Archives de catégorie : dîners ou repas privés

dîner de truffes blanches au restaurant Michel Rostang jeudi, 20 novembre 2014

J’avais réservé deux places pour le dîner de truffes blanches au restaurant Michel Rostang. Mais le lendemain ma femme part très tôt rejoindre son fils à Miami et préfère renoncer. Ma fille cadette ne pouvant venir, ce sont les deux amis du dîner chez ma fille qui profitent de l’aubaine.

Lorsque je préviens le restaurant que nous serons trois, je demande à Alain Ronzatti
le sommelier si je peux apporter un vin, mais il m’en dissuade car il a travaillé sur des accords mets et vins. Il a bien fait de refuser mon apport, car les accords qu’il a préparés sont d’une pertinence absolument remarquable.

Le menu préparé par le chef Nicolas Beaumann
est : artichaut et parmesan / gnocchi et sot-l’y-laisse / Saint-Jacques et châtaigne / bar et lentilles / volaille de Bresse et Pasta Lumache / vanille et orange.

Philippe, le râpeur ou rappeur, on ne sait pas, a inondé nos assiettes de lamelles de truffe blanche, avec une générosité qui mérite d’être signalée. Alain a fait un travail se sommellerie exemplaire. C’est un des plus beaux repas que nous ayons vécu sur le thème des accords mets et vins.

Avant que le repas ne démarre, Alain nous sert un Champagne Jacquesson Cuvée 736 extra-brut. Le champagne est agréable, bien construit, mais ne dégage aucune émotion particulière. J’avouerai bien volontiers que mon goût étant formé par quelques champagnes que je chéris, j’ai tendance à ne pas entrer dans la dynamique des autres. Ce champagne me plairait sans doute en d’autres circonstances. Il a une belle solidité et un bel équilibre, mais je ne vibre pas.

Les choses changent du tout au tout avec le Champagne Gosset 1973. Car ce champagne déjà mûr, profite à fond de la distinction et l’élégance du beau millésime 1973. C’est une année raffinée, pas tonitruante du tout, qui joue sur le pastel et la suggestion. La longueur est belle, car le message s’alanguit, comme une belle sur un sofa. J’adore. Ce qui est génial dans le plat, c’est que l’artichaut se révèle, alors que la truffe blanche et le parmesan devraient l’étouffer. Le champagne profite à plein de la truffe.

Le Mambourg Grand Cru Marcel Deiss 2004 est un vin toasté, voire fumé, au nez puissant et à la persistance aromatique extrême. Il est gouleyant, imposant sa volonté au palais et terriblement gastronomique. La mâche des gnocchis est exactement ce qu’il faut pour exciter ce grand vin.

Le Châteauneuf-du-Pape Château Rayas blanc 2005 est le vin que j’attendais dans la liste préparée par Alain. Hélas, c’est le seul qui ne correspondra pas à mes attentes. Il part bien, avec une belle attaque bien juteuse, avec une minéralité de bon aloi, et puis il s’essouffle et le final est bien court. C’est dommage, car la Saint-Jacques a une mâche qui correspondrait exactement à ce vin s’il avait la grandeur que j’attendais. Je ne crois pas qu’il y a un problème de bouteille. Ce vin est court, tout simplement.

Le Saké Kuheiji 9 grand cru 2008
est limpide comme de l’eau. C’est une heureuse pause dans la voyage parmi les vins blancs français. Il est expressif et crée un bel accord avec le bar délicieux. Je n’ai aucun repère pertinent, mais je trouve que l’accord se forme bien, au bon moment.

La volaille de Bresse est une douceur. Elle fond en bouche. Le Corton-Charlemagne Bonneau du Martray magnum 1998 est impérial, vin d’une justesse de ton inégalable. Tout en ce vin exprime l’élégance, le raffinement et la noblesse. De plus, sa longueur est infinie. Il a un léger fumé sur un fruit plein, jaune d’or. L’accord est impérial.

Le dessert est très amusant car la vanille est traitée de façon qu’elle ait la forme d’une truffe, posée sur des copeaux qui figurent la terre. Le Coteaux de l’Aubance Domaine des Charbottières 1991 profite bien de son âge. Il est moelleux, assez doux, avec des notes d’agrumes et de fruits confits. Il s’accorde bien avec le délicieux dessert.

La cuisine du chef est absolument brillante, montrant un grand talent. Mon plat préféré est la volaille de Bresse et la Saint-Jacques mais les autres plats méritent des applaudissements. Le travail d’Alain Ronzatti a été extrêmement brillant. Ses choix ont tous été judicieux.

