Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner de conscrits au restaurant du Polo de Bagatelle mercredi, 7 juin 2017

Le traditionnel déjeuner de conscrits se tient, pour une fois, au restaurant du Polo de Bagatelle car l’ami qui nous invite est membre du Polo. Il fait un temps incertain et il y a du vent aussi mangeons-nous à l’intérieur. Dans le cadre magique de cet ensemble, la restauration est un parent pauvre. J’ai pris à la carte un tartare de saumon au citron vert et coriandre et un faux-filet de Salers grillé et un écrasé de pommes de terre aux herbes qui ne resteront pas très longtemps dans ma mémoire.

Le Champagne Ruinart Blanc de Blancs sans année est vraiment très agréable et vif. Il a une belle tension et se boit avec plaisir. J’aime son rythme en bouche et je ne suis pas le seul car nous consommerons trois bouteilles à six.

Le Vosne Romanée Louis Latour 2011 est un aimable vin de bon équilibre, sans grande longueur mais suffisamment expressif au point que nous commanderons du fromage pour en boire une seconde bouteille.

Nous avons pris le café sur la terrasse face aux vastes terrains de sport, occupés par de nombreux jeunes enfants qui jouant au football, qui montant au manège, pendant que d’autres vont sur les courts de tennis ou les tatamis. Ce lieu privilégié et bien tenu est très agréable au printemps lorsque le soleil est de la partie.

Déjeuner au restaurant H. Kitchen mardi, 6 juin 2017

Le déjeuner périodique entre frères et sœurs se tient à l’invitation de ma sœur au restaurant H. Kitchen. Le lieu est tout petit, moins de dix tables sans doute, avec le chef en cuisine et une personne en salle. Le chef Hidenori Kitaguchi est japonais, qui grossit l’armée de chefs japonais qui ont envahi Paris, pour notre plus grand plaisir. La salle est un peu triste. La carte des vins est particulièrement chiche, mais je dis à ma sœur qu’il ne faudrait surtout pas rater la présence d’un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 2000 dégorgé en octobre 2011 qui est une merveille. Nous sommes quatre à prendre le même menu : soupe de coques et homard breton.

Le champagne est enthousiasmant. Il commence déjà à être un peu ambré. Sa bulle est discrète mais en bouche il est glorieux, expressif, plein, rond et de grand charme. C’est un champagne noble. On se sent tellement bien avec ce champagne distingué qu’il illumine ce début de repas. Les coques sont un peu tristes mais goûteuses malgré tout. Le plat manque de panache mais va bien avec le champagne.

Nous poursuivons le repas avec un Chassagne- Montrachet Domaine Larue 2015 qui est une belle surprise. Il est jeune bien sûr mais il est gouleyant, avec un beau fruit très spontané et quelques évocations de fleurs blanches qui rafraîchissent le palais. Il est bien fluide et accompagne gentiment le homard à la chair délicieuse, de grande qualité.

Sur le dessert, le mien au citron, de belle facture, c’est un Champagne Philipponnat Royale Réserve Brut sans année qui est servi, champagne de soif, bien loin de la qualité du Clos des Goisses mais jouant sur un registre différent, dont la fluidité est appréciée. Ce restaurant fait une cuisine de belle qualité, mais il lui manque un peu de chaleur humaine pour qu’on ait envie d’y retourner.

Superbe Gewurztraminer Hugel 1981 vendredi, 2 juin 2017

C’est le dernier jour du court séjour de mon fils. Contrairement à ce que beaucoup de lecteurs pourraient penser, ce n’est pas ma femme qui adapte sa cuisine à mes vins. Les plus grands dictateurs sont des agneaux à la maison. Je dois jongler avec ses choix pour essayer de créer des accords pertinents. Elle m’annonce un risotto de coquilles Saint-Jacques comme seul et unique plat. Il se trouve que j’avais envie d’ouvrir un Gewurztraminer Vendanges Tardives Sélection de Grains Nobles maison Hugel 1981. C’était, je crois, un cadeau du regretté Jean Hugel et je voulais le boire avec mon fils. J’ai demandé à ma femme de ne saler ni les coquilles ni le riz.

