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Vinexpo : incroyable dégustation des plus grands… lundi, 18 juin 2007

On peut faire impressionnant, mais il y a des moments où l’on atteint la limite du possible.

(cette étrange sculpture m’évoque l’instrument de musique inventé par Gaston Lagaffe. J’ai gaffé ?)

Dans l’immense salle du musée d’art contemporain qui s’appelle « Entrepôt », avec une hauteur sous plafond qui avoisine les vingt mètres, imaginez une table en équerre et devant vos yeux, une soixantaine de bouteilles ouvertes de chacun des vins suivants : Cheval Blanc 2001, Haut-Brion 2001, La Mission Haut-Brion 2001, Lafite-Rothschild 2001, Latour 2001, Margaux 2001, Mouton-Rothschild 2001, Pétrus 2001, et, tache de couleur qui tranche avec les autres, Yquem 2001. C’est assez irréel.

Faisons un petit retour en arrière. Il fait très chaud à Bordeaux et je n’ai aucune envie d’affronter Vinexpo. Cette dégustation organisée par la maison Duclot du groupe de Jean-François Moueix, propriétaire de Pétrus, se tient à 17 heures. Dès 13 heures, je suis garé à proximité du musée, car dans cette ville qui n’aime que les tramways, il faut savoir anticiper. Je déjeune dans un restaurant sans intérêt mais dont la patronne sympathique fait de grands efforts pour satisfaire sa clientèle, et je me promène à pied dans la ville aux immeubles de pierre d’une grande beauté, en choisissant les trajets dont les trottoirs sont à l’ombre. Je reviens vers 16 heures et je cherche l’entrée qui n’est pas indiquée. Une dame voyant mon embarras me demande ce que je cherche et m’indique que le musée est fermé aujourd’hui. Je lui explique ce qui m’amène et elle me propose de m’aider à rentrer. Un interphone et on lui ouvre. Etant entré dans la place, je me risque à lui demander ce qui lui permet d’être si facilement reconnue. « Je suis la directrice des musées de Bordeaux » me dit-elle. Entrant dans les murs une heure avant les 1300 invités qui sont attendus, et alors que je remercie cette aimable directrice, deux silhouettes apparaissent, qui me remplissent de joie : Sandrine Garbay, maître de chais d’Yquem accompagnée de Francis Mayeur, directeur technique. La directrice me voyant pris en charge s’efface. Et j’aperçois, dans une armoire réfrigérée, 70 bouteilles d’Yquem 2001 qui seront consommées ce soir. Quel luxe et quel infanticide !

A côté de Sandrine, le maître de chai de Pétrus ouvre et vérifie chaque bouteille de Pétrus 2001.

Une longue table en enfilade est attribuée aux champagnes, et le choix n’est pas mal non plus. Ici les années varient, et je ne suis pas sûr de toutes. Il y a Bollinger, Krug 1995, Amour de Deutz en jéroboam, Laurent-Perrier Grand Siècle en magnum, Dom Ruinart 1996, Dom Pérignon 1999, Cristal Roederer 2000, Comtes de Champagne de Taittinger et Veuve Clicquot Ponsardin. Toutes les bouteilles plantées dans des monticules de glace dans des seaux spectaculaires donnent une image d’opulence et de débauche.

(histoire de seaux, mais aussi histoire de glace)

Une autre table, dans un autre espace de l’entrepôt, est affectée à plus d’une dizaine de portos 2003.

Quelques minutes avant 17 heures une foule compacte commence à envahir le lieu qui va prendre, malgré la hauteur, de nombreux degrés de température. Je suis le premier à être servi de Pétrus 2001, car dans ma jeunesse, j’avais appris qu’il valait mieux tenir que courir. Ce Pétrus a un charme fait de puissance dosée, de cassis et de poivre mesurés eux aussi, avec une sérénité rassurante. Mouton-Rothschild 2001 me sourit par rapport à un essai bien triste fait il y a quelques mois. Tous ces premiers grands crus classés sont spectaculaires. J’ai retenu de ce groupe, sans trop détailler mon avis, que je place en premier Pétrus, suivi de très près, au point que l’on penserait à en faire presque un ex aequo, par La Mission Haut-Brion 2001, qui précèdent un second peloton où l’on verra Latour, Haut-Brion et Lafite-Rothschild.  Cheval Blanc que j’adore doit encore attendre avant de se révéler.

