomo a une envie de vin blanc. Il demande la carte des vins et il va nous offrir un vin mythique, un Corton-Charlemagne Jean François Coche-Dury 2002. Alors que nous avons discouru pour équilibrer nos apports voilà que Tomo fait un cadeau princier. Quelle preuve d’amitié !

Thibaut, le sommelier qui nous accompagne ouvre le vin, fait la grimace et nous fait sentir le bouchon qui sent fort le bouchon. Il envisage de changer de bouteille. Je suggère qu’on teste une autre année de ce vin mais Tomo commande la même année et ce d’autant plus que c’est la dernière bouteille de ce millésime. Nous goûtons le vin écarté. Le bouchon n’est pas tellement sensible en bouche et c’est surtout la platitude du vin qui apparaît et son absence de longueur.

La deuxième bouteille est nettement meilleure, le vin est pur et cristallin, mais on est quand même encore loin de ce que doit être un Corton-Charlemagne de Coche-Dury, une bombe olfactive et aromatique. Le plat de crevette avec des légumes verts est absolument délicieux et nous nous faisons avec Tomo la remarque qu’il est impensable que le Taillevent n’ait pas trois étoiles.

Le plat suivant est un homard froid avec une lourde bisque froide servie dans une tasse. Les petites tomates qui accompagnent le homard sont des ennemies du vin et le plat fait moins construit que le plat précédent. Le vin blanc accompagne fort bien la chair du homard mais la bisque appelle le bordeaux.

Le La Fleur-Pétrus Pomerol 1945 mis en bouteille par T. de Vial & Fils est servi maintenant. Le nez n’est pas totalement précis mais il est riche et glorieux. La bouche est sublime, sans le moindre défaut. L’oxygénation lente qui a agi pendant plus de quatre heures a fait des miracles. Avec la bisque l’accord est sublime et c’est quand même très paradoxal que ce vin de 1945 soit plus puissant et plus envahissant qu’un Corton-Charlemagne de Coche-Dury. Il me ravit et je pousse un ouf de satisfaction car l’intuition que j’ai eue pour ce vin s’est révélée justifiée.

Je verse un verre du bordeaux à Thibaut qui sera bu aussi par Anastasia, sommelier en chef. Les deux seront subjugués par la jeunesse de ce vin qui est un pomerol dans l’âme avec sa lourde empreinte de truffe et de charbon.

Sur l’épeautre qui est un plat emblématique d’Alain Solivérès, le vin blanc et le bordeaux s’adaptent parfaitement et c’est ainsi que l’on peut mesurer à quel point le vin rouge velouté est riche et complexe et conquérant.

Le veau qui avait été suggéré par le maître d’hôtel et par Anastasia permet au Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1942 d’entrer en scène. Le nez est tellement fruité que je suis un peu perdu, alors que Tomo me dit : « ça c’est vraiment Romanée Conti ». Ayant bu ce vin déjà trois fois il n’y a aucune raison que j’aie le moindre doute, mais un tel fruit fait un peu anachronique. Est-ce que Tomo sent ma réserve, je ne sais, mais il me montre le bouchon qui indique clairement le millésime, et vu son état il est impensable qu’il y ait eu un rebouchage. En fait, c’est en goûtant les délicieux artichauts confits que j’ai senti l’apparition du sel qui est un marqueur incontournable des vins du domaine de la Romanée Conti. Tout s’est assemblé et ma joie est devenue totale. C’est un vin brillant et là aussi les deux sommeliers à qui j’ai donné un verre ont été étonnés de la vivacité de ce bourgogne.

A ce stade, je préfère le bordeaux au bourgogne, alors que Tomo préfère l’inverse, mais progressivement mon amour pour le Richebourg ne va faire que croître.

Il reste tellement de vin qu’un fromage s’impose et je me contente de saint-nectaire qui peut s’accoupler aux quatre vins, le champagne, le blanc et les deux rouges. Il est tellement accueillant et doux.

Il reste du champagne pour un dessert. Tomo m’avait dit qu’il souhaitait manger peu et je le vois commander des crêpes Suzette. Il me propose d’en prendre deux sur les quatre prévues mais je resterai ferme sur une seule. Cette crêpe devrait être inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco car elle est parfaite, tout étant dosé de façon miraculeuse. Il est temps que je sorte mon cadeau pour Tomo, car la trace d’orange dans la sauce de la crêpe l’appelle. C’est le fond du fond de la bouteille de Malaga 1872 que j’ai fait goûter lors de plusieurs repas dont celui avec les filles de l’ami qui m’avait vendu ces bouteilles. Il ne reste que de la lie en fines plaques mais suffisamment de vin pour qu’on se pénètre de la beauté éternelle de ce vin de 146 ans. Tomo est aux anges car même si la lie se colle à notre palais il y a une richesse aromatique inégalable.

Que dire de ce repas ? Tout d’abord le Taillevent est un restaurant où l’accueil et le service sont inégalables. Ensuite la cuisine traditionnelle mériterait trois étoiles car elle est solide et subtile. Le choix des vins avec des risques de mon côté et des solidités du côté des choix de Tomo ont permis de structurer un repas de très haut niveau. Et la générosité de Tomo qui a offert le Corton-Charlemagne me touche beaucoup.

Nous ne rêvons que d’une chose, c’est d’élargir ce cercle de générosité à des collectionneurs qui n’hésiteraient pas à ouvrir leurs merveilles. Il y a tant de bouteilles qui n’attendent que cela.

Déjeuner au restaurant Le Duc jeudi, 24 mai 2018

Un ami m’invite au restaurant Le Duc. Ce restaurant qui fut de longue date le prince des poissons avec celui de Jacques Le Divellec est en dehors de mes circuits habituels aussi n’y suis-je pas venu depuis plus de vingt ans. La décoration qui n’a pas changé d’un poil est celle d’un repaire d’habitués comme ceux d’une bibliothèque, la Mazarine par exemple, qui veulent que rien ne bouge. Des gens célèbres y ont leur place attitrée comme jadis à l’hôtel Lutétia.

L’une des deux femmes qui accompagnent mon ami est déjà là alors que je suis en avance. Elle taquine des bigorneaux timides qui se cachent et s’extirpent difficilement. Je la suis dans cet exercice et les bigorneaux juste tièdes sont bigrement bons. L’allitération était facile. Je l’ai faite.

C’est mon ami qui prend tout en charge, le menu comme le début des vins. Nous avons d’abord d’énormes huîtres plates de Belon magnifiquement iodées et goûteuses. Nous buvons un Muscadet Sèvre et Maine sur lie Louis Métaireau Cuvée « One » 2016. Ce vin franc et direct est une mine d’iode. Il est frais, sans chichi et s’adapte parfaitement aux lourdes huîtres.

