Archives de catégorie : vins et vignerons

visite dans ma cave avec Moët jeudi, 21 avril 2011

pour accueillir le responsable de la communication de Moët & Chandon, j’ai disposé sur la table quelques vins du groupe que j’ai bus.

pour déguster le Moët 1964 que j’ai préparé, j’ai choisi un verre ancien :

les vins que nous avons bus

Visite des vignobles Alion, Vega Sicilia Unico et Pingus mardi, 19 avril 2011

Visite des vignobles Alion, Vega Sicilia Unico et Pingus

1 – déjeuner au restaurant Rekondo à San Sébastian

Un ami fidèle, Jean, assidu de l’académie des vins anciens, a deux qualités qui intéressent ce récit : il travaille dans le monde du vin et il collectionne les voitures qui vont vite sur circuits. Il est l’un des organisateurs du tour de France des voitures anciennes qui donnent lieu à des compétitions acharnées entre les possesseurs des voitures les plus mythiques. J’avais fait pour certains d’entre eux, propriétaires de Ferrari GTO, le 52ème dîner de wine-dinners.

Jean m’accueille à l’aéroport de Biarritz, et au lieu de me conduire dans un de ses bolides, c’est dans une voiture de location que nous rejoignons à San Sébastian ses amis au restaurant Rekondo. Il y a dans ce groupe un couple d’américains qui sont aussi vignerons à Bordeaux, un californien, deux couples de chinois vivant à Londres et quatre chinois de Hong-Kong. Nous commençons par une visite de la cave du restaurant, de plus de cent mille bouteilles, qui possède plus de millésimes de Vega Sicilia Unico que le domaine lui-même. Les bouteilles sont rangées impeccablement et il y a beaucoup de bouteilles antiques qui me font saliver. Nous aurions pu déjeuner dans une salle à manger aménagée dans la cave mais il fait si beau que nous table est dressée dans la salle à manger inondée de soleil. L’apéritif se prend en cave, et un Txomi, Etxaniz, Txakoli 2010 est un tout jeune vin pétillant qui est si agréable à boire qu’on en reprend comme de l’eau. Je le trouve délicieux sur des anchois et des pibales ainsi que sur un agréable jambon pas trop gras.

Nous passons à table et c’est difficile de choisir lorsque des vins introuvables sont proposés à petits prix. Il y a plus de deux pages pour les millésimes de Marquès de Riscal. Nous jetons notre dévolu sur un Meursault Domaine des Comtes Lafon 2000 qui est extrêmement fruité et généreux pour un "Villages". Il se marie très bien au jambon, puis au risotto aux palourdes. Le vin suivant est Valbuena Ribera del Duero magnum 1998 qui est magnifique et gourmand dans sa folle jeunesse. Son équilibre est appréciable et il a l’apparente facilité des grands vins.

Ayant sympathisé avec le californien grand amateur de vins nous prenons pour nous deux une bouteille de Vega Sicilia Unico 1960. Nous avons bien fait car cela nous donnera l’occasion de voir la plus étrange des méthodes pour ouvrir une bouteille de vin. Le sommelier arrive avec un petit réchaud à gaz avec un support qui garde verticale une immense tenaille terminée pas des mâchoires en demi-cercle. La tenaille reste sur le feu pendant cinq bonnes minutes. Puis le sommelier prend la tenaille toujours verticale et enserre le goulot de la bouteille pendant trois minutes. Il enlève la tenaille et il suffit d’asperger d’eau fraîche pour que le goulot se sectionne sur une coupure très nette. Il badigeonne avec un pinceau pour enlever un éventuel copeau de verre et la bouteille sectionnée en bas du goulot peut être servie. C’est très étrange, mais ça marche. Le vin de 1960 est d’un beau rouge sang à peine moins dense que le 1998 plus noir d’encre. Le nez est puissant et l’alcool est sensible. En bouche, le vin est glorieux, complexe et puissant, ce qui va bien avec une magnifique pièce de bœuf particulièrement goûteuse. J’avais proposé aux amis chinois de Jean qu’ils se partagent un grand verre de notre 1960, mais à ma grande surprise ils ont décliné cette offre.

Je me suis fait la réflexion suivante en goûtant ces deux vins si dissemblables. Selon que l’on aime un vin dans sa jeunesse, on préférera le 1998. Si on aime les vins qui ont perdu du fruit mais offrent une complexité valorisante par son épanouissement, on ira vers le 1960. Tout me pousse naturellement vers le 1960. Mais je dois dire que ce 1998 est très tentant.

J’ai beaucoup discuté avec Lourdès, la fille du propriétaire des lieux et de la cave, qui rêverait que nous fassions des échanges entre nos trésors. Nous avons très bien mangé dans ce restaurant qui mérite le voyage, rien que pour boire des merveilles de leur cave. A suivre !

2 – dîner au restaurant Arzuaga

Nous roulons sur 400 kilomètres pour arriver à l’hôtel Fuente de la Acena à Quintinilla de Onésimo, l’un des hôtels les plus proches de Vega Sicilia que nous allons visiter demain. Les chambres sont assez modernes et froides. Avant de partir dîner puisque l’hôtel ne sert pas le dimanche soir, nous commençons par boire un champagne Bollinger sans année puis un champagne Moët & Chandon sans année, agréables à boire à ce moment de la journée. Ce sont des champagnes de soif. Nous nous rendons au restaurant Arzuaga, du même nom qu’une propriété viticole de la Ribera del Duero qui entoure le restaurant et un hôtel attenant. Pour être sûr que leur vin ne soit pas en compétition, la carte des vins n’a que celui-là : le Arzuaga. Les choix sont faciles ! Les amis de Jean ont apprécié plus que moi la cuisine très campagnarde de ce restaurant qui effectivement a proposé de belles cuissons. Un des amis m’a dit : "pour qu’un asiatique félicite des gambas, il faut vraiment qu’elles soient bonnes". Ils ont aussi apprécié les vins que je n’ai pas du tout trouvés à mon goût.

Le Arzuaga Fan D. Oro blanc 2008 donne la quasi certitude d’une mauvaise digestion, tant il semble monter à la tête, et le Reserva Especial Arzuaga Ribera del Duero rouge 2004 est résolument moderne, puissant, avec un fruit noir excessif et une amertume qui signe un vin de qualité approximative. Les gambas sont superbes, la viande, de l’échine, est délicieusement sauvage. Tout le monde semblait heureux, ce qui est le principal.