Du côté des champagnes, l’ordre est très lié au goût personnel, car chacun a ses préférences. Je mettrais en premier et d’assez loin Krug 1995 suivi par Ruinart 1996 parce que je l’aime bien. Les autres champagnes sont évidemment de la fine fleur de l’élite du champagne.

Tout en goûtant, les discussions vont bon train avec une foule de gens célèbres comme Pierre Lurton, Didier Depond, Olivier Krug, Richard Geoffroy qui fait Dom Pérignon, Charles Chevallier de Lafite, Jean Claude Berrouet qui a fait de nombreux millésimes de Pétrus, accompagné de deux fils dont un actif à Cheval Blanc. Beaucoup d’autres personnalités se pressent aussi aux stands.

La chaleur m’impose de ne goûter que deux portos, le Quinta do Noval 2003 et le Graham’s 2003. Ces jus de raisin expressifs gorgés d’alcool mériteraient d’être goûtés en hiver. Ce sont de purs plaisirs.

Avez-vous remarqué que je ne dis rien sur Yquem 2001 ? L’aurais-je oublié ? Evidemment non et c’est même le vin de ma soirée, Francis Mayeur riant de me voir tant l’aimer. Il faut quitter ce lieu tant il fait chaud, mais j’ai l’esprit léger car j’ai côtoyé des merveilles. Le front se plisse quand on s’aperçoit que Bordeaux a un désamour définitif pour les automobilistes. Comment une telle aberration d’urbanisme est-elle concevable ? Gardons plutôt le souvenir  paisible de tous ces vins de légende offerts généreusement.

Vinexpo : dîner au Domaine de Chevalier dimanche, 17 juin 2007

Le lendemain c’est Olivier Bernard et sa ravissante épouse qui accueillent au Domaine de Chevalier. L’ambiance est radicalement différente car les vignerons de cette soirée sont regroupés en « le Xème tour de France des appellations », groupe qui s’est réuni pour la première fois en 1985 et fête aujourd’hui son 21ème anniversaire. On quitte la sphère bordelaise pour visiter sur la pelouse toutes les régions françaises, avec ce qui se fait de mieux dans chaque appellation, où seules des maisons familiales sont représentées. Il doit y avoir un ange qui veille sur les soirées vineuses, car hier et aujourd’hui le ciel est clément. Une ondée passagère rafraîchira la dernière partie du dîner mais sans rien perturber, l’apéritif se tenant sous un soleil rasant, perçant les arbres du petit bois que l’on arpente pour discuter avec une assemblée au moins aussi cosmopolite que la veille. Je serai à une table où l’on vient de Las Vegas, de Djakarta et de Shanghai. Mon voisin de Shanghai distribue des vins français mais aussi les fromages de Bernard Antony, le célèbre fromager.

(on lit : 300 cl)

Pendant l’apéritif sous les bois, on peut déguster des vins de tous ces producteurs et je suis très sensible au vin blanc Esprit de Chevalier 1992 servi en double magnum, vin doré dont la maturité est reposante. Pressentant que l’offre de vins à boire serait redoutable, c’est surtout le champagne Pol Roger qui m’accompagne en ce début de soirée, mais quand on voit sur table un Sassicaïa 1996, il est assez difficile de résister. De délicieuses victuailles réparties en stands sont offertes, dont un Jabugo de compétition.

(le souriant Alphonse Mellot était présent)

Le dîner assis n’est pas placé aussi je suis le sillage de Gil et Christine, amis de Las Vegas, pour me retrouver à cette table agréablement exotique où mes voisins sont tous maîtres d’une commanderie de Bordeaux quand je suis simple soldat. Les vins pour cinq cents personnes sont accessibles à un immense stand où s’organise une joyeuse cohue car dans ces cas-là, ce sont évidemment les vins les meilleurs qui s’arrachent les premiers. Je profiterai donc du Sassicaïa 1996 au charme puissant, lourd mais très équilibré, surpassé ce soir pour beaucoup de mes voisins par le Guidalberto 2004 qui est une bombe de cassis. Il est évident que ce vin est grand mais très éloigné de mes penchants. J’ai en revanche une émotion plus grande avec l’Hermitage La Chapelle Jaboulet 1983, joliment subtil et suggestif qui se marie à merveille à une goûteuse poularde. Le Pouilly- Fuissé Château de Fuissé vieilles vignes 1999 en jéroboam est très adapté à la profusion de fromages de Bernard Antony découpés dans les chais. Le Pinot Gris Windsbuhl vendange tardive Zind-Humbrecht 1994 est toujours aussi précis.

