Archives de catégorie : vins et vignerons

Master Class « 25 ans de Carte Jaune en Magnum, surprise pour les 10 ans du Grand Tasting » vendredi, 4 décembre 2015

Addition payée au restaurant de l’hôtel Meurice, je repars vite au Grand Tasting pour assister à la Master Class « 25 ans de Carte Jaune en Magnum, surprise pour les 10 ans du Grand Tasting ». La présentation est faite par Dominique Demarville, chef de cave de Veuve Clicquot et Pierre Casenave, responsable développement et innovation de cette maison de champagne. J’ai l’honneur d’être à la table des présentateurs en même temps que Michel Bettane.

Le concept de Carte Jaune est apparu en 1874. Les vins très sucrés de la maison se présentaient toujours avec une étiquette blanche et une étiquette jaune a été créée pour différencier les vins secs. Dans l’esprit de ce vin d’assemblage de plusieurs années, la proportion est de 52 à 55% de pinot noir, de 18 à 20% de pinot meunier et le reste est en chardonnay. Ce qui est visé depuis 1874 c’est de proposer aux clients une constance de style, année après année, en jouant sur 5 à 8 années qui sont utilisées. La collection de vins de réserve est importante et le plus vieux vins de réserve est 1988, non totalement utilisé car ses propriétés sont remarquables.

Le Champagne Veuve Clicquot Carte Jaune magnum base 2009 est le vin qui se vend actuellement. Il comprend 56% de pinot noir, 18% de pinot meunier et 29% de chardonnay, ce qui, on en conviendra, est d’une arithmétique généreuse ! Il y a 36% de vins de réserve s’étalant sur les années 2008 jusqu’à 2000 et le reste, la base, est du 2009. Le dosage est fait à 10 g/litre. Le vin a été dégorgé en janvier 2015. Le nez est de noix, toasté. La bouche est fluide, avec un peu de noisettes. On sent le beurre, le toasté et un peu de fumé. L’amertume dans le finale est jolie. Ce champagne est gourmand.

Le Champagne Veuve Clicquot Carte Jaune magnum base 2004 comprend 52,5% de pinot noir, 19% de pinot meunier et 28,5% de chardonnay ce qui nous ramène à une arithmétique plus terrienne. Il y a 22% de vins de réserve, de 2003 à 1999. Le nez est magique. Il est large et joyeux. La bouche est fraîche. Il y a une belle fluidité en milieu de bouche. Le finale est un peu court. Le vin dégorgé en 2010 est d’une jeunesse folle et va gagner énormément avec le temps. Il a des fruits mûrs, des épices et des notes grillées.

Le Champagne Veuve Clicquot Carte Jaune magnum base 1995 comprend 55% de pinot noir, 16% de pinot meunier et 29% de chardonnay. Il y a 39% de vins de réserve s’étalant sur les années 1994 jusqu’à 1988. Il a été dégorgé en 2003. Le nez de ce vin est encore plus intense. Il est vineux, l’attaque est fraîche et le finale est d’une finesse rare. C’est un vin grandiose. Il y a les épices, le goût toasté, ce qui montre la constance du goût maison, et il est très tranchant ce qui fait qu’on ne sent pas le dosage.

Le Champagne Veuve Clicquot Carte Jaune magnum base 1990 comprend 57% de pinot noir, 13% de pinot meunier et 30% de chardonnay. Il y a 28% de vins de réserve s’étalant sur les années 1989 jusqu’à 1987. Il a été dégorgé en 2003. Le nez est follement toasté. L’attaque est fraîche encore une fois. Il y a du beurre, du toast et du fumé. Le finale est frais et noble, encore plus noble que l’attaque. C’est un vin de fraîcheur.

Dominique Demarville a voulu faire un cadeau pour les 10 ans du Grand Tasting et présente un vin mystère. La couleur est à peine plus dorée que les précédents mais le nez est incroyablement plus raffiné. Lui aussi a été dégorgé en 2003. Il y a des notes de citron, et une fraîcheur mentholée pour la première fois. Le style est boisé. On sent un peu de champignons, de belles épices, et c’est une bombe aromatique. Tout le monde se trompe d’année dans les réponses qui émanent de la salle ou de la table. Qui imaginerait que c’est un Champagne Veuve Clicquot Carte Jaune magnum base 1953 qui comprend 50% de pinot noir, 17% de pinot meunier et 33% de chardonnay ? Il y a 33% de vins de réserve. Ce vin est d’une grande jeunesse et d’une persistance aromatique extrême.

Quand on voit dans cette dégustation que chaque année plus ancienne est meilleure que les précédentes et quand on constate que la plus ancienne est de loin la plus spectaculaire, comment se fait-il qu’il n’y ait pas un appel pour que l’on boive les champagnes beaucoup plus tard. On sait que l’on en est dissuadé par des contraintes de stockage et des questions financières, mais quelle grande démonstration de l’apport inégalable de l’âge sur la valeur des grands champagnes.

Grand Tasting au Carrousel du Louvre débuts et déjeuner à l’hôtel Meurice vendredi, 4 décembre 2015

La séance de l’académie des vins anciens de fin d’année est traditionnellement placée la veille de l’ouverture du Grand Tasting, afin de permettre aux amateurs qui voudraient profiter des deux événements de le faire, même s’ils habitent en province.

C’est donc de bon matin, le lendemain de la 25ème séance de l’académie, que je me rends au Grand Tasting au Carrousel du Louvre. La générosité de Michel Bettane et Thierry Desseauve me permet de me rendre aux événements de mon choix. Une Master Class « le Génie du Champagne » offre de goûter des champagnes de plusieurs grandes maisons. Mais un déjeuner prévu de longue date ne me laisse que le temps de goûter deux des quatre présentés.

Le Champagne Louis Roederer Cuvée Cristal 2002 est l’assemblage de vins de 45 parcelles. Il a été dégorgé en 2008. Il a un nez de noix. En bouche on note la brioche, l’amande, et Jean-Baptiste Lecaillon, l’homme qui fait ce vin dit que l’on mâche la poudre de craie de la Champagne. Ce vin opulent est gratifiant.

Avant de m’éclipser, je goûte le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 2004 qui contraste avec le précédent. Il a une vivacité extrême, vin qui fuse comme une balle de fusil alors que le Roederer est plus gentilhomme.

Je marche vite vers le restaurant gastronomique de l’Hôtel Meurice car j’ai rendez-vous avec un vigneron et son épouse à 12h30. Le cadre du restaurant est magique, avec des marbres blancs et gris de toute beauté et des peintures qui suggèrent les repas plaisants du 18ème siècle galant. Je suis reconnu par le maître d’hôtel, et comme mes SMS, Whatsapp et autres mails restent sans réponse, après 13 heures je décide de déjeuner seul, et à l’eau. Les prix à la carte sont dissuasifs aussi mon choix est-il le menu du déjeuner ainsi composé : huître, racine au gros sel / légumes et fruits / bar, fenouil, riquette / camembert / vacherin aux agrumes / fruits et sorbets / mignardises. Une fois la commande passée, un message me confirme que nous nous sommes mal compris sur le jour de notre rendez-vous.

La restauration étant gérée par Alain Ducasse, on retrouve son style, qui a tendance à surjouer. Par exemple, si on demande de l’eau à une charmante serveuse, elle retransmet au maître d’hôtel, qui retransmet au chef sommelier, qui retransmet à son adjoint. Je caricature bien sûr mais pendant ce repas à l’eau j’ai quémandé de l’eau au moins cinq fois avant d’en être servi. Il faut dire que selon une particularité que j’avais trouvée aussi au restaurant Paloma à Mougins, on pose sur table des verres à eau bariolés ou colorés qui font qu’aucun sommelier ne peut voir si le verre est plein ou vide. Ils ne sont pas les seuls restaurants dans ce cas. Alors, on passe son temps à faire des gestes pour que quelqu’un prenne conscience que l’on a envie d’être servi.

L’huître arrive quasiment tiède ce qui laisse l’impression que le plat a été stocké en attente dans un lieu trop chaud. Je le signale à la charmante serveuse qui me dit que c’est voulu. Je lui fais remarquer que si on me l’avait dit, mon appréhension du plat eût été toute autre. On me sert ensuite une autre préparation d’huître fraîche et bien iodée qui est un régal. L’attention est charmante.

Un deuxième amuse-bouche arrive dans une sorte de réchaud. Sur une clayette à mi-hauteur, entre des blocs compacts de sel d’Himalaya d’un joli rose, des légumes variés cuits à la vapeur sont disposés. On les prend avec une minuscule fourchette peu pratique et on peut les tremper dans un bol d’une délicieuse sauce. Ce plat me ravit car il est ingénieux. Quel dommage que les navets soient trop amers.