Mon classement des vins est : 1 – Corton-Charlemagne Bonneau du Martray magnum 1998, 2 – Mambourg Grand Cru Marcel Deiss 2004, 3 – Champagne Gosset 1973.

Le restaurant Michel Rostang se situe dans le champ d’une cuisine bourgeoise traditionnelle. Quand elle est traitée à ce niveau, on voit à quel point la France a besoin de cette cuisine, surtout si elle est accompagnée de façon aussi pertinente par des vins formant des accords vibrants.

Ce dîner sera à marquer d’une truffe blanche dans nos mémoires.

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Dîner chez ma fille avec La Tâche 1995 jeudi, 20 novembre 2014

A l’occasion de l’anniversaire de ma fille cadette, nous lui avions offert des Silex de Dagueneau, vins qu’elle adore. Elle a envie d’en ouvrir un pour nous et nous invite chez elle. Le prétexte est idéal pour que je sorte de ma cave une grande bouteille.

Le Pouilly-Fumé Silex de Louis-Benjamin Dagueneau domaine Didier Dagueneau 2011
a un nez superbe de fruits blancs. En bouche il est tranchant comme un silex – justement – et se montre très civilisé. C’est du plaisir avec des sensations très minérales, une acidité superbe et bien dosée et un final long et cohérent. Le vin se boit avec beaucoup de plaisir. Il n’est pas trop l’ami des olives et de la poutargue. Il s’accorde bien avec le pain des amis, celui qu’utilise David Toutain. Je suis frappé par la gourmandise de ce blanc bien dessiné.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1995
a un nez qui promet monts et merveilles. Il est très évocateur de délices. En bouche, il faut s’habituer pour entrer dans un univers de subtilité, un peu comme lorsqu’on entre dans une cathédrale. Venant d’un monde païen, il faut du temps pour communier avec un monde de ferveur. C’est un peu cela, l’approche de cette Tâche, dont on peine à faire le tour de toutes les complexités. Alors, on se concentre, on écoute le message du vin. J’y retrouve petit à petit toutes les vibrations des vins du domaine. Le sel est là, discret, les fruits roses noirs délicats et les variations gymnopédiques à la Eric Satie. Ce n’est pas une Tâche qui passe en force, même si elle a du volume, c’est une Tâche sérieuse qui suggère. Le mieux à faire c’est d’écouter et de capter tout ce que l’on est capable de saisir. Sur un gigot d’agneau juste rose, des pommes de terre rissolées et des champignons, se crée une atmosphère paysanne que La Tâche aime bien. Les champignons conversent bien avec ce grand vin. Autour de la table le silence se fait car nul ne voudrait manquer une partie du message. J’ai plus reconnu ce qui fait la richesse suggestive du domaine que la spécificité de La Tâche car ce vin demanderait quelques années de plus pour prendre l’assurance qui sera la sienne.

Les amis ont apporté des tombereaux de pâtisseries plus engageantes les unes que les autres, dont un paris-brest qui nous entraîne sur des rails de bonheur. Le Vin de Paille La Vignière Côtes du Jura Henri Maire 1999 est un vin frais, sucré, sans lourdeur, gourmand comme une compote de raisins de Corinthe, qui accompagne agréablement les desserts.

Que dire des vins ? Si l’on juge sur la noblesse et la complexité, La Tâche reçoit la palme. Mais si l’on juge du plaisir immédiat et gourmand, c’est le Silex qui gagne. Les amis que je verrai le lendemain chez Michel Rostang pour un dîner de truffes blanches sont émus par La Tâche. C’est le Silex que je retiens. Mais le plus fort est bien la chaude atmosphère de ce dîner avec ma fille, ma femme et des amis.

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Le bouchon du vin de paille s’est brisé en deux. Le bas du bouchon porte des cristaux.

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le Paris-Brest

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Déjeuner de famille et dîner au restaurant Garance jeudi, 13 novembre 2014

Avec ma fille, pour un repas de famille, nous buvons un Champagne Billecart-Salmon Brut 2000. Ayant en mémoire l’extraordinaire Billecart-Salmon 1961 en magnum bu il y a peu, je suis un peu déçu que ce champagne, qui est bien fait, dégage aussi peu d’émotion. Il ne communique pas vraiment avec nous et reste sur un service minimum, comme le gréviste d’un service d’Etat. Dommage. Il faudrait vérifier si c’est ce millésime ou cette bouteille qui n’est pas au rendez-vous.