3 – Visite du vignoble Alion

Le lendemain matin, il fait très beau sur cette région située à 750 mètres d’altitude qui connaît de très nombreuses nuits glacées. L’américain qui possède un vignoble à Fronsac, venu avec une magnifique Alfa Roméo de compétition surpuissante constate qu’un de ses pneus est crevé. Le responsable : une fine vis de près de sept centimètres. Tout le monde pense à du vandalisme mais il est plus probable qu’il s’agit d’un malheureux hasard. Pendant que l’on cherche des solutions pour que la voiture et ses occupants puissent rejoindre Bordeaux, nous flânons le long du Duero. Ce qui m’a époustouflé, c’est que l’un des chinois vivant à Londres est toujours accompagné lors de ses périples automobiles par une camionnette marquée d’un joli sigle : "rocket racing" et deux mécaniciens. Ils ont porté main forte à l’ami américain qui, au lieu de mettre sa voiture sur une remorque du fait qu’aucun pneu de cette taille n’est disponible nulle part, a pu partir le soir avec son épouse vers Bordeaux. Souhaitons qu’ils aient rejoint leur point d’arrivée.

Xavier Ausàs Lopez de Castro, le directeur technique et œnologue du groupe de Pablo Alvarez nous guide. Sa passion a enthousiasmé notre groupe. Nous nous étions déjà rencontrés lors de dégustations de ses vins.

Nous commençons par la visite d’Alion, l’un des vins de la Ribera del Duero appartenant à Vega Sicilia. Nous prenons un café dans des salons de réception en attendant que les problèmes de l’Alfa Roméo se résolvent. La décoration est luxueuse et raffinée. Lorsque nous allons dans les chais, le luxe dans les investissements est impressionnant et semble excessif pour un vin qui est vendu autour de 25 €, mais la stratégie du groupe est de viser l’excellence quoi qu’il en coûte.

4 – Visite du vignoble Vega Sicilia et déjeuner au domicile de Pablo Alvarez

Le siège de Vega Sicilia est plus gardé qu’une banque. Là aussi, sur le parking, nous sommes à la merci du pneu grevé, attendant qu’une fumée blanche nous parvienne. Nous allons visiter un jardin japonais aux 700 espèces d’arbres différentes, où la particularité est que les arbres les plus rares sont protégés par des entrelacs végétaux organisés comme des parasols et distillant à rythme lent un arrosage nécessaire. Nous visitons ensuite les installations et il n’y a pas de mot pour décrire l’invraisemblable débauche de sophistication pour atteindre le vin le plus parfait. C’est au-delà de tout film de science fiction. Au lieu d’une séparation des récoltes en 29 parcelles, Xavier dispose de 80 cuves suivies par des moyens électroniques qui permettent à Xavier de suivre en temps réel ses cuves sur son PC, où qu’il soit dans le monde.

Xavier nous décrit les expérimentations qui sont faites en permanence pour ajuster les méthodes avec une réactivité totale. C’est un peu comme si l’on donnait à un grand chef d’orchestre l’occasion de diriger sous sa baguette l’ensemble des orchestres philharmoniques du monde.

Nous visitons ensuite parce que c’est spectaculaire pour des touristes la fabrication à la main des tonneaux de chêne américain, puisque Vega Sicilia favorise ces chênes. Nous visitons les chais de vieillissement. Valbuena n’est commercialisé qu’après quatre à sept ans en tonneaux puis en bouteilles et Vega Sicilia Unico après sept à neuf ans. On comprend donc pourquoi les surfaces de stockage sont immenses.

Nous visitons la petite chapelle consacrée du domaine et nous nous rendons à la maison privée de Pablo Alvarez, propriétaire du groupe, située au sein de l’immense étendue du siège, mais suffisamment à l’écart. Dans la salle à manger une table ronde de grande taille accueille une quinzaine de personnes. J’ai été frappé de constater que malgré la largeur inhabituelle de la table, nous avons pu nous parler sans que des groupes distincts ne se forment.

Le premier vin qui nous est servi est un Oremus Tokaji dry Mandolas 2007 fait à partir du cépage furmint, qui titre 13,5°. Ce vin serait introuvable en dégustation à l’aveugle. Il est fruité, précis, légèrement fumé et son élégance est remarquable. C’est un vin de grande qualité que j’adore. Il doit avoir un rapport qualité-prix redoutable. Il accompagne des asperges blanches recouvertes d’un fin filet d’huile d’olive. Nous goûtons ensuite les rouges de Vega Sicilia : le Pintia Toro 2008 est trop moderne à mon goût. Il pourrait bien évoluer, mais il est trop difficile pour moi à ce stade.

Le contraste n’en est que plus fort avec Alion Ribera del Duero 2007 qui est d’une élégance certaine et n’est pas dominé par le fruit. Plus délicat, je l’apprécie beaucoup. Le Valbuena – 5 Ribera del Duero 2006 a les mêmes caractéristiques que le 1998 en magnum que nous avions bu à San Sébastian. Il a beaucoup de fruit, mais bien ciselé et sa jeunesse s’accompagne d’une grande fraîcheur. C’est un vin magnifique. J’ai demandé à Xavier la signification du "5", mais je n’ai pas compris l’explication. Les trois vins que nous venons de boire sont du tempranillo à 100%, alors que le Vega Sicilia Unico n’a que 85% de tempranillo, ce pourcentage pouvant varier selon des années.

Arrive enfin ce vin que nous attendions depuis le matin – il est près de 16 heures – c’est le Vega Sicilia Unico 2000, le millésime qui se commercialise cette année. J’accueille ce vin d’un "wow" retentissant, car le saut qualitatif est majeur. Ce vin a tout le charme du Valbuena mais avec tout en plus. Il est d’une élégance et d’une complexité diaboliques. Tous les qualificatifs laudatifs s’appliquent à ce vin extrêmement puissant, au fruit noble, à la longueur extrême et à l’élégance rare. Ce vin vaut le voyage. Tous ces vins rouges ont accompagné un jeune agneau cuit à l’espagnole ce qui lui donne un goût sauvage très particulier comme celui d’hier soir. L’association est délicieuse, cela va sans dire. Nous finissons avec un Oremus Tokaji Aszu 5 puttonyos 2002 d’une précision extrême et d’une belle légèreté. Le domaine Oremus en Hongrie appartient à Pablo Alvarez qui nous rejoint pour le café. Félicité par tous de l’audace de ses investissements et de la qualité de ses vins, il nous a fait l’honneur rare de rester avec nous, car c’est un personnage normalement difficilement atteignable. Cette rencontre n’a été possible que grâce à Jean. Les membres de notre groupe qui visitent tous les plus grands vignobles de la planète ont dit à Pablo que jamais ils n’avaient été autant impressionnés par une visite de cette richesse et par la passion de Xavier.

