Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Beau dîner avec une Turque 1996 mercredi, 25 février 2015

Lors d’un achat de tableaux, nous avions invité le peintre et son épouse à déjeuner à la maison. En réciprocité, nous sommes invités par le peintre et son épouse à dîner dans le loft atelier en compagnie du père du peintre. Dans ce loft très haut de plafond il y a des centaines d’œuvres et l’accumulation de couleurs crée un décor particulièrement chaleureux. La cuisine est d’inspiration marocaine, avec des bricks aux crevettes, une ratatouille de courgettes très épicée et un jarret de veau délicieux.

Le Champagne Brut Ruinart sans année est très agréable à boire car il est franc, net, sans chichi, et soutient parfaitement les conversations car il sait se faire discret.

La Côte Rôtie Pierre Gaillard 2011 est généreuse, gouleyante, et joliment fruitée. Elle est agréable et seul le final est un peu limité. Mais il se trouve que j’ai apporté une Côte Rôtie La Turque Guigal 1996, vin que je chéris, qui, s’il était mon cadeau, n’est pas un cadeau pour le vin de Pierre Gaillard qui montre alors à quel point la différence est grande entre une agréable Côte Rôtie et un grand cru de ce calibre. Le vin est puissant, chaleureux, velouté et surtout il y a ce final inextinguible d’une rare fraîcheur mentholée. La Turque 1996 est en ce moment dans un état de grâce exceptionnel.

Le plaisir de se connaître, de bavarder de milles choses qui nous rapprochent ont fait de cette soirée un moment mémorable.

Dîner au restaurant Pages, un immense succès samedi, 21 février 2015

Nous avions dîné il y a un mois, ma femme et moi, au restaurant Pages, tenu par le talentueux chef Ryuji Teshima. Nous avions tellement aimé qu’il fallait vérifier si le restaurant tient l’épreuve de la seconde fois. Nous attirons avec nous deux amis esthètes pointus en gastronomie pour dîner ensemble.

Le lieu est toujours aussi accueillant. Sur une table de la cuisine ouverte sur la salle trône un magnifique morceau de bœuf Wagyu, un Ozaki rose aux épaisses veines graisseuses. J’ai apporté un magnum de champagne que je fais mettre au frais pour qu’il se repose un peu du transport. Nous commençons par un Champagne Version Originale, blanc de blancs extra-brut Jacques Selosse dégorgé en mai 2013. Ce champagne a une forte personnalité. Il est franc, direct et emplit joyeusement la bouche. On ne sent même pas qu’il est extra-brut tant il est généreux.

Les amuse-bouche sont : riz croquants aux choux Kale / ceviche de lieu jaune / dauphine d’agneau braisé, crème au curry / pain soufflé, crème au chorizo. Ils plantent le décor, celui d’un extrême raffinement. Chaque petite bouchée est un exercice de style intelligent. Le champagne réagit bien. C’est un très beau Selosse, moins complexe qu’un Substance, mais plus aisément amical.

Le menu dégustation que nous avons pris, avec ses deux suppléments, truffe et Wagyu, est ainsi rédigé, a posteriori, puisque nous n’en savons rien : raviole du veau de lait du limousin et Wagyu, bouillon de racines au panais, bœuf Ozaki et truffes noires du Vaucluse / cromesquis de foie gras fumé, purée de topinambour à la truffe noire / langoustine et ormeau, endive caramélisée, sauce au saint-nectaire / la barbue, jus de coques et de couteaux / la poulette de Pascal Cosnet, jaune d’œuf, quinoa, poireaux, mousse à la reine des prés, truffes noires de Vaucluse / trois morceaux de bœuf : la Normande 7 semaines, Simmenthal 4 semaines de maturation et Ozaki grillé au charbon Bincho / sorbet aux agrumes, fromage blanc-noir aux pommes, mousse au chocolat et litchi, mousse aux pralines / tartelette au caramel, financier à la pistache.