Nous sommes quatre pour un dîner de travail au restaurant Garance. Ayant l’initiative du dîner, je suis celui qui invite. Tomo, qui est de la partie, m’indique qu’il fournira les vins. N’aimant pas être en reste, je mets dans ma musette un vin de plaisir prêt à boire, pour que les vins ne perturbent pas nos discussions. Etant arrivé en avance pour que mon vin soit ouvert suffisamment à l’avance, je propose à Tomo qui a déjà ouvert ses vins que nous trinquions sur un champagne. Notre choix se porte sur le Champagne Egly-Ouriet Brut Grand Cru 2002
qui a été dégorgé en septembre 2011, après 98 mois de cave. Je ressens la même réserve que pour le champagne d’hier. Il est manifestement bien fait, la matière vineuse est belle, mais je le trouve sans énergie et sans envie de nous communiquer une émotion. Suis-je marqué par les dégustations récentes de très grands champagnes, c’est assez probable, car j’ai normalement un faible pour les champagnes Egly-Ouriet. De temps à autres, sur les brioches de Guillaume Iskandar le chef, le champagne se réveille et s’anime, mais le compte n’y est pas.

Comme chaque fois, je n’arrive pas à obtenir le menu écrit aussi suis-je un peu désemparé pour décrire la première entrée très goûteuse qui a accueilli le Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 2002. Quel vin magnifique ! Je suis toujours impressionné par la précision des grands rieslings et le mot qui me vient pour celui-ci est « cristallin ». Il est tellement brillant, gracieux, d’une acidité suprême très bien dosée, que je suis conquis. Ce 2002 est parmi les plus grands Sainte-Hune, un vrai bonheur.

Le homard aux petits légumes crus est hélas dominé par le gingembre et n’arrive pas à dominer au sein du plat beaucoup trop épicé.

André n’aime que les jeunes bordeaux aussi goûtons-nous un Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande 2009. Tomo, voulant faire un clin d’œil d’amateur de vins anciens, associe à ce vin un Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande 1952. La comparaison est intéressante. Le 2009 a une belle attaque généreuse dans le fruit qui procure un plaisir qui est remis en cause par l’amertume que l’on sent en fin de bouche, un peu trop prononcée. Le vin est franc et généreux, mais ce final lui nuit. Le 1952 a une attaque nettement moins tonitruante, mais il s’installe en bouche et délivre des complexités beaucoup plus grandes et une belle cohérence. Le son de ce vin est moins fort que celui du 2009, mais il apporte beaucoup plus de dialogue à celui qui le boit. Mon cœur va donc nettement vers le 1952 qui n’a pas une amertume aussi prononcée dans le final. Je comprends qu’André soit toujours du côté du 2009, mais ses certitudes vacillent grâce à cette comparaison.

La tête de veau associée à du poulpe est originale et gourmande. Bien grasse, elle cohabite très bien avec les deux vins qu’elle renforce.

Mon vin est servi maintenant, la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1996, qui met un terme à toutes les possibles incertitudes : s’il y a un vin qui est au-dessus de tous les autres, c’est bien celui-là. Cette Landonne est absolument exceptionnelle. C’est le vin parfait. Alors que j’ai chanté de nombreuses fois les louanges de La Turque 1996 vin confondant de puissance et de fruit, La Landonne me semble supérieure. Elle est très différente car elle ne passe pas en force. Elle joue les bourguignonnes et tout en elle est subtilité. Je crois bien que cette bouteille est au sommet de ce que peut donner la Landonne de Guigal. Nous sommes sur un petit nuage tant le vin est bon, très au-dessus de ce que j’attendais. Il a du velours, une mâche superbe, et une fluidité impressionnante. C’est un grand bonheur que de boire ce vin. Inutile de dire que le superbe lièvre traité en deux service est un régal avec ce vin.

Sur un brie à la truffe de la ferme des trente arpents, le Vin de l’Etoile Vieilles Vignes Philippe Vandelle 2011 est bien jeune mais judicieux. Il a des intonations de grappa car il est servi un peu chaud. Il a beaucoup de force, une belle présence avec ce côté très oxydatif des vins jaunes, même s’il ne l’est pas.

Le dessert au chocolat est très goûteux et plombant comme il se doit, aussi le Rivesaltes Ambré Fabienne et Pascal Rossignol 2009
est-il le bienvenu pour rafraîchir le palais. La force alcoolique est là, mais ce vin fait de grenache blanc et de grenache gris réussit à être léger avec de beaux fruits confits dans des tons oranges et bruns.

