Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Anniversaire avec Salon 1996 jeudi, 23 avril 2015

Lorsque l’on franchit un âge qui est un chiffre dont les diviseurs sont nombreux cela donne une plus grande conscience de la fuite du temps. J’ai quatre fois l’âge de la majorité. On dirait Mathusalem, mot bourguignon dont l’équivalent bordelais est Impériale, les deux contenants représentant six litres. Et mon âge converti en litres fait douze mathusalems ou douze impériales. Cela fait beaucoup et dépasse l’entendement.

Comme mon âge rime avec mon nom et qu’il faudra vingt ans avant que cela recommence, il y aura une grande fête pour souhaiter cela. Ce sera dans un mois. Pour que le lecteur ne se fatigue pas inutilement, j’indique que soixante-douze rime avec Audouze, ce qui ne se reproduira, si Dieu me prête vie, que lorsque j’aurai quatre-vingt-douze ans. Cela s’était produit lorsque j’étais six fois plus jeune, ce que chaque lecteur pourra vérifier de lui-même.

Devant partir à Londres demain aux aurores pour faire un dîner, la célébration de mon anniversaire en famille est frugale : deux jambons fumés dont l’un est ibérique et du fenouil que l’on peut tremper dans une crème d’amandes sont suivis par un risotto arrosé d’un jus de truffe noire. Deux fromages l’un de chèvre et l’autre de Normandie permettent de profiter du vin que j’ai ouvert et je finis par une tête de nègre qui pour la circonstance n’aura pas son nom rebaptisé. Si je le devais, je mettrais tête de supplétif d’écrivain, la dénomination meringue aux paillettes de chocolat me paraissant piteusement novlangue.

Ce repas simple est accompagné d’un Champagne Salon 1996. La lutte avec le bouchon est épique, un casse-noix étant nécessaire pour arriver à l’extirper. Il n’y a rien de plus naturel que le génie de ce champagne. Il est beau, ensoleillé, citronné, puissant tout en étant velours, incisif tout en étant charmant. On se sent bien car il est expressif, vineux et facile à comprendre. On sait que l’on est dans l’excellence. C’est un 1996 joyeux, pas le plus charpenté des Salon que j’aime, mais sa fluidité me convainc. Et son final laisse en bouche une impression de félicité. C’est avec le camembert qu’il trouvera la plus belle vibration, le Pata Negra formant l’accord le plus facile.

Par un beau soir de printemps ou les lilas et les fleurs blanches odorantes embaument l’atmosphère, j’ai franchi le seuil d’une de mes années de bien belle façon.

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Déjeuner au restaurant Passage 53 mardi, 21 avril 2015

Un ami m’invite à déjeuner et me demande en quel restaurant j’aimerais me rendre. Je réponds le restaurant Passage 53. Par une journée ensoleillée qui fait pousser les jolies filles sur les grands boulevards et rend plus animé le Passage des Panoramas, je me présente au restaurant et je demande Guillaume Guedj, le maître des lieux. Or il est en face de moi. Je ne l’ai pas reconnu avec son nœud papillon et une nouvelle coiffure. L’ami a eu l’heureuse idée de convier aussi son épouse que j’ai eu la chance de côtoyer lors de plusieurs dîners de wine-dinners.

La décoration du lieu est lumineuse, toute de blanc comme au Japon. Le chef Shinishi Sato, ancien de l’Astrance et d’autres prestigieuses maisons, officie à l’étage dans une cuisine d’une propreté exemplaire.

Nous prenons le menu dégustation : amuse-bouche, déclinaison de la carotte / caviar de Sologne, gnocchis et mascarpone / œuf mollet, crème de haddock, betterave / toast au tourteau, mousse au xérès / asperges blanches, comté et œuf mimosa / turbot, asperges vertes, sauce petits pois / entremets, pomme verte et oseille / veau de lait, sauce au vin jaune et morilles / agneau de Lozère, algues et épinards / déclinaison du citron et crumble / glace Mélilotus, riz au lait / fraises des bois, Panna Cotta laurier / tartelette chocolat noir.

Nous commençons le repas avec un Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2005, suggestion de Guillaume Guedj que j’ai approuvée, car je l’avais adoré hier. Et cette bouteille confirme l’impression de la veille. C’est un champagne ample, joyeux, riche qui envahit le palais de bonheur. C’est une magnifique réussite pour Comtes de Champagne.

