Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Dîner avec mon fils à la maison vendredi, 21 octobre 2016

Comme chaque mois, mon fils vient de Miami s’occuper de l’entreprise que je possède encore. Ma femme a institutionnalisé un rite qui veut que le soir de son arrivée, il faut lui faire regretter d’être parti. Alors, c’est foie gras, fromages et tête de nègre, que je peux nommer ainsi en espérant que quelques lecteurs m’aideront à payer l’amende attachée à cette dénomination.

J’ai pris en cave les champagnes qui pourraient accompagner foie gras et fromages et dans mon tour de cave, je repère deux demi-bouteilles de bourgognes tenues verticales dans la zone où je stocke les alcools. Les vins sont de 1945 et 1947, les niveaux ont l’air corrects. J’ai envie de les ajouter à ce dîner de bienvenue, me demandant pourquoi on les avait stockées debout.

Mon fils arrive à la maison et j’ouvre un Champagne Charles Heidsieck 1982. Le bouchon vient assez facilement et le pschitt est inexistant. Mais en bouche le pétillant est intact. Nous buvons ce champagne sur une excellente terrine de foie gras dont la gelée, imprégnée d’un peu d’alcool, est pertinente. La couleur du champagne est rose pâle. On n’est pas encore dans le domaine de l’ambré.

Ce qui me frappe d’emblée, c’est que sur un pétillant absolument conservé malgré l’absence de pschitt – ce qui est à noter – le champagne offre un fruit rouge que rien de permettrait de supposer. Le champagne est vif, ample, charmeur et ce fruit rouge est une merveille. Il va s’estomper et laisser la place à la vinosité. Sur le foie gras, l’accord est mémorable et le foie amplifie le côté fruit rouge. Puis, sur un camembert bio, qui combine du crémeux et un petit goût d’étable, le champagne va révéler sa tension et son côté vineux. Nous essayons d’autres fromages mais c’est l’amertume du camembert qui convient le mieux au champagne.

Il est temps de s’intéresser aux deux demi-bouteilles de bourgognes. J’essaie de les ouvrir et ce qui m’apparaît c’est que pour les deux vins, le bouchon était tombé dans le liquide. Je n’ai besoin d’aucun tirebouchon. Tout indique que ces bouchons doivent flotter dans le vin depuis plus de quatre ans quand ils ont été placés là où ils sont, debout du fait des bouchons tombés. Je n’ai pas remarqué ce phénomène en les prenant. Ce qui est fascinant c’est qu’aucun des deux vins n’a un nez de bouchon ni d’une quelconque puanteur.

Le Mazy Chamberin Maison Thomas Bassot 1945 a un nez très pur. La couleur est belle, non déviée. Le nez n’a pas l’ombre d’une trace de bouchon. Alors on le met en bouche et là, ça commence par une impression de glycérine, et ça finit par un fort goût de vinaigre. Ce qui est intéressant de noter c’est que ni le nez ni la couleur ne préfiguraient la déviation du goût.

Le Clos de la Griotte Chambertin Maison Thomas Bassot 1947 a un nez plus incertain mais pas une seule évocation de bouchon. La couleur est encore plus belle que celle du 1945. En bouche ce qui est étonnant, c’est que l’alcool domine au point que l’on a l’impression d’une grappa. Et comme l’alcool n’est pas net, il ne donne aucune envie de boire.

Ce qui est intéressant dans cette histoire, puisqu’aucun des deux vins n’est buvable, c’est que des bouteilles au bouchon tombé depuis plus de quatre ans n’ont aucun parfum dévié. Que le vin soit mort n’est pas étonnant. Mais qu’il ait deux formes d’évolution où le bouchon est resté neutre interpelle. C’est vraiment à méditer.