Tout est impressionnant au point que sur la majorité des plats, nous sommes au niveau de trois étoiles. Va-t-on, avec ce restaurant, vivre la même histoire que celle de Pascal Barbot qui, à l’Astrance, a atteint les trois étoiles en un temps record ? Je ne serais pas éloigné de le penser, car tout est d’une grâce extrême, d’une intelligence rare, d’une grande virtuosité et goûteux à souhait. Le bouillon de panais avec l’Ozaki est merveilleux. Le cromesquis fond en bouche et change de goût à chaque seconde. C’est fantastique. La langoustine est divine et l’ormeau lui apporte beaucoup. Le jaune d’œuf qui s’éclate à côté du poulet est fondant et émouvant. Les trois morceaux de bœufs sont d’un niveau rare. De plus la présentation esthétique des plats est élégante, à la japonaise.

Le Champagne blanc de blancs extra-brut Jacques Selosse magnum Millésime 1999 dégorgé en avril 2011 marque un saut qualitatif important par rapport au beau « Version Originale ». Il a beaucoup plus d’ampleur et de largeur en bouche. Il a de beaux fruits jaunes, il est vineux, pénétrant. C’est un champagne dont la maturité est idéale. De plus, il est accessible et franc. Et le format magnum lui convient parfaitement. L’accord avec le bouillon est divin, car ils se prolongent. Avec la barbue et son jus il est aussi passionnant. Et sur le dessert, le champagne est frais, vibrant et vif. Mais globalement, ce menu ne peut pas se satisfaire d’une seul champagne. L’idéal serait d’avoir un programme comme : un champagne, puis un vin blanc de Loire ou d’Alsace suffisamment léger pour laisser s’exprimer les plats, ensuite un vin rouge énergique mais romantique, comme Rayas par exemple, puis un champagne final pour les desserts.

Ce repas fut parfait et les deux Selosse se sont bien comportés, même si une rupture de rythme eut été nécessaire avec un ou deux vins.

Un détail qui ne trompe pas : lorsque toutes les tables ont été servies, l’éclairage de la cuisine s’assombrit et il ne reste que l’énorme lampe qui surplombe le centre de la cuisine et joue l’effet d’une salamandre. Au centre de ce cône de lumière, une fleur blanche est posée dans un soliflore. C’est d’un raffinement de haute volée.

Ce restaurant a tous les atouts pour devenir un des grands restaurants de Paris, avec le couronnement suprême des trois étoiles. C’est ce que je souhaite à cette équipe très sympathique.

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la cuisine en fin de service : la classe

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Deux champagnes magnifiques avec mon fils vendredi, 20 février 2015

Mon fils va repartir demain dans des terres lointaines, aussi est-ce le prétexte pour partager de belles bouteilles. Ma femme ouvre une boîte de caviar Prunier d’Aquitaine, le Tradition. Avec une baguette de pain et du beurre c’est un régal car le sel est bien dosé et la profondeur de goût est superbe. J’ouvre un Champagne Salon 1983. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas revisité ce millésime. Il a atteint une maturité certaine, un peu plus que le 1982. Il évoque pour moi les fleurs et les fruits roses et blancs. Il est gracieux, mais très imprégnant. Il a une grande longueur. Avec le caviar, il est idéal. Mon fils est aux anges car il adore ce millésime dont il avait gardé un beau souvenir. Les crevettes juste poêlées titillent bien le champagne avec leur ail, mais le meilleur accord est celui du champagne avec le caviar. Nous sommes si heureux que la bouteille est vite finie.

J’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1966. Le saut qualitatif est extrême. Alors que je suis un inconditionnel de Salon, qui est mon chouchou parmi les champagnes, force est de constater que la complexité, la palette aromatique et la largeur du Dom Pérignon sont nettement plus riches que celles du Salon. J’ai toujours pensé que le 1966 est le plus grand Dom Pérignon depuis 1960 jusqu’à nos jours et ce 1966 démontre qu’il est exceptionnel. Nous le buvons religieusement, sans cherche à l’associer avec des mets. Si je grignote du camembert puis du pain perdu, je ne cherche pas l’accord et je reviens au champagne pour lui-même. C’est un champagne d’anthologie.