Le vin de la suite du repas lorsque le Taittinger est terminé est un Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 2006. Mon ami aurait aimé un Chave blanc qu’il adore mais il n’y en a pas sur la carte aussi l’ai-je orienté vers ce beau riesling. Lorsqu’on m’a fait goûter, j’ai agréé la bouteille, mais j’avais eu une petite hésitation. Car le vin, même s’il est lumineux et précis, manque un peu d’énergie. Il n’est pas aussi vif que ce qu’un Sainte Hune doit être. Il a été agréable tout au long du repas grâce à la richesse et la fluidité d’un vin fruité et citronné, et mon ami qui le découvrait l’a apprécié, mais il m’a manqué une petite étincelle de génie, comme si le vin n’avait pas desserré son frein à main. Ma remarque est à la marge, car d’un Sainte Hune, on ferait son ordinaire sans hésitation.

Le repas m’a enchanté. Le caviar est idéal pour le champagne et vibre bien. La crème de haddock, fumée, excite bien l’œuf mollet qui toutefois finit un peu en sourdine lorsque l’on atteint le fond de l’œuf. Le plat miraculeux, c’est le plat d’asperges. Il est d’une précision et d’une justesse exemplaires. Le veau de lait est une merveille, le turbot est gourmand et à chaque fois, c’est la précision des saveurs qui m’enchante. Les desserts sont légers et de goûts affirmés. En un mot cette cuisine est exemplaire. Il y a une grande originalité des choix de saveurs très cohérentes et surtout une extrême lisibilité de la structure du plat. La présentation des assiettes avec les mets aux couleurs pastel est d’un grand esthétisme. Le service est attentionné et Guillaume Guedj vient faire des remarques très pertinentes.

On ne peut qu’applaudir à la prestation dont nous avons été les heureux bénéficiaires dans une ambiance chaleureuse.

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Déjeuner au restaurant l’Oiseau Blanc de l’hôtel Peninsula lundi, 20 avril 2015

Au sixième étage de l’hôtel Peninsula, il y a une magnifique terrasse donnant une vue exceptionnelle sur le Sacré Cœur ou sur la Tour Eiffel. A l’intérieur, le restaurant Oiseau Blanc évoque le souvenir de l’avion de Nungesser et Coli, dont une reproduction serait prête à s’envoler dans le ciel parisien.

Le menu choisi est : carpaccio de daurade au sel citronné, crème de fenouil au wasabi / cabillaud rôti, morilles au café, champignons de Paris réglissés / tarte citron yuzu revisitée, pain de Gènes à l’amande, confit de citron, meringue.

Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2005 est puissant, rond et grand. Il a énormément de charme et c’est un plaisir de le boire. Il est joyeux, d’un bel équilibre et fait la fête avec les plats tant il est capable de s’adapter. Ce champagne est de grand bonheur.

Le carpaccio est noyé par la crème et les radis et perd de son intérêt. Le plat n’est pas lisible, certains goûts étouffant les autres. Le cabillaud est très plaisant et le dessert est réussi. Le service n’est pas très attentif car si beaucoup de personnes s’affairent, elles ne regardent pas la salle d’une taille qui peut facilement se dominer.

L’espace est agréable, la décoration originale et les matériaux utilisés sont d’une rare richesse. C’est un restaurant assez conventionnel d’hôtel où, en voulant plaire à tous les publics, on perd en originalité.

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Déjeuner au restaurant Toyo mardi, 14 avril 2015

On m’a conseillé d’aller au restaurant Toyo, tenu par Toyomitsu Nakayama, ex-cuisinier du couturier Kenzo. On a le choix de déjeuner soit à une table, soit au comptoir où l’on peut voir la préparation des plats. Ce sera le comptoir. La salle est décorée sobrement et agréablement.

A la carte je choisis : saumon confit / homard et bouillon / omble chevalier à la plancha / glace et sorbets.

L’amuse-bouche est goûteux, ce qui est de bon augure. Le saumon est délicieux, très joliment préparé. Le homard m’a moins convaincu, un peu fade et le bouillon est très bon. L’omble chevalier est parfait, avec la peau croquante à souhait. C’est une cuisine de bonne exécution, sur des produits de bonne qualité, sauf peut-être le homard.