Vient ensuite une assiette de légumes qui sent fort bon. Je demande si l’on ne s’est pas trompé. Mais non, le premier service était un amuse-bouche et celui-ci est une entrée. Les légumes sont goûteux mais il y a ici ou là et dans la sauce une amertume qui vient parasiter le plat.

Le bar est délicieux, et la peau est croquante à souhait et je me réjouis, mais il y a dans les légumes une acidité et une amertume marquantes. Alors, est-ce un parti pris du chef d’imposer à chaque plat sa dose d’amertume et d’acidité. Si c’est le cas, là aussi, l’expliquer serait apprécié.

J’avais eu la chance de rencontrer il y a quelques mois le chef pâtissier de l’hôtel Meurice qui a un talent remarquable. M’étant signalé, il est venu me saluer et a ajouté un dessert supplémentaire. Les deux desserts subtils et gourmands, aux saveurs claires m’ont ravi.

Il est certain que lorsqu’on est seul à table, sans personne à qui parler, on remarque des détails qui passeraient inaperçus en temps normal. Dans un cadre aussi prestigieux, le service gagnerait à être moins pompeux et plus efficace. Pour la cuisine je ne me prononce pas, car j’aimerais savoir si ces amertumes sont voulues.

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pour la dégustation, la maison Roederer avait apporté ses propres verres ! Chapeau

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à l’hôtel Meurice, ma table, proche d’une fenêtre était inondée de soleil, ce qui fait des ombres sur les photos

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Dîner au restaurant de Grains Nobles mercredi, 2 décembre 2015

A Grains Nobles comme au village d’Astérix, tout finit par un repas à quelques personnes, dont Pascal Marquet le maître des lieux, son prédécesseur qui a créé Grains Nobles en 1993, Bernard Burtschy et bien évidemment Aubert de Villaine. Nous sommes huit privilégiés. La charmante animatrice du restaurant logé en ces lieux nous fait essayer ce qui sera le repas de Noël. Il y a foie gras sur un lit de lentilles surmonté d’une figue éclatée, une superbe pièce de bœuf très tendre avec trois préparations complexes de champignons et un dessert léger aux fruits qui n’est probablement pas celui de Noël. Tout est délicieux.

Le Champagne Pierre Moncuit Vieilles Vignes Blanc de Blancs 2004 a un nez gourmand. Ce qui se retrouve en bouche. On le boit avec plaisir après ces rouges si jeunes. Il est un peu trop dosé mais il est de grand plaisir.

Le Meursault Domaine des Comtes Lafon 2000 est un peu plus qu’un simple « Villages ». Il y a du Premier Cru dans ce vin de belle acidité, très meursault.

Le Puligny Montrachet Les Combettes Domaine Leflaive 2000 joue un peu plus en dedans, un peu trop discret et manquant de vibration.

Le Gewurztraminer Grand Cru Hengst Josmeyer 2002 a beaucoup trop de sucre résiduel pour que le plaisir soit là. Il est un peu excessif.

La Brova Arbin Vin de Savoie Louis Magnin 2000 est un vin rouge très surprenant et qui me plait beaucoup car il a des accents de vins anciens. C’est un vin relativement frêle, avec des accents un peu fumés et de thé, mais qui ne me laisse pas indifférent. J’aime beaucoup cette mondeuse.

Le Château Bel Air Marquis d’Aligre Margaux 1982 a un nez glorieux, une bouche pleine et joyeuse, avec un grand talent. C’est un grand vin dont Bernard Burtschy est amoureux. J’ai trouvé un peu d’amertume et de torréfaction dans le finale qui ne limitent pas vraiment le plaisir.

Ce dîner « d’après match » qui suit une dégustation sérieuse me donne l’occasion de m’émerveiller de la science et de la connaissance de personnes comme Michel Bettane non présent ce soir et de Bernard Burtschy, tout aussi impressionnant. Partager ce repas avec eux et avec Aubert de Villaine est un vrai régal.

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Dégustation des 2012 de la Romanée Conti au siège de Grains Nobles mercredi, 2 décembre 2015

Pour la 23ème année consécutive, Aubert de Villaine présente les vins récents mis en bouteilles du Domaine de la Romanée Conti au siège de la société Grains Nobles. Aubert dit que c’est la seule présentation officielle qu’il accepte de faire et ceci est dû à l’amitié qu’il a pour le fondateur de Grains Nobles, école de dégustation et organisatrice d’évènements sur le vin.

Le millésime 2012 a été très chahuté. Mars fut très chaud et les trois mois suivants furent humides. Il y avait beaucoup trop d’herbe très humide dans les vignes. Le mildiou et l’oïdium sont apparus, avec des orages de grêle moins forts que ceux de la Côte de Beaune. Le montrachet fut à moitié grêlé. La floraison apparut un peu tôt et fut très longue : trois semaines contre trois jours en 2015. Il y eut de la coulure et du millerandage. On savait en juin que la récolte serait faible. Il y eut de la canicule fin juin et juillet très beau a permis de retrouver un travail normal en vignes. Août fut marqué par des orages et en septembre tout redevint normal. La récolte eut lieu fin septembre avec des raisins aux peaux très épaisses. La maturité s’accrut à toute vitesse. La vendange démarra le 21 septembre avec les cortons, puis à Vosne Romanée le 24. Le 26 une grosse pluie, et, divine surprise, cela n’eut aucune conséquence du fait de l’épaisseur des peaux ainsi que grâce au froid qui s’installa. La récolte fut belle au plan sanitaire. On a vu tout de suite que l’année ferait de grands vins, de belles couleurs. C’est un millésime plein de promesses.

Nous avinons nos verres avec un Beaujolais primeur vieilles vignes domaine de Vissoux 2015 dont l’odeur n’est pas noble, la bouche pâteuse. C’est un vin sans intérêt. Au passage je ressens la banane, assez discrète.

Il n’y a pas eu de Vosne Romanée premier cru cette année. Ce qui a été récolté est gardé pour les paulées et pour le personnel.

La dégustation commence par le Corton Grand Cru « Prince Florent de Mérode » Domaine de la Romanée Conti 2012. La couleur est assez foncée. Le nez est très délicat et racé. La bouche est gourmande, le vin est rond. Ce vin est l’assemblage de trois climats et Aubert de Villaine envisagerait bien de faire trois vins séparés quand le travail fait en vignes sera accompli dans ce domaine repris il y a peu en 2009. Il y a dans ce vin du poivre, du thé et une belle amertume. Il a tout pour bien vieillir. Je préfère l’attaque au finale, et de mémoire, je le sens plus noble que les cortons des précédentes années. On sent qu’il s’agit d’un grand vin.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2012 a une couleur un peu plus rose, et un nez plus intense. L’attaque est très fraîche et épicée. Le finale claque. C’est un vin vif. Je l’adore. Le nez est fumé, profond. C’est un vin ciselé. Il y a une gourmandise particulière car elle se combine à la noblesse. C’est une belle surprise de voir ce premier vin à ce niveau. Aubert de Villaine dit que l’Echézeaux monte en puissance avec l’âge des vignes. Il en est très content.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2012 a un nez moins joyeux et soufré, trop soufré. La robe est plus sombre mais a encore du rose. Le vin ne se livre pas tout de suite. L’impression de soufre se ressent aussi dans le finale. Il est dur, amer, beaucoup moins immédiat. Il se réveille un peu et découvre du fruit rouge, mais le plaisir n’est pas là. Aubert de Villaine dit qu’en revenant sur l’Echézeaux, on voit combien le Grands Echézeaux est plus grand, mais du fait de l’amertume, je n’ai pas de plaisir.