Comment finir un tel festin mieux qu’avec un champagne Pol Roger cuvée Winston Churchill 1996 ? Ce champagne racé, bien défini, est grand. Un petit orchestre a accompagné l’apéritif et le dîner, devenant plus présent quand il s’est agi de danser. Olivier Bernard et son épouse, d’une bonne humeur communicative, ont fait de cette soirée un moment chaleureux amical où les échanges avec des professionnels de tous les pays se sont faits avec le sourire. L’efficacité bordelaise sans doute.

Vinexpo : opening dinner by Chateau Haut-Bailly samedi, 16 juin 2007

France, and more precisely Bordeaux, becomes for a week the center of the world of wine. Every professional of an incredible number of countries are there for Vinexpo and for the opening dinner in Chateau Haut-Bailly it is not less than 35 different nations who will attend.

The cars are parked on big meadows as we will be approximately one thousand for the dinner.

Electric cars drive the guests to desks where glamorous hostesses give booklets for a tasting of all the Pessac Léognan 2004. The invitation was in fact made by the association of Grands Crus classés de Graves.

In an alley, the incredible smile of Véronique Sanders welcomes the guests. In the chais, every chateau of Pessac Léognan presents its wine and I say hello to many owners. I begin –unfortunately or fortunately – by the best, La Mission Haut-Brion 2004 with a very natural power. It is extremely different from the Haut-Brion 2004 which has more fruit and less power that I find less convincing. As on the table the Laville Haut-Brion white 2004 is presented, I do not resist and drink it, and I immediately realise that I will not have any objectivity during this tasting as I fall in love with this Laville because I adore Laville. So, this is an excuse to forget the booklet and wander from one wine to another. I will just mention the extremely sexy charm of the red Smith Haut Lafitte 2004 which combines a very strong attack to a soft mint landing, and the usual purity of a very classical and peppery Haut-Bailly 2004, the wine of the place.

My palate is quickly saturated and I leave the chais for the garden where waiters propose Pol Roger champagne. And it is absolutely appropriate to quiet the sensations given by these great Bordeaux. Waiters in white propose many canapés, and I talk with this very cosmopolitan attendance.

It is time to go to the tables under gigantic tents, for a dinner orchestrated by a smiling and relax Alain Passard who created this dinner named : « Saveurs d’Alain Passard » : langoustine royale de Bretagne en carpaccio, parfum de roquette et radis rouge / T-bone d’agneau de Lozère à la fleur de sel de Guérande, thym frais, oignon doux, épinard et carotte / Comté millésimé grande garde à la truffe d’été fraîche du Périgord, tuber aestivum / dragée d’ananas Victoria à la citronnelle, crème glacée à la cardamome.

I will say with a smile of the same kind as the smile of Alain that this three stars chef, who decided to abandon the meats in his menus, has not lost his skill, as the lamb was absolutely delicious when one thinks that it was prepared for approximately 1,000 people.

It is time for the speeches, and Robert Wilmers, who bought Haut-Bailly to the family Sanders less than ten years ago, welcomes this event. Then, Jean-Marie Chadronnier, president of Vinexpo, makes a very engaged speech, insisting on the importance of the family Sanders, and specially Veronique, and talks about the smile of Haut-Bailly, which is in the face of Veronique, his father and the Wilmers but also in the glass. I have appreciated a lot that this man, president of a huge event, instead of congratulating himself of the importance of what happens, decided to make a vibrating greeting to Véronique.

And now, I was completely under the charm of Véronique. I am used to speeches which are delivered in international meetings. Many are outrageously conventional. I saw the smile of Veronique full of generosity, distinction, sense of the others and she made a speech, mixing French and English languages with harmony and presenting every chateau and their owners with the most elegant words. This is a lesson of harmony, good manners and sense of relationship. When the Prince of Luxembourg made the final speech, even if his message was perfectly delivered, he could not let me forget the five minutes of pure charm that I had lived.