La carte des vins a trop de lignes qui sont barrées. Il faudrait de temps en temps la réimprimer. Elle est relativement courte. Le Champagne Gosset Célébris Extra Brut 2002 est solide, bien construit, de belle acidité. Il accompagne tout le repas sans difficulté mais on en arrive presque à l’oublier tant il est flexible. Il a un joli final. Très consensuel, il est le champagne de toutes les situations.

Il y avait très peu de monde dans le restaurant, ce qui est toujours triste. Il faudrait peut-être que ce restaurant, comme le champagne, s’encanaille un peu.

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Match entre deux Dom Pérignon, 1988 et 1985 au restaurant Pages dimanche, 12 avril 2015

A la suite d’un achat de champagnes Dom Pérignon, j’ai bu avec mon fils, il y a deux jours, un Dom Pérignon 1988 qui s’est montré glorieux. Devant dîner ce soir au restaurant Pages avec ma femme, ma fille aînée et mon fils, j’aimerais comparer deux Dom Pérignon, le 1988 et le 1985. J’ai un a priori favorable au 1988 et c’est une bonne occasion de vérifier.

Nous arrivons au restaurant et qui vois-je ? Un vigneron bourguignon pour lequel on pourra dire : « jamais deux sans trois ». Car il y a quelques années, allant avec mon fils et ses enfants déjeuner sur une plage de Miami, qui est là ? Ce vigneron. Et, lors d’un séjour à Casa del Mar en Corse, partant déjeuner dans un petit restaurant dans un coin perdu, loin de tout, c’est encore ce vigneron que je rencontre. La probabilité de se retrouver un samedi soir au restaurant Pages était infime. C’est la loi des hasards. Je le rencontrerai à nouveau dans deux jours lors de la présentation des vins des domaines familiaux de Bourgogne, mais là, le hasard ne jouera plus.

La salle est pleine et l’assistance semble composée d’amateurs de bonne chère et de vins. Comme d’habitude, nous allons vivre le menu « à l’aveugle », car nous ne connaissons pas le programme.

Le menu composé par Ryiuji Teshima est : dauphine d’agneau, crème au curry / pain soufflé, crème au chou Kale / tartare de lieu jaune façon ceviche / chips de légume // bœuf Ozaki poché, bouillon de racines / cromesquis de foie gras fumé au Bincho, purée de topinambour / asperge verte de Sylvain Erhardt, sabayon et ventrèche / turbot, jus de coque, yuzu et citron Meyer / poulette de Pascal Cosnet, jaune d’œuf, quinoa, petits pois, mousse à la reine des prés / bœuf : la normande 4 semaines et le Simmenthal 5 semaines de maturation, l’Ozaki grillé au charbon Bincho / Pina Colada, Panna Cotta au thé Hojicha, profiterole à la poire aux agrumes et chocolat / granité d’oseille / mi-cuit au chocolat, sablés aux amandes caramélisées.

Je suis extrêmement favorable à cette belle cuisine raffinée et délicate, sur de beaux produits. Les plats sont si différents qu’il est difficile de les hiérarchiser. J’ai un faible pour la poulette, tendre et fondante, surtout à cause de l’œuf qui apporte une touche très gourmande. Ensuite il y a les trois viandes, dont la magnifique viande d’Ozaki. L’asperge est splendide, croquante à souhait. Les autres plats sont superbes, dont le délicieux granité d’oseille ou le turbot, mais les trois plats qui émergent sont poulette, trois viandes de bœuf et asperge.

Lorsque le sommelier verse les deux champagnes, nous avons deux magnifiques couleurs légèrement ambrées et des bulles très actives sur les deux. En les buvant, je me dis que les différencier ne va pas être facile, car ils ont beaucoup de similitudes, sentiment que partage le sommelier. Il faut bien les différencier. Mes deux enfants placent en premier le Champagne Dom Pérignon 1988. Alors que j’avais un a priori en faveur de ce 1988, je mets en premier le Champagne Dom Pérignon 1985.

Tout d’abord, le 1988 que nous buvons, même grand, n’a pas la même splendeur que celui que j’ai bu il y a deux jours avec mon fils. Ensuite, ce qui différencie les deux, c’est que le 1988 a un parcours très linéaire en bouche, tranchant, alors que le 1985 s’élargit en bouche avec une belle plénitude. Le 1988 est plus vif et le 1985 est plus charmeur. Mais ces différences sont tellement à la marge que lorsque l’on boit les deux champagnes à la suite, c’est le plus souvent le second qui semble meilleur, renforcé par la trace du premier bu qui, lui, a la mémoire du plat.

