Archives de catégorie : vins et vignerons

dîner de l’Académie du Vin de France au restaurant Laurent mardi, 20 novembre 2007

Beaucastel 2005 et Hermitage Chave 2005, c’est l’aristocratie du Rhône bue avant le dîner.

 

Crozes Hermitage la Guiraude de domaine Alain Graillot et Chateau Simone 2005

 

Jurançon sec du domaine Cauhapé 2005 et sur la photo : Champlain, le célèbre caviste canadien, probablement le plus grand collectionneur de Romanée Conti en grands formats, François Audouze et Alexandre de Lur Saluces propriétaire de Fargues.

 

Les huîtres lutées sont très belles et le foie gras (à droite) est goûteux à souhait.

 

Merveilleuse cuisine élégante d’Alain Pégouret.

Prix Laurent-Perrier Grand Siècle lundi, 19 novembre 2007

Depuis de très nombreuses années, la maison familiale de champagne Laurent-Perrier décerne un prix «Grand Siècle  Laurent-Perrier» à une personnalité éminente qui par son engagement et ses qualités humaines marque son époque. Cette année, c’est un historien polonais, Bronislaw Geremek, député européen, qui a entre autres participé activement à la création de Solidarnosc. Ce qui me plait le plus dans ces grandes soirées, c’est le discours du récipiendaire. Plus l’homme est grand, et plus le discours est humble, humain, mêlant sensibilité et sérénité. En l’écoutant, on se sent fier d’être européen. Le mécène, Bernard de Nonancourt, n’est pas présent, mais est représenté par sa famille, active dans la société. L’apéritif au Pavillon d’Armenonville se fait au champagne Laurent Perrier Grand Siècle en magnum, ce qui titille suffisamment les papilles pour que l’on discute avec toutes les célébrités présentes, du monde du spectacle, de la politique, du journalisme ou du domaine caritatif. Et bien sûr, les amis de Laurent-Perrier. Nous passons à table et je suis assis près d’un cardiologue retraité de Singapour, que j’avais rencontré au dîner de la Bacchus Society au château Pichon Longueville Comtesse de Lalande, grand collectionneur de vins, qui sillonne le monde pour visiter les grands vignerons et fréquenter les plus belles tables. A la même table présidée par Didier Depond, président de Salon-Delamotte, le président de la chaîne hôtelière Relais & Chateaux et Pierre Hermé, le célèbre pâtissier et sa compagne.

Le traiteur Potel & Chabot a réalisé une prestation de première grandeur. Pour cinq cents convives environ, c’est une brigade d’au moins quatre-vingt personnes en habit et gants blancs, qui arrivent en procession avec les vins tous servis en magnums, et qui servent à la française, avec un rare raffinement. La cuisine est succulente. En voici le menu : consommé de volailles, éclats de truffe / soufflé de brochet beurre blanc / noix de joue de veau Rossini, tatin de tomate, crème de potimarron / macaronade aux framboises, sorbet au champagne rosé. Délicat, goûteux, c’est un véritable exploit de traiteur.

Les vins n’étaient pas en reste : le champagne Laurent Perrier Grand Siècle en magnum est un élégant compagnon de gastronomie, avec une flexibilité qui lui permet de mettre en valeur les saveurs subtiles. Le  Château Rauzan-Ségla 1996 en magnum, que j’avais bu récemment au sein d’une verticale fort instructive indique au nez que son oxygénation a été parfaite. Le vin est généreux, épanoui, et montre un équilibre joyeux. Le champagne Laurent Perrier rosé cuvée Alexandra en magnum arrive trop froid. Sa couleur est très saumonée, intense. Dès qu’il s’ouvre, il dégage un charme aussi délicieux et intelligent que celui de sa marraine. C’est un très beau rosé expressif et vineux auquel le sorbet donne un coup de fouet excitant.

Cette soirée mondaine sera contée dans les tabloïds. Elle fut un grand moment humain et une belle prestation gastronomique.

Les Mots et les Vins au George V avec Chateau Latour mardi, 13 novembre 2007

Le George V (Four Seasons) a trouvé une formule extrêmement intéressante d’un dîner autour d’un livre et son auteur et d’un vin et son auteur. L’écrivain est interviewé par Olivier Barrot et le vigneron est présenté par Eric Beaumard avec sa verve légendaire et des commentaires sur les mets et les vins d’une justesse éclairante et d’une poésie radieuse. Comme la chance sourit aux meilleurs, Philippe Claudel venait de recevoir la veille le Prix Goncourt des lycéens pour son livre « Le rapport de Brodeck ». C’est l’indice d’une aptitude à captiver la jeunesse. Sa deuxième chance est d’être invité en même temps que le Château Latour présidé par Frédéric Engerer, qui est à la tête de la propriété appartenant à François Pinault depuis une quinzaine d’années. Chance supplémentaire, Frédéric Engerer est particulièrement généreux sur le choix des années et sur les quantités. La chance encore quand Philippe Legendre fait un repas d’une excellence rare dont voici le menu : petits amuse bouche dont langues d’oursins, huîtres chaudes et Saint-Jacques crues cuites / pâté en croute traditionnel de palombe, gelée à l’aigre doux / tarialini à la truffe d’Alba / homard fumé et rôti à la choucroute fraîche et aux graines de moutarde / royale d’aubergine à la truffe noire / millefeuille glacé à la mandarine et nougatine comme un vienetta / café et mignardises.

C’est du grand Legendre et la royale d’aubergine est un des plats les plus subtils que l’on puisse goûter, d’un niveau dépassant largement la norme du trois étoiles. Cela annonce, je l’espère, un retour proche en tête de classe.

Le champagne de bienvenue est un Diebolt-Valois de Cramant ce qui me fait plaisir car j’avais eu la chance de visiter la cave où des 1953 et 1976 furent de petites merveilles. Avec les amuse-bouche, c’est un festival d’accords joyeux.

Les vins sont servis en trois séries de deux, avec la faculté d’être resservi ce qui est un luxe apprécié.

Le Forts de Latour 2005 a un nez de vin vraiment très jeune, et l’écart de senteur avec le Château Latour 2005 est spectaculaire. Il y a dans le Latour 2005 une race et une noblesse remarquables. Le goût du Forts de Latour est très franc, charnu, un peu amer. Le Château Latour que j’aurais attendu trompetant est calme, moins exubérant que je n’imaginais. J’aurais bien vu plus de puissance, mais la sagesse de ce vin est exemplaire.

Le nez du Forts de Latour 2003 est de pierre à fusil. Le Château Latour 2005 après quelques minutes se referme un peu mais montre l’esquisse d’une structure énorme. Un peu de poivre apparaît en fin de bouche. Le Forts de Latour a des tannins forts alors que le Château Latour 2005 est un vin plus enlevé.