At my table, Bernard Burtschy the wine specialist of “la revue du vin de France”, Bernard Magrez, the wine tycoon, a German man connected to the Schlumberger estates and a woman who lives in Spain and who is responsible of the referencing of wines for Lavinia, the biggest European wine shop. Bernard Magrez being at the opposite seat of the table it was impossible to talk with him due to the form of the table.

(the transparent tents create plasant colours above our heads)

The wines of all the chateaux were spread and we had Malartic-Lagravière white 2005, Carbonnieux white 2005, wines which are very young for my palate. The Laville Haut-Brion 2003 pleases me more, but it could be due to my love for it. Many other wines were brought to our table. I will mention that with the Comté and Summer truffle, we had Haut-Bailly 1985 in imperiale, and it created a very exciting match. My neighbour said that this match did not work and preferred the cheese with the Laville but I will say that due to the softness of the truffle, generously spread on the plate, the combination with the Haut-Bailly had more subtlety. I realised that it would be hopeless to argue on that with her.

We drank some Coutet 1996, Guiraud 2002, Suduiraut 1999 and with sadness a corked Climens 1996.

Then a big show began. A large number of Brasilian dancers, the males being very athletic and the women making explode my blood pressure began to dance with Carnival costumes and it is interesting to notice how women in huge costumes can appear so nude.

A female singer with a deep voice full of eroticism contributed to attract the attention of everyone. Big cigars and Tariquet Armagnac were largely consumed.

The eyes full of the colours of this show, I came back to the parking, convinced of one thing : the wine makers of Bordeaux are experts in making wine, but are genius when they receive guests.

présentation des vins du Chateau de Tracy au restaurant Guy Savoy mercredi, 13 juin 2007

A peine remis de la fatigue de cette soirée, je me dirige pour déjeuner au restaurant de Guy Savoy car un vigneron reçoit la presse et l’on me fait l’honneur de m’inclure dans ce petit groupe où des personnalités comme Michel Bettane et Bernard Burtschy sont celles que l’on écoute.

Nathalie d’Estutt d’Assay et son frère Henri présentent des Pouilly-Fumé du Château de Tracy. Lorsque l’on choisit Guy Savoy pour mettre en valeur un vin, c’est que l’on veut frapper très fort. Et Guy Savoy a répondu à l’appel par un menu dont l’intitulé, comme les courtisanes les plus redoutables, suggère plus qu’il ne dévoile : tout petit pois / entre terre et mer / thon « toutes saveurs » au gingembre / fromages affinés / passion de légumes. Le plat de petits pois est une merveille absolue, faisant ressurgir tous les souvenirs des grains verts que je croquais crus dans le jardin potager de mon grand-père. Etant venu en avance j’ai eu le temps d’évoquer avec Guy le dîner à El Bulli. Je suis ravi que nous ayons la même analyse, d’adhésion totale à la démarche de Ferran Adria qui ne convient qu’à lui, car c’est l’expression de sa personnalité. Lorsque nous attendons les retardataires on me tend un verre de Pouilly Fumé Château de Tracy 2002 à la couleur claire et nette, au nez pur. En bouche c’est la clarté de l’exposé qui apparaît. Le vin est élégant et le final est joli, poivré. Les notes citronnées sont bien mesurées.

Le 2004 a une couleur plus jaune que le 2002. Le nez est clair et la bouche est jolie. L’accord est merveilleux avec le petit pois, car on est totalement pris à contre-pied. Michel Bettane aime beaucoup cet élégant 2004 qui est 100% sauvignon.

(ce plat de petits pois est une merveille absolue)

(quel festival de couleur !)

Le 2005 a une couleur très claire et un nez surpuissant. Son goût est trop puissant pour moi. Le 2000 est de l’or. J’apprécie beaucoup, mais les grands spécialistes présents préfèrent le 2005. J’essaie de suivre leur idée, malgré le gap gustatif que représente un 2005 pour moi et je viens progressivement à leur analyse, trouvant en définitive le 2005 plus aérien et subtil que le 2000.

Nous allons maintenant goûter le « Haute densité », dont le nom provient du fait que l’on a planté 17.000 pieds de vignes par hectare, contre 7.000 pour l’appellation. Ceci permet de ne conserver que 2,5 grappes par pied et conduit à un vin plus raffiné. S’il y a de la densité de pieds plantés, il y en a aussi dans le verre ! Car le Haute Densité 2004 est une bombe de plomb. Le Haute Densité 2005 est beaucoup plus aérien, d’une élégance et d’une variété rares. J’écris sur mes notes qu’il est fabuleux, et s’harmonise avec le gingembre de délicate façon.