La Romanée Saint Vivant Domaine de la Romanée Conti 2012 a une couleur très proche de celle du Grands Echézeaux, à peine plus sombre. Le nez est très élégant. Il pianote des élégances aromatiques fascinantes, presque doucereuses. En bouche il est un peu perlant et n’a pas beaucoup de charme. Il me semble fermé. Il pinote. Il a un beau fruit, mais je n’ai pas de plaisir car pour moi il est dans une phase ingrate, avec de l’amertume dans le finale. On le sent noble avec du fruit et de la rondeur qui apparaissent, mais je ne suis pas conquis. Il faudrait le revoir dans dix ans, car il est très sur la réserve. Bernard Burtschy dit qu’il est cristallin et c’est à ce moment que je me rends compte qu’Aubert de Villaine et les experts, habitués à goûter des vins de cette jeunesse, les jugent pour ce qu’ils deviendront et sont laudatifs. Alors que personnellement, je note ce que je ressens, et manifestement ces vins sont trop jeunes pour donner un plaisir gourmand. Je me suis donc tu pour ne pas donner un éclairage qui ne correspond pas à l’angle de vue de ces sommités du vin.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2012 a une robe très belle et plus rouge. Le nez est riche et conquérant. Intense, il montre un peu d’amertume. En bouche le vin est conquérant, même s’il a encore du perlant. Le fruit est beau mais un peu amer. Le final est assez dur et rêche. Là aussi le plaisir n’est pas là. C’est à se demander si la recherche de la perfection ne conduit pas à retrouver les pratiques des anciens, dont les vins étaient ingrats pendant au moins une décennie. Ce vin sera à essayer dans une dizaine d’année. Il est beaucoup plus puissant et conquérant que la Romanée Saint Vivant. Bernard Burtschy et Aubert de Villaine disent que c’est un vrai Richebourg vineux et le trouvent délicieux. Quelqu’un parle même de suavité. Nous n’avons donc pas la même approche, car ces sommités se projettent dans le futur.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2012 a une robe très proche de celle du Richebourg. Le nez est extrêmement noble. La petite pointe de soufre est infime. L’attaque est très suave, et le vin montre charme et puissance. Le finale est amer. Le vin est très intéressant avec des épices. C’est un très grand vin, on sent qu’il a tout, avec une matière très riche. Le vin envahit la bouche mais limite le plaisir. Aubert de Villaine parle de verticalité du vin en pensant aux pentes de son terroir. Il y a du velours, de l’onctuosité, la longueur est impressionnante. La complexité est extrême et la palette aromatique très ample.

Il est à noter qu’après quelques minutes tous ces vins prennent de la rondeur et du fruit, au point qu’on se demande si l’on ne devrait pas servir les verres dix minutes avant chaque dégustation. Ce serait un gros problème de logistique.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2012 a une couleur plus rose. Le nez est très délicat, un peu réservé. Il y a de la douceur dans ce parfum. L’attaque est inouïe. Là, on est en face du sublime. C’est fou comme le déroulé du goût est complexe. Avec ce vin on côtoie la grandeur extrême. Le finale est très beau, avec un peu de groseille et de végétal suggéré. C’est une « vraie » Romanée Conti, faite de grâce et de légèreté. Elle est superbe et de grande complexité. On jouit de sa délicatesse la plus pure. Ce vin est magnifique et émouvant. Pour moi, les deux vins les plus gratifiants sont aux extrêmes de la gamme, l’Echézeaux et la Romanée Conti. La Romanée Conti est un vin de recueillement. Tout est vibrant dans ce vin. Si mon analyse différait jusqu’alors de celles de Bernard Burtschy et Aubert de Villaine, je suis totalement en phase sur ce vin formidable et déjà gourmand. Je n’ai trouvé en lui ni rose fanée ni sel. Ça viendra avec l’âge. En revenant sur La Tâche, je constate l’incroyable différence entre les deux.

Aubert de Villaine dit que les Romanée Conti actuelles n’ont rien à envier aux Romanée Conti préphylloxériques. Il signale l’étrangeté qui veut que les Romanée Conti de 1952 et suivantes jusqu’en 1956 issues de vignes très jeunes, se comportent aussi bien. La légende voudrait que des vieux ceps préphylloxériques aient été oubliés sur le sol et qu’ils aient influencé la complexité des jeunes ceps.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2012 n’a donné que 1.172 bouteilles ce qui est moins du tiers d’une année normale. La grêle de juin avec le mildiou, l’oïdium et le botrytis a entraîné la nécessité d’un tri très sélectif. Le nez n’a pas de signe réel de botrytis. Le vin est clair et frais. On sent le miel d’acacia qui est selon Bernard Burtschy le signe distinctif du Montrachet. Le vin est gourmand et noble mais il n’est pas puissant. Il est aérien et cristallin, avec un peu de miel. Il est surprenant car il est à la fois moitié sec et moitié botrytisé. Je reconnais bien le montrachet, mais moins tonitruant. Il a de belles fleurs blanches et la puissance arrive progressivement. Il sera grand. Sa persistance aromatique est extrême. Il n’a pas la puissance habituelle.

Les propos d’Aubert de Villaine respirent la recherche de l’excellence dans chaque élément qui conduira au vin. C’est un régal de l’écouter. Je crois beaucoup en ces 2012 prometteurs, que l’on doit attendre avant de les aborder. La sublime Romanée Conti sera un vin de légende.

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Présentation des vins de Pingus par Peter Sisseck à Lavinia mercredi, 25 novembre 2015

J’avais rencontré Peter Sisseck le propriétaire de Pingus, célèbre vignoble de la Ribeira del Duero en Espagne, lors d’un voyage œnologique organisé pour les propriétaires des mythiques Ferrari GTO. J’avais organisé pour eux un dîner à l’hôtel Bristol. Ils avaient aimé ce dîner et je les ai rejoints un an plus tard à l’occasion de ce voyage. Lors de la visite de Pingus, sans que je sache pourquoi, un courant amical est immédiatement passé entre Peter et moi.

Lorsque Bipin Desai a organisé une dégustation verticale des vins de Pingus à Los Angeles, j’ai rejoint cet événement qui m’a permis de mieux connaître ces vins. Nous nous sommes retrouvés à une dégustation au domaine de la Romanée Conti où nous avons dégusté une Romanée Conti 1956 qui a donné des frissons à Peter, puis à une extravagante dégustation de vins du domaine de la Romanée Conti où une bonne partie des vins présentés étaient probablement des faux.

Pingus fait partie des vins que j’achète chaque année. J’avais envie de revoir Peter et une idée m’est venue de créer un de mes dîners où des vins de Pingus côtoieraient mes vins. Juxtaposer des vins très modernes comme ceux de Pingus et des vins plus anciens sur des plats adaptés est un challenge que j’ai envie de relever.

Ayant appris qu’il y a le jour du dîner un déjeuner de presse animé par Peter Sisseck, cela me semble un joli complément d’expérience et la maison Lavinia me fait le plaisir de m’inviter. Nous sommes une petite vingtaine, au restaurant Lavinia, au premier étage de la célèbre boutique de vins. Peter Sisseck est avec Ann, son épouse. Nous commençons par une dégustation sans plat, avant le repas.

Psi Domaine Pingus 2013 a comme tous les autres vins une couleur presque noire. Le nez est d’une folle jeunesse. L’attaque est belle de cassis et de feuilles vertes. Le vin a un beau grain et une jolie mâche. C’est un vin généreux. Il a un peu d’amertume et de râpe. Il est plaisant et on l’imagine compagnon de gastronomie. C’est dans le finale qu’il manque un peu de rondeur.

Le Château Recheyron Saint-Emilion Grand Cru 2011 est d’un château que Peter a repris il y a peu d’années en association avec un investisseur qui possède un joli portefeuille de vignobles. Le nez du 2011 est extrêmement élégant et c’est un joli fruit rouge qui domine dans son parfum. Le vin a une belle attaque, ronde, plaisante et le finale très mentholé est très espagnol. On dirait que le vin a une attaque bordelaise et un finale espagnol. Le vin est quand même bordelais, très généreux.

Flor de Pingus Domaine de Pingus 2013 a un nez subtil dans la discrétion. L’attaque est curieuse comme si le vin cherche sa voie. Il y a peu de fruits et les tannins sont discrets. Le registre est tout en finesse. C’est un vin élégant avec un peu de végétal dans le finale. C’est un vin distingué, Peter l’aime et dit que c’est ce qu’il cherche à faire. Il ajoute que ce vin s’exprime mieux dans les années dites faibles comme 2013.

Pingus Domaine de Pingus 2013 a un nez profond qui manque un peu d’exubérance. Il est noble, l’attaque est soyeuse de fruits rouges clairs. Le finale n’est pas très généreux. A ce stade, car cela va changer ensuite, je ne trouve pas de saut qualitatif réel entre Flor de Pingus et Pingus qui est le grand vin recherché par les amoureux de jeunes vins de la planète. Le cœur de bouche est ample, très équilibré, racé. Le finale est poivré.

On sent que Flor de Pingus s’exprime mieux maintenant et que Pingus le dépassera dans quelques années. Avant le repas mon classement est : 1- Flor de Pingus, 2 – Château Recheyron, 3 – Pingus, 4 – Psi (lettre grecque illustrée par un vieux cep sur l’étiquette et qui s’explique par le nom de Peter).

Le menu préparé par le restaurant Lavinia est : risotto avec chipirons à l’encre de seiche / daube de chevreuil au vin de la Ribeira del Duero / Manchego et pâtes de fruits / Poire Williams pochée au vin rouge.