Nous nous remémorons ce que nous avons bu avec mon fils pendant son court séjour et le classement serait : 1 – Champagne Dom Pérignon 1966, 2 – Latricières-Chambertin tasteviné Faiveley 1964, 3 – Champagne Krug Vintage 1973, 4 – Champagne Krug Grande Cuvée ½ bouteille années 80, 5 – Champagne Salon 1983, 6 – Champagne Clos des Goisses Philipponnat 1983.

J’ai fait passer le bourgogne devant le Krug par rapport au classement précédent, car il s’est montré plus surprenant que le Krug 1973. Boire des vins de ce calibre avec mon fils est certainement l’un de mes plus grands plaisirs.

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Déjeuner au restaurant Laurent jeudi, 19 février 2015

Déjeuner au restaurant Laurent avec deux amis. L’un d’eux n’aime pas le champagne à l’apéritif aussi est-ce un Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 2002 qui accompagne de délicieux petits canapés. Ils sont nouveaux et astucieux, à base de foie gras et hareng. Le vin est d’un jaune citron soutenu. Il est d’une remarquable pureté, raffiné, ciselé. Il est gourmand sur les magnifiques cuisses de grenouilles accompagnées d’une crème bien épaisse et parfumée. Alors que je suis très favorable au millésime 2002 pour le Clos Sainte-Hune, j’ai pensé qu’un millésime plus jeune aurait eu plus d’énergie pour accompagner les belles cuisses de grenouille. Il se pourrait que le 2002 soit entre deux phases de maturité, perdant pour quelque temps de sa vivacité.

Le Pommard Grands Epenots Michel Gaunoux 1976 est d’un superbe niveau. Il est ouvert au dernier moment et le premier contact avec le vin à peine ouvert est un miracle. On imagine un crocus qui perce sous la neige et apporte une promesse de printemps. Ce Pommard, sur la première gorgée est cela, une promesse. Il offre un bouquet de fruits rouges et roses, presque aigrelets mais à peine, et follement juteux. Ce vin est merveilleux car il est tout en suggestion, en raffinement. Il est ciselé, mais emplit la bouche de bonheur. Le mot que je retiendrais est raffinement. Les pieds de porc du Laurent sont une réussite, avec une purée de pomme de terre qui adoucit la force des chairs. Le Pommard soutient bien le choc du plat, gardant sa subtilité. La lie porte un message plus fort de ce beau bourgogne. Le repas s’est fini avec la traditionnelle glace vanille minute. Ce fut un mémorable moment dans un restaurant particulièrement accueillant.

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Champagne Krug Vintage 1973 exceptionnel dimanche, 15 février 2015

Mes filles sont parties, l’une nous laissant ses enfants, il ne reste plus que mon fils pour cette fin de week-end. Mon fils étant mon partenaire préféré de partage, j’ouvre du « lourd ». Le Champagne Krug Vintage 1973 a un bouchon qui s’est chevillé plus qu’il n’aurait dû. De ce fait, le pschitt commence avant que le bouchon ne soit complètement sorti. Heureusement, le champagne n’a eu aucun contact avec la cape aussi le vin est-il d’une rare pureté. La bulle est joliment active ce qui s’explique par le fait que la bouteille n’avait eu aucune perte de volume. Dès le premier contact, c’est l’embarquement pour Cythère. Ce champagne est d’une distinction, d’une noblesse, d’une énergie et d’un équilibre absolument exceptionnels. J’avais adoré le Krug Grande Cubée des années 80 que nous avions bu hier. Ce Krug est nettement au-dessus, car en lui tout est harmonieux. On peut chercher dans de nombreuses directions. Ma femme sent en lui des évocations de noisettes que je ne vois pas. Mon fils y voit de la pâtisserie que je ne vois pas. Ce que je vois est un vin ensoleillé à la couleur d’un jaune clair encore jeune, avec des évocations de fruits roses rouges comme la fraise, en une composition délicate. Mais ce qui me ravit le plus, c’est l’énergie et l’équilibre. Nous sommes en présence d’un très grand champagne de ceux dont on rêve. Il aurait peut-être eu un peu plus d’énergie il y a dix ans, mais il n’aurait sans doute pas eu ce charme et cette cohérence. Je suis aux anges.