5 – Visite du vignoble Pingus

Pablo et notre groupe regardent partir l’Alfa Roméo et nous retournons à notre hôtel pour nous rendre à pied au domaine Pingus. Peter Sisseck a créé ce domaine en 1995, date de sa première récolte qui fut immédiatement couronnée par des notes très élevées de la part de tous les critiques. Peter est d’origine danoise et a créé peu de temps après Flor de Pingus, qui n’est pas un second vin de Pingus mais un vin élaboré sur des parcelles distinctes de plus grandes surfaces, puisque Pingus ne dépasse pas quatre hectares et sept mille bouteilles. Peter nous dit que son domaine est à taille humaine et c’est vrai, car ce que nous visitons paraît étrange et lilliputien après Vega Sicilia. On dirait une maison de poupée. La philosophie est très différente, car ici le vin ne reste pas plus de deux ans en cave ou en bouteilles au domaine, ce qui est quatre fois moins que Vega Sicilia. Les deux vins sont en pur tempranillo.

Nous goûtons Flor de Pingus 2010 qui est équilibré et gourmand malgré son jeune âge puis Pingus Ribera del Duero 2010 qui, comme on peut s’y attendre est plus fermé que le Flor plus accessible. Mais il promet beaucoup et me plaît. Sa longueur est un don de la nature. Le Flor de Pingus 2009 est plus ensoleillé et joyeux que le 2010, et le Pingus Ribera del Duero 2009 frappe par sa "balance" dont Peter nous avait parlé lorsque nous étions dans la cour. Ce vin est d’un équilibre rare, déjà extrêmement accessible et si j’avais un seul reproche – mineur – à lui faire, c’est d’être presque trop parfait. Arrive enfin le Pingus Ribera del Duero 2000, qui est un vin magnifique, la démonstration du talent de vinification de Peter. Il est riche, encore outrageusement jeune, avec une belle amertume qui promet un vieillissement long. C’est un grand vin et Peter est content que je l’aime, car il me connaissait au travers de mes écrits et nous nous étions croisés il y a quelques années lors de primeurs à Bordeaux. Il m’a fait le plaisir de laisser croire que mon avis compte.

Peter est chaudement félicité par tous, et chacun demande comment accéder à l’une des sept mille bouteilles seulement de ce grand cru confidentiel. Ravi de cette journée nous rejoignons notre hôtel à pied.

6 – dîner à l’hôtel Fuente de la Acena à Quintinilla de Onésimo

Avant le dîner, le champagne Bollinger sans année est probablement affecté par un problème de stockage. Nous dînons à notre hôtel le long du Duero.

Jean commande un vin blanc Mar de Frades, Albarino 2009 qui aura, au mieux un succès d’estime. Peter Sisseck nous avait donné un magnum de Pingus 2006 et je suis interloqué. Comment un vin de 15,5° (excusez du peu) peut-il avoir cette douceur et cette précision ? C’est assez phénoménal et on se demande comment un vin aussi équilibré peut exister. Mais un des amis a l’idée de nous offrir un Vega Sicilia Unico 1999. Et la leçon est percutante. Alors que j’allais céder au charme redoutable du Pingus, le Vega Sicilia Unico vient nous montrer que l’on peut combiner charme et puissance avec une complexité déroutante au velouté incroyable. Ce vin est une énigme gustative permanente tant il brouille les pistes pour nos papilles attentives. C’est un vin immense. Un ami double la mise avec un autre Vega Sicilia Unico 1999 de la même caisse, avec le même accomplissement.

C’est à mon tour d’offrir et dans une carte assez pauvre, je choisis un Champagne Ruinart Brut beaucoup plus charmant que je n’aurais imaginé.

L’amitié entre membres du groupe s’est renforcée sur ces deux jours inoubliables. Il est hautement probable que nous allons ajouter plusieurs chapitres à cette success story en envisageant d’autres voyages vroum-vroum mémorables. Les instants qui resteront plus particulièrement sont l’ouverture d’un vin au fer rouge, la stratosphérique folie investisseuse raisonnée de Pablo Alvarez, le charme et l’équilibre du Pingus et l’époustouflante complexité des Vega Sicilia Unico 2000 et 1999.

Visite à Pingus, Ribera del Duero photos lundi, 18 avril 2011

voici les installations, qui paraissent lilliputiennes après Vega Sicilia !

Peter Sisseck nous explique l’histoire de son domaine créé en 1995

chai de vieillissement

la dégustation dans le hall des cuves; de dos la fille de Peter, cavalière émérite

la cave avec quelques fûts en ciment

un domaine très attachant, à taille humaine, dirigé par un passionné

à Alion et Vega Sicilia Unico photos lundi, 18 avril 2011

Visite à Alion

Xavier, l’oenologue du groupe Vega Sicilia

Visite à Vega Sicilia Unico

Le jardin japonais

Xavier devant le tableau de bord de ses 80 fûts

la fabrication des tonneaux de chêne américain

le stockage en fûts (on voit par le personnage à peine visible la taille du fût de vieillissement) puis en bouteilles

la chapelle

le repas dans la maison de Pablo Alvarez

la maison

la table qui malgré sa taille a permis à tous de discuter ensemble

les vins

les plats

les magnums de VSU ont des tableaux d’art moderne espagnol reproduits sur l’étiquette. Les originaux sont aussi au domicile de Pablo Alvarez.

Pablo Alvarez nous rejoint

visite à Pommery photos lundi, 11 avril 2011

un lieu à l’architecture très originale

la Villa Louise qui sera le siège de grands repas de vins rares

lors de la visite, vue sur la cathédrale de Reims

deux gigantesques tonneaux. Celui de droite a été fait par Gallé pour une exposition aux USA

.

.

ça surprend de voir un éléphant dans cette position !

de même que des hippopotames dans les galeries rémoises, c’est inhabituel !

un manège

mais dans les 2 kms de galerie, il n’y a pas que de l’art : on y travaille aussi

je n’ai pas descendu le grand escalier

les caves de vins antiques, dont le 1874 qui est un symbole de la maison Pommery car ce fut le premier vin non dosé de toute l’histoire de la champagne. J’ai vainement essayé de convaincre Nathalie Vranken de la boire avant qu’il ne soit trop tard.

les vins du déjeuner

les couleurs sont intéressantes; de gauche à droite Pommery 1959, Diamant 1985 et Louise 1989

bouchon du Pommery 1959 et à côté celui du Chateau Chalon 1934

les vins du repas

quelques plats

notre table

photo avec le chef

déjeuner au siège du champagne Pommery lundi, 11 avril 2011

Depuis déjà quelque temps Nathalie Vranken, propriétaire avec son mari Paul-François du groupe éponyme, m’avait proposé de venir déjeuner au siège du champagne Pommery. L’occasion se présente et je suis accueilli par Stanislas Thierry directeur du développement et par Thierry Gasco chef de cave et œnologue de la maison Pommery.

