Déjeuner de Saint-Valentin à la maison. Nous avons nos trois enfants ce qui est rare et quatre de nos six petits-enfants. J’ouvre un Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1983. Le pschitt est léger, la bulle est gentiment active. La couleur est très claire pour un champagne de trente et un ans. Le champagne fait plus jeune que le Krug Grande Cuvée et que le Lanson 1971 d’hier. Il a bien sûr des notes matures, mais il a la vivacité d’un champagne jeune. Les fruits qu’il évoque sont jaunes, comme des mirabelles, ce qui contraste avec les fruits rouges du Krug et les pêches du Lanson. Le champagne est non seulement confortable mais grand. C’est un des très grands Clos des Goisses que j’aie pu boire. Avec des tranches de lomo et de Pata Negra, le champagne est à l’aise. J’aime sa solide persistance. Il est racé et raffiné.
Ma femme a préparé une roulade de veau au lard avec de petites pommes de terre. Le vin que j’ai pris en cave m’a tenté parce qu’il est de l’année de la première rencontre avec mon épouse. Saint-Valentin oblige. C’est un Latricières-Chambertin tasteviné Faiveley 1964 dont le niveau est très proche du bouchon. Le bouchon est d’une qualité remarquable, de belle élasticité. Le vin est d’une belle couleur foncée. Son parfum est engageant. Ce qui frappe, c’est son velours. Le vin est expressif, galant, avec une belle longueur. On ne peut pas lui donner d’âge, ce qui est surprenant, car il est vif comme un vin de dix à vingt ans alors qu’il en a cinquante. Autour de la table, mes enfants vantent ses qualités et sa personnalité. Il est fini assez rapidement et mon fils va chercher un vin de sa propre cave, l’ouvre et nous le sert. A l’aveugle, j’hésite, car ce n’est pas bordeaux, mais c’est la piste la plus proche du fait d’une évocation de truffe. C’est un Château Pibarnon Bandol 1992. Il souffre beaucoup de passer après le Latricières, car il paraît rigide, dur, alors que le message du bourgogne était tout en charme et finesse. Il a fallu attendre longtemps pour retrouver le plaisir de ce grand Bandol, mais pas entièrement.
Les petits enfants avaient demandé une galette des rois en forme de cœur, Valentin oblige. Ma femme a mélangé des zestes d’orange avec la purée d’amandes et ce fut du plus bel effet avec le reste du Clos des Goisses impérial. Ce fut une belle réunion de famille.
Le soir, avec mon fils, nous avons dîné avec le Pibarnon. Malgré l’aération de plusieurs heures, le 1992 n’a pas retrouvé ce qui fait le charme de ce domaine provençal. C’est un vin plat, que l’on ne saurait raccorder à une région. D’habitude, les Pibarnon qui ont de l’âge sont superbes. Nous sommes mal tombés. La certitude n’existe pas dans le monde du vin.
le centre de table
la galette et sa fève