Le Pouilly Fumé « normal » 1998 est un petit bonheur sur trois fromages, le brie de Nadine de Rothschild et deux chèvres de la ferme du Port Aubry à Cosne-sur-Loire en forme de cônes pour s’en souvenir, l’un du 29 avril et l’autre du 29 mai, il y a donc quinze jours. Le vin est doré, au nez de citron vert, rond de plaisir en bouche. C’est un vin magnifique.

Le 1996 qui suit a un nez de truffe blanche et de pierre à fusil, avec une petite note citronnée. La couleur est d’un or très clair. J’aime le gras de ce vin, mais les deux vedettes sont pour moi le Haute Densité 2005 Château de Tracy et le Pouilly-Fumé 1998.

Henri a fait une présentation d’une rare élégance, ayant cette humilité et ce sens de la réserve qui sont l’apanage des grands. Longue vie au Château de Tracy, Pouilly-Fumé.

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(variation sur un dessert)

 

On m’apporte ce dessert. Je décide de mettre une bouche à ce visage.

 

Puis je lui écarte les joues, et enfin, je lui mets une moustache.

dégustation de 2006 au Cercle Interallié jeudi, 24 mai 2007

Devant organiser l’un de mes dîners, le 88ème, au même restaurant Laurent je peux accepter une invitation de vignerons à venir goûter leurs vins au Cercle Interallié. Le nombre de vignerons est limité mais le lieu est magique lorsqu’il fait beau. Je vais donc goûter des 2006 présentés à des journalistes et des professionnels. Ayant ouvert les bouteilles et le cœur en paix, je vais à pied au Cercle Interallié dans ma tenue d’ouverture des vins : jean et polo. J’imaginais que le protocole du Cercle se détendrait lorsqu’il s’agit de vin, mais pas du tout. Ce que j’ai apprécié, c’est qu’André Fournet, le directeur du cercle, traite le sujet avec humour. Il me fit traverser le jardin somptueux, très semblable à celui qui abrite les canards du Président de la République, et je sortis par une porte dérobée pour revenir quelques minutes plus tard dans mon costume de scène, avec cravate, pour aller déguster quelques grands vins.

Il y a ici quatre producteurs de saint-émilion et Pomerol, Château Rouget, Château La Conseillante, Clos-Fourtet et L’Angélus. Les 2006 sont présentés avec un aîné qui est 2001 pour les uns et 2004 pour les autres.

Ce qui m’a frappé dans cette dégustation c’est que pour chaque domaine, le 2006 est nettement meilleur que le même vin de l’autre année. Nous sommes en mai, les vins ont sept à huit mois et mûrissent en barriques. Cet instant de leur parcours est peut-être celui d’un épanouissement spontané de printemps. A ce stade en effet non seulement ils sont buvables, mais on les verrait bien à table, confrontés à des plats généreux.

Le Château Rouget 2006 est fort agréable, et le 2001 me fait une belle impression. En revanche le Château La Conseillante, vin que j’apprécie énormément et présenté par sa charmante propriétaire paraît assez ingrat aussi bien dans sa version 2006 très courte que dans sa version 2001 qui me semble inachevé en ce moment. On sait que je ne prétends pas être un expert de ces vins infantiles. Il faudrait que je me replonge dans des La Conseillante d’un autre âge.

Le Clos-Fourtet 2006 est plaisant, sans être explosif, et le 2004 me semble sur la réserve.

Si l’on parle de réserve, toutes tombent avec Angélus, dont le 2006 est de loin le plus épanoui et de belle structure et dont le 2004, même s’il n’atteint pas la pétulance de son cadet, est d’un message charmant.

Je mettrais comme gagnant des 2006 le Château Angélus et comme gagnant des années accompagnatrices le Château Rouget 2001. Cette dégustation était surtout pour moi l’occasion de rencontrer des vignerons que j’apprécie et de retrouver comme au point d’eau des professionnels avec lesquels j’aime partager des idées ou des vins.