Comme ma fille n’est pas très champagne, nous prenons un Pommard 1er Cru Les Pézerolles domaine de Montille 2008. J’adore ce vin délicat, subtil, tout en suggestions et très bourguignon dans ses complexités. Il convient aux trois tranches de bœuf pour notre plus grand plaisir. Le 2008 atteint déjà un joli niveau de maturité.

J’ai fait porter des verres des deux champagnes aussi bien au chef qu’à mon ami vigneron. Le consensus est en faveur du Dom Pérignon 1985. Plus généreux, plus charmeur, il n’a peut-être pas la richesse vineuse du 1988, mais il gagne par sa flexibilité et son adaptabilité. Force est de constater que les deux sont de magnifiques champagnes, avec des évocations de miel, de noisettes, et à l’acidité superbe qui amplifie l’effet de la bulle. Les meilleurs accords des deux ont été avec l’asperge et avec le turbot.

Comme nous avons fini les deux champagnes, nous avons pris chacun un verre de Champagne 738 Jacquesson extra-brut. Ce champagne apporte la preuve que les deux Dom Pérignon sont au sommet du champagne que le Jacquesson, très agréable, n’est qu’au niveau des humains.

Le service est charmant et attentionné, le ballet des cuisiniers, dans un silence total, est comme chorégraphié. On se sent bien au restaurant Pages.

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le chef me fait signe

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Dîner avec mon fils et Krug années 50 et Hermitage 1929 vendredi, 10 avril 2015

Mon fils fait sa visite habituelle à Paris pour gérer l’entreprise industrielle que j’ai gardée. Je lui demande : « veux-tu que ce soir on ouvre du grand ?». L’avantage de ces questions, c’est qu’elles n’ont qu’une seule réponse. Ma femme et mon fils ont fait chacun de leur côté des emplettes aussi est-ce un repas où l’on va picorer plus qu’un repas à menu.

Il y aura des crevettes grises, des queues d’écrevisses, du jambon Pata Negra, du foie gras et de nombreux fromages. Mon choix de vin n’a pas été concerté.

J’ai pris en cave un Krug Private Cuvée probablement années 50. Pour dater, j’ai croisé ce que je peux observer de la couleur des étiquettes, de la couleur de la capsule et de la forme du bouchon et ces indices suggèrent que ce vin pourrait être des années 60 ou 50, mais plus probablement des années 50.

Le pschitt est faible mais la bulle est là. La couleur m’étonne, car le vin n’est quasiment pas ambré. En bouche, ce champagne est colossal. Car il y a une myriade de fruits, entre des jaunes et des rouges, et surtout, une combinaison entre fruits frais et fruits confits. Le vin est vif, incroyablement vivant et complexe, avec en plus une rondeur et une cohérence que seul l’âge peut donner. Fascinant, envoûtant, c’est un champagne de haute volée. Un vrai bonheur.

Il n’a peut-être pas la tension de certains champagnes plus vifs, mais sa rondeur et sa complexité extrême en font un champagne mémorable, dans le club très fermé des très grands champagnes.

Mon deuxième choix est un vin qui m’émeut car il est très peu probable que je retrouve un jour sur ma route un autre Hermitage Marquise de la Tourette Audibert et Delas rouge 1929. J’ouvre la bouteille qui a un niveau un peu bas. Le bouchon se brise en de nombreux morceaux, le bas du bouchon étant gras et noir. En l’ouvrant au dernier moment avant qu’on la boive, je sais que l’on prend un risque. Le premier nez est un peu torréfié. Et puis, c’est comme le soleil qui se lève à l’aube, nous allons vivre une éclosion ahurissante.

Le vin se caractérise par une densité de trame extraordinaire. C’est un vin lourd, charpenté, mais aussi ciselé. Et c’est cela qui est remarquable. Mais il y aussi une chose qui me fascine, c’est que malgré sa densité, le vin est d’une grande fraîcheur. Et cela signe un grand vin. Il a du fruit, de la truffe, et c’est sa richesse en bouche qui est hallucinante. Quand je me suis versé le fond de la bouteille, presque noir, je n’ai quasiment pas eu de lie et le vin gardait une grande pureté.