La profusion de plats et de vins n’a pas nui à la qualité de nos travaux. Il n’était pas question de voter dans cette atmosphère studieuse mais je classerai : 1 – Côte Rôtie La Landonne Guigal 1996, 2 – Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 2002, 3 – Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande 1952, 4 – Rivesaltes Ambré Fabienne et Pascal Rossignol 2009.

Ce fut un très beau repas.

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Dîner au restaurant Encore avec Latour 1907, La Tâche 1969, Haut-Brion 1926 et beaucoup d’autres samedi, 8 novembre 2014

C’est en mars 2001 que j’ai commencé à écrire sur un forum américain de vins, « Bordeaux Wine Enthusiasts ». L’intérêt d’échanger sur des forums croît lorsque l’on rencontre les membres dans la vie réelle. Des voyages aux USA, en Bourgogne et à Bordeaux ont permis de créer des liens d’amitié. Lorsque Tim s’est installé à Paris, très naturellement, il s’est inscrit aux séances de l’Académie des Vins Anciens. A l’occasion de la présence à Paris de Bill et Janet, un couple de texans avec lequel j’avais il y a dix ans, partagé de belles soirées, Tim me suggère un dîner avec ces amis, et annonce deux bouteilles à niveau assez bas, La Tâche 1969 et Haut-Brion 1926. C’est l’occasion de proposer de mon côté quelques bouteilles à risques, de niveaux qui peuvent représenter un danger, et je remplis mes musettes de sept bouteilles, avec l’idée que s’il y en a deux bonnes, mon apport sera satisfaisant.

Au restaurant Encore, dont le chef japonais est Masahide Ikuta, nous serons cinq, Tim, Bill et Janet, un ami français de Tim et moi. Dès 19 heures Tim et moi ouvrons les vins pour savoir lesquels seront retenus. Pour donner du cœur à l’ouvrage, Florian Perate, le sommelier du lieu me suggère un Champagne Pierre Gerbais l’Originale fait à 100% de pinot blanc. J’adore ce champagne léger, précis, de belle pureté, qui se boit facilement, d’une acidité joyeuse.

Les trois premières bouteilles de mon apport semblent encourageantes. Comme il y a profusion de vins, je n’ouvre qu’une seule autre de mes bouteilles, parce qu’elle est un symbole amusant. L’assiette où s’entassent les bouchons est noire de déchets de bouchons, dont ceux du Latour 1907 qui m’a posé énormément de problèmes, car le goulot de la bouteille est très resserré en haut, interdisant au bouchon de sortir entier .

Le menu nous est imposé, et nous rajoutons au menu de base les suppléments possibles, foie gras et truffe blanche : velouté d’héliantis au foie gras, écume de café / noix de Saint-Jacques au lard noir gascon, mousseline de carotte à l’orange et safran / lieu jaune de l’île d’Yeu nacré sur la peau, poireau, beurre blanc au Tosazu / pigeon, chou Kale, mousseline de panais / Mont-Blanc, crème glacée au pin de Gènes. La truffe blanche très odorante s’est retrouvée dans plusieurs plats.

Le Meursault d’un négociant de Beaune 1950
à la couleur légèrement ambrée a un parfum superbe et intense. Il a une belle acidité et une grande précision malgré ses origines modestes, et se signale par un final extrêmement long. Nous adorons ce vin que j’ai apporté. C’est une surprise.

A côté de lui, le Trebbiano d’Abruzzo Luigi Cataldi Madonna 2005
vin italien qui titre 13°, même s’il est agréable à boire, fait beaucoup trop simple à côté de la complexité du meursault qu’il met en valeur. Le 1950 réagit bien sur l’écume de café et sur le lard des coquilles.

Le lieu jaune n’est pas vraiment idéal pour les bordeaux, mais nous nous en accommodons. Le Château Latour 1907
que j’ai apporté a un nez extraordinaire. Il est impressionnant de personnalité. En bouche, son attaque est assez légère, mais tout se joue dans le final qui est remarquable. Tous les amis sont conquis par ce grand vin, qui aura attendu 107 ans avant d’être bu !