Ma femme a préparé un canard qui a cuit pendant des heures et des heures. Les magrets sont fondants et la peau croquante. Le champagne se sent bien. Sur un foie gras il est plus vif. Sur un camembert très goûteux il est joliment excité mais c’est encore seul que je le préfère tant sa rondeur, son équilibre et sa trace en bouche sont impressionnants.

Le classement de ce week-end en famille serait : 1 – Champagne Krug Vintage 1973, 2 – Latricières-Chambertin tasteviné Faiveley 1964, 3 – Champagne Krug Grande Cuvée années 80, 4 – Champagne Clos des Goisses Philipponnat 1983. Un bien beau week-end en famille.

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canard et fromage. je ne croyais pas que Ay était aussi en Normandie !

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les vins des derniers jours

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Déjeuner de famille avec un beau Latricières 1964 samedi, 14 février 2015

Déjeuner de Saint-Valentin à la maison. Nous avons nos trois enfants ce qui est rare et quatre de nos six petits-enfants. J’ouvre un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1983. Le pschitt est léger, la bulle est gentiment active. La couleur est très claire pour un champagne de trente et un ans. Le champagne fait plus jeune que le Krug Grande Cuvée et que le Lanson 1971 d’hier. Il a bien sûr des notes matures, mais il a la vivacité d’un champagne jeune. Les fruits qu’il évoque sont jaunes, comme des mirabelles, ce qui contraste avec les fruits rouges du Krug et les pêches du Lanson. Le champagne est non seulement confortable mais grand. C’est un des très grands Clos des Goisses que j’aie pu boire. Avec des tranches de lomo et de Pata Negra, le champagne est à l’aise. J’aime sa solide persistance. Il est racé et raffiné.

Ma femme a préparé une roulade de veau au lard avec de petites pommes de terre. Le vin que j’ai pris en cave m’a tenté parce qu’il est de l’année de la première rencontre avec mon épouse. Saint-Valentin oblige. C’est un Latricières-Chambertin tasteviné Faiveley 1964 dont le niveau est très proche du bouchon. Le bouchon est d’une qualité remarquable, de belle élasticité. Le vin est d’une belle couleur foncée. Son parfum est engageant. Ce qui frappe, c’est son velours. Le vin est expressif, galant, avec une belle longueur. On ne peut pas lui donner d’âge, ce qui est surprenant, car il est vif comme un vin de dix à vingt ans alors qu’il en a cinquante. Autour de la table, mes enfants vantent ses qualités et sa personnalité. Il est fini assez rapidement et mon fils va chercher un vin de sa propre cave, l’ouvre et nous le sert. A l’aveugle, j’hésite, car ce n’est pas bordeaux, mais c’est la piste la plus proche du fait d’une évocation de truffe. C’est un Château Pibarnon Bandol 1992. Il souffre beaucoup de passer après le Latricières, car il paraît rigide, dur, alors que le message du bourgogne était tout en charme et finesse. Il a fallu attendre longtemps pour retrouver le plaisir de ce grand Bandol, mais pas entièrement.

Les petits enfants avaient demandé une galette des rois en forme de cœur, Valentin oblige. Ma femme a mélangé des zestes d’orange avec la purée d’amandes et ce fut du plus bel effet avec le reste du Clos des Goisses impérial. Ce fut une belle réunion de famille.