Que faire maintenant ? J’ai au frais un Champagne Charles Heidsieck 1985. Si on me demande quel sera le gagnant, me fiant au cas de Salon, dont je considère le 1982 comme un exemple de romantisme, je voterais pour le 1982. Le Heidsieck 1985 a un pschitt faible mais présent. La couleur est d’un ambre léger, presque rose. Le bulle est active. Et le charme de ce champagne est infini. On nage dans les complexités. Il y a des fruits roses et blancs, mais aussi des fleurs des mêmes couleurs. Nous nous regardons, mon fils et moi et notre diagnostic est le même, la complexité du 1985 est très au-dessus de celle du 1982. Mes repères vacillent. Ce 1985 est transcendant, allongeant ses complexités comme on déroule un tapis d’orient. Je l’ai essayé sur un Gorgonzola qui se mange à la cuiller. Si on laisse le palais s’apaiser après le fromage, la combinaison est diabolique.

La meringue chocolatée se déguste sans rien. Deux surprises ce soir, un 1985 qui surclasse un 1982 et des bouteilles qui ont des bouchons tombés depuis des années dont le vin n’a pas une trace dans leurs parfums. Le vin ne cesse de me surprendre.

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Déjeuner au restaurant le Petit Verdot jeudi, 20 octobre 2016

C’est un déjeuner qui s’est décidé à la dernière seconde. J’avais écrit à un ami de Beaune : « si tu passes par Paris, je serais heureux de te voir ». Il me répond : « j’y suis ». Alors nous nous retrouvons au restaurant le Petit Verdot. J’avais eu le temps de prendre une belle bouteille mais comme mon ami est à Paris pour des examens médicaux, il m’annonce qu’il ne boira qu’un verre et pas plus.

Je remballe mon vin et demande à Hidé un champagne. Ce sera Champagne Delamotte Brut Blanc de Blancs sans année. Ce champagne n’est que plaisir. Il est frais, il a des notes de noisettes et de brioche juste suggérées. Sa fluidité en fait un champagne de soif. Il n’y a pas plus confortable. Le hareng en entrée est délicieux, le poisson qui suit l’est autant. Mon ami qui voulait déjeuner léger est exaucé. Je prends un dessert aux prunes aérien. Même ma carte bleue a déjeuné léger !

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Déjeuner au restaurant Michel Rostang mercredi, 19 octobre 2016

Déjeuner au restaurant Michel Rostang. L’accueil est chaleureux. Le tour de taille des clients déjà présents suggère que c’est un repaire de bons vivants. On vient ici pour la bonne chère et le menu que je vais choisir va confirmer cette orientation. Une bonne initiative est de proposer une courte liste de vins à des prix très tirés. J’y trouve le vin qui accompagnera le repas. Le maître d’hôtel me dit qu’il savait ce que je choisirais.

Mon choix de menu est : cuisses de grenouilles et lièvre à la royale, qui sera le premier de l’année pour moi. Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2004 a une belle couleur, pruneau foncé, hésitant entre bordeaux et quetsche. Le nez est précis, racé et plutôt discret.

En bouche le vin n’est pas du tout bordeaux comme il le suggère souvent. Il est résolument rhodanien. Comme il a relativement peu de puissance, on sent mieux la râpe et l’amertume. Le vin a d’autant plus de charme qu’il ne veut pas séduire. C’est un vin de suggestion. Il est net, pur, précis et dose bien ses complexités. C’est intéressant de constater qu’il est à la fois strict et charmeur. Il ne faut pas en attendre de l’exubérance et écouter ses subtilités. S’il est très plaisant tout au long de sa dégustation il ne figure malgré tout pas dans les plus beaux millésimes de Rayas.

Le lièvre à la royale met en valeur le vin et la sauce crée un accord de prolongement qui est d’une exactitude confondante. Comme le maître d’hôtel rajoute et rajoute de la sauce le plaisir n’en est que plus grand .

Les deux plats sont très élaborés. Autant le goût est gratifiant, autant la mâche et l’aspect tactile du plat est un peu moins marqué. Les cuisses de grenouilles sont interprétées dans des sortes de cromesquis, très bons, mais on n’a pas la mâche de la cuisse mêlant habituellement fermeté et tendreté.

De même le délicieux lièvre à la sauce démoniaque et à la farce gourmande donne un toucher de bouche qui est plus celui d’une terrine que celui d’un lièvre. Mais les interprétations du lièvre à la royale sont l’occasion de trésors d’inventivité de tous les chefs.