Pour le tartare de daurade, je participe au choix d’un Chablis Grand Cru Moutonne Albert Bichot 2015 qui nous offre un joli fruit et une belle présence. Il arrive froid et il faut le réchauffer entre ses mains. L’ami qui est un habitué demande des croutons aillés qui sont gourmands et ne prennent pas le dessus sur le carpaccio. Les chipirons rôtis qui suivent se marient idéalement au vin bien large en bouche.

Pour les filets de bar à la sauce légèrement citronnée j’ai suggéré un Château Carbonnieux rouge 2012 extrêmement velouté tout en ayant une structure tannique marquée et le vin accompagne bien le poisson si l’on n’insiste pas sur la sauce mais plutôt sur le riz noir.

Je prends un dessert au chocolat pour soutenir le bordeaux rouge tandis que mes convives sont au baba au rhum ce qui n’exclut pas qu’ils reviennent au bordeaux.

La qualité de la cuisine est certaine, la carte des vins est un peu chiche et la décoration est particulièrement conservatrice. Ce fut un agréable repas, riche aussi des discussions et des échanges.

Seul face à quatre femmes au restaurant Pages mercredi, 16 mai 2018

L’ami qui possède des trésors de vins du 19ème siècle, dont j’ai acquis une part significative, a cinq filles. La plus jeune était avec ses parents lorsque je suis venu regarder les vins que j’allais lui acheter et était une nouvelle fois présente lorsque je suis venu les emporter. Viktoria ressemble tellement à ma fille cadette que nous avons ma femme et moi créé le contact au restaurant Akrame entre ces deux jeunes femmes.

L’idée est venue que je fasse la connaissance des cinq filles de mon ami. Un rendez-vous est pris au restaurant Pages. Les avoir toutes ensemble était quasiment impossible. Quatre furent annoncées et au dernier moment trois seulement vinrent au rendez-vous, la quatrième attendue ayant un empêchement impromptu. La table ayant diminué de taille Viktoria proposa qu’on invite ma fille cadette et par un heureux hasard elle a pu nous rejoindre.

Choisir les vins que je vais apporter pour ce dîner est toujours un grand plaisir pour moi. J’erre dans ma cave et des bouteilles me font de l’œil, suppliant que je les choisisse. Et je cède si leur présence se justifie. Avec mes bouteilles j’arrive très tôt au restaurant Pages pour les ouvrir et selon la tradition, quand j’ai fini, je vais à la brasserie qui jouxte le restaurant et je bois une bière japonaise à la pression, en grignotant de délicieuses fèves d’Edamamé. Attablé à la brasserie je vois arriver deux de mes convives. La troisième fille de mon ami arrivera plus tard et ma fille encore plus tard car elle revenait de province.

J’avais préparé le menu avec les adjoints du chef Teshi qui se consacrait au bistrot d’à-côté. Les amuse-bouches sont : mini carotte et fleurs de sureau / bonite fumée au foin / tartare de bœuf, moutarde / mini-betterave. Le menu est : carpaccio de turbot de ligne, caviar Daurenki, citron caviar / homard breton, grillé sur le Bincho, bisque de homard / carré d’agneau du Perche, artichauts à la persillade / dégustation de bœuf : Simmenthal 11 semaines de maturation, Charolais 5 semaines, bœuf Ozaki wagyu en deux versions, au Bincho et juste poêlé / financier au miel, mangue, glace vanille.

Le Champagne Veuve Clicquot Vintage Réserve magnum 1985 est très clair, à la bulle active et offre un parfum délicat et raffiné. En bouche il combine noblesse et fraîcheur car il est raffiné et complexe et sa longueur est faite de pure fraîcheur. Pour moi c’est un cours d’eau de montagne qui rebondit sur des galets et apporte sa fraîcheur à un beau soleil d’été. Il est parfaitement à son aise avec les amuse-bouches délicieux car discrets et tout en suggestion. Il va prendre son envol sur le carpaccio de turbot délicieux, excité par le caviar mais surtout par le citron caviar. Et quand le plat est fini, il reste en bouche le croquant du grain de citron et la trace rafraîchissante d’un ruisseau d’été.

Le homard est copieux car chacun est servi d’un homard entier. Le Bourgogne Blanc Domaine Comte Georges de Vogüé 1999 est une bombe olfactive et gustative. Quelle puissance ! J’ai choisi ce vin car c’est un Musigny blanc que le domaine a baptisé d’un nom générique banal, parce que les vignes ne sont pas assez vieilles pour qu’on leur donne le titre qu’elles méritent, de Musigny. L’accord avec le homard est entraînant car la chair de belle mâche fait jeu égal avec le vin.

J’ai choisi le vin suivant parce qu’il a cent ans d’écart avec le vin qui lui succèdera. Le Corton Jaboulet-Vercherre 1972 au beau niveau dans la bouteille est surprenant car il transcende tout ce qu’on attendrait de son année. Il a un beau velours sur l’agneau délicieux et judicieusement accompagné des artichauts fourrés. Le vin est grand et de belle surprise, riche et long comme je ne l’aurais pas imaginé. Il a bien fait de me pousser à le choisir.

L’envie me prend pour le wagyu d’essayer le vin que j’ai apporté, qui était dans la cave du père de mes trois convives, un Malaga 1872. Le nez est riche et doucereux comme un parfum capiteux. En bouche on peut se laisser aller à reconnaître les mille complexités, poivre doux, réglisse, café, chocolat, mais aussi zeste d’orange. Ce Fregoli est d’un charme infini, très différent de celui des vins de Chypre plus poivrés et plus profonds. Ce Malaga joue sur son charme et mes charmantes convives ne l’avaient jamais bu depuis le temps où leur arrière-arrière-grand-père marin les avait cachés dans la demeure familiale. Ce vin capiteux accompagne divinement le wagyu comme l’avaient fait les whiskies d’un précédent dîner.

Le dessert fait de dés de mangue et de financiers a joliment mis en valeur ce vin de rêve dont j’ai donné un verre à la table d’un ami présent dans le restaurant.

Les jeunes femmes, filles de mon ami, étaient très documentées sur moi, curieuses de lire mon blog et d’autres documents. Nous avons bavardé avec l’envie de mieux nous connaître et surtout de nous revoir avec leurs parents. L’été dans le sud nous y invitera.