Nous visitons un ensemble immobilier assez surréaliste aux architectures audacieuses. Les structures métalliques en poutres rivetées et les briques donnent une image très industrielle à des halls intelligemment conservés et adaptés aux nécessités de processus modernes. La plus grande cuve de maturation en inox peut contenir l’équivalent de cinq cent mille bouteilles. C’est assez impressionnant. L’est encore plus la visite des caves aux galeries de près de deux kilomètres, qui, d’une façon très originale et très réussie, abritent une exposition d’art moderne monumental. Il faut dire qu’avec des salles de trente-cinq mètres de haut, les artistes peuvent voir grand. Buren a personnalisé de façon durable une galerie. C’est bien vu.

Dans l’espace de réception de la maison Pommery, l’art est aussi à l’honneur dans des salles marquées par le style des années trente où le bois aux belles envolées domine. C’est idéal pour accueillir des tableaux résolument modernes.

Comme il fait soif après la promenade, nous allons au bar du cercle où nous est servi à température idéale le Champagne Pommery Cuvée Louise 1999. La démonstration est convaincante car ce beau champagne gourmand a plus de longueur et de consistance que ce que j’imaginais. Il est sans histoire, champagne de soif que l’on boit avec envie. Des propos échangés en cave, il paraissait probable que Nathalie Vranken ne participerait pas au déjeuner et ne nous rencontrerait qu’à l’apéritif. Quant à Paul-François Vranken, la chance de le voir à nos côtés était encore plus faible.

Lorsque le magnum de Champagne Pommery Cuvée Louise 1989 est débouché, la plus belle bulle qui éclot est Nathalie, souriante et pimpante, qui nous rejoint. J’essaie de faire comprendre qu’il faudrait absolument boire le Pommery 1874 emblématique de la maison avant qu’il ne meure, mais si je suis têtu, j’ai trouvé mon maître, car Nathalie considère cette bouteille comme la clef de voûte de sa maison.

Paul-François nous rejoint et j’aime son enthousiasme pour le 1989 qu’il apprécie de façon gourmande. C’est qu’il est particulièrement bon et je suis impressionné par la façon dont il claque en milieu de bouche. Il y a un coup de fouet gustatif du plus bel effet. C’est je crois le 1989 de Louise le meilleur que j’aie bu, ce qui montre l’effet bénéfique du stockage au domaine.

J’ai dans ma musette une munition pour le cas où. Quand je sens que Nathalie et Paul François pourraient rester déjeuner avec nous, je sors mon arme secrète, et bien sûr ce n’est pas cela qui a emporté la décision, mais cela a un peu aidé.

Nous passons dans la jolie salle à manger avec nos verres du 1989 qui devient de plus en plus brillant. C’est un beau champagne doré, aux évocations de fruits jaunes et de pâtisserie.

Le menu du cercle qui a changé en cours de route en fonction des vins ouverts est : Saint-Jacques et gambas, jus acidulé à la mandarine et à la pistache / joue de bœuf, fondue de raisins blonds, foie gras aux truffes / comté et tomme de Savoie / gâteau de riz de Liège.

Le Champagne Pommery Cuvée Louise magnum 1989 continue de montrer à table sa flexibilité gastronomique, trouvant un bel écho avec les gambas.

Le Champagne Diamant magnum 1985 se présente dans une belle bouteille biseautée évoquant les facettes du diamant. Il n’y a pas d’étiquette ce qui permet d’admirer le ciselé du flacon. Le vin est merveilleux. Sa couleur est blanche à côté du jaune très doré du 1989. Ce contraste est spectaculaire. Le champagne est merveilleux, montrant une noblesse remarquable. L’aisance du champagne est très nette. On pense aux vins de Guigal qui ont cette aisance qui est compatible avec une grande complexité. La joue de bœuf met en valeur l’aptitude du 1985 à briller à table.

Mon arme secrète est le Château Chalon Jean Bourdy 1934 qui est d’une année souvent considérée comme la meilleure du 20ème siècle. Et j’aime jeter un pont entre les vins jaunes anciens et les grands champagnes. Le lien se crée, mais c’est surtout avec le champagne suivant qu’une résonance va se créer.

Le Champagne Pommery magnum 1959 arrive avec son habillage normal au lieu d’être sans étiquette. On sent que la bouteille a vécu et Thierry regrettera d’avoir pris cette bouteille sortie de Reims et revenue à son berceau. Il eût préféré une bouteille restée en cave toute sa vie. Car le vin est poussiéreux. Mais dès que l’aération joue son rôle, le 1959 reprend son rang. C’est un grand Pommery. J’ai un palais fait aux très vieux Pommery. Celui-ci commence à entrer dans ce monde de délices. La main se tend entre le champagne et le Château Chalon sur le comté et surtout sur la tomme. Le 1934 est un des plus beaux Château Chalon de cette année que j’aie goûtés. Ce 1959 n’est pas aussi noble que le Diamant 1985, mais c’est un beau champagne d’un grand équilibre.

Je classerais dans ce déjeuner : 1 – Diamant 1985, 2 – Château Chalon 1934, 3 – Louise 1989, 4 – Pommery 1959. Mais une mention spéciale ira au 1999 qui est vraiment un champagne de plaisir.

Le dessert est accompagné d’un Late Harvest Porto Rozès 2007 jeune et claquant la langue, puis d’un Porto Rozès de plus de quarante ans au goût fruité comme un jeunot mais à l’assise et la profondeur d’un ancien.

Nous avons brassé des tas de projets dont un qui tient à cœur à Nathalie. Il s’agit des millésimes d’Or. L’idée est de mettre en valeur un patrimoine unique de vieux champagnes sur une haute gastronomie, comme je le fais dans mes dîners. Il y a des tonnes de belles pistes. Voilà qui va alimenter beaucoup de réflexions.

Les printemps de Châteauneuf-du-Pape samedi, 9 avril 2011

Le lendemain matin, un samedi, s’ouvre la deuxième édition du salon "Les printemps de Châteauneuf-du-Pape". Il se tient sur deux jours et il y aura une grande salle où les vignerons feront goûter leurs vins, des stands de victuailles et à cent mètres de là, dans la maison des vignerons se tiendront quatre ateliers sur deux jours de dégustations à thèmes. La raison de ma présence est que le dernier atelier sera consacré au vieillissement des Châteauneuf-du-Pape et donc aux vins anciens. C’est Laurence Féraud qui a eu l’idée de m’inviter.