Les deux plats sont délicieux. Le restaurant Michel Rostand confirme son statut d’étape gourmande pour bons vivants.

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le bouchon n’a pas d’indication d’année

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Un caviar impromptu lundi, 17 octobre 2016

Entre toutes les occasions de boire du vin, j’essaie de faire régime. Et « j’essaie de faire régime » est plus approprié que « je fais régime ». A 19 heures je reçois de ma femme ce message « ce soiaar caviaaar ». Le message n’est pas lu, aussi, quand je rentre du bureau, je lui dis : « tiens, tu as acheté une baguette ». Elle sait alors que je n’ai pas lu son message. Je le lis. Immédiatement, une idée me vient : qui dit caviar dit champagne. Dans un couple qui a plus de 50 ans de mariage, vous pourriez écrire le script du dialogue qui va suivre. « J’ai bien envie de boire du champagne » – « demain tu vas le regretter » – « oui, mais on ne vit qu’une fois » – « de toute façon, tu feras ce que tu voudras ».

Au frais, il y a quelques champagnes. Pour ce caviar, offert par mon fils, je choisis Champagne Salon 2002. Il est jeune, c’est un bambin, mais je sais qu’il va convenir. Le caviar est un malossol d’Aquitaine, aux petits grains, un peu salé mais pas trop et à la persistance en bouche proche du maximum possible. Les caviars français sont franchement bons.

Le champagne Salon 2002 a tout du puceau, mais déjà dévergondé. Ce qui est fascinant, c’est que la noix que l’on perçoit dans le caviar est la même que la noix qui sous-tend le Salon qui s’exprime sur des tons de brioche et de noix. Il est frais, fluide, avec une persistance aromatique extrême pour sa jeunesse. Einstein a écrit l’une des plus belles équations, e=mc². L’équation « caviar + baguette + beurre + champagne » n’a pas la portée universelle de celle d’Einstein, mais elle a une pertinence majeure, surtout si c’est un jeune Salon qui est un des termes de l’équation.

Une truite fumée est opportune pour finir le champagne. Des coups de canif comme celui-ci à mon régime, je suis prêt à en redemander.

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Dîner au restaurant L’Ecu de France dimanche, 16 octobre 2016

Le restaurant L’Ecu de France à Chennevières a jalonné mon histoire. Cet ancien relais de chasse installé le long de la Marne a accueilli nombre d’événements familiaux forts et aussi de nombreux repas professionnels. J’ai même fait l’un de mes dîners (le n° 48) en ce lieu. Nous l’avions ignoré pendant quelques années non par volonté mais parce que mes pas me portaient vers d’autres horizons. Je rencontrais chaque année Monsieur Brousse et son fils à des présentations de vins car la cave de l’Ecu de France est très bien gérée, aussi l’idée m’est-elle venue de renouer avec ce restaurant. Nous allons y dîner, ma femme et moi.

La décoration n’a pas changé d’un pouce avec des motifs de chasse mais aussi une accumulation de faïences de toutes régions. Il y a un petit côté hors du temps en ce lieu car il n’y a pas le moindre endroit qui serait décoré différemment de ce que j’ai connu il y a un demi siècle. Il y a sans doute eu des transformations, sauf en ce qui concerne l’accueil et le restaurant. La valeureuse Christiane, complice de toutes mes exigences est partie à la retraite en Bretagne. Elle nous manquera.

Je commence à regarder la carte des vins toujours aussi engageante et mes yeux se portent sur un Bonnes Mares Domaine Georges Roumier 2005. Bâtir un menu avec ce vin ne sera pas forcément facile et je choisis : Fraîcheur de homard en habit rouge, crémeux de Bufala à l’huile de pistache / suprême de pigeon rôti, foie gras rôti, caramel de betterave au vin rouge.

