Archives de catégorie : dîners ou repas privés

déjeuner au restaurant Prunier mercredi, 15 février 2017

Un journaliste gastronomique qui a suivi mon parcours et m’a donné de-ci de-là de bons conseils me pousse à écrire un livre. Nous avions prévu d’en discuter avec un éditeur mais au dernier moment j’apprends que nous ne serons que tous les deux. Le déjeuner est maintenu au restaurant Prunier où ce journaliste est suffisamment connu pour que j’aie la possibilité d’apporter un vin. Nicolas m’avait vanté les mérites d’un plat de pâtes au caviar, goûteux et copieux.

J’arrive en avance et donne un champagne que j’avais dans ma musette à rafraîchir. Le lieu me plaît toujours autant, avec ses mosaïques noires et or et une décoration de boutique presque centenaire. Mon choix de menu sera : Pappardelles de Fernando Pensato au caviar Prunier (45 grammes ) / Brandade de morue « façon Prunier » / soufflé à la Chartreuse. Le caviar est vraiment copieux et les pâtes légèrement crémées sont délicieuses. Il vaut mieux manger les pâtes et le caviar en des bouchées séparées, pour profiter de la longueur du goût délicieusement salé du caviar. Inutile de dire que sur le caviar, le Champagne Salon 1997 est mis en valeur. Ce champagne a deux qualités : vivacité et douceur. Il a en effet une très belle énergie et en même temps il a le calme souverain d’un Teddy Riner. Il a presque vingt ans et se révèle d’une magnifique maturité. C’est un grand champagne.

J’avais demandé au chef Eric Coisel de viriliser un peu la brandade que par tradition on prive un peu d’ail pour ne pas indisposer l’entourage de ceux qui travaillent l’après-midi. La brandade ainsi dynamisée est d’un goût que j’adore. Le champagne ne crée aucun accord particulier avec la brandade. Il s’accorde beaucoup mieux avec le soufflé.

Nous avons bavardé avec le chef sympathique qui fait une cuisine fondée sur de beaux produits. Nicolas Barruyer, le directeur du restaurant est extrêmement sympathique lui aussi. Il y a en ce lieu que je pratique depuis plus de 45 ans une atmosphère qui me plait.

Salon 1996 mardi, 14 février 2017

Le lendemain, je suis de retour chez moi. Ma fille vient rechercher ses enfants qui ont séjourné quelques jours chez moi. elle a fortement envie que j’ouvre un vin. J’essaie de résister car le dîner de la veille était d’importance mais rien n’y fait. J’ouvre un Champagne Salon 1996 qui se situe très bien après les champagnes anciens de la veille. Il est vif, expressif avec une belle énergie, plus classique que les champagnes d’hier. Il se place très bien sur le repas léger du soir. Ma fille est contente. Je le suis aussi. Salon 1996 est une valeur sûre.

Dernier dîner du séjour de mon fils jeudi, 9 février 2017

C’est le dernier soir de mon fils alors, j’ai une excuse pour ouvrir des vins chers à mon cœur. Ma femme a préparé une crème d’avocat adoucie par de la crème chantilly sur laquelle reposent de beaux grains de caviar. Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1983 a une couleur joliment dorée et un nez extrêmement marqué et expressif. La première gorgée est tellement enthousiasmante qu’il me vient à l’idée que ce pourrait être le meilleur champagne de tous ceux que nous avons ouverts avec mon fils pendant son séjour. Bien sûr, il y a toujours une prime au dernier arrivé, mais force est de constater qu’il est exceptionnel. Il est rond, fruité, de belle mâche et remplit le palais de soleil. Vif, racé, il a tout pour lui. Ma femme se demandait si la crème d’avocat et le caviar se comprendraient et tout montre que cet accord est superbe, le caviar d’Aquitaine devenant d’une vivacité et d’une profondeur qu’il n’aurait pas sans la crème. Nous poursuivons sur un fromage de tête qui va toujours très bien avec les champagnes et nous faisons suivre un camembert Réo affiné idéalement qui fait jouer le champagne sur une autre tessiture.