S’il est un vin que, j’achèterais après cette expérience, c’est Angélus 2006. Mais, convenons-en, ces vins sont tous en formation. Quel candidat embaucheriez-vous pour votre entreprise sur la foi de ses carnets scolaires en classe de 5ème ? Tant de choses peuvent se passer dans les années qui viennent.

C’est cette incertitude qui rend le monde du vin si passionnant et engendre une quantité infinie d’experts, d’analyses et de propos définitifs qui sous-tendent des polémiques. A quoi servirait de faire du vin si l’on ne pouvait se disputer à son sujet ?

dégustation de onze vins prestigieux de l’année 1949 samedi, 12 mai 2007

Alignement des bouteilles de la dégustation.

Les deux Cos d’Estournel 1949 aux étiquettes très peu lisibles, et les dux Cheval Blanc 1949 de deux origines distinctes.

Les deux étiquettes de Pétrus 1949 sont différentes. Quel casse-tête pour les experts. Le seul magnum de la soirée est celui de Lafleur 1949.

Délicieuse entrée avec un biscuit qui ressemble à s’y méprendre à une tranche de truffe. A droite, des plats comme en fait Alain Dutournier qui ne me parlent pas. Le patchwork des saveurs sans cohérence n’est pas aussi excitant que les plats simples que ce chef exécute à la perfection.

Ces deux plats, c’est du grand Dutournier.

Le compte-rendu est fait dans un autre message de ce jour. Beaucoup de commentaires sont faits sur cet événement.

Les vins de 1949 : Cheval Blanc, Lafleur, Pétrus, Mission Haut-Brion, Latour, Lafite-Rothschild, Mouton-Rothschild, Cos d’Estournel, Léoville-Barton, Gruaud-Larose et Hermitage La Chapelle Jaboulet.

onze vins de 1949 – le commentaire samedi, 12 mai 2007

Christie’s m’a transmis une invitation à me joindre à une dégustation de onze vins de l’année 1949 qui se tiendra au Carré des Feuillants. L’homme qui doit animer cette manifestation vendue très cher par une officine basée à Monaco est Dominique Fornage, un grand amateur d’Yquem que j’ai rencontré plusieurs fois à de grands repas à Yquem et que j’ai revu récemment à la grande verticale des Barolos Montfortino à Castiglione Falletto. Dominique fait des repas de prestige à côté desquels mes dîners pourraient passer pour d’aimables réunions Tupperware. Car si le plus vieux vins de mes dîners date de 1828, il faut remonter de près d’un siècle de plus pour le plus vieux des siens. Et l’on y trouve des raretés inestimables qui placent les budgets de ses manifestations à des niveaux stratosphériques. On sera ce soir à un niveau plus terrien pour les vins. Seul le budget que j’ai payé reste dans les hautes couches de l’atmosphère.

Nous sommes 32 pour deux bouteilles de chaque vin. C’est plus élevé que ce qui m’avait été annoncé à l’inscription puisqu’on parlait de quinze convives par bouteille. Ce critère est crucial pour apprécier la valeur de ce type d’événements.

La salle en sous-sol du Carré des Feuillants ne voit jamais le jour et nous sommes serrés comme des sardines. Nous n’avons que du pain pour recadrer notre palais. Nous allons boire onze vins et prendre des notes. C’est un peu sinistre car les vins appelleraient de la gastronomie. Je vais clore cette partie grincheuse avant d’aborder le positif de cette manifestation en signalant que les deux bouteilles de chaque vin ont été fusionnées dans des carafes à magnums. Pour moi c’est sacrilège, car si l’on homogénéise la qualité, on diminue forcément la qualité de la meilleure bouteille des deux, ce qui s’est vérifié par un drame. Dans la précipitation de cet important moment Dominique a dû oublier de sentir une bouteille bouchonnée. Et nous avons eu cette affreuse chose qu’une bouteille bouchonnée de Lafite Rothschild 1949 a détruit l’autre bouteille dans le mélange, donnant des deux une image polluée et empêchant de vérifier si Lafite 1949 fait partie des très grands.

Venons-en maintenant au moment intéressant, la dégustation magistralement dirigée par Dominique Fornage. Il y a autour de la table beaucoup de professionnels du vin et beaucoup de journalistes dégustateurs connus. Tout le monde sera studieux. Je retranscris ce que j’ai noté, avec, comme d’habitude, l’acceptation que je demande au lecteur des redites, raccourcis et redondances.