Monsieur Brousse m’avait prévenu que Peter Delaboss le chef est né en Haïti, mais jamais je n’aurais imaginé une telle exubérance dans l’exécution de ses plats. Cela me fait penser aux pétards que l’on fait exploser les soirs de réveillon, et qui éjectent des bonbons et des boules de papier dans toutes les directions. Là, c’est un Etna de saveurs amassées et jetées sur l’assiette comme le peintre Matthieu le faisait sur sa toile. Tout est bon, mais c’est exubérant, et c’est le contraire de la cuisine que je recherche pour les vins anciens, où tout doit être simplifié. Ici, c’est le carnaval à Rio des papilles. Lorsque je suis arrivé en fin de repas, il restait encore du vin puisque je suis seul à boire. J’ai demandé un fromage pour pouvoir finir le vin et j’ai souri parce que l’on m’a servi un brie de Meaux affiné aux noix, caviar d’artichaut, pétales de champignons de Paris et pour couronner le tout, un dissocié de fruits rouges. Plus contraire à mes souhaits, il n’y a pas.

Mais il faut reconnaître que tout est bon, les produits sont bons, les saveurs sont belles. Seule l’exubérance est dalinienne. Venons-en au vin. Le nez est vif et plaisant. La bouche est active et racée. On sent qu’on est en présence d’un vin bien construit avec un fruit hyper présent et l’alcool présent aussi. Il faut dire que j’ai bu hier deux bourgognes, de 1966 et 1959. De ce fait, ces aspects de vins jeunes sont plus sensibles pour moi. Le vin est bon, même grand, mais je dois avouer que je suis resté sur ma faim. Le Bonnes Mares Domaine Georges Roumier 2005 est bien, presque parfait dans sa construction, mais « trop » bien. Il manque une petite étincelle qui fait qu’on l’aimerait. Il s’est montré très bon tout au long du repas, mais j’ai attendu le moment où il m’aurait ému. Je suis à peu près sûr que dix ans de plus lui donneraient le charme qu’il doit offrir, car il ne m’a montré aucun signe de défaut. Presque trop parfait serait ma conclusion.

La charge émotionnelle fut assurée par ce lieu, où j’ai tant de souvenirs, des anniversaires, le repas des funérailles de ma mère, des conclusions de contrats ou de reprises d’entreprises. L’attachement à ce lieu s’est immédiatement recréé. Nous avons attendu anormalement longtemps le premier plat, mais cela s’oublie. Cette soirée a fait resurgir beaucoup de belles envies.

étant demi-ardennais, j’ai apprécie la présence à table d’un sanglier !

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Très beau repas au restaurant Archeste samedi, 15 octobre 2016

Avec un couple d’amis américano-canadiens, je vais déjeuner dans un restaurant qu’ils ont choisi et que je ne connais pas. Il me sera possible d’apporter des vins, ce point ayant été arrangé par mon ami. Le restaurant Archeste (prononcer comme Archestrate et non comme archet) est ouvert depuis peu par le chef Yoshiaki Ito qui a travaillé au restaurant Hiramatsu, à L’Arpège et dans d’autres restaurants français. Le directeur de salle est Benoît Vayssade que j’ai connu à Hiramatsu.

Ayant l’habitude de venir tôt pour ouvrir mes vins, j’entre dans le restaurant dont la porte s’ouvre. Il n’y a personne et quand la serveuse japonaise me voit, elle a peur comme si j’étais un intrus. J’essaie d’expliquer pourquoi je suis là mais sa peur ne diminuera pas de sitôt. Benoît me reconnaissant l’apaise. J’ouvre mes deux vins et les senteurs bourguignonnes intenses me ravissent. J’ai le temps d’étudier la carte des vins qui est encore peu étoffée mais comporte quelques beaux vins à des prix raisonnables. Ayant une petite soif, je prends au verre un Champagne J. L. Vergnon Conversation Extra Brut Blanc de Blancs sans année. Benoît me dit que c’est une suggestion de Hidé, le propriétaire du Petit Verdot et ancien d’Hiramatsu. Le champagne est agréable, d’un beau fruit, un peu vert, mais on s’y habitue et le plaisir domine. C’est un beau champagne précis de Mesnil-sur-Oger. Mes amis prendront aussi un verre de cet agréable champagne sur lequel nous trinquerons.

