Nous sommes à Venise et il fait beau. Venise accueille la quatorzième biennale d’architecture avec une multitude de lieux à visiter. Nous en choisissons deux. L’un est une corderie maritime, immense usine étalée sur des hectares et des hectares où l’on présente l’architecture de nombreux pays. L’imagination des architectes est sans limite. Les volumes des salles d’exposition sont impressionnants, avec des colonnes aux hauteurs infinies. Une pause déjeuner est faite au Ristorante Bombarde au sein de l’usine, avec des nourritures végétariennes. Le deuxième lieu d’exposition est dans un parc qui a été le site d’une exposition universelle. Il y a des pavillons pour chaque nation. C’est un site magique, longeant la lagune. Un café s’appelle Paradiso et mérite son nom.
Nous nous faisons beaux, car ce soir c’est fête. Nous allons dîner à l’hôtel Cipriani et nous sommes les seules personnes ne résidant pas à l’hôtel qui seront admises car George Clooney a réservé tout l’hôtel pour son mariage. On nous a jugés suffisamment importants pour qu’une entorse soit faite à cette réquisition. Lorsque nous nous présentons à l’embarcadère, des préposés font barrage à toute demande, mais le nom de notre ami est un sésame compris instantanément par le capitaine du bateau à l’invraisemblable dextérité dans les manœuvres d’accostage.
A l’approche du Cipriani, une bonne dizaine de bateaux de paparazzi sont en attente et lorsque nous débarquons, les flashs crépitent. Les photographes seront bien embêtés lorsqu’il faudra mettre des noms sur nos visages.
Nous sommes conduits au restaurant du Cipriani par Carlo Tofani, directeur du restaurant qui, briefé par Davide Bissetto, le chef que nous connaissons bien, nous traite avec des égards marqués, comme si nous étions plus importants que la cohorte qui va bientôt arriver.
Le sommelier Teseo Geri dit qu’il est allé voir mon blog et me montre un respect lui aussi marqué. Davide vient nous saluer, demande si nous voulons commander à la carte ou le laisser faire. Selon une coutume respectée à chaque voyage à Casadelmar lorsque Davide y officiait, nous laissons Davide choisir ce qu’il veut.
Un ami va noter le menu car aucun intitulé ne nous sera donné. Voici ce qu’il a griffonné : Granité de concombre, aspic pamplemousse, fraise et gingembre, tourteau de la lagune, Bloody mary distillé à froid, poivre Tabasco Worcester sauce / Julienne de tomate verte, concombre, pointe de menthe / Thon marine 8 heures avec du sucre, ventrèche, salade Wakamé, écume de clams, pain cuit vapeur au persil / Tortellini à l’osso bucco, gelée de whisky tourbé et bouillon dégraissé, fleur de safran / Risotto, mulet rouge, Porto, poire / Loup de mer confit à l’huile olive 60 degrés, côte de blette, réduction / Entrecôte Wagyu, sauce de ornella, salade choux rouge, oignon cuit au sel marin au vinaigre, glace de Burrata, réduction oursin, crevettes / Pomme rouge acide, bergamote, sorbet framboise, mousse groseille / Cassata amande, figue fraîche et sorbet, white and red grapes, Ricotta / Friandise datte pistache lime fève de cacao / Cacao et chocolats divers.
Davide est un chef à l’imagination débordante, aimant mêler des saveurs surprenantes, ce qui parfois pose des problèmes de choix de vins. C’est la première fois que nous le voyons ajouter autant d’alcools dans ses plats, ce qui est parfois difficile et parfois heureux puisque le Wagyu a été préparé au même vin que celui que nous avons commandé.
Avec l’aide de Teseo nous avons commandé trois vins, un champagne, un blanc et un rouge, mais Teseo, heureux de nous recevoir, en a ajouté cinq !!! La carte des vins comporte beaucoup de choix possibles. La collection de vins italiens est impressionnante. Certains prix sont raisonnables. D’autres s’adressent à une clientèle internationale aux moyens illimités.