Nous commençons d’emblée avec ce plat, sans le préalable d’un apéritif. Ma femme a mis juste un soupçon de parmesan sur le riz que l’on ne remarque presque pas. C’est d’une banalité évidente de dire que le Gewurztraminer sent le litchi mais il est impossible de ne pas le sentir. En bouche, ce vin est d’un équilibre qu’aucun sauternes ne pourrait avoir. On a une harmonie entre la sucrosité évidente, l’acidité et la fraîcheur. Ce vin est frais en permanence, donnant une impression de légèreté. Au début, le vin d’Alsace paraît plus fort que le plat, mais plus le temps passe et plus l’accord devient pertinent, le vin se mettant à la hauteur de la force du plat. Les coquilles sont divines, juste poêlées et divinement croquantes, le riz se montre civil et délicat. Et l’accord s’améliore à chaque gorgée comme si le vin voulait s’adapter à la neutralité active du plat. Il y a une précision et une fluidité dans ce vin qui sont remarquables.

Nous avons court-circuité l’apéritif alors que je voulais ouvrir un champagne. Cherchant dans le réfrigérateur avant le repas, j’avais vu une bouteille quasiment vide et rebouchée qui date d’il y a un mois, lors du dernier voyage de mon fils. Avant qu’il n’arrive j’avais goûté et le champagne ne s’est pas altéré. Quand mon fils est arrivé, il l’a essayé et lui aussi l’a trouvé sans défaut. Il y a de quoi faire un demi verre pour chacun que nous avons goûté avant l’arrivée des coquilles pour préparer notre palais. Il lui fallait une suite aussi ai-je ouvert, après le vin d’Alsace un Champagne Krug Grande Cuvée sans année du début des années 90, qui a donc un peu plus de 22 ans. Je l’essaie avec les coquilles et il est assez évident que c’est avec le Gewurztraminer que l’accord se trouve le mieux car les goûts neutres conviennent mieux à l’alsacien.

C’est avec des camemberts que nous goûterons le Krug. Il est extrêmement expressif et cet âge de plus de vingt ans magnifie ses complexités. Mais par rapport à tous ceux que j’ai bus de cet âge, je ressens une acidité particulièrement forte qui limite un peu le plaisir. Mon fils est plus tolérant à cette acidité. Mais le Krug a une telle persistance aromatique qu’elle imprime le palais d’une trace indélébile. C’est un grand champagne complexe, imprégnant et raffiné.

Des dés de mangue rafraîchissent le palais avec le sublime vin d’Alsace.

Sur le court séjour de mon fils nous avons eu l’occasion de boire des merveilles. Si l’on doit retenir deux vins, ce sera le Musigny de Vogüé 1972 et le Gewurztraminer 1981 qui marqueront nos mémoires.

la bouteille de gauche a été ouverte il y a un mois et nous avons bu le reste, encore buvable

Déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier jeudi, 1 juin 2017

Déjeuner au restaurant Le Petit Sommelier. Cette adresse m’a été conseillée par un vigneron ami. L’ambiance est du genre bistrot, avec ce que cela comporte de compétence de service. La carte des vins est impressionnante. On a envie de tout prendre, tant les prix sont doux. Il y a de très prestigieuses étiquettes et quasiment toutes avec des prix tentants. Alors dans ce cas-là, j’aime encourager les efforts de constituer une cave attractive en prenant un grand vin. Je jette mon dévolu sur une Côte Rôtie La Turque Guigal 2006.

Il me semble que je connais le jeune sommelier qui vient prendre commande et effectivement Pierre Vila Palleja, le patron du bistrot, me dit qu’il a servi les vins lors de certains de mes dîners au Crillon. Pour le vin, je choisis un pâté en croûte et un turbot dont Pierre fera aménager la sauce.

Le vin de Guigal ouvert sur l’instant et non carafé impose sa joie de vivre et sa générosité. Qu’y a-t-il de plus franc que ce vin ? Il est chaud, joyeux, au fruit noir expressif. On se régale avec un tel vin et on ne se pose pas de question car tout lui sourit. Au début de mes explorations des vins de Guigal, c’est la Mouline qui était ma préférée. Aujourd’hui c’est plutôt la Turque. Celle-ci est un peu entre deux âges. Elle n’a plus la folie du fruit qui envahit le palais et n’a pas encore la sérénité des vins assis. Elle est très plaisante mais je ne trouve pas la fraîcheur mentholée qui me plaît tant dans les Côtes Rôties plus jeunes. L’accord s’est bien trouvé sur les deux plats. Voilà une table où l’on peut aller sans hésiter pour boire de bons vins.