Après une nuit qui avait gardé la pesanteur de l’événement de la soirée, et après un agréable petit-déjeuner dans la grande cuisine rustique de Gaëlle, mon hôtesse, je me rends à pied au premier atelier dont le thème est : "découvrir les terroirs des Châteauneuf-du-Pape à travers des vins 100% grenache". Georges Truc, oenogéologue nous parle des différents terroirs de Châteauneuf du Pape qui vont des calcaires crétacés aux basses terrasses du Rhône en passant par des sables et des terrasses aux alluvions à accumulation caillouteuse. Je n’imaginais pas une telle diversité de terroirs. Certains bancs de grès ne disposent que de moins de 3% de terre sur une épaisseur de dix mètres, ce qui impose à la vigne de profiter de toutes les failles, travail qui leur prend des décennies.

Nous goûtons huit vins pour essayer de sentir les différences de terroirs : le Châteauneuf-du-Pape Grand Tinel grenache 2010 et le Châteauneuf-du-Pape domaine du Caillou grenache 2010, les deux sur des terroirs de sables. Puis Châteauneuf-du-Pape domaine des 3 celliers grenache 2010 et Châteauneuf-du-Pape domaine de la Gardine grenache 2010, tous deux sur des terroirs calcaires. Viennent ensuite le Châteauneuf-du-Pape domaine Jean Royer grenache 2010 et le Châteauneuf-du-Pape domaine Giraud grenache 2010 tout deux sur des versants à galets roulants. Enfin le Châteauneuf-du-Pape Clos Saint Jean grenache 2009 et le Châteauneuf-du-Pape Bosquet des Papes grenache 2010, les deux sur les hautes terrasses caillouteuses.

Il me semble que si l’intention didactique est louable, mettre des 2010 a faussé le jeu. Car ces vins sont encore ingrats et les différences de stades de développement sont plus importantes que les différences de terroirs. J’admire ceux qui ont été capables de les sentir sur ces bambins de vins. Beaucoup de vins sont élégants, certains sont doucereux. Tous promettent, mais ne montrent même pas un dixième de ce qu’ils peuvent devenir. L’atelier fut une belle occasion de découvrir des vins intéressants.

Le salon se tient dans une grande salle et 77 vignerons font goûter leurs vins de plusieurs millésimes. J’en goûte quelques uns et je déjeune à l’une des tables installées dans un petit pré attenant. Cela donne l’occasion de rencontrer des visiteurs de plusieurs nationalités. Les buffets sont tentants et de qualité. Le soir tous les vignerons et leurs familles et amis se retrouvent dans la grande salle du château de Châteauneuf-du-Pape qui surplombe la ville. Pour y accéder, la pente est rude et les marches d’escalier irrégulières coupent les jambes. De l’esplanade du château, on a une vue impressionnante. Et en regardant ces vieilles pierres, on comprend toute la relativité du mot « neuf », car ce château dit « neuf » a huit cents ans. Dans cette immense salle presque millénaire, les vignerons et leurs épouses grignotent d’un buffet de belle qualité et partagent les vins qu’ils ont apportés. C’est pour moi l’occasion d’être présenté à beaucoup de grands vignerons. La sono s’anime et les jolies femmes commencent à se trémousser, Laurence n’étant pas en reste. Le niveau sonore devenant rapidement intenable, je quitte cette chaleureuse assemblée pour un sommeil réparateur.

Le troisième atelier (j’ai manqué le second) est consacré à "accords mets et vins ‘Asie’ ". C’est une idée extrêmement originale que d’avoir voulu innover dans la façon de marier les Châteauneuf-du-Pape.

Le Châteauneuf-du-Pape domaine Juliette Avril blanc 2010 est associé à une niguiri saumon. Il est très vert, très jeune mais l’accord se fait naturellement. Le niguirri rehausse le vin. Le Châteauneuf-du-Pape domaine Jas de Bressy blanc 2005 est associé a un niguiri dorade. En bouche ce vin est élégant et racé. C’est un beau vin que le niguiri n’avantage pas particulièrement. Le Châteauneuf-du-Pape Font de Michelle blanc 1994 est accompagné d’un niguiri TNT qui ne veut pas dire explosif, mais est au thon avec une sauce épicée. Le nez du vin est hyper puissant, la bouche est généreuse faite de pêche et d’un léger fumé. Le TNT crée une opposition piquante. L’accord est trop brutal. Le Châteauneuf-du-Pape La Charbonnière rouge 2007 est associé à un niguiri anguille. Le vin est très riche, magnifique, tout en fruit, et l’accord est saisissant. Je ne peux pas m’empêcher de me souvenir que j’avais fait avec Christian Le Squer le chef du restaurant Ledoyen un accord de Châteauneuf-du-Pape Audibert & Delas 1949 rouge avec une anguille qui avait été sublime. C’était il y a deux ans. Voir que cette voie est aussi explorée me fait plaisir car cela montre l’audace des organisateurs de cet atelier.

Deux vins vont être associés à un délicieux nem confectionné par une amie de Laurence Féraud et de Céline Sabon. Un Châteauneuf-du-Pape La Janasse blanc 2009 au nez très puissant et pur, au goût caramel, crème, beurre et poivre. Le nem donne de l’ampleur et de la longueur au vin. Le Châteauneuf-du-Pape domaine Barville rouge 2009 a un nez très riche. La bouche est plus calme que le nez; la persistance aromatique est forte. Le nem arrondit le vin. La mise en valeur est plus forte pour le rouge que pour le blanc. Les deux accords sont naturels, le plus élégant étant sur le blanc.

Le Châteauneuf-du-Pape domaine de Cristia rouge 2009 est associé à un filet mignon de porc et champignons parfumés selon une recette taïwanaise. Le vin piquote, très poivre, alors que le nez est doucereux. Le plat fait ressortir l’alcool. Il va mieux avec le Barville et pas avec La Charbonnière. Laurence Féraud présente son Châteauneuf-du-Pape domaine du Pégau rouge 2006 sur un poulet caramélisé qu’elle a préparé elle-même aux aurores. Le nez du vin est riche et sensuel, mais raffiné aussi. En bouche, il est très doucereux et fruité, pas très long. Sur le filet mignon, le Pégau ne va pas alors que sur le poulet très cuit, il devient rond et délicieux. Le Cristia devient plus tendre avec le poulet.

Cet atelier a été extrêmement convaincant, ouvrant des pistes où les Châteauneuf-du-Pape s’exprimeront avec bonheur. Ça bouge à Châteauneuf-du-Pape et c’est une bonne chose.

Le dernier atelier est un "atelier vieillissement". Nous goûterons quatre rouges et cinq blancs. Je n’en connaissais aucun avant que l’atelier ne démarre, alors qu’on m’a demandé de l’animer avec des vignerons présentant leurs vins. Pour chaque série, on va crescendo.