Le menu n’est pas imprimé mais chaque plat est très bien expliqué par Benoît : Beignet de haricots violets et anchois de Guétary / Velouté de potiron et potimarron, cappuccino de moka infusé au foin, dés de foie gras / Bonite de Saint-Jean-de-Luz, betterave et trilogie de radis d’Annie Bertin, poutargue / Saint Pierre de l’île d’Yeu, roquette shungiku et épinards, sauce émulsion de livèche et huile de livèche, cèpes des Vosges / Gigot d’agneau de Lozère, chou pointu, girolles et pleurotes jaunes, jus de viande / Crème au yuzu, figue verte et granité de fromage blanc au yuzu / Crème de châtaigne, glace au thé noir grillé, mascarpone et meringue, copeaux de noisettes du Piémont / Mignardises : Cannelé et truffe au chocolat parfumé au thé Assam.

Les japonais se sont approprié la cuisine française et lui apportent délicatesse, subtilité, cohérence et raffinement. Tout est équilibré dans ce repas.

J’ai commandé de la carte des vins un Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 2008. Ce vin est la perfection cristalline du riesling. C’est un vin « évident ». Il joue tellement juste qu’il paraît intemporel. Il est parfait sur la bonite à laquelle la betterave n’apporte pas de réel avantage contrairement aux radis. Mais la mode « terre et mer » est tenace. Ce vin combine une acidité très contrôlée avec un gouleyant gourmand.

Les deux bourgognes que j’ai apportés sont Le Corton Domaine du Château de Beaune demi-bouteille 1966 et un Chambolle-Musigny Joseph Drouhin 1959. Les deux bouteilles ont des niveaux à deux centimètres sous le bouchon ce qui est parfait pour des vins de cinquante ans et plus. Le nez du Corton respire la Bourgogne. On a l’impression d’être en cave. Le nez du Chambolle a une minuscule pointe de bouchon que l’on ne retrouve pas dans le milieu de bouche et seulement un peu en fin de bouche. Avec les plats, cela n’est pas marquant et va même complètement disparaître pour la deuxième moitié de la bouteille.

Le Corton est brillant, combinant amertume, râpe et velours, un velours très doux. C’est la Bourgogne triomphante. Le Chambolle est aussi plaisant mais moins noble, mais surpassera le Corton en fin de bouteille, quand le très léger bouchon aura complètement disparu. Sur le Saint-Pierre les deux bourgognes créent un meilleur accord que le Clos Sainte Hune, trop fort pour le poisson. La prestation du 1966 est éblouissante pour une demi-bouteille. Les deux vins apportent l’âme de la Bourgogne avec des complexités qui n’apparaissent que dans les vins anciens.

Le chef a un incontestable talent et tous les plats sont tellement équilibrés qu’il est difficile de dire que l’on a préféré un plat à un autre. Tout est bon, raffiné, serein. S’il fallait désigner un gagnant, ce serait le beignet d haricot avec l’anchois, dont le croquant est d’une exactitude absolue.

La décoration du lieu est réussie, Benoît fait un service de qualité. Comme au restaurant Pages la femme du chef est présente. Celle de Yoshiaki attend un heureux événement comme la femme de Teshi il y a deux ans. La cuisine française des chefs japonais est brillante. Ce fut un très beau repas.

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Déjeuner au restaurant le Petit Verdot mardi, 11 octobre 2016

Au restaurant le Petit Verdot, j’ai le privilège de pouvoir apporter mes vins. Hidé, le propriétaire des lieux est d’une générosité rare, car c’est lui-même qui me le demande. Je lui annonce mon vin la veille et lorsque je me présente, il a déjà réfléchi à un menu qui me convient : grosses crevettes avec une crème à la mayonnaise légère et à la noisette / crème de champignons et gésiers / suprêmes de pintade et petits légumes croquants. Mon invitée est journaliste mais comme nous bavarderons du sujet d’un de ses articles d’invitant je deviens invité. Je ne me suis pas fait prier.