Le Forts de Latour 2003 trompe son monde. J’imagine volontiers qu’à l’aveugle, il en remontrerait à beaucoup de premiers vins. C’est une bombe, et c’est bon. Il y a toujours une signature d’amertume, comme pour le Forts de Latour 1996 qui a aussi un nez soufré. Le 2003 est taillé pour lutter avec les plus grands. Il est éblouissant. Le 1996 me paraît plus limité même s’il est intéressant. Je lui trouve quelques notes végétales. L’âpreté des trois Forts de Latour est une constante. Je suis assez impressionné par le 2003, même si Frédéric Engerer me dit que c’est le Forts de Latour 2005 qui va terrasser toute compétition. Ce 2003, si on laisse de côté la signature d’amertume, a une élégance assez spectaculaire.

Le Château Latour 2001 a un nez très subtil. On sent une très grande structure. En bouche, il est charpenté, grand et prometteur. Frédéric Engerer dit avec raison que ce 2001 est dans la ligne historique de Latour. Il est velouté, de très bel équilibre.  

Avant de passer au dernier vin, je reviens au Château Latour 2005 qui a une opulence calme de vin très complet. Le Château Latour 1990 a curieusement aussi un nez soufré. En bouche, ne cherchons plus, c’est cela que nous voulons boire. C’est tout simplement exceptionnel. C’est un vin géant qui a encore beaucoup à développer car malgré ses dix-sept ans, il va mûrir encore. La royale d’aubergines d’une subtilité raffinée propulse encore le Château Latour 1990 à des hauteurs infinies. La fragilité florale du plat rehausse toutes les qualités du vin. On lui sent un potentiel quasi infini. Il est fruité, complexe, multiple. Je le trouve assez fabuleux. Le contraste avec le 2005 auquel je reviens est saisissant. Ce bambin joue sur le calme, la fraîcheur aérienne, contre tous les canons de l’époque. C’est courageux et cela paiera quand le vin sera prêt à trôner sur les tables.

Faire un classement de ces vins est assez difficile, car doit-on juger en potentiel ou sur ce que l’on a dans le verre ? Le 2005 est handicapé si l’on n’examine que l’immédiat, car Latour est connu pour avoir une maturation beaucoup plus longue que tous les autres grands vins de Bordeaux. Sur le goût immédiat, je classe : Château Latour 1990, Château Latour 2001, Forts de Latour 2003, Château Latour 2005, Forts de Latour 2005 et Forts de Latour 1996. En considérant le potentiel, les deux 2005 remontent dans le classement.

L’ambiance était chaleureuse, car mêler les échanges sur la littérature et sur les grands vins est fécond. Eric Beaumard a un enthousiasme, une joie de vivre et des mots tellement justes qu’il donne à chacun l’impression d’être devenu un expert. Le cadre du Salon Anglais, un service impeccable et une grande cuisine sur un grand vin, que demander de mieux ?

dinner by Joel Robuchon in Las vegas jeudi, 8 novembre 2007

Here is the entrance of the restaurant, within Hotel MGM Grand, and the Atelier is just next door !

The decoration is lovely.

 Bipin Desai, on the right, with a Swiss friend, born in Hamburg. The lovely table set.

 

They have, among many breads, the real French baguette that I adore !

 

To see which courses are shown, please read the report on this dinner.

 

 

 

Gil who has organised this wonderful dinner, with his lovely wife.

Two verticals of Cheval Blanc and Yquem in Las Vegas, one at Robuchon jeudi, 8 novembre 2007

After the incredible verticals of Cheval Blanc and Yquem in Los Angeles, I was supposed to fly back to Paris to attend a tasting by Jaboulet followed by a dinner by restaurant Pic where I would have met Anne-Sophie Pic whom I appreciate fondly. A friend who lives in Las Vegas and who attended the verticals in L.A. told me : “you should come to Las Vegas as we will make a fabulous dinner by Joël Robuchon”. I said no, as I had promised to go to Valence, but the occasions to make mad things in life are not so frequent. I asked for the advise of my wife who was in Paris, and she said : “do it”. The use of internet to change flights, book flights, and reserve hotel is a great help.

I knew Las Vegas and its excess, but reality is always above what is kept in mind. To check in hotel Bellagio, I am just behind some 300 people waiting for the same purpose. To reach my room needs a serious training for Marathon.

My room is quite comfortable. My friend calls me and says : be ready for 6 pm. He explains just a little and when I see his car, who is in the car ? Pierre Lurton president of Cheval Blanc and Yquem. When I had met Pierre the day after the verticals, by a true hazard, I had told him that I would go to Valence and not to Las Vegas, so the surprise was for both of us. We leave the town and arrive in an industrial quarter and we park along a nice industrial building. By the entrance in big letters, “welcome to Pierre Lurton”. We are welcomed by Larry Ruvo, « senior managing director » of « Southern Wine Spirits of Nevada », a dynamic sexagenarian who is in a meeting room with a particularly pretty woman, tasting wines while eating a plate of mushrooms. Larry talks with abundance about a project of a research Center for Parkinson and Alzheimer diseases which will be built by the architect who made the Guggenheim museum in Bilbao, Frank Gehry. Someone brings for us champagne Perrier Jouët Belle Epoque. Larry thanks for long minutes Pierre, as Bernard Arnault supports the project. Larry, as I understand, has helped to raise funds through a gigantic dinner with an auction which brought 24 million dollars. A house for four dogs designed by Frank Gehry was sold for 350,000 dollars. When it concerns charity, generosity is there. We enter a board room where 40 people will share a dinner. The menu is made by the chef attached to the company, who uses a kitchen which is larger than the one of Guy Savoy in Paris multiplied by three. In the room another message : « Southern Wine and Spirits welcomes Pierre Lurton ». In front of each seat there are six empty glasses. The menu is : Coriander seared Hamachi on a bed of pumpkin risotto / Roasted crispy skinned pheasant with a medley of chanterelles and truffle oil / grilled tenderloin of bison with baby Dutch potatoes and a Barolo emulsion / lavender poached Bartlett pears / Poppyseed-cinnamon ice and sautéed strawberries.

It was absolutely delicious and elegantly matched the wines. The level of such a cook is not far from one star, which is spectacular within a company.

Larry asks everyone to present himself. There are many customers of the company, sommeliers of great restaurants, owners of restaurants, wine shops and people involved in the Research Center project. I sit next to a man who is an example of the American dream. He came from China with 2 dollars in his pocket some 26 years ago, and owns now a group of 11 wine shops with $80 million sales. He asks me immediately how many cases of Cheval Blanc 2000 are in my cellar. Business is business. On my right it is a lawyer of the East Coast who abandoned his job to create a restaurant and a wine shop in Las Vegas.