Les adjoints du chef Teshi ont fait un menu très intelligent et tous nous avons été subjugués par la pertinence des accords dont je retiens entre autres le turbot et le champagne, l’agneau et le Corton, et le wagyu puis la mangue avec le Malaga de 146 ans. Quelle belle soirée.

l’étiquette est difficile à lire mais c’est bien un Malaga 1872. Le bouchon est tout petit.

les homards en préparation

les amuse-bouches

le repas (j’ai oublié de photographier les boeufs et le dessert)

Dîner de la Wagyu Mafia au restaurant Pages lundi, 14 mai 2018

Un dimanche à 19 heures se tient au restaurant Pages le dîner de la « Wagyu Mafia ». D’après ce que j’ai compris la Wagyu Mafia est un groupe de restaurants qui sont spécialisés dans la viande de Kobe de très haute qualité. Pour faire connaître leurs produits, ils font chaque année un tour du monde. L’an dernier le tour du monde avait commencé au restaurant Pages et cette année leur 16ème tour du monde se finit en cet endroit.

Etant en avance je vois dans la cuisine s’affairer les deux équipes, celle du restaurant Pages et celle de la Wagyu Mafia dirigée par Hisato Hamada, le patron de ce groupe. A un moment donné tout s’arrête et le programme du dîner ayant été inscrit sur un tableau, le chef Ryuji Teshima dit Teshi et Hisato Hamada commentent et donnent les instructions de service et de finition des plats.

On offre à chacun des participants du dîner une coupe de Champagne Dom Pérignon 2009. J’aime beaucoup ce champagne qui est dans la droite ligne de ce que Dom Pérignon doit être, noble, complexe, accueillant et joyeux. A ma table il y aura l’ami avec lequel j’avais déjeuné ici il y a cinq jours et mes deux filles que j’ai invitées car le restaurant m’avait signalé que les réservations n’étaient pas complètes. J’ai fait plaisir au restaurant tout en me faisant le plaisir d’avoir mes filles près de moi.

J’ouvre les deux vins que mon ami a apportés ainsi que le vin et le champagne que j’ai apportés. Nous passons à table et voici le menu : Beef Jerky, champion Kobe Beef 2017, deux semaines de maturation / « Katsu-Sand », sandwich au bœuf Tajima de 11 ans d’âge et 40 jours de maturation, consommé de bœuf aux morilles / « Kama » de daurade royale, fines herbes / Gyoza de Wagyu / homard, tapioca, caviar impérial de Sologne / turbot mariné au Shio Koji, ventrèche de noir de Bigorre / glace aux asperges blanches de Noirmoutier, à la vanille / Wagyu-gnese / Nigiri : Uni de Hokkaido, caviar Karuga / Sukiyaki de wagyu / Keema curry au bœuf de Kobe / tarte au citron, gâteau au chocolat.

Mon ami a commandé un Champagne Jacques Selosse lieu-dit Les Carelles du Mesnil-sur-Oger dont je n’ai pas noté la date de dégorgement. Ce champagne est beaucoup plus accessible que le Champagne Selosse lieu-dit la Côte Faron à Ay que nous avons bu ensemble lors de notre récent déjeuner, champagne extra-brut sans concession. Celui-ci, même extra-brut, est plus flexible tout en ayant aussi une forte personnalité. Sur le bœuf presque séché en une fine lamelle, le champagne est tout étroit et vertical, alors que sur le délicieux tartare de veau, grâce aux coques et à la poutargue, le champagne prend une belle largeur et devient convivial.

Je fais servir le champagne que j’ai apporté, un Champagne Krug 1989. Ce champagne est d’une noblesse rare. Il brille au firmament des champagnes et il est nettement meilleur que le souvenir très positif que j’en avais. Tant mieux. On a du mal à imaginer qu’un champagne si jeune et vif ait 29 ans. Ce qui est intéressant, c’est que les trois champagnes, tous différents, peuvent trouver leur zone d’excellence. Le plus gastronomique est le Krug, mais chacun a sa part de succès.

Lorsque Hisato Hamada se présente et présente le sandwich au bœuf de 11 ans, je n’aime pas trop qu’il parle d’argent en disant que c’est le sandwich le plus cher au monde. Le bœuf est absolument délicieux mais comme on nous demande de manger le sandwich en le tenant dans sa main, sans se servir de couverts, je le regrette, car on le mange presque en une bouchée alors que j’aurais aimé prolonger le plaisir tant cette viande est passionnante, en la découpant en petits morceaux.

On a remis à chacun un petit dessin sur une feuille de papier d’emballage, naïf comme un dessin d’enfant, qui explique où se trouve le sot-l’y-laisse d’un poisson qui nous est servi maintenant. J’ai l’intuition que le poisson va s’accorder avec le Château Cantenac-Brown 1982 de mon ami. A l’ouverture, son nez était assez incertain et plat, mais le vin se révèle sur le poisson, offrant un joli velours et une agréable personnalité, créant un bel accord. Le poisson est traité avec une justesse remarquable, les fines herbes étant d’une rare intelligence.

Il n’en est pas de même du homard qui ne m’a pas convaincu. On a en effet trop de choses disparates : une pince plutôt mal cuite, le corps du homard en tempura, le caviar, le tapioca et une bisque forte. Tout cela n’a pas une cohérence suffisante. Nous avons essayé le deuxième vin de mon ami, un vin italien San Francesco Gattinara domaine Antoniolo 2009 vin du Piémont qui titre 14°. C’est un vin simple, sans histoire, neutre sur le homard qui préfère le Krug et qu’ensuite le Wagyu a mis en valeur.

Nous avons eu une sorte de ravioli de wagyu avec une sauce extrêmement pimentée sur laquelle seul le Vega Sicilia Unico 1989, que j’avais choisi de la même année que le Krug, est capable de résister. Ce vin avait à l’ouverture un parfum d’une invraisemblable séduction avec des notes fraîches de menthe, de fenouil et d’eucalyptus. On retrouve ces évocations en bouche, et le vin se montre brillant, gourmand, fou de joie et de charme, avec une fraîcheur qui est son arme fatale. Il va accompagner les autres présentations de wagyu dont beaucoup sont surprenantes. Ainsi, du wagyu est servi avec des spaghettis, un autre est recouvert d’oursin et de caviar et repose sur du riz.

On nous a servi ensuite du turbot mariné recouvert de ventrèche de porc, puis nous sommes passés au dessert. Je m’attendais à ce que nous profitions à un moment ou à un autre du wagyu seul, sans accompagnement, pour jouir de son gras sans être détourné par d’autres saveurs. Et ça me manquait au point de dire à Teshi que j’aimerais bien une tranche de wagyu dans sa pureté. Je ne remercierai jamais assez Teshi d’avoir répondu si gentiment à ma requête.

En cours de repas, sur certains plats et curieusement pas sur le wagyu comme je l’aurais imaginé, on nous a donné à goûter deux whiskies. Le Hibiki 17 ans d’âge Suntori whisky et le Yamazaki Single Malt Whisky 18 ans d’âge lui aussi du groupe Suntori, que j’avais goûté lors du dernier déjeuner. J’ai donc pu, grâce à l’ajoute dont j’ai bénéficié, goûter le mariage wagyu bien gras et whisky, mariage très naturel.