Le Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape rouge 1979 a été ouvert une heure avant le déjeuner car j’aime arriver en avance au restaurant pour que mon vin se présente dans des conditions les plus proches de l’idéal. Le niveau dans la bouteille est parfait, à un centimètre sous le bouchon. Fort curieusement je constate que le bouchon a été mis avec un outil à main car je vois la trace du manche poussoir. Pourquoi, je ne sais pas. Il s’agit en tout état de cause d’un bouchage d’origine comme le montre l’état du bouchon. Le parfum du vin est intense, riche et profond. Il est vineux et jeune.

En bouche le vin va s’amuser à nous présenter mille facettes de son talent en fonction des plats. Vif, jeune et fringant, ce sera sur les crevettes. Rond, tout en velours et séduction, ce sera sur la crème de champignons. Gastronomique et raffiné ce sera sur la pintade. Mais il y a un dénominateur commun, c’est qu’il s’agit d’un grand vin, riche, noble, combinant une belle amertume et un velours de plaisir. Ce vin, et c’est ce que je voulais, montre à l’évidence que c’est à cet âge-là qu’il faut boire ces beaux vins du Rhône.

Nous trinquons avec Hidé sur ce vin et comme il en reste, Hidé nous apporte des fromages qui s’accordent parfaitement à ce vin d’une flexibilité confondante. Il y a notamment un Mont d’Or à la truffe d’été diabolique qui a fait briller le vin. Lorsqu’il ne reste plus de vin nous pouvons nous laisser tenter par le dessert aux fruits frais et sorbet au citron, dessert d’une légèreté à signaler.

La cuisine a été de très haut niveau. Le nouveau chef de ce lieu a du talent et comme toute cuisine japonaise, il y a une sobriété et une justesse qui permettent que les plats s’accordent au vin. Hidé est un hôte charmant et raffiné. Le Châteauneuf-du-Pape 1979 a été grandiose. Voilà, dans un cadre qui mériterait un effort de décoration, un bien beau déjeuner.

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Déjeuner au restaurant La Verrière de l’Intercontinental Opéra lundi, 10 octobre 2016

L’hôtel Intercontinental près de l’Opéra a un restaurant La Verrière. Je pensais que ce restaurant était géographiquement délimité mais en fait il est disséminé dans l’immense salon bar de l’hôtel. Ce qui fait qu’au lieu d’avoir des tables avec nappes, on déjeune sur des tables recouvertes d’une plaque de verre. C’est donc l’ambiance bar qui prédomine. Fort heureusement, une très charmante serveuse va apporter un complément de chaleur humaine qui manquerait sans cela.

La carte est assez courte mais on dispose d’un choix possible. C’est vraiment une carte de bar. C’est assez curieux qu’un hôtel historique de cette importance ne cherche pas une restauration de plus haut niveau. Le saumon fumé aux blinis est très agréable, sans ces innombrables chichis qui torpillent le goût, et la lotte que j’ai prise a du goût, un goût sincère et vrai, et se mange avec appétit. Pour accompagner un tel repas, dans la carte des vins très courte, le plus sûr est d’aller vers les champagnes. Le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame Brut 2004 est un champagne solide qui ne peut pas être une mauvaise surprise. Ce champagne m’embarque dans les campagnes d’été. Je suis entourés de blés mûrs, et c’est plus la tige que les épis que je retrouve dans ce beau champagne. Je suis allongé dans la prairie, un brin de blé entre les dents, et je jouis du soleil. C’est intéressant de le voir aussi typé blé d’été. Ce champagne convivial accompagne bien les deux plats. Sans la serveuse réactive il est probable que mes yeux se seraient arrêtés sur les petits défauts. Il faudrait qu’un tel hôtel investisse dans une restauration d’un autre niveau.

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Repas d’anniversaire avec Haut-Brion 1992 lundi, 10 octobre 2016

C’est un déjeuner de famille pour l’anniversaire de ma fille cadette. Un ami ayant son anniversaire à la même période, nous nous retrouvons à dix à la maison, dont six buveurs. Le menu a été commandé par ma fille : velouté de potimarron, ail et champignons frits / poulet et deux purées de pommes de terre dont une à la truffe / reine de Saba et ananas frais. C’est à moi de m’adapter à ce menu et non le menu à mes vins.