Le risotto crée un accord d’une extrême pertinence avec le Psi 2013 et lui donne une ampleur sensible. Ce vin devient charnu, au beau finale, grâce au plat. Le chevreuil est un peu trop sec et la sauce un peu fluette, mais cela n’empêche pas que se crée un accord qui transforme le Pingus. Il gagne en ampleur, il devient joyeux, élégant et résolument gastronomique. Il est à la fois gourmand et aérien. Ce vin s’écarte magistralement des excès parkériens, pour donner pureté finesse et élégance d’une bien belle façon. Peter nous explique qu’il cueille ses raisins quinze jours avant les autres. Ceci explique probablement – en partie, car il y a aussi le talent – cela. Une autre raison est sans doute que les vignes de Peter sont à plus de 800 mètres d’altitude. La fraîcheur et le fluidité des vins sont sans doute liées à la fraîcheur des lieux.

Le fromage et la poire n’apportent aucune valeur ajoutée aux deux vins associés, le Flor de Pingus pour le fromage et le Rocheyron pour la poire. Je suis assez sensible aux accords couleur sur couleur. Le risotto est noir, le chevreuil aussi et se sont accordés avec des vins très noirs. Le fromage et le dessert n’ont pas créé d’accord. Il ne faut évidemment pas généraliser mais j’aime signaler ces occurrences.

Peter va présenter ses vins aux étudiants du Cordon Bleu. Nous nous retrouverons ce soir pour le 194ème de mes dîners.

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Les 2014 de Bouchard Père & Fils et dîner au château de Beaune dimanche, 15 novembre 2015

Traditionnellement, la maison Bouchard Père & Fils organise un dîner de vins anciens lors du week-end au cours duquel a lieu la célèbre vente des Hospices de Beaune. C’est en effet un bon moyen d’avoir des acteurs du vin de tous les pays qui se rendent à Beaune pour cette occasion.

Presque tous les ans ce dîner s’accompagne d’une dégustation de vins récents. Cette année on pourra goûter des 2014 sous une tente montée dans le jardin du château de Beaune. N’étant pas considéré comme un spécialiste des vins qui ne sont pas en âge d’aller à l’école, je ne donnerai que des impressions flash sur ces bambins.

Monthélie Bouchard Père & Fils 2014 n’est pas très complexe, un peu court, avec un beau fruit. Comme c’est le premier vin, premier contact avec des 2014 alors que j’ai encore en tête de sublimes vins du dîner de vignerons, je suis revenu sur ce vin en fin de dégustation des rouges et je le trouve plus plaisant qu’au premier contact.

Beaune du Château Premier Cru Bouchard Père & Fils 2014 est plus rond, j’aime son équilibre. Il a un beau fruit et un final gourmand.

Beaune Clos de la Mousse Premier Cru Bouchard Père & Fils 2014 est très joli, plus confit. Peut-être un peu moins long que le précédent.

Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus Premier Cru Bouchard Père & Fils 2014 j’adore, mais je ne suis pas objectif car c’est un de mes chouchous. Il a un beau final où je sens un peu de tabac.

Volnay Caillerets ancienne Cuvée Carnot Premier Cru Bouchard Père & Fils 2014 est joli, un peu moins riche que le Beaune Grèves avec un beau finale plus fluide.

Le Corton Grand Cru Bouchard Père & Fils 2014 est riche. C’est un grand vin qui promet, avec beaucoup de matière.

Nuits-Saint-Georges Les Cailles Premier Cru Bouchard Père & Fils 2014 a un parfum extraordinaire. C’est un vin très séduisant, au beau finale et au fruit joyeux.

Clos Vougeot Grand Cru Bouchard Père & Fils 2014 a une très belle attaque généreuse. Il laisse une impression très positive.

Chambertin Clos de Bèze Grand Cru Bouchard Père & Fils 2014 a un nez assez vert. Il a une belle attaque. Le corps est moins précis que ce que j’aimerais, mais le finale est beau, un peu rêche et beaucoup plus assemblé que le corps.

Globalement pour les rouges mon impression selon une formule à l’ancienne, c’est « de la belle ouvrage ».

Traditionnellement chez Bouchard la dégustation des blancs suit celle des rouges car « blanc sur rouge, rien ne bouge, rouge sur blanc, tout fout le camp », là aussi c’est un vieil adage.

Meursault Les Clous Bouchard Père & Fils 2014 a un nez fermé, une bouche agréable et gourmande. Il est simple mais agréable avec un peu de café dans le finale.

Beaune du Château Premier Cru Bouchard Père & Fils 2014 a une bouche riche mais un peu épaisse. Le finale est frais et plus tendu. Il n’a pas beaucoup de charme à ce stade, lactique et litchi, un peu lourd.

Beaune Clos Saint-Landry Premier Cru Bouchard Père & Fils 2014 a un nez étonnant qui évoque les bonbons acidulés. La bouche est plus fluide. Il a plus de charme. Le final est de bonbon anglais et de saveurs lactées.

Meursault Genévrières Premier Cru Bouchard Père & Fils 2014 a une belle attaque, une belle fluidité aromatique et un finale fruité avec un peu de bonbon anglais.

Meursault Perrières Premier Cru Bouchard Père & Fils 2014 est très fluide, élégant au finale frais, long, élégant. C’est un très bon vin à la belle fraîcheur citronnée.

Corton-Charlemagne Grand Cru Bouchard Père & Fils 2014 a un très joli nez. L’attaque est très douce, suave. C’est un vin contenu mais élégant, tout en grâce. Le très joli finale est de citron et de zeste.

Chevalier-Montrachet Grand Cru Bouchard Père & Fils 2014 a une attaque épaisse et conquérante. Le vin est grand, superbe. On sent le potentiel, mais ce vin est à peine formé. Il a tant d’avenir ! Le finale est bien gras et opulent avec des zestes. C’est un très grand vin.

Montrachet Grand Cru Bouchard Père & Fils 2014 a un nez noble encore discret. L’attaque est particulièrement généreuse et opulente. Il a une très belle acidité et un finale citronné. C’est un grand vin au finale un peu discret. C’est un vin de plaisir.

Les blancs de 2014 sont un peu plus durs à juger pour moi car leur jeunesse est folle. Globalement, j’aime le style de Bouchard Père & Fils. Des experts auront sans doute d’autres avis mais peu importe, ce survol rapide est intéressant et montre que Bouchard Père & Fils travaille avec élégance et offre un portefeuille de terroirs qui est unique en Bourgogne. Longue vie à ces 2014.

Nous nous rendons ensuite à l’Orangerie du Château de Beaune pour le dîner de vins anciens. Nous sommes accueillis par Gilles de Larouzière qui succède à Joseph Henriot à la tête de son groupe et par Christian Albouy directeur général. Le thème du dîner est particulièrement original. Il s’agit du 240ème anniversaire de l’acquisition par la maison Bouchard de la parcelle de Volnay Caillerets, vin que nous boirons ce soir. Nous sommes plus de soixante personnes, de toutes nationalités. L’apéritif se prend debout avec le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996. La première coupe que je prends a un final de café, voire de liqueur de café et je vais vite prendre une autre coupe pour goûter comme il convient cette cuvée que j’adore. Le vin est frais, joyeux et convaincant. Mais à mon grand étonnement le service de ce vin n’est pas poursuivi et l’on nous sert un Champagne Henriot Brut Blanc de Blancs magnum sans année qui est bien agréable est fluide. La raison serait qu’il y a un problème avec plusieurs magnums des Enchanteleurs. Il va falloir que j’ouvre l’un de ceux que j’ai en cave pour savoir s’ils ont le même problème.

J’ai la chance d’être à la table de Gilles de Larouzière en même temps que Michel Bettane et de Bernard Burtschy. Avec eux, c’est comme si j’ouvrais une énorme encyclopédie. Quelle est la limite de leur savoir ? Nous ne l’avons pas atteinte, Gilles de Larouzière et moi écoutant avec intérêt ce festival de culture et d’histoire de la Bourgogne.

Le menu composé avec une pertinence rare par la cuisine du château est : velouté de courge et gourmandise de lard Colonnata / Saint-Jacques façon « carbo » / Presa ibérique, champignons du moment, cerfeuil tubéreux à la truffe / Cîteaux / Choco Bailey’s et orange.

Le Meursault Genévrières Premier Cru Bouchard Père & Fils 2005 me subjugue. C’est un choc. Je regarde mes voisins de table, cherchant à savoir s’ils sont aussi émus que moi. Ils trouvent évidemment que le vin est grand, mais je pense être le seul devant une image de la perfection. Le nez est parfait, riche équilibré, fou comme une corne d’abondance. La bouche est parfaite aussi, d’un équilibre aromatique de première grandeur. Alors que j’ai eu mon content de grands vins lors du dîner de vignerons de la veille, je suis comme l’ado boutonneux qui rencontre son premier flirt. Je suis tétanisé par ce vin qui joue avec une justesse rarement rencontrée. Il y a certainement un effet bouteille, mais pour atteindre cet équilibre il faut que le vin ait de très hautes qualités. L’accord avec le velouté est parfait, enrichissant encore le Meursault.