Alors que j’avais un excellent souvenir du dîner de la Wagyu Mafia de l’an dernier, j’ai été un peu contrarié par deux choses. Le patron de la Mafia se présente plus en commerçant qu’en esthète du wagyu et le fait que le dîner fasse des allers et retour vers le wagyu traité de façon compliquée et se finisse sans qu’on ait eu le graal, c’est-à-dire la jouissance du gras de la viande, sauf au moment du sandwich, ça m’a gêné. Merci Teshi d’avoir permis que je parte avec les yeux brillants du plaisir d’avoir enfin eu ce dont je rêvais.

La soirée était bien préparée, le service a été très attentif, sympathique comme toujours, les vins ont brillé. Comme les petits désagréments s’effacent, il ne restera que de bons souvenirs, d’une soirée exceptionnelle liée à l’ouverture d’esprit de Teshi et de son équipe.


les préparatifs et cette belle viande

 

les deux chefs

le fameux sandwich

le poisson et la notice

le chef avec son chalumeau

le cadeau royal, le boeuf dans sa totale intégrité. Miam, miam !

déjeuner au restaurant Pages mardi, 8 mai 2018

Avec un des plus fidèles parmi les fidèles de mes dîners nous allons déjeuner dans Paris un 8 mai au restaurant Pages. Paris est désert, il fait un temps d’été, aussi se promener dans les rues vides de voitures est un bonheur indicible. Nous apportons chacun un vin, lui un rouge, moi un blanc, sans annoncer de quel vin il s’agit.

Etant arrivé en avance, j’ai fait ouvrir mon vin blanc, placé debout dans une armoire froide.

Nous prendrons le menu ‘découverte’ avec les options caviar et wagyu. Mon ami suggère de commander un champagne et ce sera un Champagne Selosse Lieu-dit la Côte Faron à Ay, dégorgé en février 2017. Le nez du champagne est incroyablement Selosse et en bouche c’est un extra-brut sans concession. Comme il est froid il est vif et rude, mais il va se domestiquer et accompagner les plats de bien belle façon. C’est avec lui que nous dégustons les amuse-bouches, mini carotte / sablé parmesan et caviar d’aubergine /champignon de Paris rose et farce de poulet / brocoli et poutargue. Ces amuse-bouches sont gracieux et intelligents, car ils ne cherchent pas à passer en force. C’est l’affirmation d’un talent serein.

Pour le début du repas, nous ferons cohabiter le champagne avec le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape blanc 1997. Voici le menu : caviar : Daurenki & impérial de Sologne sur une crêpe à la ciboulette / « Aburiyaki » de bœuf Ozaki / asperge verte de Sylvain Erhardt, coques, livèche et quinoa, vinaigrette au lait ribot / risotto, chorizo et fenouil, piment d’Espelette / barbue de Noirmoutier, épinard, kiwi de midi Pyrénées / sauce au citron confit et aux échalotes / pigeon de Vendée, sauce salmis, fraises des bois, navet et asperges sauvages / les bœufs : « la normande » 14 semaines/ « Simmenthal » 9 semaines / Ozaki beef sur le bincho et poêlé / fromages / riz au lait, rhubarbes, fraises gariguette.

Le caviar Daurenki est judicieusement salé alors que le caviar de Sologne est plus rond et doucereux. Sur les deux, le champagne Selosse est le plus pertinent. Sa bulle inspire le caviar. A l’inverse, sur le carpaccio de wagyu le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape blanc 1997 au nez dominateur est magiquement cohérent. A chacun des deux premiers plats un seul vin est adapté, soit champagne, soit Rhône. Le vin blanc est d’une puissance invraisemblable. C’est un vin immense d’une générosité et d’une largeur qui impressionnent.

Le plat d’asperge n’est pas vraiment abouti, car la symbiose avec la coque n’a rien d’évident. Aussi les deux vins se cherchent sur ce plat, sans qu’aucun accord n’émerge. Il en est de même du risotto qui cherche sa voie mais trouve quand même un écho dans le Rayas.

Le miracle vient maintenant. La barbue est absolument divine, plat parfait où toutes les subtilités sont exactes. Alors, le Rayas devient éblouissant. Il est large, emplit la bouche, il est solaire, joyeux. C’est un grand vin qui a besoin de ne pas être servi trop froid. Sa force est incroyable.

Le pigeon absolument superbe, à la goutte de sang, accompagne le Heitz Cellar Cabernet Sauvignon Napa Valley 1996. Le vin est riche et relativement horizontal. Aucune aspérité n’émerge mais il a une structure qui appelle le respect. On ressent des notes torréfiées comme celles du Royal Kebir. C’est sur le sang du pigeon mais aussi sur les navets que le vin rouge prend son envol. Il est riche et sympathique. Il lui manque juste la fraîcheur d’un Vega Sicilia Unico pour donner une grande émotion.

Les quatre bœufs (qui ne sont pas de mon étable) sont superbes. Dans la confrontation entre la Normande et le Simmental, c’est la Normande qui gagne, tellement équilibrée et affirmée, parlant juste. Lorsqu’il s’agit des deux wagyu, j’ai une préférence pour le poêlé qui expose généreusement son gras alors que, comme le dit mon ami, le bœuf passé sur le bincho fait cuisiné et moins naturel. Mais les quatre viandes sont excellentes et le vin d’Amérique est magnifiquement mis en valeur par les quatre. Il s’est élargi avec le temps et montre un charme plaisant.

Comme il reste de chaque vin, je suggère que nous prenions des fromages. C’est alors qu’entre au restaurant une dame, d’origine japonaise et parlant un excellent français, dont je comprends qu’elle est la représentante de whiskies du groupe Suntori. J’apprends aussi qu’elle sera présente au dîner de dimanche prochain, sous le patronage de la « Wagyu Maffia » et qu’elle présentera ses whiskies pour des accords avec la viande emblématique, thème du repas. Comme elle déballe sur la table voisine ses whiskies, la tentation est grande de lui demander de nous faire goûter ses whiskies sur nos fromages.

Sur un fromage mi- vache mi- brebis je goûte un Hakushu Single Malt Whisky 12 ans d’âge. Il est assez tourbé et malgré sa force, il sait se faire charmeur. L’accord est très réussi.

Sur un fromage à pâte persillée je bois maintenant un Yamazaki Single Malt Whisky 18 ans d’âge lui aussi du groupe Suntori. Le whisky est complètement différent, sans tourbe, doucereux comme un Bourbon et d’une très belle définition. Là aussi l’accord se trouve.