Le Champagne Pommery Brut Royal sans année a plus de trente ans d’âge si on se fie au bouchon. La couleur confirme aussi un âge certain car elle est assez ambrée, voire rose. La bulle est active. Ce qui impressionne en ce champagne, c’est la simplicité de sa sérénité. Il est joyeux, gourmand, et tellement facile à vivre. Sans être trop dosé, il est assez doucereux. Il a une belle longueur. Tout en lui est charme et plaisir. Décidément, l’âge va bien à ce type de champagne.

Les gougères, le jambon Belota Belota sont adaptés et accompagnent joliment le champagne. Nous passons à table.

Le Chablis Premier Cru Montée de Tonnerre Alain Robin 1983 a été choisi car la couleur vue à travers le verre de la bouteille m’a semblé correspondre à celle du potimarron. Le niveau est parfait, la couleur est légèrement ambrée et sympathique et comme pour le champagne, c’est une belle surprise car le vin est franc. Le vin accuse son âge plus que le champagne et il est difficile de reconnaître en lui un chablis. On reconnaît plus un vin blanc à maturité, et ça lui va bien. L’accord avec le plat est très exact, les champignons donnant du liant.

Lorsque j’ai choisi le Château Haut-Brion rouge magnum 1992 j’ai voulu vérifier si ce vin d’une année faible présentait de l’intérêt. Lorsque j’ai commencé à acheter du vin, avec des moyens mesurés, je m’intéressais aux petites années des grands vins, à budgets beaucoup plus acceptables et j’avais pu constater qu’avec l’âge, les petites années n’étaient pas aussi handicapées que ce qu’avaient annoncé les experts au moment de leur commercialisation. J’ai ensuite gardé cette habitude même lorsque j’ai pu avoir accès aussi aux grandes années. Vérifier ce 1992 m’intéresse. A l’ouverture, je constate que le bouchon est légèrement chevillé car il se lève facilement. Mais cela n’a eu aucune influence sur le niveau qui est dans le goulot, proche du bouchon. L’odeur à l’ouverture avait une petite pointe d’acidité dont je savais qu’elle allait disparaître. Une demi-heure avant le repas, je verse le vin dans deux carafes pour faire déguster à l’aveugle ce vin. Il est maintenant servi. Le nez est très riche et profond. Il a une richesse qui m’étonne. Je reconnais au nez un vin de bordeaux, mais je sais ce que l’on boit. Autour de moi on suggère plutôt une Côte Rôtie de Guigal, peut-être en spéculant sur mon habitude de servir ces vins à la maison. En bouche, le vin est d’une richesse rare, truffé, de grande présence et de bel équilibre. Jamais je n’imaginerais qu’il s’agit d’une année de seconde importance. Sur le poulet il est brillant. A chaque gorgée il m’étonne. Ce n’est pas la première fois, surtout avec Haut-Brion, qu’une petite année donne un vin de grand plaisir.

Trouver des vins qui accompagnent une reine de Saba et de l’ananas frais est une gageure. J’avais pensé prendre un Banyuls de 1949 mais il reste du vin rouge, aussi, même si ce n’est pas l’idéal, nous buvons le vin sur la pâtisserie discrètement chocolatée. Il est plus prudent de manger les ananas sans rien et le Champagne Initial Jacques Selosse dégorgé le 8 octobre 2008 apporté par un ami présent à table est bu avec les mignardises qui finissent le repas. Le champagne a une couleur légèrement grise et blanche, la bulle est bien active et le champagne est moins directement accessible que le Pommery. C’est un champagne intellectuel, moins joyeux et franc que les mêmes « Initial » que nous avons bus ensemble pendant l’été et qui furent délicieux. Ce champagne est bon, mais un peu énigmatique et ne se livre pas autant qu’on le souhaiterait.