Dîner d’anniversaire avec un Musigny exceptionnel jeudi, 1 juin 2017

Par une rare et belle conjonction de planètes nous recevons nos trois enfants en même temps à la maison, avec quatre de nos petits-enfants. Il y a deux anniversaires à fêter. Ma femme a prévu un seul plat, un veau cuit à basse température et un gratin dauphinois. Pour le dessert ce sera l’incontournable reine de Saba, parce qu’on peut facilement planter des bougies sur ce gâteau.

L’apéritif est fait de petites viennoiseries salées composées par les petits enfants et de jambon ibérique. Le Champagne Dom Ruinart 1990 est un de mes favoris et j’imaginais volontiers que 1990 était l’un des Dom Ruinart les plus réussis. Quelle n’est pas ma surprise de constater que cet excellent champagne, opulent, large en bouche et au beau fruit jaune doré est très loin de valoir le Dom Ruinart 1973 que j’avais bu la veille. Il y a dans le 1973 une vivacité et un côté cinglant que l’on ne retrouve pas aussi marqués dans ce 1990. Il est grand, jeune encore alors que le 1973 est à pleine maturité, il comble mes enfants, mais je dois dire que le 1973 le surpasse de vingt coudées. Voilà qui déboulonne l’une de mes icônes. Ça n’empêche pas ce 1990 d’être grand.

Le Château Margaux 1967 a un nez imprégnant, fort et pénétrant. La bouche est lourde comme celle d’un Lafite Rothschild d’une année puissante. Il y a de la truffe, des grains de poivre doux dans ce vin lourd et charmeur. Il y a une infime trace de bouchon dans le parfum mais on s’aperçoit que cela ne gêne en rien le goût profond et raffiné de ce vin. Oserais-je « au contraire » ? Car ce Margaux n’est pas du tout dans la gamme des vins féminins que Margaux peut être. Il est dans la famille des vins guerriers de la soldatesque conquérante. Et nous l’aimons tout particulièrement.

La deuxième bouteille que j’ai choisie pour ce dîner est un Musigny Comte de Vogüé d’un lot de trois bouteilles dont deux n’ont pas d’étiquette et la troisième en a une, abîmée, sur laquelle on pourrait lire soit 1979 soit 1972 mais plus probablement 1972 du fait de la position de petits trous, puisque les années sur les étiquettes de ce vin sont marquées par des points qui sont des petits trous qui percent l’étiquette. N’ayant pas la possibilité de trouver un lien avec un achat dans mes archives, le 1972 n’est pas sûr mais hautement probable. Lorsque j’ai ouvert la bouteille il y a quatre heures, j’espérais trouver le millésime sur le bouchon. Raté ! le bouchon très lisible confirme le nom du vin mais pas son âge. Lorsque nous sentons le vin, mes enfants et moi, c’est comme si nous étions envahis par une bourrasque ayant caressé la Côte de Nuits. Le parfum est envoûtant. Et dès que nous portons nos lèvres à ce vin, c’est une extase. Je vois l’émerveillement sur les visages de mes enfants. Ce vin a quelque chose d’extraordinaire. Ayant encore vivace la mémoire de la Romanée Conti 1980 bue hier, je ressens une émotion de même niveau et très différente car là où la Romanée Conti est sérieuse, le Musigny Comte de Vogüé 1972 explose de joie de vivre et d’un beau fruit rouge. Ce vin est du velours tant il y a de douceur combinée à une puissance contenue. On est en haut de l’Olympe quand on boit ce vin où toute la délicatesse est fondue dans une subtilité unique. Et le fait d’avoir pu goûter en un temps si proche deux merveilles, l’une plus cistercienne, l’autre plus gourmande, me ravit. La douceur et le velours sensuel de ce vin au fruit joyeux sont d’un bonheur rare. Décidément, j’aime les vins dans les soi-disant petites années car on lit mieux la précision de leurs complexités.

Aucun vin ne pouvait succéder à ces merveilles aussi le dîner s’est-il poursuivi en douceurs en bougies soufflées et en discussions.

l’étiquette est celle d’une autre bouteille du même lot. Le bouchon est évidemment de celle qui a été bue.

Dîners de curiosités extrêmes à l’Assiette Champenoise samedi, 27 mai 2017

Peter est un écossais dont le hobby est le vin de Champagne. Il en connaît presque tout. C’est lui qui avait organisé la spectaculaire verticale de la Cuvée Winston Churchill de Pol Roger à Londres. Il récidive en organisant une verticale très exhaustive du champagne Pol Roger à l’hôtel l’Assiette Champenoise à Tinqueux près de Reims. Mon ami Tomo et moi nous inscrivons à cette dégustation et l’idée nous vient de séjourner aussi la veille pour un dîner où nous apporterions de belles bouteilles. Nos apports sont facilement déterminés et Tomo me dit que si nous trouvions des convives supplémentaires, nous pourrions apporter plus de vins. C’est seulement avant de partir vers Reims que j’appelle un ami qui décide sur l’instant de nous rejoindre avec sa femme.