J’ai convaincu mon ami de venir au dîner de la Wagyu Maffia. La charmante japonaise viendra avec ses whiskies et sur du wagyu, cela promet des accords excitants.

La charmante japonaise est partie et sur notre table il y a toujours la bouteille de 18 ans d’âge. Que faire ? Dans mon jeune âge on disait que si l’on trouve un portemonnaie sur un banc, on doit le porter au commissariat et si dans un an et un jour personne ne l’a réclamé, on en devient propriétaire. Allons-nous commettre une rapine ou allons-nous être grands seigneurs ? « Je tondis de ce pré la largeur de ma langue » dit la fable. Nous avons donc comme l’agneau repris une larme de cet alcool. La jeune japonaise est revenue avec un grand sourire, nous lui avons donné son flacon. Clap de fin.

L’ambiance du restaurant Pages est amicale et on se sent bien. Teshi le chef n’était pas là et a fait une courte apparition en fin de repas. Il a des projets en cours. Les cuisiniers ont fait des plats magnifiques dont le pigeon, la barbue et les bœufs sont de très haute qualité. Les réactions et jugements que nous avons eus, mon ami et moi, ont été presque toujours identiques. J’adore cette harmonie. Dans une ambiance de belle communion, avec de beaux vins, nous avons passé un déjeuner de grand plaisir gastronomique.

Dîner gastronomique à l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice mardi, 1 mai 2018

Nous sommes à l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice et jusqu’à présent, nous avons déjeuné sur la terrasse, dîné au Bistrot 1903 de l’auberge et déjeuné au bar. C’est ce soir que nous allons enfin dîner dans la belle salle du restaurant gastronomique. Pour l’apéritif nous retrouvons la table du bar où nous avions déjeuné et nous jouons aux chaises musicales pour que ceux qui ont la vue vers le lac soient ceux qui ne l’avaient pas au déjeuner.

Le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 1998 est chaleureux, ouvert et généreux. Il accompagne avec bonheur les amuse-bouches. Il y a d’abord des chips de polenta au sel fumé qui sont subtilement croquantes, délicates et raffinées, une rissole au beaufort, un dé de bœuf de Montbéliard, marine et genièvre, un bœuf en gelée de framboise et petit pois, de la féra fumée et noisette. Tout est subtil et plante le décor du talent du chef. Le champagne large est un bon compagnon de ces subtilités.

Pendant que nous grignotons au bar un homme jeune s’installe à une table voisine et bientôt sont posées devant lui deux bouteilles sur des porte-bouteilles inclinés. On distingue nettement Pétrus et La Tâche et nous apprendrons par Lionel qu’il s’agit de Pétrus 1983 et La Tâche 1998. Voilà quelqu’un qui a du goût. Il est connu, homme de scène que l’on voit souvent sur les télévisions.

Le menu à six plats, plus une surprise, conçu par Jean Sulpice a été pris en notes par un ami. Je retranscris sa mémoire : Œuf et cèpes / Asperges vertes de Roque Haute, rôties crémeux, gourmand de noisette et pesto roquette / Féra pommes Darphin (émincées finement et cuisinées au beurre), pommes de terre nouvelles, sabayon foin des alpages / Filet de perche cuit coté peau à l’unilatéral, sauce citronnelle et gingembre, crémeux de pistache / Pigeon cuit en croûte de sel, réduction de pissenlit, tubéreux, sauce salmis (abats et porto), garniture ail des ours, pommes primeur / Fromages de Savoie / Soufflé de chartreuse, coulis d’agrumes et salade d’agrumes / Boule chocolat et mûre, flambée a la chartreuse verte.

Le fait de dîner dans la magnifique salle « à l’ancienne » de ce palais rend la dégustation beaucoup plus attentive aux subtilités. Le style de Jean Sulpice s’affirme dans chaque plat et tout particulièrement sur les asperges. Alors que noisette et roquette sont puissantes, tout se résume et converge vers l’asperge. Jean est le magicien des herbes et des saveurs végétales.

La féra est gourmande et les filets de perche sont particulièrement subtils. Mais le clou, le trésor de ce dîner, c’est le pigeon. Il fait probablement partie du tiercé des plus grands plats de pigeon que j’ai eu la chance de goûter. La chair est fondante comme on ne peut l’imaginer.

A ce plaisir rare s’ajoute l’un des cadeaux les plus extraordinaires qui n’apparaissent que par surprise, sans que l’on sache pourquoi. Quand on boit le Château de Beaucastel Œnothèque 1995 on a l’impression de déguster la chair du pigeon et quand on mâche la chair fondante du pigeon, on peut croire que l’on boit le Beaucastel. Ces symbioses entre mets et vins avec une irréelle continuité sont de véritables cadeaux.

Revenons aux vins. Après le généreux et gourmand Veuve Clicquot, nous buvons un Champagne Krug Grande Cuvée qui a été dégorgé il y a quelques années ce qui lui donne une belle maturité. Il est vif, cinglant, noble et doté de belles complexités. Avec l’œuf aux cèpes, l’accord est superbe. Le Krug est très apte à accompagner les fortes asperges croquantes à souhait.

L’Hermitage Domaine Jean-Louis Chave blanc 2011 est magnifique. Son nez est incroyablement pénétrant. Il est gouleyant, flexible et trouve ses marques sur les deux poissons. C’est un régal. Ce vin puissant et riche tiendra aussi sur les délicieux fromages. C’est un très grand vin blanc moins vif que le Clos Sainte-Hune 2007 que nous avions bu récemment mais très large et parfait pour la perche.

Le Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape Œnothèque 1995 s’appelle Œnothèque parce qu’il a quitté les caves du domaine seulement en 2016 pour venir directement dans les caves de l’auberge. Il a son quart d’heure de gloire warholienne avec un pigeon surnaturel, mais ses qualités intrinsèques en font un très grand Châteauneuf-du-Pape, riche, velouté et racé.

Le plateau de fromages est superbe. Après tant d’agapes je me suis contenté d’un reblochon d’une douceur divine, que le Beaucastel a su accompagner aussi bien que le Chave.

Alors que nous allons passer aux desserts un verre de vin arrive sur notre table. Il s’agit d’un verre de Pétrus 1983. Est-ce par une intervention divine ? Mon petit doigt me dit que ma fille ne serait pas étrangère à cette générosité. Ce Pétrus 1983 a un nez d’une extrême complexité. Il est noble, raffiné, dense et m’évoque la truffe que j’aime tant dans Pétrus. Et 1983 est pour Pétrus une année gracieuse, toute en suggestions raffinées. Il ne fait pas d’ombre au Châteauneuf mais se montre d’une plus grande complexité. C’est un ravissement.