Le dessert est une sorte de pain au chocolat qui serait nappé d’une crème de noix. J’ouvre alors une demi-bouteille qui est d’une beauté qui m’émeut. C’est un Champagne Krug Private Cuvée ½ bouteille qui pourrait être des années 60 ou du tout début des années 70. Le bouchon vient difficilement car le disque de bas de bouchon sans doute calibré trop épais pour ce format colle au goulot et résiste. Le haut du bouchon vient seul et j’ai du mal à enfoncer le tirebouchon tant le liège inférieur est dense. Il n’y a pas de pschitt et le pétillant est là. Le nez indique un vin un peu fatigué. Mais en bouche, comme dirait Aimé Jacquet, les fondamentaux sont là. Le champagne est racé, noble, grand et impérial, mais objectivement, il reste une infime trace de trop vieux. Il a peut-être dix ans de trop mais il est grand et nous le dégustons avec plaisir sachant qu’aucune trace désagréable ne reste sur le palais. Je tenais à ce que nous terminions ce voyage d’une semaine par ce champagne. Nous avons goûté, mon fils et moi : Champagne Heidsieck Monopole cuvée Diamant Bleu 1964, Champagne Veuve Clicquot brut sans année du début des années 70, Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 1973, Champagne Krug 1995, Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1983, Champagne Krug Private Cuvée des années 60. Il s’est ajouté un Vega Sicilia Unico 1991. Ce voyage en champagne avec des vins que j’aime est important pour moi, car je sais que mon fils s’en souviendra, lorsque je serai en train d’essayer de convaincre Saint-Pierre que le champagne ancien pourrait faire un très joli vin de messe.

Déjeuner au restaurant de l’Automobile Club de France jeudi, 9 février 2017

Mon frère invite ma (sa) sœur et son mari et moi au restaurant de l’Automobile Club de France. Nous prenons l’apéritif avec un Champagne Laurent-Perrier Brut sans année très agréable et facile à vivre. Le menu que je prends est : caille et foie gras de canard aux fruits secs en pâté en croûte, condiment moutarde violette / pigeon du Poitou, le suprême rôti, les cuisses en cromesquis, polenta aux olives, sauce poivrade. Un incident de cuisson a fait que nous avons attendu longtemps le plat de résistance, au point de quitter le lieu les derniers, mais nous avons fort bien mangé. Le pâté en croûte est joli à voir et très goûteux. Le pigeon est un peu trop cuit mais c’est classique hélas et le cromesquis est délicieux. Mon frère a commandé un Château Haut-Marbuzet Saint-Estèphe 2011 charnu, très truffe, mais très vivant et de bonne mâche. C’est un bon choix et un bon vin que nous avons continué sur les fromages. J’ai succombé à un Paris-Brest qui est un péché mortel tant il est bon. Le service est un peu approximatif parfois mais la qualité de la cuisine et la beauté du lieu font que l’on est prêt à ne retenir que le positif de cet excellent repas.

un détail amusant. J’ai remarqué sur l’étiquette une marque tamponnée en rouge. Ayant acheté des vins ayant appartenu à la Tour d’Argent, j’ai imaginé qu’il s’agit d’un tampon de provenance. Or en fait, pas du tout, c’est le logo qui déconseille aux femmes enceintes de boire du vin !

 

Champagne avec mon fils mercredi, 8 février 2017

Comme cela arrive souvent, nous avons fait, mon fils et moi, vœu de chasteté vinique pour un soir et ma femme en tient compte dans son menu : soupe aux lentilles et lard / omelette / salade verte. Jusque-là, tout va bien. Mais très vite le besoin d’un champagne éclot et mon choix se porte sur un Champagne Krug 1995. Contrairement au Dom Pérignon de la veille, le bouchon résiste au point que je suis obligé de prendre un casse-noix pour pouvoir faire tourner le bouchon collé au verre. Le pschitt est fort. La bulle est très active. La couleur est délicatement dorée. Ce champagne est noble et s’installe dès la première gorgée dans les hautes sphères de la hiérarchie. Il est racé, élégant et tout sauf canaille. Car il est rigoriste et archétypal. Il est plus gentleman anglais que crooner américain. C’est un très noble champagne qui va s’épanouir si on le laisse tranquille pendant une bonne décennie. Les fromages sont venus à la rescousse pour qu’un accord se crée. Une fois de plus c’est un plaisir de partager des vins avec mon fils.