A côté de lui le Château Haut-Brion 1926, d’une année que je considère comme la plus belle que j’aie bu pour Haut-Brion, a une couleur incroyable. On dirait 2006 que l’on ne se tromperait pas sur la couleur. Son parfum est moins expressif que celui du Latour. Il a une belle attaque généreuse, fruitée et veloutée, mais son final est faible. En fait il lui faudra du temps car progressivement le final va s’assembler. Le Latour, de son côté, ne va jamais faiblir, se montrant éblouissant, même si ce n’est pas sur l’attaque ou sur le fruit qu’il brille le plus. C’est sa rémanence gustative et sa subtilité qui emportent nos suffrages.

Le Château Lafite-Rothschild 1988
est un vin bien construit, mais la proximité des 1926 et 1907 montre à quel point il est peu complexe comparé à ces deux anciens, exactement comme le blanc italien à côté du meursault. Lafite rattrapera ses aînés lorsqu’il aura des cheveux blancs !

Juste après les bordeaux et avant la viande, nous buvons le vin que symboliquement j’ai ajouté. C’est un Corbières, VDQS mis en bouteilles à Longjumeau des années 60, car il y a plus de quarante ans que je l’ai acheté dans un lot chez un épicier auvergnat. Il porte encore son prix : 4,00 F. Bien évidemment nous n’en attendons rien, mais nous sommes extrêmement surpris qu’il soit aussi précis, fruité, et agréable à boire. Aucune déviation n’en perturbe le goût. Contrairement à la chanson de Georges Brassens, le temps fait quelque chose à l’affaire, en bonifiant ce petit vin au point de le rendre plaisant. C’est le troisième exemple qui montre que « old is beautiful ».

C’est maintenant le grand moment, car nous allons boire deux vins de la Romanée Conti. Celui de Tim a un niveau très acceptable, alors que le Richebourg que j’ai apporté souffre d’un niveau très bas. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1953
a un nez assez époustouflant, nettement plus expressif que celui de La Tâche. Mais il a un côté perlant, avec une impression de pétillant, qui interdit de l’aimer. On ne peut pas demander l’impossible aux très bas niveaux. En revanche, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969, s’il n’a pas le parfum superbe du Richebourg a une tenue en bouche exemplaire, avec le caractère salin des vins du domaine et un velouté remarquable. C’est un très grand vin, de belle structure et charme intense.

Tim sert son Château Pavie 1975
et semble l’apprécier, mais je le trouve déséquilibré.

Le Coteaux du Layon Chaume Domaine Cady 1995
est très agréable, enveloppant, simple mais charmeur et bien réactif sur le dessert. J’adore son fruité très spontané. A côté de lui, le Château Filhot crème de tête 1990 est un grand vin mais trop lourd car le sucre est surabondant. Dans quelques années ce sera une autre affaire lorsqu’il aura tempéré ses ardeurs.

Mes amis ont voté pour Latour 1907 avant La Tâche 1969. J’ai fait le classement inverse. Ensuite, c’est Haut-Brion 1926 et le Meursault 1950 qui complètent le quarté. Avec douze vins pour cinq, nous avons poussé très loin les limites du raisonnable. Florian le sommelier est extrêmement sympathique, la cuisine est excellente. Le lieu est à recommander. L’atmosphère était superbe, ce fut un grand moment.

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la couleur des deux liquoreux (à gauche le 1990)

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il n’y a pas de photo du velouté. Un comté de 36 mois a été ajouté au menu.

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Déjeuner au restaurant Garance avec un Chambertin Louis Latour 1961 sublime mardi, 4 novembre 2014

Mon ami Tomo était devenu papa et nos folies s’étaient arrêtées depuis plus de six mois. Cela nous manquait à l’un et à l’autre. Je propose à Tomo que nous déjeunions ensemble. Il acquiesce et choisit le lieu : le restaurant Garance. Il annonce son vin le premier : Gevrey-Chambertin 1er Cru Clos Saint-Jacques Armand Rousseau 1969.

Je cherche dans ma cave des vins qui pourraient accompagner le sien et je choisis un Corton-Charlemagne Peyret Frères 1949 au beau niveau et dont la couleur est un peu ambrée, puis une bouteille absolument magnifique de couleur et de niveau, un Chambertin Grand Cru Louis Latour 1961. Mon emploi du temps ne me permettra pas d’ouvrir les vins longtemps à l’avance.

A mon arrivée, pendant que j’officie pour ouvrir les vins, Tomo me tend un verre de champagne que je trouve fort bon. Bien que je l’aie bu il y a peu de temps, je ne cherche pas à reconnaître. C’est le Champagne Dom Pérignon P2 1998. Il est intense, équilibré, avec une belle acidité, des fruits jaunes et une bonne mâche. Il a vocation à permettre au Corton Charlemagne de se refroidir dans un seau à glace.