Lorsque j’arrive à l’hôtel, j’annonce que nous serons quatre et non deux. La maman d’Arnaud Lallement me fait des frayeurs en me disant que le restaurant est complet, sans possibilité d’ajouter des convives mais, dit-elle, Arnaud sait faire des miracles. Quand Tomo arrive nous allons bavarder dans le joli parc ensoleillé et nous partageons une demi-bouteille de Champagne Amour de Deutz 2008 qui était un cadeau de bienvenue dans ma chambre. Le champagne est précis, grand, mais il lui manque une petite pointe d’émotion pour qu’on puisse l’adorer.

Nous nous trouvons tous les quatre à 19h30 à ajuster nos apports car Pierre, l’ami     prévenu très tard, a apporté quatre vins, Tomo en a quatre aussi et j’en ai cinq. Treize vins pour trois buveurs, puisque la femme de Pierre est enceinte, ce n’est pas possible. Nous procédons par élimination et nous mettons au point le menu avec Matthieu, l’excellent sommelier. Quand Magali, la femme d’Arnaud arrive pour composer le menu, elle est toute étonnée que le travail ait déjà été fait.

Nous prenons l’apéritif dehors avec le Champagne La Grande Dame Veuve Clicquot Ponsardin 1962 que j’ai apporté et qui est rare car c’est la première année où a été faite La Grande Dame. La bouteille est très belle, dans une forme de type bouteille de Coca-Cola, forme qui a été utilisée jusqu’en 1985. Le bouchon vient sans pschitt et la bulle est inexistante, même si le pétillant est là. La couleur est ambrée. Le champagne a le goût d’un champagne ancien, très expressif, profond et d’une grande complexité. Il y a cependant une amertume prononcée qui me gêne un peu. Arnaud vient nous saluer, tout souriant, et c’est un plaisir de le retrouver.

Nous passons à table et Arnaud Lallement nous a gâtés car notre table est très vaste pouvant accueillir des verres en nombre illimité. Le menu sera : tradition, potée champenoise / tourteau et jus de têtes / saint-pierre de     petit bateau, carotte B. Deloffre / pigeonneau fermier Cléopatra / ris de veau, crème de persil / fromages / miel et fraises. La cuisine d’Arnaud Lallement est d’une rare finesse et ce qui nous subjugue, ce sont les sauces généreusement distribuées, qui exposent leurs saveurs en strates, chaque strate ajoutant une complexité. J’aime ces saveurs en trois dimensions. C’est une cuisine d’une grande subtilité, tout en paraissant en bouche d’une grande simplicité. C’est idéal pour les vins.

Le Champagne Sélection Royale Réserve P. Philipponnat & Cie 1926 est apporté par Pierre qui nous indique que le niveau est bas. Le bouchon se brise et même avec le tirebouchon il vient en plusieurs morceaux alors qu’habituellement la lunule vient entière. Là aussi pas de pschitt. La couleur est moins foncée que celle du 1962 et le goût en bouche est extrêmement sucré. Aussi, ce champagne ne conviendra pas à la potée champenoise qui appelle un rouge.

Pierre croyait avoir apporté un Gaudichots mais en fait c’est un Vosne-Romanée Domaine Forey Père & Fils 1986 qui est ouvert sur l’instant. Ce vin a un nez sympathique. C’est vraiment le bourgogne « Villages » dans sa plus belle expression. Et le vin colle très bien au délicat bouillon de la potée, plat emblématique.

Le champagne Philipponnat accompagne le tourteau de très agréable façon. Très doux, il est un peu comme un sauternes discret et pétillant. Nous l’aimons beaucoup pour sa franchise et sa douceur.

La bouteille suivante apportée par Pierre est un Champagne Pierre Péters 1976 habillé avec une étiquette du Club de Viticulteurs Champenois. Le nom de Pierre Péters ne figure pas sur la bouteille et seulement sur une carte de visite pliée ficelée au goulot qui explique que 46 vignerons ont habillé spécialement certaines cuvées sous le label du club. Le champagne accompagne le saint-pierre. Sa bulle est très active, il est très pétillant, un peu salin, mais il manque d’un soupçon de coffre et de longueur.