Le soir, avec mon fils, nous avons dîné avec le Pibarnon. Malgré l’aération de plusieurs heures, le 1992 n’a pas retrouvé ce qui fait le charme de ce domaine provençal. C’est un vin plat, que l’on ne saurait raccorder à une région. D’habitude, les Pibarnon qui ont de l’âge sont superbes. Nous sommes mal tombés. La certitude n’existe pas dans le monde du vin.

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le centre de table

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la galette et sa fève

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Rayas 2000 au restaurant Benoit vendredi, 13 février 2015

Comment est-il possible que j’aie pu vivre tant d’années en région parisienne sans avoir jamais jeté l’ancre au restaurant Benoit. Comme le dit le menu : « chez toi, Benoit, on boit, festoie, en rois ». Dès le seuil passé, l’ambiance est celle d’un bistrot à l’ancienne, dans son jus. Ce n’est pas façon bistrot, c’est bistrot. La brigade est très professionnelle, virevolte à bon escient. Tout me met dans une ambiance sympathique qui conduit à oublier toutes les bonnes résolutions de contrôle des régimes.

La carte des vins est intelligente, donnant à chacun des occasions de trouver de bonnes pioches. Les prix sont musclés, mais l’appartenance au groupe Ducasse y est pour quelque chose. Je suis invité et comme je suis d’humeur à boire grand, je propose d’offrir le vin, ce qui n’est généralement pas refusé. Je ne regarde pas le menu du jour, et je fonce sur la carte pour y trouver du lourd, du sérieux, un truc pour hommes. Ce sera : escargots de Bourgogne en coquilles, beurre d’ail, fines herbes / filet de bœuf au sautoir, sauce bordelaise à la moelle, gratin de macaroni / millefeuille classique à la vanille.

Les escargots sont de vrais escargots, avec de l’ail qui ne joue pas les timides, et ce plat allume des milliers de souvenirs de repas avec mes grands-parents lorsque nous sillonnions la France dans des étapes de ce style. La viande est absolument superbe et goûteuse, une vraie viande, la moelle est abondante et le gratin pourrait être donné à des scaphandriers qui auraient égaré leurs semelles de plomb. Quant au millefeuille, il est aérien, divin, un vrai millefeuille d’antan. Au cas où nous n’aurions pas ingurgité en un repas la ration alimentaire d’un honnête chrétien pour une semaine, on nous tend un plateau de madeleines qui parachèvent ce voyage dans l’ultra haute calorie, mais de haute qualité.

Le vin que j’ai choisi est Château Rayas Châteauneuf-du-Pape rouge 2000. Il arrive à une température de cave de jour et ne sera pas carafé. Ce vin est tout simplement divin. Plus que d’autres 2000 de ce château que j’ai déjà bus, il joue à fond dans le registre bourguignon. Il a une jolie amertume, des accents râpeux très mesurés. Il n’est pas dans des registres de fruits mais dans des notes vineuses extrêmement élégantes. Tout en lui est mesuré et gracieux. Les escargots lui donnent une largeur extrême, ce qui est logique, car l’ail titille merveilleusement ces vins typés. Avec la viande, l’accord est comme celui de deux copains. Le vin et la viande sourient ensemble. Ce vin est joyeux, glorieux, incroyablement équilibré car il reste toujours dans la mesure. Il est juteux, séducteur, et on ne peut s’empêcher d’en reprendre et d’en reprendre. Ce 2000 est vraiment au sommet de l’expression de Rayas, lorsqu’il va sur des tendances bourguignonnes.

Le service est attentif et sympathique, la cuisine traditionnelle est exactement ce qu’elle doit être. Comme le dit le menu chez Benoit, je me suis senti comme un roi.