Le Chevalier Montrachet La Cabotte Grand Cru Bouchard Père & Fils 2001 n’a pas la même chance avec ses bouteilles. La première est coincée, fermée, désagréable et la seconde exhale le soufre à pleines narines. C’est Bernard Burtschy qui a la bonne idée. Il nous dit : « s’il y a un vin oxydé et un vin réduit, mélangeons-les et ça fera un vin équilibré ». Il a raison, car la fusion des deux exprime ce qui fait la noblesse si particulière de La Cabotte, vin que j’adore, du niveau du Montrachet. Si l’opération est réussie, je suis un peu triste de ne pas avoir La Cabotte au sommet de son art. Grand vin sans doute mais pas au rendez-vous.

Viennent maintenant les vins dont on fête le 240ème anniversaire de leur entrée dans le portefeuille de la maison Bouchard. Le Volnay Caillerets Ancienne Cuvée Carnot Premier Cru Bouchard Père & Fils 1971 arrive dans mon verre assez fermé, coincé, comme un linge que l’on tordrait, incapable de s’étendre. Il faut attendre longtemps pour qu’on puisse voir apparaître ce vin très racé, sans complaisance, dont l’amertume et l’acidité voisinent avec un fruit dans des tons de marron. Là aussi je ne suis pas totalement enthousiaste même si le temps passant le vin prend de la largeur et montre qu’il a devant lui un très bel avenir. La presa ibérique correspond à la partie ovale centrale de l’échine d’un cochon ibérique qui peut être du Pata Negra. Comme les autres plats, il s’est calé exactement sur le vin et a contribué à son retour en grâce.

Le Volnay Caillerets Ancienne Cuvée Carnot Premier Cru Bouchard Père & Fils 1959 résisterait à toute critique ou toute hésitation. Car nous sommes en présence d’un vin merveilleux, intensément racé, vif, cinglant, qui montre qu’il est loin d’avoir atteint son apogée. Il a un avenir brillantissime devant lui. C’est un bourgogne noble, qui ne cherche pas à séduire et convainc par ses amertumes et la richesse d’un équilibre que lui donne l’âge et le millésime exceptionnel. Je pense qu’il serait impossible dans une cave privée d’avoir un vin aussi vif. Bernard Burtschy et Michel Bettane pensent le contraire car leurs caves sont à 10° en permanence. Malgré leur avis d’experts, la vivacité du 1959 de ce jour me semble au-dessus de ce qui serait obtenu dans une cave de particulier.

La Maison Bouchard Père & Fils dispose d’un éventail de vins éblouissant. Et sa bibliothèque de vins anciens est unique. Dans une ambiance très amicale, nous avons eu la chance de goûter un 1959 mémorable. Mais c’est avec un vin jeune que j’ai connu un petit miracle, car l’émotion du Genévrières 2005 est un moment de grâce exceptionnel.

Le lendemain a lieu la vente des Hospices de Beaune. Vive la Bourgogne et ses vins magiques.

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Christian Albouy, Nicolas de Rouyn, François Audouze, Gilles de Larouzière

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Vieux Millésimes de vins doux naturels du Roussillon mercredi, 11 novembre 2015

Une association de producteurs de vins doux naturels du Roussillon (Banyuls, Maury, Rivesaltes) tient salon à Paris avec pour thème « Vieux Millésimes ». Rares sont les régions qui peuvent offrir autant de millésimes anciens, à l’instar de Madère. Le lieu de la réunion est particulièrement bien choisi, le « Cyclone Studio » dans le 13ème arrondissement. C’est un endroit ravissant qu’on ne peut pas soupçonner de la rue.

Je suis venu car je connais plusieurs domaines qui m’ont fait goûter dans le passé leurs nectars. N’ayant pas pour objectif d’éventuels achats, comme c’est le cas pour les professionnels présents, je n’ai pas pris de notes et c’est donc de mémoire que je retrace quelques impressions.

Je rends d’abord visite à Agnès de Volontat-Bachelet, dont la mère Paule de Volontat m’a initié aux vieux Maury. Le Maury Tuilé La Coume du Roy 1975 est vif et plein et très séduisant pour un jeune Maury. Le Maury Tuilé La Coume du Roy 1965 est très fluide. Le Maury Tuilé La Coume du Roy 1932 est vraiment très élégant avec un fraîcheur rare. Le Maury Tuilé La Coume du Roy 1925 que j’avais acheté assez massivement est maintenant plus dense et plus café que ceux que j’ai en cave mais il a gardé sa grandeur. C’est le 1932 que je préfère.

C’est Bruno Cazes, fils de Bernard Cazes que je revois avec un grand plaisir, qui représente le Banyuls l’Etoile que j’aime beaucoup. Le Banyuls l’Etoile 1949 est puissant, un peu réduit, évoquant café et caramel. J’ai toujours eu un faible pour cette maison en partie à cause du nom, car j’aime aussi particulièrement les vins de l’Etoile du Jura.

Les Vignerons de Maury font une cuvée spéciale, Chabert de Barbera. Le Maury Tuilé Chabert de Barbera 1985 est un Maury de grande élégance et complexité. Il est d’une belle vivacité.

C’est sur la suggestion d’Olivier Poussier que je suis allé goûter le Rivesaltes Ambré Maison Cazes 1932. C’est un vin d’une rare élégance et d’une incroyable fraîcheur. C’est un régal. Et la maison Cazes est chère à mon cœur, Bernard Cazes m’ayant reçu en ami lorsqu’il dirigeait encore son groupe familial.

Je ne connaissais pas la maison Gérard Bertrand qui propose de déguster plusieurs millésimes anciens. Le Maury Ambré Gérard Bertrand Legend Vintage 1929 est très frais et incroyablement floral. Il est d’une rare finesse.

Le Rivesaltes Gérard Bertrand Legend Vintage 1914 fait accomplir un saut dans le temps. On dirait qu’il est d’un siècle plus vieux que le précédent. J’adore les vins qui sont comme lui marqués par l’âge.

Il m’était impossible de ne pas visiter Mas Amiel ce domaine si beau et j’ai bu un Maury Tuilé Mas Amiel 1969 qui a la richesse, la profondeur et la densité de ce magnifique domaine.

Beaucoup de professionnels se pressaient à tous les stands car c’est assez rare d’avoir tant de grands vins de millésimes historiques. J’étais venu plus pour saluer des vignerons que je connais mais boire autant de vins agréables qui évoquent tantôt le café, le chocolat, les pruneaux, les zestes d’orange avec d’infinies variations de force, de richesse et de complexités, c’est un plaisir rare.

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Vins de Georges Roumier au restaurant Pages mercredi, 4 novembre 2015

Pour un prochain déjeuner, je réserve au restaurant Pages. Au téléphone, mon interlocutrice est surprise et me dit : savez-vous que le lendemain vous venez dîner ? Qu’importe. Remettre le couvert chez Pages est loin d’être une contrainte. Toujours prudente, mon interlocutrice me dit : « puis-je vous poser une question ? ». Elle m’annonce que le lendemain de mon appel, un club de dégustation organise un dîner en présence de Christophe Roumier et qu’il y a eu un désistement. Je l’arrête tout de suite : « s’il y a Christophe Roumier, j’arrive en courant ». Elle me demande : « voulez-vous que je vous dise le programme de la soirée ? ». Que m’importe, je viens, même sans savoir. Elle m’indique le prix de ce repas. Tout est sur les rails.

Le lendemain, je me présente assez tôt et le chef Teshi est en train de goûter des vins dans son bistrot « le 116 » qui jouxte le restaurant. Celui qui fait goûter les jeunes vins est François, un sommelier associé du Cercle Dr. Wine, la société qui organise le dîner de ce soir. On me tendra deux fois un verre de l’un de ces vins jeunes, mais j’ai l’esprit tourné vers le futur dîner. Je me rends au restaurant et me présente aux associés du Cercle, qui sont déjà présents. Il y a parmi eux des amateurs et des sportifs. Je règle le prix du repas et je demande si l’on accepte le cadeau que je veux faire d’un vin qui ne sera pas en compétition avec les vins du domaine Georges Roumier. L’ambiance est amicale. J’ouvre donc mon vin que je fais mettre au frais. Nous serons 18 participants répartis en trois tables de six. Il y a dans l’assemblée deux tennismen connus, un pilote de Grands Prix, une chanteuse, un grand nombre d’amateurs dont un ami des casual Friday. Christophe Roumier est présent et commentera ses vins s’il en a envie, François le sommelier qui assurera le service du vin complétant ses propos de très judicieuse façon.