Ayant salué le chef Guillaume Iskandar, j’ai vu sur son plan de travail des champignons qu’il associe normalement avec des seiches. Je lui ai demandé de nous préparer une assiette de champignons sans rien d’autre pour le vin blanc.

Nous commençons par la traditionnelle brioche avec une crème épaisse et goûteuse qui met en valeur le Corton-Charlemagne Peyret Frères 1949. Sa couleur dans le verre est nettement moins ambrée que ce que j’avais vu à travers le verre de la bouteille. Le nez est profond, intense, évoquant des fruits confits. La bouche est gratifiante car le vin est très carré, solide, structuré. Il a des fruits confits, une belle acidité, mais tout se joue dans le final qui expose tous les agrumes que l’on pourrait imaginer : orange, sanguine, pomelos et citron vert, le tout étant suggéré plus qu’imposé.

Les champignons donnent au vin une ampleur extrême. Le vin a relativement peu de complexité malgré ce final excitant mais il est solide et très riche. Il n’évoque pas trop un Corton-Charlemagne mais on peut dire que c’est un grand vin de grande vitalité et sans trace d’âge.

Guillaume le chef qui connaît mes goûts a ajouté aux champignons de fines tranches de saucisse de Morteau et sur ce blanc, c’est un régal incroyable.

Le lièvre sera présenté en deux services. Trois morceaux différents et une sauce diabolique, puis le deuxième service en un effiloché de chair, sur une sauce encore plus forte. C’est un régal complet.

Le Gevrey-Chambertin 1er Cru Clos Saint-Jacques Armand Rousseau 1969
est clairet. Le nez est extrêmement expressif et m’évoque des vins de la Romanée Conti. Et cette impression se retrouve en bouche. Le vin est salin, très bourguignon et je suis sûr qu’à l’aveugle j’aurais dit un vin de la Romanée Conti, par exemple une Romanée Saint-Vivant. Car l’amertume, la rigueur sont très proches de ce que je trouve dans les vins du domaine de la Romanée Conti. Il a une belle longueur, aucun fruit mais de belle variations vineuses sur un message strict.

Ce vin est le jour et la nuit si on le compare au Chambertin Grand Cru Louis Latour 1961. Car le chambertin est rond, riche, fruité, glorieux, plein, d’une mâche conquérante. Sa puissance est étonnante. Il est à l’aise sur toutes les composantes des deux plats de lièvre, mais c’est surtout sur les sauces qu’il trouve un écho fantastique. Tomo, comparant les deux vins, dit que l’on voit bien que le 1961 est un grand cru, comparativement au 1969. Le chambertin est indéniablement la vedette de ce repas. Il est fruité, joyeux, riche.

J’ai rapporté chez moi le reste du chambertin, qui a été chahuté dans les transports. Le dernier cinquième bu au dîner est noir, d’une matière lourde et dense et le vin est tout simplement divin. Ma femme, sentant le vin lui donnerait cinquante ans de moins ! Ce vin est immense.

Par hasard, Tomo avait trouvé un catalogue Nicolas de 1972. Des Grands Crus de 1961 se vendaient dans les 50 Francs, le Chambertin Grand Cru Louis Latour 1961 se vendait 150 F et la Romanée Conti 200 F. Le chambertin que nous avons bu était au sommet du tarif de Nicolas !

Ce déjeuner a relancé la machine qui nous fera partager des grands vins. Vite, lançons le suivant.

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Dom Pérignon P2 1998 et Corton Charlemagne 1949

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Déjeuner au restaurant Diane du Fouquet’s samedi, 1 novembre 2014

(décidément, mon appareil photo a du bleu à l’âme ! il faudra que j’apprenne à m’en servir)

Je suis invité au restaurant Diane qui est au premier étage de l’immeuble du Fouquet’s. La décoration est moderne et plaisante, les tables sont espacées. On se sent bien. Le menu du déjeuner est d’un prix attractif. Les plats que je choisis sont : la courge « Jack be little », foie gras et châtaignes, chantilly à la Cazette / le brochet en mousseline, écrevisses, chou rouge, sauce Nantua / fromages.

Au déjeuner, c’est le champagne qui convient le mieux si l’on veut pouvoir travailler ensuite. Il y a un choix acceptable, avec une valorisation assez forte des plus grands champagnes. Etant chargé de commander le vin, je pointe une Cuvée Louise 1999 mais le sommelier m’annonce qu’il a des 2002 qui ne sont pas à la carte, et me les conseille. J’acquiesce évidemment.