J’ai apporté une bouteille de vin rouge de forme bourguignonne, sans étiquette mais un lambeau minuscule porte en bas de la bouteille les lettres « AR » écrites en petits caractères. La capsule de négoce est neutre, d’un très joli mauve dont la patine évoque la fin des années 30. Le niveau est très haut dans la bouteille, à deux centimètres sous le bouchon. J’avais ouvert la bouteille au moment de l’apéritif. Le bouchon neutre ne donnait aucune indication et l’odeur agréable était prometteuse.

Sur le pigeon le Bourgogne inconnu années 40 rebute Pierre et un peu aussi Tomo. Je n’ai pas les mêmes critiques car j’attends de voir. Et ce qui me frappe c’est que ce vin est totalement algérien. Il a des notes de charbon, de café, de vin torréfié et pour moi, ce vin est très buvable, car il n’a pas de défaut. J’aurais bien aimé le confronter à un Royal Kebir 1945. Lorsqu’on le boit sur le ris de veau, c’est la crème de persil qui le fait redevenir bourguignon et à ce moment précis je l’aime beaucoup. Il fallait savoir l’attendre.

Pour ris de veau c’est le Champagne Krug Collection 1973 qui est prévu. C’est l’apport de Tomo qui devait être la star de ce dîner. Or en fait, si le champagne est bon, il manque d’ampleur et de vivacité. On le boit bien sûr avec plaisir mais la splendeur du vin n’est pas au rendez-vous. Le bouchon extrêmement court et chevillé avait laissé échapper les bulles et une partie de l’âme du champagne. Aussi Tomo fait ouvrir le Puligny-Montrachet 1er Cru Les Folatières Domaine d’Auvenay 2006 qu’il a apporté. Ce vin est exceptionnel de jeunesse puissante et large. C’est un vin de première grandeur, long en bouche qui nous pousse à prendre du fromage. Le vin est large, gourmand, de très belle facture, à la rémanence infinie.

A ce stade j’annonce mon vote qui est 1- Puligny-Montrachet 2006, 2 – Philipponnat 1926, 3 – Vosne Romanée 1986, 4 – Krug Collection 1973. Mais arrive sur le dessert miel et fraise le vin que j’ai apporté qui va bousculer le classement en prenant la première place, d’une bouteille que ni Arnaud qui connaît la Champagne comme sa poche, ni le sommelier, n’ont déjà vue.

Le Champagne Jacques Selosse Collection Moon rosé Cuvée Première Grand Cru dégorgé le 21 septembre 1995 a l’étiquette faciale transparente laissant voir le rose foncé magnifique et l’étiquette dorsale est opaque, indiquant Champagne Collection Moon sans que le nom de Selosse ne soit mentionné. Il est très significatif que le champagne ait été dégorgé un jour d’équinoxe car ce n’est pas la première fois que je le remarque. Il faudra que je demande à Anselme Selosse quelle est la signification du choix de cette date. Le champagne est glorieux. Il est intense, profond, riche et joyeux. C’est un rosé exceptionnel, long en bouche, qui a tout pour lui. Il aurait fallu le confronter au pigeon ou à une viande rose pour qu’il y ait un combat alors que le délicieux dessert ne fait pas le poids face à lui.

Globalement, à part le Selosse rosé de plus de vingt ans et le Puligny 2006, tous les autres vins et champagnes n’étaient pas parfaits. Agréables certes mais de portée limitée. Mais ce qui comptait le plus c’est l’envie de découvrir des curiosités car certaines bouteilles comme le Philipponnat, le Péters et le Selosse sont quasiment introuvables.

Le service de Matthieu a été parfait, complice de nos folies, Arnaud est venu plusieurs fois s’asseoir auprès de nous, toujours aussi amical, joyeux et ouvert lui aussi à nos bizarreries. Il y a dans cet hôtel une ambiance très chaleureuse qui correspond à l’esprit ouvert du chef. S’il devait y avoir un vainqueur à côté du superbe rosé de Selosse, ce serait les diaboliques sauces d’Arnaud, gourmandes et complexes à souhait.

Pierre et Diane sont allés dormir dans une petite chambre trouvée à une dizaine de kilomètres de Reims car tous les hôtels sont complets en ce week-end de pont de l’Ascension. Tomo et moi avons devisé dans le calme de la nuit dans le jardin jusqu’à deux heures du matin. Demain ou plutôt ce soir, une grande aventure Pol Roger nous attend.