Now, we are going to taste Château Cheval Blanc 2000 – 1998 – 1990 – 1989. I see immediately that the wines, opened for a longer time, served a little warmer than what we had in Los Angeles perform largely better. It is obvious for the smell and is confirmed in mouth. What appears clearly is that the 1998 is the best and that the 1989 is the weakest of the group. It must be said that at this level, a weaker wine is a great wine. The 2000 is a great wine of course, but the 1998 has something more which creates a real difference. The 1990 offers some chocolate and truffles and has a very airy final. The 1989 is dryer, woody, with green pepper. The four wines are more generous than what appeared in Los Angeles. I rank so : 1998 – 1990 – 2000 – 1989. But I observe something very curious. The 2000 climbs to the summit with an incredible speed. For which reason does this wine improves so quickly, I am unable to say. But it is clear that now, before we leave the flight of red wines, the 2000 tends to look like its reputation.

The two Yquem which are served : Yquem 2001 – 1988 have a higher temperature and are opened earlier than by the tasting of Los Angeles. The 2001 is still a baby but the delicious dessert with pears and lavender (a very elegant combination) helps a lot to make it shine. It is obvious that this wine should no more be consumed for many years. The divine surprise comes from the 1988 which if full of glory as it was never in L.A. As it is now, it comes back to the position that it had before for me, as the first in the trilogy 88 – 89 – 90.

When we were in the office of Larry Ruvo, he had said to Pierre : you “must” go to the show in the MGM hotel. So Larry announced to all his guests, that our small group would leave the table and visit the warehouse and go to the show “KA”. The warehouse is highly impressive. Every night, 40,000 cases of wines, beers, spirits and water come out of the place, so we visited surrounded by an incredible number of fork lifts.

My friend drives us with an incredible speed to be in time at the theatre. What amazes me in the American efficiency is that in front of the entrance, a member of the staff of Larry’s company was waiting for us, tickets in hand. Amazing. Amazing as the show, with a gigantism that exists only in Las Vegas. After the show, we go and say hello to the staff of the restaurant Joël Robuchon where we will have dinner tomorrow. The sommelier offers us a champagne Bruno Paillard NV which has a structure that I did not imagine at this level, as it is the first time that I drink one. My friend drives me to the Bellagio, at a different door than the one I had used. It took me half an hour to find my room.

After a quiet day I arrive at 7 pm in the restaurant Joël Robuchon in MGM hotel. The decoration is extremely elegant, showing a taste for a delicate luxury. We are a group of around 12 to 14 people, spread around three tables, with Pierre Lurton being the guest of honour. I recognise some people whom I know. Bipin Desai attends the dinner too. Some great buyers of wines are there for what is named : “tasting of Chateau Cheval Blanc and Chateau d’Yquem, dinner on November 8, imagined by Joël Robuchon”.

The menu is written in French : L’avocat – Dans une infusion juste prise aux herbes et une caillebotte à l’huile d’olive / Les crustacés – La langoustine truffée à l’étuvée de chou vert, le homard rôti à la citronnelle avec une semoule végétale, l’oursin accompagné d’une purée de pomme de terre au café / Le Matsukaté – Aux capucines en ravioli, escorté d’un bouillon parfumé au gingembre / Le thon blanc – Confit à l’huile pimentée et relevé d’une nage d’endives aux pistils de safran / Le veau de lait – En mille-feuille de tofu aux délices d’Alba sous une voilette parmesane / Le bœuf de Kobe – Grillé aux matsukatés, cristalline au poivre, cresson en tempura, raifort à la moutarde / La poire William – Glacée aux saveurs fruitées et confite à la crème de cassis / Le Victoria – Ananas parfumé au praliné- noisette givré de thé au jasmin.

I was mainly interested by the discovery of the restaurant, but the wines are worth the trip. It must be said that I was addict to the talent of Joël, as I went regularly every three months to his restaurant, with an automatically revolving reservation. And when Joël retired from his activity, I have never visited his Atelier. For me, God had retired. So I was very curious to check if my God was operative again at the same level of perfection. By the standing aperitif, with a champagne Dom Pérignon 1999, the small canapés convinced me that the unique tastes that Joël is able to create were back. I am not a great fan of the DP 1999 which I find less emotional than other years.

We go to our tables and the avocado is sublime. The langoustine is marvellous, and the Asiatic tendencies which appear in the cook of Joël are nicely integrated in what I call a “cuisine bourgeoise”, the traditional historical nice French cuisine. The champagne Dom Pérignon 1996 is largely more seductive, and gives emotions that the 1999 does not give. I find the urchin a little too shy, and the Maine lobster is rather conventional.

The Matsutake is delicious and works very well with Petit Cheval 2001. If this wine were alone for the dinner, we would find it lovely with its expressive nose and its nice taste even if a little dry. But the Cheval Blanc 2001 is too big for it. The Cheval Blanc 2001 is really a great wine, and promises a very bright future. I am not extremely convinced by the white tuna, but the veal is shining, and helps the Cheval Blanc 1989 and the Cheval Blanc 1990 to express all their qualities. As I had seen already two times that the 1990 is highly above the 1989, I found today that the match is more open. Today, I would put the two wines at the same level, the 1990 being elegant and charming and the 1989 being more powerful and massive.

The Kobe beef is extraordinary for my taste. It goes with two stars, the Cheval Blanc 1998 and the Cheval Blanc 2000. Do we live today a revolution? The 1989 appeared equal to the 1990 and now the 2000 seems to play a better game than the wonderful 1998. What happens? Despite the nice performances of tonight I continue to think that 1990 is above 1989 and that 1998 is above 2000. The 1998 is in the historical line of Cheval Blanc, exactly as Petrus 1998 is more in the historical line than the legendary Petrus 2000.

The desserts of Joël Robuchon are very inventive to match the Yquem. As usual, every component made with red or black fruits do not cope with Yquem. The Yquem 1996 is rather limited for my taste. The Yquem 1988 confirms its come back at the top of its form, generous, glorious, and sunny. The Yquem 2001 has still its great potential, but my love at first sight seems to have been eroded after three tries in one week.

The Yquem which comes now in magnum is an Yquem for aficionados, as it requires a specific knowledge to enjoy it as it should. The Yquem 1962 has tea and apricot. It is complex, enigmatic. It is a wine which surprises by every sip. In a comparative tasting, it would probably not get nice notes has it has lost a part of its sweetness. And the suggestions of tea make it a little bitter. But the incredible freshness makes it a tantalising Yquem for the one who knows how to “read” it. One needs patience and serenity to appreciate this enigmatic and puzzling expression. I have adored. The 1988 is in a phase of joy and expansion. The 1962 is esoteric and enigmatic. This is true happiness.