Dès les amuse-bouche, on sait que l’on est face à une cuisine raffinée et talentueuse. Le velouté de courge est présenté dans une citrouille, Halloween oblige. Il est délicieux et les composantes du plat sont d’un rare équilibre. Le brochet en mousseline est superbe mais c’est surtout la sauce Nantua qui est une vraie merveille de gourmandise. Cette cuisine vaut facilement deux étoiles.

Le Champagne Pommery Cuvée Louise 2002
m’épate par sa joie de vivre. Il a une prestance, une opulence de bon aloi et se permet d’être en même temps frais, fluide et gourmand. C’est un champagne de grand équilibre et de charme. J’ai senti des fruits jaunes mais aussi des pâtes de fruit qui épaississent le champagne, lui donnant étoffe et longueur. C’est un grand champagne et cette bouteille se place au-dessus de la mémoire que j’en avais.

Le service est attentionné, l’ambiance est agréable. Voilà un restaurant à recommander.

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Deux repas avec mon fils jeudi, 30 octobre 2014

Mon fils passe avec sa mère et moi le dernier jour de son séjour en France. Pour le déjeuner, je repère en cave deux bouteilles qui me tendent les bras. L’une est en danger de mort car elle a perdu près de la moitié de son volume. L’autre a un niveau assez beau. Il n’y aura pas de miracle pour le Chambolle-Musigny Remoissenet Père et Fils 1937. Lorsqu’un vin a perdu trop de volume, la grande faucheuse a eu le temps d’œuvrer. Il y aura bien quelques sursauts de vie dans le parfum du grand malade, mais la cause est entendue.

En revanche le Châteauneuf-du-Pape Réserve des Chartes 1947 au niveau très satisfaisant a un parfum joyeux et avenant et une bouche toute en velours. Je ressens quelques effets de l’âge mais mon fils est enthousiaste. Et il a raison car le vin est vif, complexe, avec des évocations de fruits bruns. Sur un poulet fermier goûteux à souhait nous profitons de ce vin dont un exemplaire aussi vivant avait brillé lors du 150ème dîner.

Le soir, nous trinquons à l’envie de nous revoir bientôt avec un Champagne Perrier Jouêt Belle Epoque 1982. Le bouchon ne veut pas venir et se cisaille. Le bas du bouchon vient, après bien des efforts, au tirebouchon. Sa couleur est claire, sans trace d’âge, la bulle est active, le nez est subtil et engageant et en bouche, ce qui frappe, c’est la belle jeunesse et l’équilibre de ce champagne de joie et de bonheur. Il est beau, fin et racé. Sur des filets d’anguilles fumées, du saumon fumé et autres harengs, il est à l’aise et vibre, apportant sa douceur au mariage avec les notes iodées des poissons scandinaves.

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champagne superbe avec un beau camembert

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Dîner dans le sud avec de beaux 1996 samedi, 25 octobre 2014

Le temps de fin octobre dans le sud est radieux. Le soleil est fort. Je vais dîner chez un couple d’amis. Il a ouvert ce matin un magnum de Beaucastel 1996 et comme l’odeur lui déplaisait fortement, il en a ouvert un deuxième dans la foulée. Il me dit : « on devrait te statufier, car tu m’as permis d’éviter une erreur. J’aurais volontiers jeté le premier magnum, mais tu nous dis toujours de laisser au vin le temps de se reconstruire. Or maintenant, c’est celui que j’aurais jeté qui a le plus beau parfum ».

Nous sommes cinq, et nous commençons par un Champagne Les 7 Laherte Frères
qui a la caractéristique d’être fait avec les sept cépages de la Champagne, alors que la quasi-totalité des maisons de champagne s’arrêtent à trois cépages. Le champagne est très peu dosé, voire non dosé car son final citronné est très acide. Il a une attaque plaisante, mais le final resserre les joues. C’est un champagne bien fait mais peu charmeur. Nous grignotons trois présentations de viande de cochons espagnols Belota, tranches de jambon, lomo et saucisson. C’est délicieux.

Le Champagne Bollinger Grande Année 1996
a été dégorgé en décembre 2006. Le saut qualitatif est réjouissant. Il y a dans ce champagne une grande complexité et une belle mâche. La joie que nous procure ce champagne masque un peu l’analyse, car après plusieurs gorgées je me rends compte qu’une acidité anormale prend le dessus, alors qu’à l’ouverture le champagne était serein. On peut supposer que ce champagne n’a pas vieilli comme il aurait dû, ou bien que 1996 ne tient pas toutes ses promesses. A goûter de nouveau. Des toasts au foie gras poêlé font leur apparition et créent avec le champagne un accord de pure luxure, qui avantage le Bollinger.