Ce repas, dans cette si jolie salle, est un repas de haute gastronomie. Déjà à Val Thorens je pensais que Jean Sulpice méritait trois étoiles. Il a moins d’un an sur ce nouveau site et va faire évoluer sa cuisine, entre la cohérence des plats de Val Thorens et les nouvelles brillantes créations. Dès à présent le chef mérite les trois étoiles, du fait de son génie des herbes, racines et végétaux, du fait de son talent pour traiter les poissons et du fait de ce diabolique pigeon, l’un des plus grands que j’aie mangés.

S’ajoute à tout cela son sourire, son dynamisme, la compétence de ses équipes et le talent de Lionel le sommelier. On nous a dit qu’on fera évoluer l’hôtellerie vers encore plus de confort, mais sans attendre ces prometteuses évolutions, ce séjour savoyard en un lieu magique est un incommensurable bonheur.

Déjeuner impromptu au bar de l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice lundi, 30 avril 2018

Nous avons pu jouir d’une longue nuit après deux jours où nous n’avons pas mangé pour vivre mais vécu pour manger. La chambre sur le lac d’Annecy est un vrai bonheur. Les plus jeunes d’entre nous ont fait du jogging. J’ai choisi la voie du devoir et raconté nos agapes sur mon blog. Nous nous retrouvons tous dans le jardin de l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice. L’amie du sud qui avait dû rentrer à son hôtel car elle se sentait malade est encore patraque et ne déjeunera pas. Les écrevisses ont presque toutes disparu de leur bassin, remplacées par des truites. Les nuages qui surplombent les montagnes tantôt enneigées tantôt découpées comme des dentelles sont lourds et forment des paysages d’une grande beauté.

Je m’enquiers d’une table au restaurant gastronomique mais Margot et Lionel me répondent que c’est impossible car le restaurant affiche complet. Plutôt que d’aller au bistrot nous préférons qu’on nous installe une table au bar, face au lac.

Jean Sulpice vient recueillir nos désirs, mais nous savons qu’il a son mot à dire. Il nous propose une quenelle de brochet. L’ami du sud qui n’a pas dîné hier mais avait vu les asperges que nous avions prises hier en exprime le désir. Le menu sera donc asperges et quenelles. Nous attendons que la table se dresse et je regarde au bar des photos de la période de gloire de cette auberge lorsque les Bise recevaient aussi bien le Shah d’Iran que Richard Nixon ou la reine mère « Queen Mom », mère de la reine Elizabeth. Une photo montre Marguerite Bise avec madame Brazier, Alexandre Dumaine et Fernand Point. Ce qui se faisait de mieux en cuisine française se trouve sur une même photo. Alors, je me plais à imaginer que Jean Sulpice fasse venir en son mythique restaurant l’élite des dirigeants du monde et l’élite de la cuisine mondiale. Il faudra pour cela que son talent extrême de chef, qui est déjà atteint, se double d’une personnalité à la Claude Terrail qui accueillait le monde entier. Ce sera possible quand Jean aura son « outil » en main au point qu’il ne soit pas obligé de régler les questions matérielles du quotidien, ce qu’il fait aujourd’hui de bonne grâce. Dans quelques années, je lui souhaite de diriger le centre culinaire du monde, car il peut en avoir l’ambition, s’il en a l’envie.

La table est mise. Lionel le sommelier nous propose, pour ceux qui boivent, de finir l’Altesse de Roselyne et Michel Grisard 2013 car nous sommes tous à l’eau – du moins au début. Le talent de Jean Sulpice est sans limite lorsqu’il s’agit d’agencer mille herbes et épices vertes avec les asperges.

La quenelle de brochet aux écrevisses avec une tuile de parmesan est un plat gourmand. Le sevrage de vin explose en vol. Il y a deux camps, ceux qui veulent du blanc et les esthètes qui veulent du rouge. Ma fille est dans le camp du blanc qui n’est pas le camp du bien, et elle connaît le vin bio que suggère Lionel, un vin du mâconnais dont la couleur a tout du bio. Apparemment les audacieux du blanc se régalent. A côté d’eux, les esthètes, dont je suis, boivent un Châteauneuf-du-Pape Domaine du Banneret famille Vidal 2015. Lionel nous dit qu’il explore les directions de Rayas et effectivement c’est un vin raffiné et subtil, tout en suggestions. Il est fort de 14,5° mais aussi délicat et charmeur. Nous nous régalons et la bisque est à se damner.

La baguette qui permet de saucer est divine et le beurre au carvi que l’on étale sur le pain est un péché mortel.

Jean Sulpice nous a préparé un vacherin à la framboise très gourmand et des mignardises achèvent le travail de sape de toute tentative de raison.

Le service est d’une implication parfaite, Lionel est un conseiller de talent. On se sent bien à l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice.

photo du passé : madame Brazier, Alexandre Dumaine, Fernand Point, Marguerite Bise

Dîner au Bistrot 1903 de l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice lundi, 30 avril 2018

Après une sieste bien trop courte, nous avons rendez-vous au Bistrot 1903 de l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice. En me préparant je dis à ma femme que j’ai bien envie de rester dans la chambre et de sauter ce dîner. Ma femme me dit que si je suis un homme fort, je saurai être aux côtés de nos amis en résistant à l’envie de manger.

Nous descendons au bistrot et j’ai la ferme intention de résister et de l’annoncer mais au moment de faire ma déclaration, c’est l’ami du sud qui me brûle la politesse en déclarant qu’il ne dînera pas. Que faire ? Je préfère rester coi. Jean Sulpice et Lionel le sommelier viennent nous saluer avec l’envie de nous tenter.

Notre amie du sud est emmitouflée dans de nombreux vêtements chauds alors qu’il fait très chaud dans la salle et elle fait pâle mine. Nos amis du sud décident de nous quitter car elle a dû attraper je ne sais quel mauvais virus qui l’affaiblit. Nous ne serons que cinq à dîner.

Il faut donc que je dîne – j’ai un rang à tenir – et je choisis les asperges vertes accompagnées de fines tranches de féra puis un sandre flanqué d’un pied de cochon dans une union que l’on verrait dans la peinture de Breughel l’Ancien. Je suis à l’eau et mes amis ont pris au verre une Roussette de Savoie de 2016. Trempant mes lèvres, je ne peux me faire à l’invraisemblable jeunesse de ce vin, trop brut de forge.

Jean Sulpice a manifestement l’envie de nous faire plaisir en son bistrot. Il fait venir un vin que l’on boira à l’aveugle. Je reconnais une Roussette mais je me trompe sur l’année, croyant le vin beaucoup plus vieux qu’il n’est. Il s’agit d’un Vin de Pays d’Allobrogie Altesse Domaine Prieuré Saint Christophe 2013. Il est extrêmement plaisant, bien typé avec de beaux amers qui m’ont trompé car je lui aurais donné quinze ans de plus.