Ayant fouillé dans mon armoire à alcools pour trouver un alcool qui pourrait remplacer le Banyuls, j’ai exhumé une bouteille sans aucune indication, de forme bordelaise mais à vis, qui m’a rappelé des souvenirs d’il y a plus de quarante ans. Dans mon entreprise industrielle, il y avait un chauffeur de poids lourds normand qui avait sous son siège une ou deux bouteilles de calvados de fabrication artisanale de sa famille. Un jour, il m’avait donné une bouteille. C’est celle-ci. Nous trempons nos lèvres sur ce Calvados d’environ 40 ans d’âge, fort en alcool, mais très doucereux, pur, qui a mis un point final à nos agapes.

Le repas fut particulièrement gai, les cadeaux échangés dans la bonne humeur. Le Haut-Brion 1992 a brillé dans ce joyeux repas.

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Déjeuner de conscrits au Yacht Club de France mardi, 4 octobre 2016

Plus cela va, plus je suis fasciné par l’implication de l’équipe de restauration du Yacht Club de France. Normalement, dans un club de cette nature, la restauration est un compagnon plus qu’un centre d’intérêt. Or sous l’impulsion de Thierry Le Luc, le directeur de la restauration, nous allons d’étonnement en étonnement. L’ami qui nous reçoit a demandé à Thierry des vins du Languedoc Roussillon et Thierry est allé explorer des pistes de grands vins. Et pour la nourriture, il est allé dénicher une pièce de bœuf charolais maturé plus d’un mois d’une tendreté exemplaire. L’apéritif est un feu d’artifice, avec plus d’une dizaine de plateaux aux saveurs virevoltantes. Déjeuner au Yacht Club de France, c’est un voyage des mille et une nuits.

Voici le menu composé par le chef Benoît Fleury : assortiments de charcuterie fine, cassolette d’œufs brouillés au foie gras, poissons fumés bio sur toasts au paprika / mousse d’asperges et médaillon de homard breton, pain grillé à l’encre de seiche / carré de bœuf charolais de la ferme Xavier Parenton à la poitrine de lard Bellota, mis en affinage le 31/08/2016 / pommes château, sauce béarnaise / fromages affinés d’Eric Lefebvre MOF / ananas rôti, glace rhum raisin, espuma de vanille de Madagascar.

L’apéritif se prend avec un Champagne Delamotte 2007 frais, franc, naturel, agréable, le champagne de pur plaisir simple que l’on reprend sans frein.

Le Cigalus Gérard Bertrand blanc 2014 est un vin de l’Aude Hauterive, à 70% chardonnay, qui titre 14°. Très direct, puissant et joliment fruité, il emplit la bouche de saveurs agréables, même s’il est difficile de percevoir sa personnalité. Tout au long de son parcours, je l’ai aimé.

Le Château Puceh-Haut Tête de Bélier blanc 2011, vin du Languedoc qui titre aussi 14° est insaisissable. Son nez est d’un vin liquoreux, sa couleur profonde aussi et en bouche, c’est un liquoreux qui flirte avec un vin du Jura. Puissant, agréable, il reste difficile sur le homard alors qu’on le verrait bien se confronter à des plats faits pour les vins jaunes.

La Boda domaine d’Aupilhac rouge 2012 de Sylvain Fadat est un vin qui titre 13,5°. Je le trouve agréable, précis, très fluide et gouleyant, agréable sur la magnifique viande, même si sa personnalité n’est pas fondamentalement affirmée.

La Torre Domaine Jean Gardiès rouge Côtes du Roussillon Villages 2009 titre 14,5° et ça se sent, du moins pour moi, car on est tout en puissance, perdant la notion de terroir ou de région.

Le dessert nous pousse à continuer à déguster le champagne Delamotte. Le café est un appel à succomber aux charmes d’un délicieux et très pertinent Rhum Clément qui, même jeune, évoque de très grandes saveurs veloutées.

La cuisine est exemplaire. Le homard ayant été dressé en cuisine à l’avance est arrivé un peu sec au service, mais c’est le seul bémol dans une partition de haute volée. Le service de Sabrina a été apprécié. Elle nous connaît et s’adapte à notre assemblée bruyante. La cuisine a brillé plus que les vins mais le blanc Cigalus m’a beaucoup plu.

Notre assemblée de conscrits est accueillie au Yacht Club de France comme si nous étions des princes. N’abolissons pas nos privilèges.

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