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Krug et Lanson en famille vendredi, 13 février 2015

Comme chaque mois, mon fils vient à Paris pour les formalités des sociétés familiales dont il est, à ma suite, le gérant, puisque les lois françaises, lors de ma mise à la retraite, imposaient que j’abandonne tous mes mandats. Un des avantages de cette loi restrictive et frustrante, c’est que je vois mon fils tous les mois. Comme le week-end sera peuplé de plusieurs repas avec mes filles et mon fils, ma femme a prévu un repas à l’eau, fromages, salade et dessert. Mais j’ai envie de boire une bouteille avec mon fils qui est d’une rare beauté. C’est une demi-bouteille de Champagne Krug Grande Cuvée. La bouteille est belle, avec des couleurs de vieux rose. L’étiquette de cette bouteille a été utilisée entre 1982 et 1995. La forme du bouchon m’indique que l’on est plutôt en début de période. J’imagine volontiers que ce champagne correspond à une mise en bouteille en 1985, ce qui signifierait que les vins peuvent remonter jusqu’en 1975.

La bulle est discrète mais le pétillant est actif. La couleur est d’un jaune encore clair, à peine foncé. Le nez est très marqué par de délicieux petits fruits rouges, groseille et fraise. En bouche, ce qui occupe le palais, c’est une sensation de fruits rouges capiteux. Le fruit n’est pas cuit, pas confituré, il évoque plutôt une soupe qui ne serait pas acide. Car tout est voluptueux dans ce champagne. Et je suis frappé par sa profondeur. Il investit le palais avec une force rare. Ensuite, c’est la longueur qui est impressionnante. Le fruit rouge raffiné est ce qui me ravit. Nous grignotons des fromages de grande qualité car le nouveau fromager de notre petite commune de banlieue s’annonce comme un grand. C’est le Mont-d’or qui est le plus adapté au champagne apportant de la douceur. Mais le champagne se suffit. Il est pénétrant, profond et long.

Bien vite il est fini et une question existentielle se pose : eau ou champagne ? La tentation est grande, tant je suis heureux de partager avec mon fils. Je cherche une bouteille de Champagne Lanson 1971. La bouteille est d’une grande beauté. Elle a la forme historique des bouteilles de Lanson qui évoquent les quilles d’un jeu de quille. L’étiquette est d’un rouge lie de vin, avec la grosse croix de l’ordre de Malte. La bouteille est belle. Je cherche à extirper le bouchon mais il se cisaille à mi-hauteur et le bas du bouchon est sorti au tirebouchon. Le pschitt est faible mais les bulles sont visibles dans le verre. Dès la première gorgée, on sent la continuité avec le Krug et on mesure l’écart de niveau de puissance. La champagne est grand, mais à un étage en dessous du Krug. Et puis les choses s’assemblent, le palais s’habitue et l’on est en présence d’un champagne extrêmement agréable, aux notes de pêches, de fruits roses et jaunes, plutôt que les fruits rouges du Krug. On s’habitue de plus en plus au fait qu’il n’a pas la profondeur du Krug mais qu’il compense par un charme extrême d’une grande complexité. Il est fluide, gracile, avec une persistance aromatique très forte. Il a ce goût de vieux champagne sans défaut, dont l’acidité laisse une empreinte forte. Un régal. Ma femme a prévu des crêpes de la Chandeleur pour son chouchou. Elle font un duo de patinage artistique avec le Lanson.

Il existait un pont entre le Krug et le Lanson qui confirme à quel point le monde des vieux champagnes est un paradis de riches saveurs. On ne dira jamais assez que les Krug Grande Cuvée doivent vieillir.

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le bouchon du Lanson s’est cassé du fait de la défaillance du liège

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Déjeuner au restaurant Patrick Pignol mercredi, 11 février 2015

Cela faisait trop longtemps que je n’étais allé au restaurant Patrick Pignol. Je viens réparer cette erreur. Quand on pénètre dans la salle, une forte odeur de truffe noire imprègne le décor. Etant en avance, je consulte l’impressionnante carte des vins, qui comporte 3.500 lignes. La carte des champagne étant à part, on ouvre la carte et l’on a devant soi deux pages d’environ 50 lignes rien que pour les chablis. Qui d’autre propose une quinzaine de millésimes de chacun des vins de la Romanée Conti, dont 18 millésimes pour la seule Romanée Conti ? En feuilletant, on rêve. Il y a un vin qui est le chouchou de forums du vin, c’est Domaine de la Grange des Pères, vin du pays de l’Hérault. La carte en propose près d’une dizaine de millésimes. Je demande à Nicolas, le très compétent sommelier de me conseiller le millésime en fonction des plats que nous allons prendre, qui ne sont pas les mêmes pour les deux occupants de notre table.