Le Châteauneuf-du-Pape Vieux Donjon blanc 2010 est très gourmand malgré sa jeunesse. Je le trouve profond. Le Châteauneuf-du-Pape domaine Fines Roches blanc 2004 a un nez discret. Il évoque le miel et l’acacia. Il est entre deux phases de sa vie. Le Châteauneuf-du-Pape Château La Nerthe blanc 1993 a une couleur ambrée et un nez un peu évolué. Le goût est superbe, de noix, de fumé et de fruits jaunes. Le final est superbe de fruits confits. Le Châteauneuf-du-Pape domaine de Beaurenard blanc 1982 a un nez grandiose. Le vin est grand et équilibré, avec des fruits secs. C’est un vin très agréable et gastronomique de fruits confits et noisette. La démonstration sur les blancs est très convaincante, car les plus anciens ont largement plus de complexité, liée à leurs qualités mais de façon évidente au vieillissement.

Le Châteauneuf-du-Pape La Barroche rouge 2004 fait très évolué, avec beaucoup d’alcool. La couleur tuilée au départ s’est éclaircie et le vin s’épanouit. Le Châteauneuf-du-Pape domaine Marcoux rouge 1994 a un nez évolué. Le vin est plus évolué qu’il ne devrait. La bouteille que nous avons n’est pas plaisante. Le Châteauneuf-du-Pape Les Clefs d’Or rouge 1985 a un nez fruité et un peu dévié. Il a du fruité mais caché sous la poussière. Je me dis que ça commence mal pour les rouges. Le Châteauneuf-du-Pape Clos du Mont-Olivet rouge 1976 provient de vignes plantées en 1904. La couleur est intense. C’est un vin joyeux. Il est frais et agréable et va continuer de bien vieillir. Le Châteauneuf-du-Pape Château Mont-Redon rouge 1971 est d’une belle couleur et d’un nez intense. Il est parfait, superbe et goûteux vin joyeux de grande élégance. Là aussi la démonstration est sans appel, car comme pour les blancs, ce sont les deux derniers, donc les plus vieux, qui sont de loin les plus complexes, les plus riches et les plus agréables.

Répondant à des questions, j’ai parlé de l’extrême capacité au vieillissement des Châteauneuf-du-Pape blancs et rouges. L’atelier fut une réussite. Rejoignant le salon j’ai pu constater que les visiteurs étaient nombreux. Raccompagné au TGV, j’ai pu dire à Céline Sabon, l’une des organisatrices de ce salon que "les Printemps de Châteauneuf-du-Pape" dont c’est la deuxième édition deviendra un incontournable rendez-vous des amoureux des vins de cette région. Longue vie au salon. Vive Châteauneuf-du-Pape.

Dîner chez Laurence Féraud du domaine du Pégau vendredi, 8 avril 2011

Dîner chez Laurence Féraud du domaine du Pégau

Pendant que nous goûtions les vins d’Henri Bonneau à Châteauneuf-du-Pape, Laurence Féraud ne cessait de recevoir des appels lui disant que ses invités attendaient devant sa porte. Je lui suis reconnaissante de ne pas avoir précipité notre départ, tant écouter Henri est un bonheur d’amateur de vins. Nous arrivons chez Laurence Féraud du domaine du Pégau pour trouver tous les convives qui piétinent mais gardent le sourire.

Il y a dans notre groupe : Céline Sabon, propriétaire avec sa famille du Clos Mont Olivet, Philippe, œnologue et vigneron, Marc, écrivain du vin belge qui tient un blog, les cinq du vin, Michel, président du syndicat des vignerons de Chateauneuf du Pape, Nikos, amateur de vins chypriote, Laurence Féraud, notre hôtesse, et Dan, l’importateur américain des vins de Laurence du domaine du Pégau.

Je dois à la vérité de dire qu’au domaine d’Henri Bonneau, les vins étaient tellement bons qu’ils n’ont pas tous été recrachés et que ce soir nous allons boire l’équivalent de quinze bouteilles à huit. Comme je n’ai pas pris de notes, il est facile d’imaginer qu’il y aura des trous dans la couche d’ozone de mon récit. Je situerai le plus souvent les vins par rapport à ce que j’en attendais.

Le Champagne Billecart Salmon Brut Réserve sans année est meilleur que mon attente. C’est un champagne sans prétention mais très correctement dessiné.

J’attendais beaucoup plus du Champagne Jacquesson cuvée 733 qui est fait de vins de 2005 qui est plat et sans vigueur. Il s’agit certainement d’un problème de bouteille.

Le champagne que j’ai apporté est Champagne Dom Pérignon 1976. La couleur annonce le futur plaisir car elle est extrêmement jeune. Le champagne est séducteur et raffiné. C’est un Dom Pérignon que je situe au dessus de ce que j’attendais. Je me mets à penser qu’il pourrait être le vin gagnant ce soir. Mais ce n’est pas si sûr, car Nikos a apporté un Meursault Charmes Les Tesserons de Lafite négociant à Bruxelles 1969 qui est époustouflant. Je suis sous le choc, car ce meursault est merveilleux de complexité, avec une belle jeunesse, un citronné précis et une longueur extrême. Jamais je n’aurais pensé que ce meursault atteindrait ce niveau.

Nous buvons ensuite le Châteauneuf-du-Pape blanc Rayas vers années 60 ouvert il y a quelques heures dans la cave de Rayas. Il confirme la noblesse perçue en cave. C’est un grand vin.

Le 1969 Auslese Mosel Wein de Nicos est plaisant, mais il joue un peu à contre jeu et je n’en capte pas toutes les vertus.

Le Chambolle Musigny Morgan Fürze à Londres 1969 est une jolie surprise an nez extrêmement bourguignon. Le Corton Louis Jadot 1979 est une petite merveille, d’une précision de senteurs et d’arômes qui correspondent à la noblesse de l’année 79.

C’est alors qu’arrive le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978, dont j’annonce d’emblée devant ce parterre de palais affutés la problématique : est-ce un vrai ou un faux Rayas. Pas l’ombre d’un doute n’est apparu chez aucun convive. Nul n’a dit : "attendez un peu que je me prononce". Il était évident pour ceux qui ont des points de comparaison que ce vin est un Rayas 1978. De plus il est purement magnifique, la quintessence d’un Châteauneuf-du-Pape qui aurait des tendances gustatives bourguignonnes. C’est la pureté de son nez qui m’a convaincu qu’il ne pouvait pas s’agir d’un faux. Et quelqu’un a lancé : "de toute façon, si ça devait être un faux, achetez les tous, car c’est diablement bon".