While I was making my report in French the next day, I was eating the delicious cake given by the restaurant, which recreates a tradition which existed when I used to come to the Parisian restaurant. When we went out of the restaurant, my friends asked me how I judged the level of the restaurant, and I said that I have found tastes that Joël is the only one in the world to make with such exactitude. The place deserves without any problem three stars in the Michelin guide. But I find that the distance which existed between Joël and the others is not as big as before. He is among the greatest, but many chefs have improved since he was at the top of his glory. Has he changed, or is it me who has changed, as time has passed, I cannot say. In any case, it is one of the greatest restaurants in the world, and it is worth the trip.

I have discovered this place with wonderful Cheval Blanc and Yquem. What would I need more ?

I spent a day more in Las Vegas, and I invited my friend of Las Vegas and another person for a dinner at restaurant Picasso in hotel Bellagio. We had a table on the terrace in front of the pond on which hundreds of jets of water played according to the surrounding music. In the room inside, tens of paintings of Picasso create a unique decoration. The chef, Julian Serrano made a wonderful menu : filet de flétan, sauce safran et mousseline de chou-fleur / salade tiède de caille, salade frisée à la truffe et cœur d’artichaut / pigeon rôti, asperges vertes, risotto de riz sauvage et pignons de pin / mignon d’agneau, ragout de flageolets au jus / assortiments de fromages, saint-marcellin, époisses, camembert, fleur de maquis, manchego, cabrales / symphonie de desserts Las Vegas.

On that, we drank wines of the restaurant and wines brought by my friend. A champagne Laurent Perrier rosé NV works wonderfully with Oscietra caviar. Then, a Puligny-Montrachet 1er cru le Cailleret, domaine de Montille 2004 is pleasant, rich and with a great length. We drink three red wines blind, and I find rather well the region, but makes a mistake of 20 years on the vintages. The Château Grand Puy Lacoste 1962, the Château Croizet-Bages 1961 and the Château La Tour Figeac 1961 are very nice. I am very impressed by the accomplished and velvety taste of the La Tour Figeac, and this Croizet-Bages is the best that I have ever drunk. The 1962 is a little more strict than the two 1961. With the desserts, we drink a Pedro Ximenez Emilio Lustau 1961 very comfortable and with no surprise.

Through the window inside the room we could see a table with two men and four women who represent a certain category of women who let the men with dropped jaws when they cross the room. The body perfectly sculptured by a permanent care and the use of efficient silicones, sun tanned with the precision of a boiled egg, the clothes too tight which every man hopes will explode, the heavy smile which indicates the height of the midnight gift. My friends were stuck to the vision of these beauties, whose spontaneousness in their emotions are tariffed.  This was the last exuberant image of a stay in the most excessive city of the world, which is highly sympathetic. The two verticals of Cheval Blanc and Yquem that I have added to my trip to California were worth the trip.

Cheval Blanc et Yquem à Las vegas chez un grossite en vins mercredi, 7 novembre 2007

Je dois retourner en France pour aller participer à une dégustation au siège de Jaboulet, suivie par un dîner au restaurant Pic à Valence. J’ai une grande sympathie pour Anne-Sophie Pic et son parcours valeureux. Un ami vivant à Las Vegas et lié au monde du vin me dit : « laisse donc cette invitation et viens à un dîner fabuleux que j’organise chez Joël Robuchon à Las Vegas ».  Je commence par dire non puis je rumine. Les occasions pour aller en ce lieu où Joël réinvente le Robuchon que j’ai adoré il y a bientôt plus de vingt ans sont rares. Le menu qui est prévu me semble assez spectaculaire. Je pèse le pour et le contre. L’envie de faire cette folie me chatouille. Je dis oui. En ces temps de communication instantanée les changements et ajoutes de billets d’avion se font rapidement. Mon ami me réserve une chambre au Bellagio. Je vais voir sur le site internet de l’hôtel. Ça ne paraît pas mal. Me voilà parti.

De l’avion on voit que l’on traverse des régions désertiques d’une rare sécheresse. Et soudain, non loin d’un lac de belle taille on voit cette oasis où fleurissent des gratte-ciels au milieu d’un quadrillage de maisons résidentielles. L’aéroport de Las Vegas est immense et l’on ne cesse de marcher. Dès l’entrée, les premières machines à sou tentent les joueurs. Quand on attend ses bagages devant le carrousel, d’immenses écrans projettent toutes les attractions auxquelles il serait possible de succomber. La liste d’attente des taxis est fort longue et j’entends un touriste américain crier Bellagio. Il cherche un complice pour partager le prix du taxi. Cela me fait gagner de nombreuses places. J’accepte son offre.

Arrivé à l’hôtel Bellagio, je vais au comptoir d’enregistrement. Pas moins de 300 personnes font la queue pour se faire enregistrer à l’un des quinze ou vingt comptoirs. Mon ami avait réservé pour moi et le préposé trouve mon nom. Je connaissais Las Vegas pour y être venu plusieurs fois et je suis prévenu du gigantisme. Mais là, c’est assez renversant. Cet hôtel compte 10.800 personnes à l’effectif. C’est inimaginable. Les préposés aux bouquets de fleurs sont au nombre de 70. Pour atteindre ma chambre, c’est un parcours qui vaut bien quatre ou cinq trous de golf. Inutile de prévoir son jogging matinal, cet hôtel suffit. La décoration des chambres est très convenable, d’un luxe standardisé mais acceptable. Ce n’est plus la personnalisation de l’hôtel Bel Air avec un service surabondant. Ici tout est « managé ». Mon ami m’appelle et me dit, sans autre forme de procès : « je te prends à 6 heures pour aller dîner chez un grossiste en vins ». Quand il arrive, je reconnais dans sa voiture Pierre Lurton à qui j’avais dit que je ne viendrais pas à Las Vegas lorsque je l’avais croisé par hasard à la sortie de son hôtel dans Beverly Hills. Nous partons en dehors de Las Vegas et nous arrivons dans une zone industrielle où une entreprise « Southern Wine Spirits of Nevada » a installé son siège et son entrepôt. Le luxe se respire dès l’entrée. Une immense affiche annonce : « welcome to Pierre Lurton ». Des gens boivent du Perrier Joët Belle Epoque. Nous montons dans le bureau du « senior managing director », Larry Ruvo, sexagénaire dynamique qui goûte dans une salle de réunion quelques vins avec Maureen, une très jolie femme qui va rejoindre un projet que Larry nous expose tout de go. Il nous montre une maquette d’un immeuble qui sera construit selon les plans de l’architecte du Guggenheim de Bilbao. La construction est faite de cubes entassés comme un jeu d’enfant, couverts d’une chiffonnade en acier inoxydable sensée représenter les circonvolutions du cerveau. Car il s’agit d’un centre de recherche pour les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Il remercie mille fois Pierre Lurton car Bernard Arnault a été l’un des donateurs, et nous expose comment il a levé des fonds avec cette méthode très américaine d’organiser un repas de 2000 personnes au cours duquel on vend aux enchères des choses totalement folles comme une niche de chien conçue par le même architecte et adjugée à 350.000 dollars. La soirée aurait rapporté 20 millions de dollars. Au Nevada, on ne badine pas avec l’argent. Larry n’arrête pas de commenter ce projet et l’on ne sait toujours pas quel rôle il joue dans tout cela. Pierre se fait mille fois féliciter par de larges accolades. C’est américain. Nous allons rejoindre une immense salle de conseil dressée pour une quarantaine de couverts. Tout le monde est déjà là et nous serrons des mains. Au mur, il est écrit : « Southern Wine and Spirits welcomes Pierre Lurton ». Six verres sont devant chaque place.