Le Cercle Dr. Wine organise de tels dîners en invitant un vigneron à présenter ses vins. Ce sont donc des dîners à thèmes, avec les vins d’un vigneron présent. Le siège est à Dijon et j’ai pu constater que les relations des fondateurs du Cercle avec les vignerons sont très amicales.

Nous prenons un long apéritif debout avec du Champagne Delamotte brut sans année qui a été étiqueté, grâce à la gentillesse de Didier Depond en « Champagne Dr. Wine ». Cet apéritif permet de bavarder avec les uns et les autres. L’ambiance est très souriante.

Teshi a fait un menu pour les vins : terrine de faisan aux champignons / croustillant de homard, riz sauvage, sauce matelote / poulardes du Pâtis grillée , jaune d’œuf mariné, jus de volaille aux truffes / bœufs de maturation grillé, pommes soufflées, légumes de saison / fromages affinés.

Le Morey-Saint-Denis 1er Cru Clos de la Bussière domaine Georges Roumier 1997 a un nez soyeux, tout en douceur, fou de subtilité. En bouche tout se joue sur la subtilité. Le vin pianote ses douceurs. Une deuxième bouteille est bouchonnée. La troisième est toute en douceur. Christophe Roumier l’adore dans cette année subtile et discrète qu’est 1997.

Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Amoureuses domaine Georges Roumier 2008 est un vin très frais, envoûtant, à la longueur infinie. Il a une belle amertume. Il est vif, sauvage, géant. Il titille le palais avec bonheur. Je l’aime beaucoup plus dans la fragilité du service du vin frais que lorsqu’il est servi carafé, ce qui en fait un vin beaucoup plus assis. Alors, on trouve du tabac et l’alcool ressort.

Le Charmes Chambertin Grand Cru Christophe Roumier 1999 est tout en velours. Il a fond de douceur. Quelle force, ce qui peut paraître paradoxal quand j’ai évoqué sa douceur. Le vin est magique et son parcours en bouche est original : il n’y a pas de point bas. Il combine une grande force, des épices et un doux velours comme un vin qui ne voudrait pas qu’on le définisse. Elégant, sa râpe est belle. Ce vin est d’un grand potentiel.

Le Bonnes-Mares Grand Cru domaine Georges Roumier 1995 a un nez fumé et de viande légère. Mais le nez est influencé par le bœuf Wagyu dont le parfum nous entoure. Le vin est riche et je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il sera beaucoup plus grand dans quelques années.

C’est d’ailleurs intéressant de constater que le 1997 et le 2008 sont dans une jeunesse pétulante et brillent grâce cette folie sauvage. Alors que les 1999 et 1995 sont déjà des vins formés, plus civilisés, dont on se dit qu’ils seront tellement plus accomplis dans quelque temps. Et mon cœur balance vers ces jeunes fous, car les deux grands crus pourraient attendre, ce qui n’enlève évidemment rien à leurs extrêmes qualités.

Le Corton-Charlemagne domaine Georges Roumier 2003 a un nez un peu fumé. En bouche on retrouve ce côté fumé et des agrumes, avec du beurre salé et des notes lactiques. Je le trouve un peu austère alors que Christophe Roumier le trouve plutôt charmeur. Le vin n’est pas très aidé par la variété des fromages.

Le Château Saint-Amand Sauternes 1943 est le vin que j’ai apporté. La bouteille montre une couleur magnifique dans des tons de mangues. Le nez à l’ouverture était d’une grande subtilité dans les fruits exotiques oranges. Au service, la couleur dans le verre est belle, d’un acajou clair. Le nez est subtil et racé, de zestes d’oranges. En bouche si le vin a un peu mangé son sucre, il en reste suffisamment pour que le charme du vin conquière toute la salle. C’est un vin de bonheur. Le chef a fort judicieusement fait ajouter des mignardises aux noisettes pour accueillir ce vin.

Une fois de plus, la cuisine du restaurant Pages a été d’une rare subtilité. La poularde avec son jaune d’œuf et les trois morceaux de bœuf dont émerge la viande de Galice sont exceptionnels.

Les vins de Roumier sont dans l’aristocratie la plus belle des vins de Bourgogne. Les subtilités sont suggérées et ne sont pas imposées. Les vins sont joyeux, souriants toute en étant nobles. Une telle dégustation est un privilège. Christophe Roumier parle avec simplicité de ses vins. Les dirigeants du Cercle Dr. Wine sont charmants et entreprenants. Cette soirée aura probablement des suites. Tant mieux.

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dégustation de vins de Madère à Paris mardi, 27 octobre 2015

L’Institut du vin de Madère organise dans un grand hôtel parisien une dégustation de vins de Madère en « master class », avec Rui Falcao, critique de vins parmi les plus renommés du Portugal. Nous sommes assis à des petites tables et il y aura dix vins à déguster après un exposé absolument passionnant. Il est si clair que je vais essayer de retracer ce que j’ai compris et noté, qui n’est qu’une partie de ce qu’une quarantaine de personnes, des professionnels, ont appris.

Sur l’île de Madère, le vignoble produisant du Madère ne dépasse pas 460 hectares. Il y a six maisons de producteurs, ce qui est peu, qui n’ont pratiquement aucun vignoble en propre. Un producteur possède trois hectares et un autre moins de deux hectares. Le reste est possédé par 1.500 viticulteurs, qui vendent leurs raisins aux producteurs, un peu comme les vignerons de Champagne qui vendent aux grandes maisons. Le plus gros viticulteur a 11 hectares et le plus petit a trois pieds de vignes. Il est quand même enregistré à l’Institut du vin de Madère qui contrôle toute la chaîne de production.

Le vieillissement des vins de Madère est au minimum de trois ans dans des fûts de chêne dont aucun n’est neuf. Ils sont achetés à des viticulteurs européens. L’acidité est le mot le plus important pour les vins de Madère. Le vin de base est récolté entre 8,5° et 9° d’alcool mais ce facteur n’est pas important puisque le madère est un vin fortifié par addition d’un alcool pur et sans goût de 92° fait avec des raisins non produits à Madère. Le vin fortifié fera de 18 à 20°. La récolte se fait en surveillant l’acidité et non pas l’alcool.

Il y a quatre catégories de qualités : sec / demi-sec / demi-doux / doux. On obtient chacune de ces qualités en fonction du moment où l’on fait l’ajout d’alcool. Si c’est en fin de fermentation le vin sera sec et si c’est au début de la fermentation le vin sera doux.

Il y a cinq cépages. Le Sercial est toujours sec, le Verdelho est toujours demi-sec, le Boal (ou Bual) est toujours demi-doux, la Malvasia est toujours un vin doux et le Tinta Negra qui est un vin rouge contrairement aux autres qui sont blancs, qui représente 83% de l’ensemble du vignoble, produit les quatre qualités. La qualité d’un vin est alors indiquée sur l’étiquette de la bouteille. Le madère n’est jamais un vin d’assemblage des cépages et lorsqu’il n’y a pas de nom de cépage, c’est forcément du Tinta Negra.

Il y a deux autres cépages sur des surfaces très petites et des rendements ridiculement faibles que Rui Falcao préfère car ils sont exceptionnels, le Terrantez et le Bastardo, qui produisent tantôt du demi-sec, tantôt du demi-doux. On parle ici par cépage de 500 kilos de raisin par an !

Le vin de Madère se présente en trois types de fabrications. La première est celle des vins d’assemblages (des Blends), qui indiquent un nombre d’années un peu comme les whiskies 10 ans d’âge ou 20 ans d’âge. Il y a les 3, 5, 10, 15, 20, 30, 40 ans d’âge et on vient d’ajouter depuis peu une dernière catégorie, les plus de 50 ans d’âge. Le principe de l’assemblage est ainsi fait, en prenant un exemple du 10 ans d’âge : cela ne veut pas dire que les années mélangées ont toutes plus de dix ans, ni qu’elles ont une moyenne de dix ans, mais que le style du vin correspond à du 10 ans d’âge. Pour ce faire, le producteur présente un échantillon au comité d’agrément de l’Institut du vin de Madère qui a un pouvoir d’authentification. Le comité vérifie si les caractéristiques de goût et de complexité correspondent à ce que doit être le 10 ans d’âge de ce producteur. S’il n’agrée pas, le producteur devra revenir avec un autre échantillon. S’il agrée, les cuves seront toutes estampillées et auront l’agrément. L’institut passe tout son temps à agréer les différentes productions des six producteurs, le comité comprenant des producteurs et une majorité de membres de l’institut, qui veillent à perpétuer le style et la constance de goût de chaque type de vin sur le long terme depuis le 19ème siècle. L’Institut passe en permanence dans les six maisons pour contrôler les cuves. Les 3 ans et 5 ans représentent la moitié du marché.