Nous goûtons un Châteauneuf-du-Pape Clos Mont Olivet magnum 1984 qui est un solide Châteauneuf-du-Pape que j’ai peu mémorisé, car la soirée avance ainsi que la fatigue. Le souvenir que j’en ai est d’un Châteauneuf-du-Pape classique très équilibré. S’il y avait des symboles dans le vin que j’ai fait goûter à Emmanuel Reynaud à Rayas, il y en a aussi dans le choix du vin que j’ai apporté : Châteauneuf-du-Pape Emile Costes "Vins en Gros" à Nanterre 1947. J’adore faire goûter des fantassins. Il s’agit ici d’une mise en bouteille de caviste d’une très grande année. Et la démonstration est convaincante, car ce Châteauneuf-du-Pape dont on ne sait d’où il vient est sublimé par l’année grandiose et respire la joie de vivre. C’est un vin de bonheur.

Et c’est bien qu’il soit suivi du Châteauneuf-du-Pape domaine du Pegau 1981 d’une plus belle origine, car aucun des deux ne nuit à l’autre. J’aime beaucoup ce 1981 assagi, calme et serein. Laurence m’ayant demandé avant le repas quelle année de sa cuvée da Capo créée en 1998 je souhaitais boire, j’avais répondu 1998. Nous buvons donc le Châteauneuf-du-Pape cuvée da Capo domaine du Pégau 1998 et c’est un honneur et un bonheur. Le da Capo est célèbre dans tout le monde, car le 2003 a eu les honneurs d’une note de 100 dans l’échelle de Robert Parker. C’est, je crois sans en être sûr, le premier Châteauneuf-du-Pape qui a obtenu 100. Je suis heureux de constater que le premier millésime de da Capo puisse être aussi sage et élégant, car quand j’avais goûté pour la première fois le da Capo 2003, ça pulsait un max !

Nous finissons notre débauche par un Châteauneuf-du-Pape domaine du Pégau blanc 1989 au nez superbe mais moins glorieux en bouche.

Le repas élaboré par Laurence fut excellent, permettant des accords solides et cohérents. La joie d’être ensemble et de partager des grands vins mais aussi des vins plus ordinaires de qualité ainsi que des conversations enflammées ont permis de passer un dîner mémorable.

Si je devais classer les vins, ce serait : 1 – Meursault Charmes Les Tesserons de Lafite négociant à Bruxelles 1969, 2 – Champagne Dom Pérignon 1976, 3 – Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1978, 4 ex aequo le Corton Louis Jadot 1979 et le Châteauneuf-du-Pape blanc Rayas vers années 60.

Merci Laurence d’avoir suscité ce grand moment.

viste au chateau Rayas et chez Henri Bonneau à Chateauneuf-du-Pape vendredi, 8 avril 2011

Rentrant de Bordeaux chez moi quand il fait nuit, un sommeil réparateur est indispensable, car je me rends à Châteauneuf du Pape. La Gare de Lyon est aussi irréaliste que la circulation automobile à Bordeaux. C’est l’acceptation de la saleté et de la médiocrité. Etant déposé à la gare, je dois monter d’un gros étage avec une valise très lourde, car j’ai pris beaucoup de munitions pour les rencontres à venir. L’ascenseur est en panne et l’escalator ne fonctionne pas. Monter ma valise nécessite que je me fasse aider. Etant en avance je vais à la terrasse – si l’on peut dire puisque le soleil n’atteindra jamais ce lieu en sous-sol – d’un café. Les sièges en simili skaï sont tous percés. Le café crème est honnête. Comme la SNCF n’affiche les quais qu’au dernier moment, il me faut courir jusqu’au quai qui est à plus d’un kilomètre du lieu où je suis. Le TGV part à l’heure, ce qui est appréciable. A la gare d’Avignon, je suis accueilli par Céline Sabon, propriétaire du Clos Mont Olivet qui me conduit chez un jeune couple de vignerons qui ont une superbe demeure au centre de Chateauneuf-du-Pape. La bâtisse est ancienne, le jardin est de taille impressionnante au beau milieu de la cité papale et ma chambre est joliment décorée. J’arrange mes affaires et choisis les vins du dîner pour les porter chez Laurence Féraud du domaine du Pégau qui nous régalera. Céline me conduit chez Laurence et j’ouvre mes bouteilles. Parmi elles il y a Château Rayas 1978, un vin particulièrement célèbre qui, semble-t-il, aurait inspiré des faux. Comme les faux supposés ressemblent à ma bouteille, c’est une bonne occasion que de la boire avec des vignerons de Chateauneuf-du-Pape. Laurence inspecte ma bouteille et la trouve authentique, ce qui correspond aux autres examens visuels que j’avais fait faire par des experts.

Au nez, le vin est d’un parfum subtil et délicat, montrant un âge qui peut correspondre à 1978. Les senteurs de feuilles sèches, de buisson sont très homogènes avec ce que doit sentir un Rayas de cet âge. Laurence confirme que cette odeur est d’une logique parfaite. Le premier examen est bon.

Laurence Féraud me conduit à la porte du domaine Rayas et me dépose sans entrer, car elle doit travailler en cuisine, me demandant de la rappeler pour me conduire au rendez-vous suivant. La bâtisse ne paie pas de mine. On est ici dans la discrétion. Lorsque j’arrive, Emmanuel Reynaud me dit : "vous n’aviez pas confirmé votre rendez-vous. J’ai pensé que vous ne viendriez pas". Et il ajoute : "je suis occupé, je ne pourrai pas vous recevoir comme il faut". Ma réponse : "c’est dommage, parce que le rendez-vous était bien pris et par ailleurs, j’ai apporté une bouteille que j’aimerais partager avec vous".

Emmanuel me lance : "vous sentez le parfum. Comment peut-on être parfumé comme ça ?". Et il ajoute, perfide : "ce doit être la dame qui vous a conduit ici qui vous a inondé de son parfum". Le décor est donc planté.

Nous descendons dans une cave hétéroclite où des fûts de chêne voisinent avec des fûts métalliques. Emmanuel me fait goûter trois vins le Chateauneuf-du-Pape Fonsalette 2009, le Chateauneuf-du-Pape Pignan 2009 et le Chateauneuf-du-Pape Château Rayas 2009. Déguster quand on a l’impression de tomber sur un bec n’a pas la même saveur. Je suis toutefois conquis par le Rayas 2009, non encore réellement formé, mais qui promet d’être grand.

Emmanuel que j’avais appelé lorsqu’une discussion était apparue sur un forum au sujet de faux Rayas 1978, déclarés faux par lui, me demande si j’en ai goûté un de mon récent achat. Je lui dis que non, préférant ne pas mentionner qu’il sera bu ce soir. Il me lance alors : "allons goûter votre vin". Dans une cave de vieillissement aux fûts de chêne d’âges canoniques tant ils ont servi, j’ouvre un Beaune rouge Bouchard Père & Fils 1955. J’explique les raisons de cet apport : apporter un Chateauneuf-du-Pape à un vigneron de cette appellation n’aurait pas de sens. C’est un vin bourguignon qui créera une comparaison intéressante. Par ailleurs, 1955 est une année très brillante et j’ai pris un Beaune "ordinaire" pour montrer que même les vins "Villages" ont un réel intérêt.