A l’analyse on pourrait chercher tel ou tel défaut, mais la densité de la trame, plus la fraîcheur, conduisent à se dire que l’on est face à un immense 1929. C’est vraiment une année exemplaire, l’année que je chéris le plus avec 1900.

Ouvrir ces raretés avec mon fils est un accomplissement. C’est la récompense de ma passion.

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un bon fromage superbe sur le Krug

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Dîner avec Dom Pérignon 1988 vendredi, 10 avril 2015

Le lendemain, le programme du dîner promet d’être sage. Ma femme a voulu un repas tout orange : des tomates oranges avec des petites écrevisses nichées dans des feuilles d’endives et une fleur comestible et bio, une pensée orange, du saumon presque cru en dés, et une salade de mangues avec des kumquats confits. Le thème de l’orange est brisé deux fois, pour la salade roquette puis pour les fromages. L’eau est au programme mais j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1988. Dans ma mémoire vive, l’année 1988 est une immense année en champagne. Et ce n’est pas ce champagne qui me fera dire le contraire, car il est exceptionnel. Il est une forme quasi idéale d’un rêve de champagne. Il a un dosage que l’on ressent mais en même temps il a une acidité rafraîchissante et pénétrante. Il a aussi bien du miel que du beurre, des agrumes, mais ce n’est pas la peine de chercher car on est conquis par sa structure glorieuse. Richard Geoffroy a récemment créé le concept de « plénitude » qui s’applique à des Dom Pérignon qui sont dégorgés à un moment de leur vie qui est un pic d’excellence. Alors que ce concept concerne des dégorgements tardifs, le mot plénitude s’impose pour ce 1988 au sommet de son art. J’aurais volontiers tendance à dire que ce 1988 est un Dom Pérignon idéal, comme on parle de « gendre idéal ». Deux heures après le repas, j’ai encore l’empreinte indélébile en bouche d’une magnifique acidité et de beaux agrumes.

C’est un champagne emblématique, au sommet de son art, glorieux et idéal. Une forme ultime du champagne dans le registre des champagnes chaleureux.

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symphonie d’orange

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Déjeuner au restaurant Garance vendredi, 10 avril 2015

Un déjeuner doit avoir pour thème le luxe et l’excellence, et plus particulièrement au Japon. D’instinct, je choisis le restaurant Garance de mon ami Tomo.

Je n’ai pas noté les intitulé des plats. L’entrée de spaghettis de pommes de terre, d’herbes, de calamars et de jambon bien gras, est un régal de saveurs délicates. Le plat principal un poulet, est d’une tendreté de rêve. La cuisine de Guillaume Iskandar cherche à rester modeste mais sa qualité d’exécution est exemplaire. Le dessert au chocolat, avec un sorbet à la betterave réussi, est agréable.

J’ai choisi un Champagne Egly-Ouriet 2002 dégorgé en novembre 2011 à la couleur déjà ambrée, riche, plein en bouche et seigneurial. Il est là, il s’impose avec une évidence absolue. Plus on le boit, plus on l’aime, gourmand, généreux, riche de complexités. Ce sont des fruits jaunes de fin d’été qui traversent l’esprit.

Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1998 a un nez agréable aussi j’approuve le vin sans l’avoir goûté. Mais en bouche le vin est torréfié, cuit, comme après un passage en cave chaude. Or Guillaume Muller
me dit que le vin vient directement de la propriété. Pourquoi est-il aussi plat et limité, je ne peux le dire, mais le vin, où l’on sent que la matière est présente, avec des accents bourguignons que l’on retrouve souvent chez Rayas, est anesthésié par ce coup de chaleur indéterminé.

Pour compenser cette contreperformance, Guillaume Muller nous fait servir à chacun un verre de Château Prieuré Lichine Margaux 1981. L’attaque beaucoup plus fraîche met encore plus la lumière sur la torréfaction du Rayas, mais le vin est court, très court, ce qui ne pansera pas nos plaies. J’eus l’heureuse surprise d’être invité. Le principal cadeau fut l’agrément des conversations.

La cuisine de Guillaume Iskandar me séduit de plus en plus.