J’ai choisi un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en 2008 alors que j’avais le choix possible d’un 2010. Au premier contact une petite amertume déviée me fait regretter d’avoir choisi le Substance au dégorgement le plus ancien, mais le champagne va se reconstituer dès qu’il est en présence des plats. Le champagne très typé, ambré, légèrement fumé, aime les saveurs qui le provoquent et il est mis à belle épreuve, au point qu’il se marie divinement avec la sauce au Bloody Mary.
Le vin blanc suggéré par Teseo est un Sterpi Derthona Vigneti Massa 2011 gentil mais trop court et trop jeune. Après avoir discuté sur ce qui pourrait le remplacer, nous avons eu une incompréhension car je voulais un riesling sec et le Clos Saint Urbain Rangen de Than domaine Zind Humbrecht 2006 est en fait terriblement botrytisé, avec le goût d’une vendange tardive. Il évoque Yquem, l’abricot, et n’a pas le tranchant qui conviendrait aux plats. Tant pis.
Le rouge que j’ai commandé est Ornellaia Bolgheri 2005. Ça c’est une bonne pioche. Le vin est d’un charme rare. Affirmé, avec un lourd alcool, il réussit l’exploit d’être d’un superbe velours. Sur les raviolis il fut divin ainsi que sur le bœuf plus ferme que ce que Wagyu suggère.
La vedette, c’est le Clos de la Coulée de Serrant Nicolas Joly 2011 vin glorieux dont l’accomplissement est très étonnant tant la Coulée de Serrant a besoin d’années pour s’exprimer. Le vin magnifique et joyeux a accompagné le plus beau plat du dîner, le loup qui vaudra à son auteur un beau paquet d’étoiles lors du prochain guide.
Nous avons eu un Cerasuolo d’Abruzzo 2012 vin rosé, suggestion extrêmement pertinente du sommelier qui a accompagné parfaitement le risotto au rouget.
La ronde des vins ajoutés a été si dansante que je ne sais plus très bien à quel moment chacun est apparu. Un Vecchio Samperi Ventennale Marco di Bartoli titrant 17,5°, vin liquoreux sec qui fait penser à un vin jaune ou à un Xérès, très fort et très percutant, probablement sur la pomme rouge très acide.
Lorsque Davide est venu nous rejoindre et s’est assis à notre table, Teseo nous a offert sur les délicieux chocolats un Porto Graham’s 1945 tout à fait étonnant, car ne montrant aucun signe d’âge et aucun indice de mûrissement. Un véritable régal avec des notes très fortes de tabac.
Nous avons été choyés, chouchoutés. La cuisine de Davide est talentueuse, mais difficile pour les vins. Il foisonne d’idées de combinaisons qui doivent être des casse-têtes pour les sommeliers. Nous avons eu un beau dîner avec le loup, les raviolis et le risotto qui sont des plats merveilleux comme le dessert mauve, signature colorée du chef.
Les plus beaux vins sont La Coulée de Serrant 2011, l’Ornellaia 2005 et le Selosse, sans oublier le gourmand Porto 1945. Le service fut exceptionnel et nous avons été royalement traités.
Bon, c’est bien tout ça, mais George Clooney, où est-il ? En fait la joyeuse bande du mariage de George, avec les flashs qui crépitent, est passée bien loin de nous au point qu’aucun bruit n’est parvenu jusqu’à nous. Seul Bill Murray a pointé son nez dans notre salle. Nous l’avons revu plus tard, lorsque la navette nous a fait accoster sur la place Saint Marc. Il titubait hors de l’eau, mais peut-être était-ce de la comédie ?
Petit déjeuner sur la terrasse surplombant la place Saint-Marc
happening dans l’un des sites de la biennale d’architecture
des vues plus inhabituelles de Venise
dîner au Cipriani – nous prenons un bateau navette du Cirpiani
le chef nous rejoint à table
retour par la navette