Nous passons à table et un délicieux rouget fourré de tapenade est accompagné par un Champagne Collection La Côte en Bosses extra-brut domaine Dehours 2005. Si le champagne est plus léger, moins dense que le Bollinger, il apporte plus de plaisir, par sa jolie fluidité. C’est un champagne très agréable et frais, dégorgé en décembre 2012.

Nous allons nous partager quelques perdreaux chassés de peu et des confits de canard accompagnés d’une poêlée de champignons et d’une purée. C’est idéal pour les vins. Le Châteauneuf-du-Pape Château de Beaucastel magnum 1996 est un vin d’un rare confort. Il est tellement civilisé que c’est son velours qui emporte les suffrages. Très bien fait, au fruit joyeux, il est encore dans sa belle jeunesse.

Il faudra sans doute attendre avant de me statufier, car le magnum qui sentait mauvais à l’ouverture et dont le parfum surpassait à 21 heures la meilleure bouteille montre que la mauvaise odeur trouvée ce matin correspond à un vin moins équilibré que l’autre. Buvable bien sûr et qui donnerait du plaisir s’il était le seul servi, mais il n’a pas le velours et l’équilibre du plus charmant Beaucastel.

Par hasard, j’avais apporté une bouteille d’un autre 1996. J’aime que Vega Sicilia Unico 1996 soit ouvert au dernier moment, car on profite de la générosité de l’éclosion du goût. Ce vin est extraordinaire car il a une fraîcheur mentholée rare. Tout le monde est aux anges, car ce vin puissant, au fruit lourd, arrive à nous offrir fraîcheur, jeunesse et légèreté. C’est fascinant.

Ce qui m’a plu, c’est que le retour vers le Beaucastel après avoir bu un peu du vin espagnol montre encore mieux l’élégance discrète du vin du Rhône.

L’avantage avec la situation actuelle de la France, c’est que nous n’avons pas besoin de chercher longtemps pour trouver des sujets de conversation.

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Déjeuner au Yacht Club de France mardi, 21 octobre 2014

Notre groupe de conscrits se retrouve au Yacht Club de France. L’apéritif est composé de poutargue, de poulpe, d’encornets et d’olives vertes que nous grignotons avec un Champagne Moët & Chandon Brut Impérial sans année qui est extrêmement plaisant, chaleureux, aux jolis fruits dorés.

Nous n’avons pas notre salon habituel et nous déjeunons dans la grande salle à manger du club. Le menu est ainsi agencé : assiette de fruits de la mer / rôti d’agneau lardé, asperges vertes, haricots fins, pomme Duchesse / fromages affinés Eric Lefebvre / angeline au chocolat. La caractéristique de ce lieu, c’est que Thierry Le Luc est toujours à la recherche des meilleurs produits qu’il fait cuisiner par le chef. Et c’est réussi.

Le Chassagne-Montrachet La Maltroie Louis Latour 2010 est une heureuse surprise. Il est joyeux, plein en bouche, rondement fruité et il ne porte pas les signes d’une trop grande jeunesse. Avec les bulots et les langoustines à la mayonnaise, c’est un régal.

Le Château Beychevelle 1998 est très joli, avec une belle densité évoquant la truffe. Il est à la fois strict et généreux.

Le Château Figeac 1989 est un grand vin, raffiné, mais pas au niveau que j’attendais. C’est un vin noble. Les fromages sont superbes.

L’actualité politique de la France nous offre comme rarement des sujets à commenter. Nous avons passé, en un lieu agréable, un très beau déjeuner d’amitié.

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déjeuner à l’hôtel Pullman de Bercy mardi, 21 octobre 2014

Pour des raisons de proximité il m’arrive d’aller déjeuner à l’hôtel Pullman de Bercy. L’espace n’est pas mesuré, l’accueil est professionnel. Au menu, une assiette de champignons et une daurade. Un Puligny-Montrachet François Carillon 2010 a beaucoup de vitalité, un joli fruit entraînant. Il est manifestement joyeux et plein en bouche. Nous l’apprécions. On ne peut pas dire que cet endroit est une table à recommander, mais on peut y discuter affaires sans regretter d’y être venu.

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