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casual Friday au restaurant Hiramatsu vendredi, 10 avril 2015

Jamais je n’ai vu un casual Friday avec autant de rebondissements. Cette fois-ci il est un vendredi, ce qui devrait nous porter chance. Mais suivons le fil de sa gestation. Nous sommes cinq à postuler pour ce déjeuner. J’ai en outre une candidate potentielle qui pourrait venir avec une bouteille de haute volée qui me fait particulièrement envie, un Côtes du Jura que l’on peut dater autour de 1850. Je n’en parle pas à mes amis et j’attends leurs propositions. Aucune ne m’excite vraiment, car je vise haut, et je commence à dire que je préférerais reporter notre rendez-vous. Mais les mails amicaux qui me sont adressés m’indiquent que je ne devrais pas annuler. Je demande à nouveau les apports de chacun et faute de grives, ma proposition personnelle est plus de merles que d’ortolans. Et les désistements arrivent un à un, tous ayant des raisons qui se justifient. Si bien qu’à la veille du repas, nous nous retrouvons à deux. Le fidèle qui reste du groupe initial est un des plus généreux. Je lui dis : « comme nous sommes deux, visons plus haut, oublions nos vins déjà livrés au restaurant et lâchons-nous ». Nous passons l’un et l’autre des coups de fils et nous sommes trois, puis quatre. L’un des amis du groupe initial qui annonçait sa possible absence revient dans le groupe ce qui fait qu’après avoir été 5 puis 4 puis 3 puis 2 nous avons fait le chemin inverse en remontant jusqu’à 5 avec une distribution de vins très différente et deux convives nouveaux.

Benoit Vayssade, le sommelier du restaurant Hiramatsu, a suivi ces valses ou plutôt ces pas de tango avec une compréhension exemplaire. Il a proposé un menu sans tenir compte des vins, puisqu’il ne les connaissait pas, qui est le menu du déjeuner où, au lieu de choisir entre deux options par plat, nous aurons des demi-portions de chaque plat possible, ce qui donne : noix de Saint-Jacques à la plancha, beurre blanc au yuzu et légumes de saison / ris de veau poêlé, purée de topinambours et capuccino de champignons sauce madère / barbue à la plancha, mousseline d’oignons rose rôti et sauce matelote / cochon ibérique rôti, déclinaison de carotte et jus de citron / tarte tatin, pomme royale gala et feuilleté caramélisé, glace romarin.

Nous commençons sur des gougères et des pistaches grillées par un Champagne Bollinger Grande Année 1985 dégorgé en 2003. Décidément, je n’ai pas beaucoup de chance avec les 1985 pris de la cave d’Hiramatsu, car le dernier 1985 que j’ai bu ici n’était pas parfait, et celui-ci, tout en étant agréable, donne une impression de pomme surette qui neutralise la vivacité. On le boit bien, mais il ne procure pas le plaisir attendu.

Dans ma première proposition j’avais inclus un Chablis Caves Prunier 1955 au niveau en vidange, en l’annonçant sans illusion. Quand je l’ai ouvert, le bouchon est tombé dans la bouteille ce qui m’a obligé à le carafer. Et cette oxydation rapide a empêché un retour à la vie qui n’aurait de toute façon pas eu lieu. Nul d’entre nous n’en a bu. Il m’a suffi de le sentir pour l’écarter.

Le cinquième larron avait fait livrer un Château Grillet mais nous n’allions pas le boire sans lui aussi avons-nous commandé un Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2004 toujours aussi civilisé et agréable. Le champagne est à l’aise en toute circonstance. Mais le cinquième larron arrive. On ouvre vite son vin.

Le Château Grillet 1992 a une jolie couleur et un nez plutôt agréable. J’aime les Château Grillet car ils sont toujours étonnants, offrant à chaque millésime un profil différent. Mais ici, même en cherchant ce qui fait la grâce de ce vin, je bute sur des sensations de cire, de glycérine, qui paralysent le palais. Il y a des réminiscences, quelques allusions, mais le déclic ne se fait pas.

Le Clos de Tart 1989 de Tim, invité de la dernière heure, avait un parfum qui m’avait fait peur à l’ouverture et maintenant il est glorieux. C’est fou ce qu’il est bourguignon. Il a une belle richesse et ce qui fait le charme des vins bourguignons bien nés, où tout est suggestion, subtilité, élégance. Mais il y ajoute une richesse de fruits, une puissance remarquable. C’est un grand Clos de Tart.