Voici le menu : Coriander seared Hamachi on a bed of pumpkin risotto / Roasted crispy skinned pheasant with a medley of chanterelles and truffle oil / grilled tenderloin of bison with baby Dutch potatoes and a Barolo emulsion / lavender poached Bartlett pears / Poppyseed-cinnamon ice and sautéed strawberries. Larry nous a montré sa cuisine dont la taille est plus grande que celle de Guy Savoy additionnée de celle de l’Astrance. Rappelons que nous sommes en zone industrielle. Il a un chef à demeure qui a réalisé une cuisine que beaucoup de chefs dotés d’une étoile pourraient envier. De plus la sophistication des plats est spectaculaire.

Nous nous asseyons et Larry demande à chacun de se présenter. Ce sont les sommeliers des plus grands restaurants de Las Vegas, des propriétaires de restaurants et des personnes impliquées dans ce projet humanitaire dont nous avons vu la maquette. Je suis assis à côté de Hae Un Lee, exemple du miracle américain car il est arrivé il y a 26 ans avec deux dollars en poche et dirige maintenant onze boutiques de vins réalisant 80 millions de dollars de ventes. A ma droite, c’est un avocat de l’est américain qui a tout abandonné pour créer un restaurant et une boutique de vins à  Las Vegas.

Les vins que nous goûtons sont Château Cheval Blanc 2000 – 1998 – 1990 et 1989. D’emblée on sent que les vins, aérés depuis longtemps, servis à la température de pièce, sont infiniment plus généreux et ouverts que lors des dégustations que nous avons faites à Los Angeles. Au nez, et ce sera confirmé en bouche, il apparaît que celui qui sort du lot est le Cheval Blanc 1998 et que le plus faible est le Cheval Blanc 1989. Le 2000 est un grand vin bien sûr, puisqu’il a été gratifié de 100 points par Robert Parker. Mais le 1998 le précède de cent coudées. Le Cheval Blanc 1990 a des accents de chocolat et de truffe et son final est aérien. Le 1989 est plus sec, boisé et poivre vert. Une chose est à signaler, c’est que les quatre vins sont des vins immenses, ce qui ne paraissait pas aussi évident lors des dégustations de Bipin Desai.

Mon classement est : 1998 – 1990 – 2000 – 1989. Mais j’observe alors un curieux phénomène. Le 2000 fait une ascension vers le somment à un rythme étourdissant. Pourquoi se met-il à s’améliorer aussi vite, je suis incapable de le dire. Je quitte cette série de vins rouges en assistant au fait que le Cheval Blanc 2000 se met à justifier ses 100 points.

Les deux Yquem sui nous sont servis à température plus élevée qu’à Los Angeles sont épanouis. L’Yquem 2001 est encore un bébé dans ses langes, mais la poire à la lavande le débride complètement. C’est un grand vin qu’il faut attendre. La belle et divine surprise vient d’Yquem 1988 qui est joyeux comme jamais il ne le fut à Los Angeles. Là, sous cette présentation tonitruante, il reprendrait la tête de la trilogie 88 – 89 – 90.

Lorsque nous étions dans le bureau de Larry Ruvo, il nous avait suggéré avec insistance d’aller au show de l’hôtel MGM, le « KA », cirque du soleil. Il annonce à ses invités que nous quittons le repas pour visiter l’entrepôt et ensuite aller à ce show. Un chiffre montrera le gigantisme américain : de cet entrepôt sortent chaque nuit quarante mille caisses de vin. Le stock comporte plus de 16.000 références et le nombre de caisses se compte en millions. Nous faisons un tour en voiture électrique, klaxonnant pour ne pas se faire heurter par une armée de chariots élévateurs en plein travail.

Mon ami met son détecteur de radar  pour nous emmener à plus de cent miles à l’heure à l’hôtel MGM. Pendant le trajet nous pouvons voir dans la nuit noire que les avions qui vont se poser à Las Vegas s’alignent à la queue-leu-leu dans le ciel comme les cyclistes dans une échappée contre le vent. On dira ce qu’on voudra d’un accueil un peu sirupeux, grandiloquent, excessif de notre Tycoon du Nevada, mais derrière tout cela, il y a de l’efficacité. Car devant la porte d’entrée du théâtre, il y a un collaborateur de Larry qui nous attend avec nos billets. Chapeau bas. Nous assistons à l’un de ces spectacles extraordinaires qu’on ne trouve qu’à Las Vegas. La machinerie pour animer tous ces plateaux qui bougent dans l’espace est totalement invraisemblable. C’est un chatoiement de couleurs, des acrobaties aériennes orchestrées par une chorégraphie élégante et osée.

Les yeux encore brillants de cette féerie, nous entrons au restaurant de Joël Robuchon qui est dans l’hôtel MGM. Nous sommes accueillis par le directeur et par le sommelier qui nous propose au bar un champagne Bruno Paillard non millésimé. Je n’en ai jamais bu et je suis plutôt favorable à son final enlevé et aérien. Je picore quelques mignardises qui restent en fin de service sur le chariot. Caque saveur est à se damner. La décoration du lieu est d’une belle distinction mais surtout d’une opulence qui marque les esprits. L’Atelier de Robuchon est voisin du restaurant aussi le chef de l’Atelier vient nous dire bonjour. Pierre Lurton dispose d’une immense suite à l’hôtel MGM et nous souhaite une bonne nuit. Mon ami me dépose au Bellagio à une entrée qui n’est pas celle que je connaissais. Il me faudra une demi-heure pour regagner ma chambre après avoir traversé des milliers et des milliers de tables de jeu où une population incroyablement nombreuse s’adonne à la drogue du jeu. Un ami suisse qui était de la partie ce soir et loge au même hôtel est un accro du jeu. Il m’a montré des jetons dont la valeur individuelle ferait frémir dans d’autres lieux que cette oasis de l’invraisemblable.