Champagne avec ma fille mercredi, 8 février 2017

Ma fille cadette vient dîner de façon impromptue. Ma femme a prévu des coquilles Saint-Jacques avec des traces de safran du jardin puis de simples poireaux passés à la poêle. J’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1988. A ma grande surprise il n’y a aucun pschitt. La couleur est belle, déjà dorée. La bulle est rare mais le pétillant est sensible. C’est un 1988 calme, expressif, mais qui n’a pas la vivacité que j’attendrais d’un 1988. C’est probablement lié à la perméabilité du bouchon.

Le champagne est grand et agréable avec des notes lactées et pâtissières. Il est agréable sur les coquilles, difficile sur les coraux, très adapté aux goûts sucrés des poireaux, solide sur les fromages et très élégant sur la tarte aux pommes. Le bilan est largement positif car ce Dom Pérignon est un solide champagne qui a juste manqué d’un epsilon de vibration.

Déjeuner au restaurant Le Petit Verdot mardi, 7 février 2017

J’invite deux amis pour le plaisir d’être avec eux. L’un est informaticien et vigneron, l’autre peintre. Nous allons au restaurant Le Petit Verdot. Je suis arrivé en avance pour ouvrir mes vins. Le bouchon du chablis, très poreux et friable vient en plusieurs morceaux, mais tout est extrait.

Nous trinquons avec un Champagne Delamotte Blanc de Blancs brut sans année qui est délicieux. C’est un champagne réconfortant, racé, fin, de grand plaisir. Les plats que je prendrai sont : coquilles Saint-Jacques poêlées / terrine de sanglier / échine de porc. Nous avons demandé à Hidé, le si agréable propriétaire des lieux, de simplifier les plats pour les vins, ce qu’il a fait de bonne grâce. Ainsi les coquilles étaient prévues dans une soupe. Nous l’avons écartée. Et la terrine devait être accompagnée d’une compote que nous avons refusée.

Le Chablis Grand Cru Blanchot Domaine Vocoret & Fils 1988 a une belle couleur dorée. Au début et surtout avant de manger, il est un peu serré et plus le temps va passer, plus il va prendre de l’ampleur. Sa minéralité est très affirmée mais l’âge lui donne une belle rondeur. Il devient de plus en plus gourmand et c’est sur les fromages très crémeux qu’il va se montrer idéal. C’est un grand chablis généreux et avenant.

L’Hermitage Chave rouge 2000, c’est George Clooney. Tout en lui correspond à une définition mesurée mais parfaite du vin. Il est riche sans être lourd, il est complexe sans être compliqué, il est fluide toute en étant puissant. C’est le gendre idéal. Il converse bien avec les coraux des coquilles, il est idéal avec l’échine de porc et avec le fromage de chèvre de l’Ariège en crème, il tout simplement envoûtant. Cet Hermitage va encore s’épanouir dans les années à venir, mais dans sa vivacité actuelle, il est glorieux. Quoi d’autre ? (en français dans le texte).

Nous étions tellement heureux de profiter des mets et des vins que nous avons englouti tout le plateau de fromages car Hidé a eu l’imprudente idée de nous dire de nous servir à volonté.

L’accueil d’Hidé est parfait. Ce restaurant est une halte pour esthètes gourmands.

Dîner avec Vega Sicilia 1991 mardi, 7 février 2017

Le lendemain, ma femme a prévu pour le dîner un poulet fermier légèrement anisé et un gratin dauphinois puis une tarte aux pommes. Nous allons mettre un terme à la série des champagnes car j’ouvre un Vega Sicilia Unico 1991. J’ai la naïveté de croire que mon tirebouchon limonadier pourra lever le bouchon entier car c’est un vin jeune mais en fait le bouchon humecté dans sa partie inférieure se brise laissant environ un tiers dans le haut du goulot. Je m’apprête à utiliser la longue mèche qui me sert pour les vins anciens et soudain j’entends un bruit de succion. Le bouchon, happé par la dépression créée par la montée du bouchon, tombe en bas du goulot. Il est irrécupérable.