La deuxième catégorie de vins de Madère est celle des Colheita, qui ne comporte pour le vin d’un seul cépage que des vins d’une seule année. Le vin doit passer au minimum 5 ans en fûts avant mise en bouteille, jusqu’à 20 ans. Au-delà de 20 ans, on passe à la troisième catégorie, le Frasqueira, qui lui aussi est fait d’un seul cépage et d’un seul millésime, mais gardé plus de 20 ans en fûts. Rui nous raconte qu’un producteur vient de mettre en bouteilles ses 1920 qui auront passé plus de 90 ans en fût. Cette catégorie très chère représente moins de cinq mille bouteilles par an.

Rui a ensuite parlé des techniques de vieillissement, avec un chauffage en cuves inox et serpentin entre 50 et 55° pendant trois à quatre mois et le stockage en fûts qui donne lieu à une très forte évaporation. Il est temps de passer à la dégustation. Nous irons du plus sec au plus doux. Rui nous fait rire car il nous demande ce que nous pensons des couleurs qui varient fortement d’un vin à l’autre et il nous dit : oubliez cela, car la couleur n’a aucune importance, ainsi que la couleur du vin d’origine, blanc ou rouge, qui n’influe en rien sur le goût. Il suffit de le croire.

Henriquez & Henriquez Sercial 2001. Comme il a le nom d’une année récente, c’est une Colheita. Comme c’est du Sercial, c’est un sec. Il a 45 g de sucre résiduel, ce qui n’est pas très sec, mais nous sommes à Madère et les doux dépasseront les 200g de résiduel. Rui ne veut pas parler de cette donnée, car il dit qu’elle n’est pas significative pour les madères. Il dit que l’on parle plus de degré Baumé que de sucre. Le vin a un nez de fruits jaunes et bruns, de reine-claude. Ce nez est doux et cohérent. L’attaque du vin est dans les agrumes, le zeste d’orange, l’abricot. L’acidité est superbe. Le final est de bonbon anglais avec de la peau d’orange. Ce vin sec est très agréable et simple à comprendre. On perçoit de la salinité et de la craie. Il a une très grande longueur.

Blandy’s Colheita Sercial 1995. Le nez est beaucoup plus vineux, pas très net et l’alcool se sent. La bouche est très différente du nez. Il y a de l’écorce d’orange, du pruneau et une belle acidité. Il est moins pur et moins brillant que le 2001, plus caramélisé. Le finale a de la peau d’orange, du zeste, du thé. C’est l’orange qui domine. Il a un goût de vin ancien.

Justino’s Verdelho 10 Anos. C’est un demi-sec d’assemblage 10 ans d’âge. Le nez est beaucoup plus discret. Il est difficile à définir. La bouche est beaucoup plus douce. Il y a de l’orange confite, du bonbon anglais qui marque le finale, acidulé avec un côté salin.

Justino’s Madeira Colheita 1996. Comme il n’y a pas de cépage indiqué, c’est un Tinta Negra. Il est demi-doux, indiqué sur la bouteille. Le nez est très fin, noble, distingué. La bouche est très sucrée. Le sucre s’impose. Il y a du thé, du pruneau avec un finale très frais, superbe. J’adore la fraîcheur malgré la sucrosité.

Borges Colheita Boal 1995. C’est un demi-doux. Le nez est aérien, de pâte de fruits. La bouche est superbe avec l’amertume des agrumes, très belle. Il y a un côté salin très fort. Le finale est d’agrumes et de sel. Il y a une belle acidité. C’est un vin très viril et très noble. C’est fou comme il paraît sec alors qu’il est doux. Le finale est superbe.

Blandy’s Colheita Bual 2002. Le nez est moins précis et évoque l’alcool. La bouche est gourmande, de pâtes de fruits, de confiture multi-fruits. Il est salin mais pas trop, il a une belle acidité. Le finale est gourmand et très fruité de fruits frais et rouges aussi, pour la première fois. Il a une très grande longueur salivante, on sent le curry et le miel. C’est un vin gourmand à la fraîcheur mentholée.

Comme nous avions six verres devant nous on nous demande de vider les quatre premiers verres pour accueillir les quatre vins qui finissent la dégustation. Quel dommage de verser les fonds de verres. Il est interdit à Madère de mélanger les cépages aussi ai-je commis le crime de faire un mélange des quatre premiers vins dans l’un des verres. Le résultat est superbe d’élégance, d’équilibre et de cohérence, surtout dans les agrumes. Rui n’en a rien su, ni Paula la directrice de l’Institut.

Barbeito Boal 20 Anos Ribeiro real. C’est un vin doux. Le nez est incroyablement floral, de fleurs blanches. Ce nez est intense, entêtant et mentholé. Ce nez est incroyable et il me tétanise. La bouche est raffinée, très concentrées de fruits confits, fruits caramélisés. Le vin est gourmand et de belle acidité. Le finale est très joli, frais tout en étant imposant. C’est un vin qui paraît très ancien, solide. Le nez est complètement fou. L’acidité est extrême et le rend frais. C’est un vin de méditation.

Borges Colheita Malvasia 1998. C’est un vin doux. Le nez est très frais malgré le sucre. L’attaque est de fraîcheur. C’est un bonbon acidulé, tout en douceur, avec du caramel du miel et du sucre caramélisé, du café. Le finale est de café et vanille. Le vin est très fort, lourd, jouissant d’une belle longueur et d’un très grand équilibre.

Henriquez & Henriquez Malvasia 20 Anos. Le nez est tout en douceur et charme. L’alcool est présent. La bouche est toute en douceur. Ce vin n’est que du bonheur, tellement intégré, cohérent, comme le 2001 du début. C’est un bonbon au miel. Il a une belle acidité et un finale de caramel, de thé. C’est un petit bonheur. Il est très monolithique, bâti comme un roc, mais il est heureux.

Barbeito Malvasia 20 Anos Ribeiro real. C’est le même vin que le précèdent mais d’un autre producteur. Il y a du laitage dans le nez que je ressens pour la première fois. L’attaque est merveilleuse de fraîcheur et de douceur romantique. Il a un charme extrême car il est énigmatique contrairement au précédent. Il y a du miel, du caramel, des zestes d’orange. Dans le finale il y a du tabac, du chocolat, et du miel. Il est plus élégant que le Henriquez & Henriquez car il est plus difficile à cerner. Le premier joue le confort, le second joue l’énigme. Il est plus racé et me plaît plus.

Que retenir de cette dégustation ? Que tous les madères sont tous différents. Il n’y a aucune corrélation entre le nez et la bouche. L’attaque correspond rarement à ce que l’on a senti. Les deux jeunes, le 2001 et le 2002 sont superbes, ce qui veut dire qu’on peut boire des vins jeunes. Le plus grand est de dernier des dix, mais la surprise la plus folle est celle du parfum du Boal 20 Anos qui m’a envoûté. Les madères sont incroyablement goûteux et frais malgré leur force alcoolique qui ne fatigue pas du fait de l’acidité. Comme à chaque fois que je fais cet exercice, je m’en veux de ne pas ouvrir plus souvent des madères qui sont d’une grâce incomparable. Merci l’Institut qui joue un rôle crucial dans la préservation de la qualité de ce vin fascinant d’avoir organisé cette belle dégustation.

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Verticale de 20 ans de Clos de Tart et dîner en l’honneur de Sylvain Pitiot samedi, 12 septembre 2015

Sylvain Pitiot, le directeur du prestigieux Clos de Tart a pris sa retraite cette année. Avec son successeur Jacques Devauges, avec les propriétaires du Clos, de la famille Mommessin, il a invité une trentaine d’amis, de distributeurs et agents et de journalistes pour célébrer ses vingt années à la tête du domaine. Sylvain m’avait demandé d’apporter un vin pour la fin de repas, aussi dès mon arrivée j’ouvre quatre bouteilles car il y aura quatre tables au dîner.

A 18h30 nous nous présentons dans la cour du Clos et peu de temps après nous commençons la dégustation des vingt millésimes faits sous la responsabilité de Sylvain. Sur des tonneaux redressés sont posées des bouteilles de trois ou quatre millésimes. On a appelé ces stands des « stations » et je peux affirmer que cette dégustation est tout sauf un chemin de croix.

Les premières stations sont dans un chais. Les autres sont dans l’une des magnifiques caves ancestrales du Clos de Tart. Nous sommes debout, ayant en main le verre de dégustation, le carnet de notes et un stylo. Il n’y a aucun pupitre, aussi la prise de notes est épique. Elle sera donc succincte.