Le dôme d’accueil de l’hôtel Assiette Champenoise Arnaud Lallement

Champagne Amour de Deutz 2008

Champagne La Grande Dame Veuve Clicquot Ponsardin 1962

Champagne Sélection Royale Réserve P. Philipponnat & Cie Demi-Sec 1926

Vosne-Romanée Domaine Forey Père & Fils 1986

Champagne Pierre Péters 1976 Club de Viticulteurs Champenois

Bourgogne inconnu années 40

Champagne Krug Collection 1973

Puligny-Montrachet 1er Cru Les Folatières Domaine d’Auvenay 2006

Champagne Jacques Selosse Collection Moon rosé Cuvée Première Grand Cru dégorgé le 21/09/1995

amuse bouche dans le parc

dans le restaurant, notre table est juste sous le magnifique lustre de Baccarat

Cocktail avec des bouteilles de grands formats samedi, 20 mai 2017

Ma fille aînée vient de fonder avec un associé la filiale parisienne d’un cabinet d’avocats américain. Elle a de magnifiques bureaux dans un quartier assez chic de Paris et elle organise un cocktail pour l’ouverture de ce nouveau bureau. Il y a là le PDG américain, impressionné par la beauté du site doté de beaux lambris du 18ème siècle, beaucoup de représentants de filiales européennes, de Londres, Bruxelles, Berlin notamment, des clients et des amis des membres du cabinet.

J’ai décidé de faire cadeau à ma fille de quelques belles bouteilles qui viendront rehausser – je l’espère – le niveau des boissons choisies avec le traiteur « Emotions Culinaires » dont la prestation culinaire est de très grande qualité.

Le Champagne Henriot Cuvée les Enchanteleurs 1998 représente un saut qualitatif majeur par rapport au champagne du buffet. Ce champagne s’améliore au fil des ans, rassurant, solide mais aussi complexe et long. Il est nettement meilleur qu’il y a dix ans.

Le Chablis Grand Cru Moutonne Long Dépaquit Bichot magnum 2007 est un vin superbe. Le nez est imprégnant, fort et gourmand et la bouche est belle, racée, fruitée de fruits blancs avec une longueur joyeuse. C’est un vin gouleyant.

Le Château Fourcas-Hosten Listrac double magnum 1978 m’est proposé en premier par le responsable de l’équipe du traiteur pour le goûter et instantanément je ressens un goût de bouchon. Comme j’ai eu les premières gouttes de cette bouteille, ce que je bois a léché le verre qui n’avait peut-être pas été nettoyé à l’ouverture qui a été faite à midi par les collègues de ma fille. J’hésite à en parler autour de moi car écarter un double magnum, c’est difficile. Alors je laisse la nature agir. Ce n’est que lorsque nous boirons les vins suivants que certains amateurs oseront me dire qu’ils ont ressenti le goût de bouchon qui s’est beaucoup atténué sur la suite du double magnum.

L’avantage de cette faiblesse c’est que le vin suivant n’en paraît que meilleur. Le Château Meyney Prieuré des Couleys Saint-Estèphe double magnum 1969 est brillant et tous les amateurs de vins, qui sont nombreux parmi les invités, sont stupéfaits de voir qu’un vin de cette si petite année puisse être aussi vivant, aussi riche et profond. J’ai toujours eu un faible pour Meyney et à la suite d’un reconditionnement de grande ampleur fait au château par Cordier pour plusieurs millésimes des années des décennies 60 et 70 j’ai acheté beaucoup de grands formats pour des réceptions. Le vin est riche, avec des notes truffées et une belle longueur. C’est une très belle surprise et le format donne un bel équilibre au vin.

Le Pommard Hospices de Beaune Cuvée Dames de la Charité élevé par Bouchard Père & Fils double magnum 2000 est un vin extrêmement agréable et facile à comprendre. De plus , le format lui donne à lui aussi un très bel équilibre. Il a le charme bourguignon avec beaucoup de douceur. Sur les magnifiques canapés, c’est un plaisir. La bouteille est d’une rare beauté.

Pour la bouteille qui suit, je fais signe à quelques personnes, dont j’ai pu mesurer qu’elles sont des amateurs de vins, de se retrouver dans le bureau de ma fille. Et nous buvons le Château Ausone Saint-Emilion magnum 1970. Le vin est grand et tout le monde est sensible au fait que je l’aie apporté. Ausone est un des vins de Bordeaux les plus complexes qui soient. Il ne se livre pas, il faut le découvrir. Raffiné, subtil, c’est un vin de recueillement avec une grande noblesse et une longueur particulière. On est dans le raffinement.