Jean nous fait porter des toasts au saint-marcellin qui sont divins et des fromages dont un fromage au foin divin sur le vin et un bleu de Termignon meilleur que celui du déjeuner car il est dans la belle partie bleue alors qu’à midi c’est la partie blanche qui nous avait été proposée.

L’ambiance bistrot est très sympathique, avec un service parfait. Les plats sont de haute qualité. Je n’ai pas tenu mes résolutions de jeûne, mais quand on mange de bon cœur, avec le sourire et la générosité de Jean Sulpice, on ne peut qu’être heureux.

Jean Sulpice à notre table veut fêter mon anniversaire

l’auberge le soir

Déjeuner à l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice lundi, 30 avril 2018

Après deux magnifiques repas au restaurant Yoann Conte et au restaurant Le Clos des Sens nous avons dormi à l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice dans une très belle suite dotée d’une terrasse d’où la vue s’étend sur le lac d’Annecy. Nous avons décidé de ne pas prendre le petit-déjeuner. Avant de déjeuner je vais saluer Jean Sulpice en cuisine qui me reçoit avec un large sourire. Il me montre les cuisines et le bistrot attaché à l’Auberge. Magali Sulpice son épouse m’accueille aussi avec chaleur.

Nos deux amis du sud nous ont rejoints sur la belle terrasse du restaurant et nous sommes donc au complet, sept, pour le déjeuner. Lionel, l’excellent sommelier, va nous accompagner pendant tout le repas où nous ne saurons rien. Mais Cécile, pour permettre nos choix de vins nous en donne un aperçu par oral.

Nous commençons par un Champagne Jacques Selosse Version Originale dégorgé en septembre 2016. Il est particulièrement doux, même étonnamment doux, agréable et subtil et correspond bien au style de la cuisine de Jean Sulpice. Aussi, quand il est terminé, alors que j’avais envisagé que l’on prenne ensuite un Krug, il me semble plus opportun de reprendre le même champagne pour que le talent de Jean Sulpice soit mis en valeur sans compétition entre deux champagnes. Le deuxième Champagne Jacques Selosse Version Originale dégorgé en septembre 2016 est plus vif et tout aussi charmant et va accompagner le début du repas.

Le menu composé par Jean Sulpice est : Poireau, fruit de la passion / Bœuf de « Montbéliarde » mariné aux herbes / Granny Smith féra fumé et foie gras (fumé) / Radis, café, sésame / Sarrasin croustillant aux herbes du jardin / Soupe d’œuf safranée aux écrevisses du lac d’Annecy / Gnocchi de polenta aux herbes sauvages et œufs de truite / Omble chevalier, beurre maître d’hôtel au sapin / Brochet quenelle et filet poché aux morilles de Talloires en sabayon et ail des ours / Ecrevisses sauvages, légumes printaniers de la nage, beurre de carapace et roussette de Savoie et beurre de mélisse (citronné) / Plin d’escargots gros gris de Haute Savoie, beurre aux herbes / carré d’agneau de Lozère, pistache et flouve des Alpes jus d’agneau infusé serpolet, épinard ou Ris de veau, jus à la bière rousse du Mont Blanc, carotte et cardamome / Dans l’esprit d’un alpage, création fromage mousse Beaufort herbe noisettes du Piémont / Plateau de fromages alpins / Chou pâtissier à la rhubarbe et reine des prés / Chocolat, myrtille et glace génépi / Fraise, Crème brûlée Antésite et fantaisie, coulant coco fraise.

Jean Sulpice est un magicien des herbes et des fleurs et du dosage des saveurs. Tout est d’une rare subtilité en tout moment du repas. Les chairs des poissons sont d’une grande précision, les écrevisses ont le goût d’écrevisse, ce qui est rare, et les légumes nous enchantent.

Le rythme du repas est réglé par les agréables présentations et explications des charmantes serveuses qui nous entourent avec compétence et Lionel, le sommelier, sera de bon conseil. Au moment des fromages, la charmante Margot nous conseillera avec une maîtrise remarquable de son sujet.

Il serait bien difficile de décrire tous les plats. J’ai été frappé par la beauté esthétique du plat de gnocchis de polenta. L’omble chevalier nous a rappelé celui si réussi de Marc Veyrat. On est ici dans la même veine de talent sur un poisson tellement gastronomique. Les raviolis sont d’une force gustative extrême et le vin doit être fort pour soutenir le plat. Le carré d’agneau est succulent, les fromages sont parfaits et les desserts subtils et légers. Un rêve.

En souvenir de précédentes escapades savoyardes, j’ai commandé une Roussette de Savoie « Marestel » Domaine Dupasquier 1985 car j’aime tout particulièrement les vins de ce vigneron qui m’avait reçu de façon fort amicale. Le vin est superbe, son âge lui donnant une sérénité d’une grande justesse. Il est étrange par rapport aux vins blancs que l’on boit habituellement, avec du fumé et des amers virevoltants. Il est profond et incisif aussi soutient-il bien la cuisine de Jean. Il s’accommode avec grâce des légumes forts et typés.

Si le choix du blanc était le mien, c’est Lionel qui nous a poussés avec habileté vers le Chambolle-Musigny « Les Cras » Domaine Georges Roumier 2007. Ce vin est d’une rare élégance. Tout en lui est subtil et raffiné. Il n’a pas la puissance d’un Grand Cru mais sa flexibilité gracieuse lui permet de briller sur tous les plats. Il est idéal sur le carré d’agneau.

Le Champagne Krug « Grande Cuvée » que j’envisageais au début du repas vient maintenant et s’impose par sa force conquérante. Il sera le mâle dominant dans les accords avec les fromages et les desserts. Il a une belle maturité, une belle rondeur, mais c’est surtout son caractère fonceur qui impressionne.

Alors que nous avions commencé le repas sur la terrasse avec un soleil radieux et fort comme un soleil d’été, une ondée a fait déplacer notre table en fin de repas pour éviter les gouttes entre deux parasols. Un pécheur se présente avec un panier rempli d’écrevisses car il vient juste de relever les casiers dont l’appât est de têtes de féra. Il nous les montre et les jette ensuite dans un bassin où elles vont se batailler, en quête de territoires.