Tout ici est folie et gigantisme, tout dépasse l’imagination. Cette immersion est un dépaysement absolu qui me ravit par l’exubérance inattendue. Laissons à après-demain le retour au quotidien.

Southern Wine & Spirits, Nevada mercredi, 7 novembre 2007

When we arrive, the welcome is particularly sympathetic. Pierre Lurton accepted to be on this picture.

 

Larry Ruvo explains the project of a very big building for a center of research on Alzheimer and Parkinson diseases. He thanks Pierre Lurton for the support he gave.

Then, we join the board room where a meal will be served.

 

Larry presents everyone, I am near Pierre Lurton on this picture.

 

A delicious meal for Cheval Blanc and Yquem (see report)

 Delicious pear on Yquem

 This is the only picture of the show in hotel MGM that I took, as it is forbidden to use cameras.

Une verticale de 28 millésimes d’Yquem jusqu’en 1899 lundi, 5 novembre 2007

Après un petit break suivant le déjeuner avec les plus grands Cheval Blanc, nous nous retrouvons à nouveau pour le premier repas consacré à Yquem, un dîner à Chinois on Main, avec la cuisine de Luis Diaz et René Mata, et avec la supervision des vins de Christian Navarro. La dégustation est conduite par Bipin Desai et l’invité d’honneur est Pierre Lurton, qui va nous donner des informations très précises sur chaque année avec les dates de vendanges, les rendements, les taux d’alcool, d’acidité et de sucre potentiel ou résiduel. Je suis arrivé très en avance de mon hôtel, aussi je peux voir toutes les bouteilles dorées alignées sous la bienveillante protection d’un Bouddha, dont l’énigmatique visage semble indiquer qu’une telle offrande est acceptable par Lui.

Le menu se compose de : passed hors d’oeuvre / Pithivier of stir-fried squab with roasted sweet potato puree / Santa Barbara prawns on sweet and sour beets with sesame seed and plum wine emulsion / roasted Kurobota pork loin with slow braised shoulder, dry apricots and toasted almond / upside down passion fruit cheesecake with pineapple sabayon.

Si l’on excepte le porc, je n’ai pas été impressionné par les essais d’accords avec Yquem, qui peuvent être largement meilleurs comme nous le verrons demain. Mais l’endroit est si charmant et le staff est si actif que nous avons passé un très beau moment.

Voici une anecdote qui m’a fait sourire. Quand je fais des dîners avec des grands chefs pour mettre en valeur des vins anciens, je leur demande de simplifier leur cuisine, en leur disant qu’une cuisine simplifiée peut être délicate et montrer aussi bien leur talent. Quand le « pork loin » arrive sur la table, il y a sur l’assiette seulement trois tranches de viande, sans sauce, sans aucun extra. Et je me mets à penser : “wow, ils ont compris ce qu’il faut pour Yquem”. Et soudain, un serveur arrive avec une énorme cocotte et remplit les assiettes avec une autre viande (l’épaule), des légumes et de la sauce. J’avais rapidement essayé  la viande seule avec l’Yquem, juste pour vérifier que ça marche bien. Le plat plus complexe est trop lourd pour être un véritable ami d’Yquem.

La première série : Yquem 2003, 2000, 1998, 1995, 1982, 1970

L’examen des odeurs n’est pas d’un grand secours pour ces jeunes vins. J’ai juste noté que le plus grand nez est celui du 1970, ce qui est normal car c’est le plus vieux. Le 2003 a pris du corps depuis que je l’ai goûté au château. J’y vois de la figue, du fruit tropical, des gâteaux exotiques. Le vin est opulent, avec du gras. C’est réellement un grand vin.

Le 2000 est plus élégant, plus discret, mais le sucre se montre plus. C’est un Yquem moins intéressant. Le 1998 est nettement plus léger. Un Yquem plus limité qui ne m’a jamais vraiment convaincu. Il n’a pas la personnalité que les autres peuvent montrer. Le 1995 qu’Alexandre de Lur Saluces complimenta beaucoup à sa première apparition est élégant, mais je le trouve trop monolithique, trop simple. Le 1970 est maintenant sur mes lèvres : ça, c’est un vin ! Le sucre est très limité ; élégance, douceur et charme sont là. Ce n’est probablement pas le plus imaginatif, mais j’aime son côté aérien en bouche et son goût d’abricot. Le 1982 a une très belle attaque de citron vert. Il a équilibre, structure, sérénité. C’est typiquement un vin de gastronomie.

Mon classement : 1982 – 2003 – 1970 – 2000 – 1995 – 1998.

Le classement en considérant le potentiel mettrait le 2003 au dessus du 1982.

Seconde série : Yquem 1986, 1961, 1953.

Les couleurs des deux plus vieux sont fantastiques. C’est ce à quoi Yquem devrait ressembler. Le 1986 est légèrement amer, mais avec le temps, il gagne en élégance. Ce vin a été une « sleeping beauty » pendant longtemps.  Il est très probable qu’il va connaître un développement positif. Avec le 1961 nous entrons dans une nouvelle génération d’Yquem. Ce vin a de l’équilibre, mais plus que cela, une aisance à la George Clooney. Il est dans une phase « mangue ». Le 1953 est complètement féminin. Contrairement aux vins qui réclament un plat, ce 1953 a un tel charme en douceur qu’il devrait être bu seul, pour en apprécier la subtilité.

Pierre Lurton trouve que le 1961 a un final plutôt amer, mais en fait ce vin abandonne progressivement son sucre et devient plus sec, comme cela arrive plus fréquemment pour la décennie 30.

Goûtant de nouveau les vins je trouve que le 1986 irait très bien avec un homard, et même si le final n’est pas le plus spectaculaire, je le trouve plaisant. Le 1961 prend des notes de thé, s’assèche un peu mais c’est un vin très beau. Le 1953 est excellent.

Mon classement : 1953 – 1961 – 1986.

Troisième série : Yquem 1983, 1967, 1959, 1955

Pour le 1983, le sucre est très sensible, mais compensé par une belle acidité de citron vert. C’est un classique et bon Yquem. Le 1967 a une attaque de thé, de bois amer. Mais le volume de ce vin est énorme. Il est très intéressant car il n’est absolument pas conventionnel. J’aime justement le côté atypique de ce vin. Le 1959 est très léger, aérien et subtil. Quel contraste avec le 1967 ! Il est extrêmement élégant. Le 1955 est la synthèse des deux vins précédents. Il est intéressant. Il y a des fruits confits. Le final est imposant.