Des échos que j’ai recueillis le lendemain, les invités ont été heureux de goûter ces vins, un peu inhabituels pour de tels cocktails. Ma fille est ravie. C’est ce que je souhaitais.

Déjeuner avec des canadiens au restaurant le Petit Verdot mercredi, 17 mai 2017

C’est la troisième fois que je partage à Paris un repas avec un canadien musicien et chanteur depuis peu, mais surtout amoureux du vin. Il est venu avec des amis de Toronto et ils vont faire un long voyage en Bourgogne et en Champagne notamment. Nous nous retrouvons au restaurant le Petit Verdot. Nous nous présentons avant midi et Hidé le sympathique propriétaire des lieux est tout affolé de nous voir si tôt, ce qui est un comportement rare. Nous montons au premier étage et je commence à ouvrir mes vins tandis que Michael ouvre les siens.

Le Champagne Heidsieck & Cie Monopole Cuvée Diamant Bleu 1979 que j’ai apporté se présente dans une jolie bouteille dont le bas a des facettes biseautées, de taille diamant. Le pschitt est bien net, la couleur est d’une jeunesse folle, le nez est très engageant, d’une rare douceur et en bouche ce que l’on perçoit c’est du miel très prégnant et de jolis fruits jaunes et oranges comme l’abricot. On est là dans l’aristocratie du champagne et nul n’imaginerait qu’un tel champagne puisse avoir près de 40 ans. Hidé a préparé pour lui des tranches de seiches cuites au chalumeau et cela « fonctionne » très bien.

Michael a apporté deux rieslings autrichiens. Le Riesling Vinothek Nikolaihof Autriche 1995 est assez doux et comme il est un peu chaud, le vin est légèrement pataud.

Le Steiner Hund Riesling Reserve Nikolaihof Autriche 2004 est lui aussi assez sucré mais il est beaucoup plus vif et je le préfère. Il forme avec le pâté de ris de veau un accord tout-à-fait possible et se marie même avec la délicieuse asperge blanche.

Sur le bar sauvage flanqué d’une asperge verte nous goûtons un Kutch Chardonnay Santa Cruz Mountains Sonoma Valley 2014 que Michael avait ouvert il y a deux jours et qui a conservé toute sa pureté. J’aime beaucoup ce vin cristallin, beaucoup plus précis que les deux rieslings. Le bar est excellent, sa peau est croquante et comme Michael a gardé une petite fiole de Château d’Yquem 1988, ouvert il y a trois jours, j’ai envie de l’essayer avec la peau du bar et ça marche. C’est fou comme cet Yquem 1988 est vraiment dans la définition d’un Yquem trentenaire. C’est un vin qui renverserait des montagnes, Hercule d’une sérénité absolue.

Hidé a fait préparer le plus simplement du monde des filets de canard absolument goûteux pour le Chambolle-Musigny Chanson Père & Fils 1955 que j’ai apporté. Le nez de ce vin est magnifiquement bourguignon. La couleur est un peu trop noire à mon goût et je ressens en bouche une petite trace de torréfaction qui n’est pas cohérente avec le niveau dans la bouteille qui était parfait et avec le bouchon totalement sain. Aucun signe n’indique que le vin aurait eu un accident thermique. Malgré cette petite trace de café, le vin est superbe et l’accord avec le canard intelligemment cuit fait merveille.

Michael avait aussi apporté un Royal de Maria Riesling Winter Harvest Icewine 2008 titrant 11,5° ce qui est plutôt fort pour un vin de glace. Ce qui est amusant c’est que l’attaque du vin est très belle, joyeuse, chantante et entraînante, mais le finale est tellement marqué par de la réglisse qui aurait été brûlée que cela limite le plaisir.

Comme les magiciens qui ont plus d’un tour dans leur sac, Michael sort une petite fiole où il y a un whisky délicieusement tourbé de bel équilibre. Par bonheur mes trois complices ont un train à prendre et doivent quitter le restaurant précipitamment, sinon, je suis sûr que Michael aurait encore trouvé d’autres nectars dans ses poches.

La cuisine a été absolument superbe et Hidé sait que j’aime qu’elle soit simplifiée. Je n’ai jamais vu Hidé aussi contracté. Ça ne l’empêche pas d’être un hôte chaleureux et compétent.