Pour quatre de notre groupe de sept, les pionniers d’hier, ce sont trois repas d’affilée qui dépassent chacun les quatre heures à table voire cinq heures, aussi l’urgence est telle qu’une sieste s’impose, car nous ne sommes qu’au milieu du gué.

la pêche à l’écrevisse et le bassin

 

Dîner au restaurant Le Clos des Sens à Annecy-le-Vieux dimanche, 29 avril 2018

Nous allons prendre possession de notre chambre à l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice et nos amis qui avaient organisé le voyage ont choisi pour nous une suite absolument magnifique avec une terrasse qui permet de contempler le paysage unique de cette partie du lac d’Annecy. Nous sommes logés comme des princes. En arrivant je demande si Jean et Magali Sulpice sont là mais comme nous arrivons vers 17 heures il est logique qu’ils ne soient pas là. Après un nécessaire temps mort nous nous retrouvons à 19 heures sur le pas de la porte de l’hôtel avec nos amis et ma fille cadette qui nous a rejoints, prêts à partir vers le restaurant Le Clos des Sens à Annecy-le-Vieux. On me presse et je n’ai pas le temps de saluer Jean Sulpice qui m’appellera plus tard lorsque je suis au Clos des Sens pour m’en faire le reproche amical mais viril.

Dès que l’on se présente dans ce restaurant, on se sent bien. L’accueil est souriant, la décoration est chaude et accueillante, et comme par miracle, on nous a réservé la table qui est la plus proche de la cuisine ouverte où officie la brigade de Laurent Petit le chef de cuisine et chef d’orchestre de ce lieu. D’emblée l’ambiance est très chaleureuse. Le thème du lieu, affiché sur la porte d’entrée est « lacustre et végétal ». On est donc dans le « local food », locavore, avec des produits de la pêche, de la récolte et de la cueillette des alentours. Nous mangerons « à l’aveugle » puisque nous ne connaissons pas le menu, ce qui n’est pas toujours facile pour le choix des vins.

Par chance la carte des vins est extrêmement intelligente et dotée de nombreuses bonnes pioches, aussi étais-je sûr de faire des choix gagnants.

Nous sommes accueillis avec une eau d’épines d’épicéa infusées. Voici le menu « Grande Fête », tel que nous l’avons vécu, sans jamais savoir ce qui allait suivre. : amuse-bouches faits de filet de perche ail des bois, arêtes de perche grillées, crèmoeuf de féra, feuille à feuille de champignon et quenelle de gardon / caviar de féra, polenta soyeuse / crémeux et tartare d’écrevisses, thé d’écrevisses / première cueillette de morilles, radicelle d’ail des bois / tarte au chou, féra fumée / soupe de poutargue, lentilles Beluga et omble chevalier / légère amertume d’une endive-racine / colrave laqué au safran de Salagine / truite, escargots, Mondeuse bisquée / les fromages des pays de Savoie / sorbet à la tomme blanche, cynorrhodon / bricelet mélèze et pignons de cèdre / tarte fine, chicorée maison.

Que dire de ce repas ? Nous sommes allés d’émerveillement en émerveillement, éblouis par la cohérence et la lisibilité des plats. Chaque composante d’un plat est justifiée. Aucun chichi, aucune rajoute pour faire chic ou pour faire beau. Tout est intelligent, pensé et justifié. Notre repas n’a été composé que de « oh » et de « ah » devant tant de talent. C’est un des plus beaux repas que nous ayons vécus ensemble. A tout moment nous pensions que ce chef gratifié de deux étoiles en mérite largement trois. Deux plats entre autres m’ont émerveillé, le chou avec la féra et le traitement de l’endive, en racine et en pétales.

Voir Laurent Petit diriger la cuisine comme un chef d’orchestre calme à qui il suffit d’un regard pour que ce qu’il souhaite soit fait, est un régal. Son épouse est présente en salle, efficace et faisant le service comme toute la brigade, ce qui est sympathique. L’atmosphère créée par cette équipe dont l’âge moyen est de vingt-cinq ans est très agréable, chacun étant compétent et se sentant impliqué. Nous étions installés sur un nuage de pur bonheur.

La carte des vins créée par le jeune sommelier est remarquable et donne envie de prendre de grands vins. Il y a des pépites à chaque page. Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle se distingue par un parfum exceptionnel. Il est floral et chose curieuse, il a commencé par délivrer des fleurs blanches et lorsqu’il s’est épanoui, des fleurs rouges sont apparues. Noble, raffiné, ce champagne est hautement gastronomique et donne de la noblesse aux plats qu’il accompagne. Il allait se confronter à deux vins aux longueurs et caudalies de compétition.

Le Riesling Clos Saint-Hune Trimbach 2007 est une bombe olfactive. Il est capable de délivrer tous les parfums que l’on souhaiterait sentir. En bouche c’est le raffinement ciselé d’un riesling, cépage d’une précision diabolique, avec une force gourmande extrême. C’est un guerrier conquérant. Sa persistance aromatique est infinie, Fregoli qui change de parure à chaque plat.

Assez rapidement je fais ouvrir le troisième vin pour que nous puissions pour chaque plat choisir celui des trois vins qui nous paraîtrait le plus pertinent. C’est sur les chairs d’écrevisses que j’ai voulu que nous goûtions la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1991 normalement prévue pour plus tard. L’accord est si saisissant que j’ai fait porter un verre du sublime vin du Rhône à Laurent Petit pour qu’il goûte l’accord avec l’écrevisse.

Le vin de Guigal de 1991 est le premier que j’aie goûté, il y a bien longtemps, des belles Côtes Rôties de cette maison et j’en suis tombé amoureux. Ce vin est d’une rare noblesse. Il est d’une puissance qui renverse tout sur son passage, mais comme il est complexe et de belle fraîcheur il arrive à être gracieux.

De nombreuses fois nous sommes passés du Sainte-Hune à La Landonne et inversement, nous fiant à nos intuitions, pour profiter des meilleurs accords. Ce fut un festival tant ces vins sont en haut de l’Olympe des complexités. Quel plaisir de passer de l’un à l’autre quand un plat cohérent s’y prête.

Nous étions sur un petit nuage et nous n’en descendions jamais. Quel talent. Les fromages sont d’une qualité extrême et d’un affinage idéal. Les desserts se sont montrés d’une grande légèreté. Nous avons bavardé avec Laurent Petit qui est très heureux de l’arrivée de Jean Sulpice dans la région. Il y a en effet trois restaurateurs qui ont deux étoiles et qui ont tous les trois l’ambition d’accrocher une troisième étoile. Cela crée une émulation et cela pousse des amateurs à venir essayer les trois cuisines, comme nous le faisons. C’est donc un bien pour la région.

Une décoration chaude et amicale, un service souriant et compétent, un sommelier qui a conçu une carte intelligente, un chef d’un talent immense qui fait des plats lisibles et cohérents. Ce fut ce soir un des plus beaux repas que nous ayons vécus.

l’atmosphère de la cuisine

j’aime beaucoup cette photo du chef

un article sur le chef avec ces photos