Mon choix est : cuisses de grenouilles bien dorées, façon meunière, échalotes grises, cresson de fontaine, dentelle de sésame / pigeon rôti désossé, béatilles farcies au parfum de bergamote de la Côte d’Azur. Mon intuition est de demander le 1998 pour accompagner ces mets. Nicolas nous parle avec émotion et ferveur des qualités des différents millésimes et confirme le 1998. Le vin ne sera pas carafé, servi sur l’instant.

La couleur du Domaine de la Grange des Pères, vin du pays de l’Hérault 1998 est noire, d’un noir qui n’est pas très beau. La bouteille est presque entièrement chemisée du dépôt collant du vin. Le parfum ne sera pas significatif puisque celui de la truffe a pris possession de la salle. J’aime les vins qui me surprennent, aussi suis-je tout à mon bonheur dès la première gorgée du vin. Dès le premier instant le vin est tout en surprise. Il se présente en vagues successives, virevoltant. La première idée qui me vient est celle d’une sardine, jolie sardine juste suggérée. Puis, ce que je constate, c’est le combat que se livrent une très jolie amertume avec une sensation de douceur. Le vin est racé, plein, en perpétuel combat pour nous offrir des facettes nouvelles. Je suis allé jusqu’à trouver des fruits denses confiturés. L’accord avec les cuisses de grenouilles est parfait, donnant beaucoup d’énergie au vin qui devient gourmand et montre sa faculté gastronomique. Là où il devient carrément génial, c’est sur la sauce lourde du pigeon, très réduite, car le vin et la sauce se confondent. Le vin offre du gras, du fumé, un peu de lard. Le seul moment où je l’ai moins aimé, c’est quand je me suis fait servir la lie, très abondante pour un vin si jeune, qui éteint un peu le vin.

Pour moi, la démonstration est faite, il s’agit d’un grand vin. Il est gastronomique, c’est-à-dire qu’il offre toujours une facette qui va convenir au plat, jouant jeu égal avec la grenouille mais un peu dominé par le lourd pigeon, mais pas par la sauce avec laquelle il se confond. Après cet essai, je n’ai qu’une envie, c’est d’explorer d’autres millésimes.

Le dessert est de petites madeleines au miel avec une glace au miel à se damner. La cuisine est excellente, roborative, et le service est parfait. Patrick Pignol est souriant, blagueur, et c’est une vraie joie que de déjeuner dans ce restaurant gourmand.

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Champagne Mumm blanc de blancs pour les mignardises

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Grandiose Winston Churchill lundi, 9 février 2015

Apéritif impromptu sur des tranches de pain et un foie gras pour lequel Michel Troisgros a prêté son nom. Il a bien fait. Nous buvons Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1996. Alors que l’Henriot n’avait quasiment pas changé de couleur, celui-ci est légèrement ambré, son jaune doré est appuyé. La bulle est assez active sans être explosive, mais le pétillant est parfait. Dès la première gorgée, on sent que l’on est sur une des plus hautes planètes du firmament. Le champagne est noble, racé, ciselé et vigoureux. Les évocations sont surtout de fruits et de fruits jaunes bruns ou orangés. On perçoit prune, pêche, mangue, mais plutôt un cocktail indéfini de tous ces fruits. On sent ce champagne noble en pleine possession de ses moyens. C’est vraiment un très grand champagne.

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bouchon associé à celui du Henriot Enchanteleurs de la même année

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