A côté de nous un groupe de quatre septuagénaires devisait joyeusement. Je leur ai porté un verre du bourgogne et des restes des vins blancs de Michael. Je me suis assis à leur table et nous nous sommes mis à reconstruire le monde comme je le fais avec mes conscrits. Même dans un pays morose qui assiste impuissant à son déclin, on sait encore s’amuser à Paris.

Déjeuner à Paris mardi, 16 mai 2017

Le temps est incertain. Je vais déjeuner chez ma fille cadette. Mon intention était de venir avec un beau vin rouge mais l’exposé de son menu au téléphone m’en dissuade. Elle a prévu du tarama à l’oursin avec des blinis, des asperges blanches et des pâtes à l’encre de seiche.

Le Champagne Salon 1997 est d’une délicieuse grâce romantique. Il joue simple et grand. Prudent je m’étais dit qu’à deux, nous n’aurions jamais assez d’une bouteille aussi ai-je apporté un Champagne Salon 1996. Les deux sont très différents. Le 1997 joue sur sa grâce alors que le 1996 lisse ses moustaches et se campe bien droit sur ses bottes de mousquetaire qui protègent jusqu’au milieu des cuisses. Il y a le poète avec son luth et le guerrier. Alors, lequel préférer ?

Pourquoi ne pas décider, pour une fois, de ne pas choisir ? Ce sont deux Salon très différents, l’un gracieux l’autre conquérant, alors aimons les deux puisqu’ils ont chacun leur voie.

J’ai eu un petit faible pour le 1997 sans doute parce que le printemps pousse au romantisme.

On note la différence de taille et de formes des deux bouchons, le 1996 ayant été beaucoup plus dur à ouvrir

des livres et des vins au Bristol avec Alain Rey mardi, 9 mai 2017

Longtemps j’ai été un fidèle des dîners « des livres et des vins » organisés et animés par Olivier Barrot au restaurant le Cinq du George V. Ces dîners ont cessé lors d’un changement de politique de l’hôtel. Ils se tiennent maintenant à l’hôtel Bristol
et lorsque j’ai reçu un mail annonçant la présence d’Alain Rey, l’homme qui fait le Petit Robert, il était exclu que je ne m’inscrive pas. Le message annonçait aussi la présence du Léoville-Poyferré ce qui était un encouragement de plus.

La réunion se tient dans la magnifique salle à manger lambrissée de forme ovale. L’apéritif permet de converser avec des personnes présentes en buvant un champagne fort agréable dont je n’ai pas mémorisé le nom.

Le menu préparé par Eric Fréchon est : artichaut de Provence, anchoïade aux brisures de truffe noire, poudre d’œuf haché et chips d’artichaut aux noisettes / morilles blondes farcies de ris de veau et jambon de pays, jus parfumé au vin jaune, mousse de cresson / agneau de lait, selle rôtie, côtelette et saucisse grillées à la harissa, semoule de courgette violon à l’olive noire / Fontainebleau égoutté par nos soins, fraises des bois et sorbet Mara des Bois.

Olivier Barrot présente le nouveau livre d’Alain Rey « 200 drôles d’expressions » et bavarde avec cet homme truculent, pince-sans-rire, bourré d’humour et érudit de la langue et des expressions. C’est un bonheur d’écouter ce savant qui parle si simplement et donne des perspectives sur notre langue et son histoire. J’adore son rire retenu et ses yeux malicieux.

Le Château Léoville-Poyferré Saint-Julien 2008 est un vin solide carré, très consensuel avec les deux premiers plats, surtout avec la morille fourrée. C’est un vin dont la personnalité s’affirmera avec une ou deux décennies de plus.

Le Château Léoville-Poyferré Saint-Julien 2005 est beaucoup plus charmeur et expressif. Il se justifie pleinement à cet âge et on peut dire que c’est un grand vin. Mais comme beaucoup de Bordeaux, l’âge les sublime. Les 1929 et 1959 de Léoville-Poyferré que j’ai bus sont de sublimes vins.

Le dessert est prévu sur un vin Les Cyprès de Climens Barsac 2011. Ce n’est pas du snobisme, mais j’ai une telle admiration pour le Château Climens que j’ai préféré ne pas goûter ce vin plus léger et peut-être bon.

La cuisine très classique et solide d’Eric Fréchon a parfaitement convenu à ce bel événement. J’ai bu chaque parole et chaque anecdote d’Alain Rey avec la même attention que j’aurais pour un très grand vin. Défendre notre langue et la faire vivre est l’un des plus beaux combats pour notre pays et son Histoire.