Le Clos de Tart 2014 a une attaque très franche. Il a déjà une belle plénitude. Il est riche et épais. C’est une belle surprise de le voir si buvable.

Le Clos de Tart 2013 a un nez plus serré que le 2014. Il est plus fluide et plus frais. Il a un très joli caractère et un finale très noble.

Le Clos de Tart 2012 a un nez très minéral, d’ardoise. Il est plus fermé que les 2013 et 2014. Il est dans un stade de fermeture qui limite son charme. A attendre avant de juger.

Le Clos de Tart 2011 a un nez très frais. Le vin est romantique. Je ressens une petite amertume. Le finale est très racé mais le vin manque un peu d’opulence à mon goût.

Le Clos de Tart 2010 est plus gourmand et plus joyeux. Il a une belle plénitude et un bel équilibre. C’est un grand vin de belle râpe dans le finale.

Le Clos de Tart 2009 a un nez fruité. Le vin est très large. Il est à la fois frais et riche. C’est un grand vin.

Le Clos de Tart 2008 a un nez plus discret mais il a une belle attaque de fruit. C’est un vin frais, riche, au finale poivré. C’est un très grand vin, très généreux.

Le Clos de Tart 2007 se boit bien. Il est frais, léger, très agréable. Il a des similitudes avec les vins anciens d’années discrètes dont il partage l’élégance et la subtilité. Il a un très beau fruit. C’est l’expression élégante du Clos de Tart dans une année moins riche.

Le Clos de Tart 2006 est très différent. Il a une belle matière, de la fraîcheur et des fruits presque confits. Il est plus assis que les autres tant il est riche. C’est un grand vin.

Le Clos de Tart 2005 a une attaque de velours et de charme. Il a beaucoup de fruits et de plaisir. C’est un vin très précis. Le finale est un peu rêche, mais c’est agréable. Ce vin est de fruit et de fraîcheur.

Le Clos de Tart 2004 a un nez très fort et intense et paradoxalement on ne le retrouve pas en bouche car le vin est fermé, âpre, limité.

Le Clos de Tart 2003 a une couleur très noire. Il y a un peu de café dans son parfum. On ressent un peu de sucrosité. Ce vin d’une incroyable richesse ne me semble pas dans la ligne traditionnelle du Clos de Tart.

Nous changeons de salle de dégustation et les odeurs très fortes qui règnent dans la cave vont influencer la perception des parfums des vins.

Le Clos de Tart 2002 a un beau fruit très équilibré. Ce n’est pas un vin tonitruant, mais il est très agréable à boire. Son finale est gourmand.

Le Clos de Tart 2001 a beaucoup de fraîcheur et un fruit agréable mais un peu court. C’est un vin qui demanderait d’être en situation de gastronomie car je le trouve un peu fermé, au sucre perceptible dans le final.

Le Clos de Tart 2000 a un nez intense. Le vin est plutôt léger. C’est un vin qui se cherche. Son finale est très agréable et me pousse à l’aimer.

Le Clos de Tart 1999 est un vin qui me donne l’impression de ne pas être encore épanoui. On sent qu’il faut l’attendre encore plusieurs années afin d’en saisir toutes les qualités.

Le Clos de Tart 1998 est le premier vin de ceux que j’ai dégustés qui donne des notes animales dans son parfum. La bouche est fraîche et le vin est agréable, ne faisant pas partie des plus belles personnalités.

Le Clos de Tart 1997 est tout en velours et en douceur. Il a une belle matière mais joue surtout sur l’élégance. J’adore ce vin qui comme le 2007 a des intonations de vin ancien.

Le Clos de Tart 1996 a une très belle couleur d’un rouge glorieux. Le vin est d’un équilibre rare. C’est le plus plaisant à boire car il est plus mûr que tous les autres. Le finale n’est pas assez structuré pour mon goût mais c’est déjà un grand vin.

Ce qui est intéressant dans cette dégustation, au-delà de la constatation de la noblesse de ce vin béni des dieux, c’est que les petites années ou supposées petites sont les plus agréables à ce stade de leur jeunesse. Ainsi, 2007 et 1997 sont de très belles surprises. Le 2008 est un vrai bonheur et montre de grandes qualités. Les grandes années dépasseront les petites années, mais dans vingt ans sans doute.

Après cet exercice nous remontons dans la cour pour trinquer avec les autres participants. C’est un Champagne Pol Roger magnum 2002 qui nous est servi. C’est une remarquable réussite de l’année 2002, vin de charme mais de forte imprégnation. On le boit avec un infini bonheur.

Le dîner est placé. Je suis à côté de Didier Depond, président de Salon-Delamotte et à côté d’une jeune femme vivant en Suisse qui est Master of Wine. Le Grand Maître de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin est aussi à notre table ainsi que des américains et anglais, l’épouse d’un célèbre vigneron bordelais et un célèbre vigneron bourguignon.

Sylvain Pitiot fait un court discours sur l’histoire du Clos de Tart, protégé par la Vierge de Tart depuis 1141 quand il fut fondé par les moniales de l’Abbaye de Tart, dépendant de celle de Cîteaux. Jacques Devauges fait lui aussi un court discours de remerciement à Sylvain et souhaite poursuivre son œuvre.

Le menu préparé par Thomas Le Courbe est : escalope de foie gras de canard poêlé au cassis, craquant de pain d’épices / pavé de thon sauce vin rouge, carottes glacées, jeunes pommes de terre / demi pigeonneau farci basse température, jus simple / Cîteaux, Epoisses, Comté / mignardises.

Le Clos de Tart 2007 est un vin superbe, d’une fraîcheur rare et d’un beau fruité mais surtout, il est magnifié par un accord que je n’aurais sans doute jamais osé. La sauce au fort cassis est vineuse et propulse le vin à des hauteurs rares, lui donnant équilibre et un fruité magnifique.

Le Clos de Tart magnum 2005 a un nez superbe. Le vin est noble et racé. Son acidité est belle ainsi que sa matière. Le fruit un peu râpeux est puissant. Le 2005 a plus de structure que le 2007 mais c’est aujourd’hui le 2007 qui montre plus de charme et de velours. En fait il faudrait attendre vingt ans pour que le 2005 délivre tout ce qu’il a en devenir. On en a une idée grâce au poisson car le 2005 devient grandiose, strict mais grandiose. Michel Bettane dit que c’est grâce au 2005 que le Clos de Tart est remonté tout en haut de la hiérarchie des vins de Bourgogne.

Le Clos de Tart 2002 est difficile à caractériser. Il est très vineux, très fort mais manque un peu d’ampleur. Servi d’une deuxième bouteille, je suis face à un vin beaucoup plus plaisant, vin gracieux avec des petites notes de café.

Le Clos de Tart 1996 a une couleur très foncée, plus que celle du 1996 bu en cave. Il me donne une impression de vin âgé. C’est un grand vin de structure riche, évoquant la truffe noire. Il est fort, puissant, très racé, claquant en bouche et imprégnant. Il a fraîcheur et puissance, à l’aise sur l’excellent pigeon.

Le vin mystère peut difficilement cacher qu’il est Clos de Tart. C’est donc l’année qu’il faut trouver. Autour de la table, les candidats possibles sont 1985 et 1978. Quand je hasarde 1976, le vigneron bourguignon me répond : « non, pas 1976 ». Je n’insiste pas car c’était une hypothèse parmi d’autres. Sylvain nous demande si nous avons trouvé le Clos de Tart 1976, vin frais, fluide et très beau dans son épanouissement calme et mesuré.

Le vin que j’ai apporté est un Niersteiner Konigskerze Rheinhessen Bansa & Sohn 1959. Il est doux mais non sucré, aqueux, herbacé tendance artichaut, évoquant un peu la Suze. C’est un vin curieux, déroutant mais intéressant, qui a été diversement apprécié selon les tables car ce vin fait un peu du hors-piste et les quatre bouteilles avaient à l’ouverture des parfums dissemblables. Je voulais mettre un vin qui ne soit pas archi-connu de ces grands dégustateurs. Je suis peut-être allé trop loin dans l’inconnu.

Le menu remarquablement conçu avec des accords pertinents et dont l’audace a été couronnée de succès a parfaitement convenu aux vins. L’ambiance amicale et chaleureuse a permis à chacun de se réjouir de cette communion avec Sylvain Pitiot, qui a permis au Clos de Tart de rejoindre les étoiles du firmament bourguignon.

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Jacky Rigaux et Sylvain Pitiot

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les tables du dîner dans la salle du pressoir qui date de 1514

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le menu

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trois expressions caractéristiques de Sylvain Pitiot

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un peu de retard pour photographier le foie gras poêlé !

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le vin allemand 1959 que j’ai apporté

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