Je fais un second et un troisième tour pour décider qui est le premier car c’est compliqué. Le 1967 est très grand, mais avec un aspect de thé. Aussi, je préfère le 1955. Le 1959 est de plus en plus grand. Il est extrêmement difficile de choisir. Je commence à écrire 1955 – 1967 – 1959 – 1983.

Mais en fait mon classement est : 1955 – 1959 – 1967 – 1983. Le fait de mettre le 1967 seulement en troisième place montre que les deux autres sont particulièrement brillants. Bipin dit que le 1967 est le plus “exotique” de tous les Yquem et ajoute : “c’est le plus Pomerol des Sauternes”.

Le 1955 a de l’élégance, le 1959 a un final poivré, le 1967 a une incroyable puissance, et c’est une bombe. Le 1955 est le plus léger, mais pour moi il est exactement dans la ligne historique d’Yquem. Je reviens aux précédentes séries avec le 1982 qui est très bon et le 1970 qui tient mal la distance.

Nous parlons tous de nos choix, qui sont très différents, et la question qui se pose, à mon avis c’est “qu’attendons-nous exactement d’un Yquem?”. Il est clair que certaines personnes veulent de la puissance, ce qui n’est pas ma recherche première. Les préférences furent très différentes. C’est une bonne chose, car chaque Yquem trouvera son fan club.

C’était une merveilleuse soirée, avec de beaux vins et une nourriture plutôt décevante, montrant que le chef n’est pas entré dans le monde d’Yquem.

– *

Notre groupe se rencontre de nouveau le lendemain pour déjeuner. Le quatrième événement de cette incroyable série de dégustations est un déjeuner au Spago Berverly Hills, avec un menu composé par Wolfgang Puck, un chef talentueux d’origine autrichienne. Le management des vins et des verres est comme d’habitude supervisé par Christian Navarro. Pierre Lurton est de nouveau l’invité d’honneur du déjeuner organisé par Bipin Desai.

Le menu se compose ainsi : hors d’oeuvres / wood oven-roasted, prosciutto-wrapped Maine monkfish with onion-date puree and Thai spices /  roasted breast of Scottish pheasant with shepherd’s pie of braised leg and butternut squash / grilled Snake River Ranch Kobe New York steak with Matsutake mushrooms / Stilton and Roquefort / apple and fennel sorbet with pixie tangerines, lime marinated persimmon with anise wafers.

Ce fut la plus élégante cuisine des quatre repas, parfaitement adaptée aux vieux Yquem, et je suis particulièrement heureux que le chef ait eu le courage de proposer un bœuf de Kobe sur de vieux Yquem. Ça a merveilleusement fonctionné. J’adore quand on prend de tels risques, et ça paie !

La première série : Yquem 1976, 1975, 1948, 1947, 1934

Les couleurs les plus sombres sont celles du 1947 et du 1948. Le 1934 est plus léger, et dans mon verre un peu trouble, ce qui n’apparaît pas pour mes voisins. Le nez du 1975 est bouchonné, et j’apprends que pour l’autre groupe, c’est le 1976 qui est bouchonné. Nous avons échangé des verres entre ceux qui avaient de bons vins et ceux qui avaient reçu des bouchonnés.

Le nez du 1948 est merveilleux. Il a une incroyable force et on le sentirait en pensant à un alcool. Le nez du 1947 a une infinie subtilité. Il est sexy comme un parfum. Le nez du 1934 est équilibré et doux. Le nez du 1976 est très fort en alcool.

Le 1976 en bouche est très gras, suggérant des fruits confits. C’est un excellent Yquem. Le 1975 ne souffre pas tellement d’être bouchonné.  Mais bien sûr, il n’est pas ce qu’il devrait. Je peux imaginer qu’il pourrait être grand. Je reçois de deux verres du bon 1975. Je ne suis pas convaincu du tout, car je n’aime pas de telles manipulations.

Le 1948 est un ange qui descend lentement du ciel. Pour moi, c’est l’expression du bonheur. Rien n’est exagéré, tout est délicieux. Il y a même un peu de beurre dans le goût. Cet Yquem est “le” Yquem que je souhaiterais boire pour toujours. Un pur rêve. Nous boirons plus tard quelques Yquem que je classe au dessus, à cause de leur spectaculaire performance. Mais celui-ci est pour moi une pure joie, comme la vieille robe de chambre de Montaigne. On peut avoir des vêtements de grand prix ou de belle coupe. Mais il y a une veste – généralement plutôt vieille – que l’on porte avec un plaisir total. C’est ce que je trouve dans le 1948.

Le 1947 a une puissance énorme. C’est un Sumo. Il est parfait, mais pour mon goût, je préfère le plus subtil 1948. Le 1947 servi en magnum est glorieux. Le 1934 est très surprenant. Mon opinion est qu’il a changé par rapport à son goût originel, évoluant vers une combinaison d’alcool et d’oranges très mûres. Si ce vin était bu tout seul, nous le trouverions absolument superbe. Mais mis ensemble avec le 1947 et le 1948 c’est un challenge trop lourd. J’essaie de nouveau et je trouve dans le 1947 une totale perfection. Le 1948 est d’un charme fou, mais je dois dire que le 1947 est plus grand. La sauce est fantastique avec les vins, Wolfgang Puck, qui a goûté tous les vins (pas mal !), a adapté les sauces aux vins. Le 1947 et le 1948 sont à égalité dans mon classement, et le 1934 est le meilleur 1934 que je n’aie jamais goûté, car tous ses éléments se sont maintenant intégrés. Le 1976 est grand, le 1975 manque de charme. Finalement, le 1948 est ce que je recherche pour Yquem, aussi je vais le classer premier.

Mon classement : 1948 – 1947 – 1976 – 1934 – 1975.

Bipin me demande de faire des commentaires sur les vins, et je dis que quand j’ai devant moi  la perfection d’Yquem, je suis comme un gamin dans une boutique de bonbons, je savoure.

Seconde série : Yquem 2001, 1997, 1990, 1989, 1988

Le 2001 se montre très sucré, il évoque les pâtes de fruits. Je sens l’énorme potentiel de ce vin parfait, mais il est très difficile pour lui d’être servi après le 47 et le 48. Le 1997 est très élégant, facile à vivre, poivré. C’est le type d’Yquem que j’aime. Je trouve des ressemblances avec le 1948.