Instantanément je verse le vin en carafe, ce que n’aime pas faire. Le parfum envoûtant du vin que l’on verse nous enivre. Le vin est noir de jeunesse. Le parfum est profond et riche. En bouche c’est le fruit qui explose, généreux. Le vin va beaucoup évoluer. Ce qui va dominer, c’est son velours. Ce vin serein est vif, riche, avec des notes de fruits noirs. Il n’y a pas la fraîcheur mentholée habituelle dans le finale mais plutôt une signature de tabac. Je ne retrouverai le fenouil et l’anis que dans le parfum du vin en fin de parcours. Le velours est la vraie signature de ce magnifique vin à la jeunesse flamboyante. Il n’y a pas eu de multiplication dans l’accord, juste un bout de chemin en commun. Ce fut un agréable dîner de famille.

Dîner avec un beau champagne de 1973 dimanche, 5 février 2017

Le lendemain ma femme a prévu pour dîner du boudin aux pommes de terre et pommes, avec des oignons frits. Mon choix de champagne avait été fait sans connaître ce menu. J’ouvre un Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 1973. La bouteille est belle, le niveau est dans le goulot. Le bouchon vient facilement car il est anormalement court mais le pschitt est bien marqué. La couleur du champagne est assez claire, très jolie. Le nez est expressif et évoque des notes de miel. En bouche, c’est une grande surprise. Car le vin est d’une douceur extrême tout en n’étant pas excessivement dosé. Et ce qui est surprenant, c’est l’évocation de fruits rouges délicats. On a l’impression de boire un champagne rosé alors qu’il a la vivacité des champagnes blancs. C’est le côté fruit rouge qui fait penser au rosé. Ce champagne joyeux, doux mais affirmé est de très grande qualité. Par rapport aux deux champagnes précédents il fait beaucoup plus son âge et apparaît plus vieux que le Dom Pérignon 1964. Mais il apporte autant de plaisir. Le champagne est à l’aise avec notre repas mais l’accord n’est pas l’objet particulier de notre intérêt.

Two fantastic champagnes of more than 40 years samedi, 4 février 2017

The rite is always the same. When my son comes from Miami to manage every month the industrial company that I own, the dinner proceeds from the same ritual: Pata Negra ham, egg in jelly, foie gras, rillettes, cheese and meringue ball with chocolate chips. Sometimes there are variations, but it’s a bit like our way of putting the French baguette under the arm and the Basque beret to make France sing and give regrets to our son. Only the Marseillaise is missing. I open a Champagne Heidsieck Monopole cuvée Diamant Bleu 1964. The bottle is beautiful, in the shape of a ribbed keel, the label is blue, black and gold. The cork comes fairly easily but the bubbly is there. The color is amber and what is very curious is that this color will clear up more and more throughout the meal. A cellar master would have to explain this phenomenon to me. The bubble is discreet, small and lively. The nose is refined. The wine is of a grace made of pretty yellow fruits, and all is balance, grace and precision of tone. What fascinates me is that this champagne has absolutely no signs of aging. It has no age, not a wrinkle, not a defect, and if it were said that it is a 1985, it would not be wrong to say so. The champagne is a bit sweet but barely and it evokes for me the map of Tender and courtly love. Everything in him is graceful. The final image that is appropriate is this faculty to have no age. It is a wonderful surprise.

I open a Champagne Veuve Clicquot brut no vintage which must date from the beginning of the Seventies because its cork presents itself with the same aspect as that of the Blue Diamond 1964. I expected a testimony marked by the age but also there, what a surprise. The bubble is very active and bigger than that of the Heidsieck. The color is lighter, nicely young and the nose is as expressive and of high purity, as for the 1964. In the mouth the wine is sharper, sharper than the 1964 but I did not expect it at all at this level of nobility. Very clever would be the one who could declare which is the best. I find the liveliness of Veuve Clicquot very exciting, with a beautiful expression. I love the grace of the Blue Diamond, very Audrey Hepburn. If it is necessary to choose, it will be the Veuve Clicquot Brut because of its extremely lively youth.

For this meal, two champagnes were at the top of their art and the remark that I made on the Krug Grande Cuvée that are wonderful when they have more than twenty years also applies to the champagne with the yellow label: none Veuve Clicquot, less than ten years old, would approach near or far the glorious serenity of this champagne of forty years.