Le vin que j’ai substitué à ma première proposition est une Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2002. A l’ouverture, le parfum était une magnifique promesse avec une intensité et une profondeur remarquable. A table, le vin va passer par deux phases. La première est toute de fruits. Des fruits rouges et noirs, en fruits et en compotes. Avec un bouquet de complexité. Le fruit est noble, mais on est sur le fruit. Puis, tout-à-coup, arrive la signature de la Romanée Conti. On sent le sel typique du domaine et le romantisme propre à la Romanée Saint-Vivant. Du fait de la jeunesse de ce vin, on est plus sur l’affirmation que sur la suggestion. Nous buvons un vin de très grande élégance et de magnifique subtilité.

Le vin de Bruno est un Vega Sicilia Unico 1960. Le nez évoque le café, caractéristique de ce vin, quel que soit l’âge. Le vin est riche, franc, et la cohabitation avec les deux excellents autres rouges se fait sans difficulté. On peut passer de l’un à l’autre sans problème. Le vin espagnol est serein, facile à vivre, pas extrêmement long mais tellement riche et franc. On est sur de belles notes de café, d’automne, et la richesse triomphe.

Pour le dessert nous avons le choix entre plusieurs vins mais la curiosité nous pousse vers une demi-bouteille de Cabernet Sauvignon Vendanges Tardives Van der Heyden Vineyards Napa Valley 1997 qui titre 14,5°. Le vin est très curieux car il n’est en rien doucereux. Il est extrêmement fruité, avec de la cerise, du pruneau, il habille bien la bouche et convient bien au dessert, surtout la glace au romarin. C’est une découverte de goûts inhabituels.

Ce qui est remarquable, c’est la performance des trois vins rouges. Le Clos de Tart 1989 est très bourguignon, avec une complexité enthousiasmante. La Romanée Saint-Vivant est romantique, toute en séduction élégante et le Vega Sicilia Unico est riche, pénétrant, intense. Ce serait bien difficile de hiérarchiser ces vins si différents et aussi grands les uns que les autres. Mon classement sera : 1 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2002, 2 – Vega Sicilia Unico 1960, 3 – Clos de Tart 1989, mais on pourrait tout aussi bien les mettre ex-aequo.

Le menu n’a pas été conçu pour les vins, mais cela s’est bien passé, la cuisine étant franche et agréable. L’accord de la barbue avec la Romanée Saint-Vivant a été le plus intéressant. Le service du restaurant Hiramatsu est attentionné et plaisant. Ce fut un casual Friday à rebondissements, mais ce fut un vrai succès.

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pas de photo du Clos de Tart, sauf le bouchon

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dîner chez des amis dans le sud samedi, 4 avril 2015

Nous allons dîner chez des amis dans le sud. L’apéritif se prendra avec du saucisson et du pâté de tête. Nous aurons ensuite un carpaccio de saumon, puis de la lotte avec une sauce vierge et une belle et complexe purée de tomates pour finir sur des fromages.

Le Champagne Substance Jacques Selosse a été dégorgé un jour de printemps, le 20 mars 2007. Sa couleur est très ambrée. Il est très surprenant, car son acidité est très prononcée, avec des fruits jaunes un peu surets. Ce n’est pas un champagne confortable, c’est un champagne de méditation. Sur le pâté de tête, l’accord arrondit le champagne qui montre une force certaine. Il faut se concentrer pour essayer de le comprendre et lorsqu’on y arrive, on se rend compte de sa force, de sa complexité et d’une matière vineuse de grande distinction.

La bouteille étant finie au cours du long apéritif, il faut ouvrir un Champagne Mumm Cordon Rouge de mise récente qui est, lui, très confortable et lisible, et se boit bien. Il fait prendre conscience encore plus du raffinement du Substance, mais le Mumm tient bien sa place, court mais sans problème.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1997 est un vin comme je les aime. Car l’année, plus frêle que d’autres, met en valeur la délicatesse des qualités de ce vin. Tout est en finesse, en raffinement. Il convient bien à la lotte, puis aux fromages, et c’est un régal. Contrairement à une année puissante comme 1996 qui laisse exploser le fruit glorieux, on est ici sur le terrain de l’élégance et de la courtoisie. Bien sûr, le vin a aussi de la puissance, mais ce vin m’évoque les gymnopédies d’Erik Satie.

Par une nuit de pleine lune qui argente la mer, nos discussions nous ont gardés éveillés très tard, avec en bouche le goût de cette belle Côte Rôtie.

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