A mon grand plaisir, Emmanuel accueille immédiatement ce vin. Sous une légère acidité qui disparait avec le temps, il y a un velouté et un fruit remarquables. Le vin est trouble du fait du voyage, mais il est une preuve convaincante et je dois dire que je l’adore. Comme j’avais envisagé que ce vin soit en comparaison je lance comme un appel au secours : "vous n’auriez pas une bouteille déjà ouverte (car j’imagine difficilement qu’il en ouvre une) qui soit un peu ancienne, pour comparer avec le Beaune ?".

Emmanuel me dit qu’il n’a rien d’ancien qui soit disponible, mais il pointe du doigt un tas de demi-bouteilles jetées en vrac sur un sol poussiéreux. Il s’agit d’un blanc et il m’indique que plusieurs se sont révélées madérisées. Il en ramasse une, sans étiquette qu’il faut épousseter et la pose sur le tonneau autour duquel nous dégustons. C’est alors qu’on l’appelle pour remonter au bureau et je reste là, en attente, décidant de ne pas ouvrir la bouteille tant qu’Emmanuel n’est pas là. Au bout de dix minutes il revient et me dit : "vous ne l’avez pas ouverte ?". Je l’ouvre avec mes outils. Et à cet instant, c’est une immense surprise qui nous attend. Car le vin est absolument superbe. Sa couleur est d’un jaune doré de grande beauté. Le parfum est un régal de générosité et de plénitude. Et en bouche le vin est opulent. Même Emanuel est étonné de la qualité de ce grand vin. Evidemment, il n’est pas possible de faire un pont entre le Beaune rouge 1955 et ce Chateauneuf-du-Pape Château Rayas blanc des années 60 comme le situe Emmanuel. Mais ce vin à lui seul efface les surprises de mon arrivée. Je propose qu’Emmanuel garde le 1955 pour son dîner et que je fasse goûter ce blanc à mes convives du dîner chez Laurence Féraud. Emmanuel accepte et soudain il se radoucit. Il me propose de me raccompagner chez Laurence et que j’aille avec lui à Sorgues où il a une course à faire, pour que nous puissions poursuivre nos discussions.

Dans sa camionnette, nos échanges deviennent passionnants. C’est comme si j’avais subi avec succès une épreuve initiatique, consciente ou non. Nous nous sommes promis de nous revoir et de boire ensemble de grands vins.

Je suis déposé devant chez Laurence Féraud et il me faut l’attendre, car elle fait des courses pour ce soir. Elle me conduit chez Henri Bonneau un vigneron emblématique de Chateauneuf-du-Pape. Quel immense honneur de rencontrer ce personnage qui est porteur d’histoire comme Jean Hugel l’était pour sa région. J’annonce tout de suite la couleur, cette visite, qui a duré deux heures et demie – et en 150 minutes il s’en dit des choses – est pour moi aussi précieuse et émouvante que ce que doit être une rencontre avec le Pape. Plantons le décor. La maison d’Henri Bonneau est située dans le haut de la ville, non loin du château papal. La porte d’entrée de la maison, puisqu’il s’agit d’une maison, est étroite. Elle ouvre sur un couloir. Du côté visiteurs, Laurence, Nikos, chypriote vivant à Londres, amoureux des vins de Châteauneuf et moi. Ceux qui jouent à domicile sont Henri, son épouse et leur fils Marcel. Dans le couloir, Henri, la casquette sur la tête, barre le passage. Il a les yeux malicieux et rit souvent. Ses affirmations claquent comme des coups de fouet. Son épouse, qui connaît ses histoires par cœur, intervient ici ou là pour corriger ou compléter telle ou telle anecdote. Marcel connaît aussi le répertoire et se concentre surtout sur la dégustation. Mais il n’en pense pas moins. Henri est visiblement heureux que Laurence soit là. Tout va se dérouler maintenant au rythme d’un aï ou d’un unau, sauf en ce qui concerne la faconde d’Henri, infatigable.

Les sous-sols dans la ville de Vézelay sont impressionnants et donnent l’impression que la colline n’est qu’un gruyère, troué de toute part. Les caves successives que nous allons visiter donnent cette même impression de gruyère ou de ruche aux mille alvéoles. Chaque année se déguste dans une cave différente. Pour chaque année il y a les "G" et les "P", le G étant la cuvée Marie Beurrier et le P étant la cuvée des Célestins, la plus qualitative des deux. Nous avons goûté de fûts les 2009 G et P, 2008 G et P, 2007 G et P, 2006 seulement P et 2005 G et P. Dans les petites caves, on se demande depuis combien de générations on a utilisé les mêmes fûts. C’est aussi le cas à Rayas puisqu’Emmanuel Reynaud a acheté des fûts usagés ayant servi pour l’élevage de Costières de Nîmes. Sur ces deux visites, je n’ai pas vu un seul fût neuf, et à aucun moment les vignerons n’ont parlé de technique ni donné des chiffres. Ici, on se fiche de tout cela, on fait comme le père et le grand-père faisaient. On goûte et puis c’est tout. N’ayant pas pris de notes et ayant eu un dîner "brutal" par la suite, il ne me reste que des impressions. D’abord ces vins sont de grands vins, une sorte d’aboutissement du Chateauneuf-du-Pape, avec une mesure et une sagesse extrêmes. J’ai préféré les années impaires et parmi elles, c’est 2005 qui m’a enthousiasmé, le Célestins étant exceptionnel.

Le parcours du combattant étant terminé en cave, nous remontons dans la salle à manger des Bonneau. Nous nous asseyons autour de la table et nous buvons un Châteauneuf-du-Pape Cuvée des Célestins Henri Bonneau 2004. J’avoue que j’ai été bluffé, car je n’attendais pas un 2004 à ce niveau de qualité. Il est généreux, gouleyant, vin de plaisir mais aussi vin de structure et de noblesse. Une leçon. Et pendant ce temps, nous parlons, parlons. Enfin, Henri parle et nous buvons ses paroles. Et nous sourions, car le courant passe entre le vigneron et sa famille et nous.

Il est à noter qu’Henri qui ne boit quasiment plus, connaît l’état des vins dans ses tonneaux avec une exactitude actualisée. Une telle visite est un bonheur absolu pour moi, car je côtoie quelqu’un qui représente l’histoire du vin de Chateauneuf-du-Pape. Nous nous sommes promis de nous revoir. Faisons tout pour que ce soit le cas.