Le 1990 offre du café, des fruits blonds. Il est beau, mais il manque de longueur. Très fruité pour Yquem. Le 1989 est très agrumes. Plus léger que le 1990 il est élégant. Citron vert, avec un final très beau et élégant. Le 1988 est le plus équilibré. Il n’a pas beaucoup d’extravagance. On dirait qu’il se sent “établi”. Le 2001 est dans une phase où le sucre domine. Ce n’est pas à son avantage et nous devrions attendre avant de l’ouvrir à nouveau. Le 1997 est le récent exemple qui est le plus dans la ligne historique d’Yquem. Le 1988 est trop politiquement correct. Il joue un peu en dessous de son talent naturel. J’étais dans le camp de ceux qui préfèrent le 1988 dans la trilogie, mais ici, c’est le 1989 qui est le plus beau. Le 1989 est le plus élégant, et le 1990 montre trop son sucre. (A noter que suivant par hasard Pierre Lurton dans quelques unes de ses pérégrinations, le 1988 se montrera sous un jour beaucoup plus brillant et reprendra la tête de la trilogie).

Pour un plaisir immédiat et pas sur le potentiel, mon classement est : 1989 – 1997 – 1988 – 1990 – 2001. Le plus grand potentiel est pour 2001 et 1988. Mais maintenant, la fraîcheur du 1997 et l’équilibre du 1989 les classent en tête.

Après plusieurs nouveaux essais, le 1988 devient plus grand que le 1997, aussi mon classement final est 1989 – 1988 – 1997 – 1990 – 2001.

Bipin dit que le 2001 est “larger than life”. Tous les aspects de ce vin sont au dessus de toute norme.

Troisième série : Yquem 1949, 1945, 1937, 1921, 1899.

C’est difficile d’imaginer d’avoir ces cinq verres en face de moi. Je vois alentour que cela semble naturel. Mais ça ne l’est pas !

Les couleurs se classent du plus foncé au plus clair : 1921 / 1899 / 1937 / 1945 / 1949. Le nez du 1945 est très élégant. Le nez du 1937 a un problème infinitésimal. Le 1949 évoque les fruits bruns. Le 1921 est l’archétype d’une odeur parfaite. Le 1899 a un nez élégant et racé. La noblesse totale.

Je commence à boire. Le 1949 est totalement élégant, avec un final plutôt court. Il faut bien se dire que tous ces vins sont au dessus de 100 points dans l’échelle de Parker. Aussi, critiquer est la même chose que de dire : “ je n’aime pas tellement la courbure du nez de Mona Lisa”. Tout ce que j’ai à dire sur le 1945 c’est qu’il est parfait. Il est élégant et d’un équilibre fabuleux. Il est exceptionnel avec un énorme final.

Le 1937 est plus fluide, acide, très dans le style des années 30. Il est très différent du style des années 40. Il y a du pamplemousse, du citron vert. C’est un vin de gastronomie, un grand Yquem. Le 1921 est complètement atypique. Il y a du thé et du café, mais aussi du citron. La longueur est unique. C’est grand, opulent, et confortable. Si j’avais à faire une critique, je dirais qu’il manque un peu d’excentricité.

Le 1899 est vraiment un grand Yquem. Thé, fruits confits, combinés avec du citron vert, et la sensation est au dessus de celle du 1921. Dans le 1899 il y a de l’alcool, dans le 1921 il y a du caramel, et mon goût n’est pas tellement en faveur des Sauternes qui ont développé leur côté caramel.

Mon classement : 1899 – 1921 – 1945 – 1937 – 1949. Mais combien de vins dans le monde pourraient être classés au dessus du cinquième de cette série ?

J’avais changé mon vote plusieurs fois car il est difficile de choisir entre le 1945 et le 1937. Le 1945 est un peu plus chantant et ensoleillé. Je reviens au 1947 d’une précédente série qui a développé un goût de raisin sec. Et c’est très rare.

Mon classement final pour ce soir est :

1899 – 1921 – 1945 – 1948 – 1947 – 1937 – 1989 – 1988 – 1976.

Si je dis maintenant que le 1899 que j’ai partagé à Yquem avec Pierre Lurton et quelques amis était au dessus de ce 1899, on peut imaginer ce que nous avons vécu à ce moment-là.

Cette dégustation montre qu’Yquem, plus il est vieux, meilleur il devient (si on choisit les grandes années), et elle montre que la décennie 40 est dans une forme éblouissante. Je dis souvent que ce qui est unique pour Yquem est que chaque fois que l’on en ouvre un,  nous avons la meilleure probabilité d’avoir une bouteille parfaite.

Nous avons eu l’extrême chance que Pierre Lurton apporte autant de  vins dans un état idéal. Bipin Desai a organisé les séries avec une rare intelligence. Christian Navarro a fait un travail fantastique pour nous servir des vins en pleine forme et en bonne condition de dégustation. Wolfgang Puck a réalisé une cuisine magique qui a donné des idées à Pierre Lurton pour prendre au château plus de risques dans les accords.

Tout a été parfait. Les quatre repas auxquels nous avons participé représentent un ensemble  d’événements uniques d’un rare niveau.

The lunch by Spago with the oldest Yquem dimanche, 4 novembre 2007

I arrive by Spago, and I see Christian Navarro, taking the sun, with a look à la Mickey Rourke.

 In the main room which we will not use, this painting is reproduced on the menus that each of us will receive. The welcome champagne is this Mumm de Cramant of Mumm.

 

These two groups of glasses have already the year printed on the foot, ready to receive the golden liquids.

 

On the feet on the left : 1899, 1921, 1937, 1945, 1949. Even empty, it is impressive.

The magnum of Yquem 1947 is impressive too.

 

Nice bottles. In front on the right, the two 1948.

 

The picture on the right is not precise enough, but I would like that Pierre Lurton having in hand the magnum of 1947 would be together with Wolfgang Puck, the talented chef.

 

The 1947, 1948 and 1934 are poured.

 

I wear the empty magnum of 1947 in the company of Serena Suttcliffe. Things begin to be serious when Pierre Lurton explains the wines of Yquem.

 

The sauce, on the left, was incredibly good with the wines.

 

Jancis Robinson talks with Bipin Desai. The picture is taken from my seat. In front of me, on the first row, 1937, 1949 and 1945. Behind, two monsters, 1921 and 1899. To have these glasses in front of me is incredible.

 

The Kobe beef was a pure marvel with the old Yquem. The Stilton was OK but the Roquefort was too intense.

 

Wolfgang Puck the brilliant chef and Bipin Desai exchange nice words.

 Pierre Lurton joins the group. Wolfgang is always so moving that I was unable to take a picture with him being quiet.

A fantastic lunch (see report).