Château Cos d’Estournel 1949. La couleur est très pâle, à peine tuilée. Le nez est joli mais porte son âge. Il y a du pruneau, un peu de fruit rouge. Le nez est un peu amer et âgé, mais pas trop. En bouche, il y a une très belle attaque. Le fruit est un peu salé. C’est le sel qui domine. Il est un peu râpeux en final. Il n’est pas très long et cela ne ressemble pas à un très grand vin. Il y a de la cerise aigrelette, un peu d’astringence. Il serait mis en valeur par de la nourriture. Il a la sobriété de Cos, puis il commence à s’ouvrir, le fruit s’anime. Plus tard, le nez devient giboyeux.

Le Château Léoville Barton 1949 qui remplace le Montrose 1949 qui avait été annoncé et n’est pas venu (bon, je ne dis rien…) est toujours clair mais un peu plus rouge que le Cos. Le nez est plus franc, où l’alcool domine. En bouche, c’est du vin. Il y a aussi de la cerise mais elle est plus joyeuse. On sent l’alcool et une légère acidité. Ce vin manque un peu de structure. Il y a du fruit, mais il y a un manque d’ampleur. La longueur est assez moyenne mais ça se boit bien.

Il est à noter à ce stade que nous disposons de beaucoup de temps pour chaque vin. Alors bien sûr on s’intéresse à des aspects qu’en un dîner on ne remarquerait pas. Car ces vins sans nourriture dévoilent les défauts de leur cuirasse. Et la solitude face à la page blanche conduit à des commentaires que l’on ne ferait pas à table. Car nous sommes en présence de très grands vins. La froideur de la dégustation ne les avantage pas.

Le Château Gruaud Larose 1949 est d’un rouge beaucoup plus intense. C’est vraiment rouge. Le nez est vraiment un nez de vin. En bouche, c’est du vin. C’est pur, c’est beau, c’est équilibré. Il n’y a pas beaucoup de variété mais c’est franc. Il y a des points communs avec les deux précédents, l’astringence et le caractère salin propre à l’année. Mais là, c’est mieux, le vin est plus flatteur Il y a toutefois une acidité de fin de bouche, une astringence, une trace de poivre. Ce vin assèche la bouche.

Le Château Lafleur 1949 est le seul qui nous est offert en magnum, ce qui garantit l’homogénéité de ce que l’on boit. La couleur est belle, légèrement trouble, un peu tuilée. Le nez est très jeune. En bouche c’est torréfié, confiture, fruit confit. La densité est énorme. Il y a une plénitude du fruit en bouche. C’est un vin immense. Un voisin me signale le final mentholé. Il y a un léger défaut de « sur gras », mais c’est très grand. Il est très Pomerol. Quel dommage de ne pas le confronter à un plat. On note le fruit, le bois, le tabac. C’est une belle expérience et à ce moment j’écris : « là, je suis heureux d’être venu ». Le nez est ample, sexy, chaleureux. Je déguste ce vin.

Arrive Pétrus 1949. La couleur est magnifique. Le rouge est parfait. Le nez est manifestement bourguignon. Ça pinote ! En bouche, c’est complètement étonnant. Le côté bourguignon salé domine. Il y a tellement d’évocations. Il y a le côté salé strict, une certaine absence de fruit mais aussi le pruneau et évidemment la truffe de Pétrus. Etrangement, le charme de ce vin est fort. Il est très étonnant, un peu torréfié, cuit, café. Je ressens que c’est un vin qui a eu un coup de chaud. Mais plus ça va et plus le charme agit. Il prend de l’ampleur, il s’habille. Il est grand. Il est même très grand car il se livre dix fois plus. Il s’épanouit totalement. Il n’a pas le fruit de Lafleur mais il a une ampleur rare et une trace immense. Beau, sensuel, il justifie sa réputation.

Le Château Cheval Blanc 1949 est d’un rouge un peu plus foncé que Pétrus. Le nez est doucereux, charmeur, avec une légère trace d’alcool. En bouche, c’est le vin parfait qui a tout en lui. Il a la structure, l’équilibre, la joie de vivre, l’élégance. Il n’a pas du tout le côté Porto du 1947. C’est un vin remarquable. Tout y est dans ce vin. Le fruit est chaleureux et actif. Ce vin a tout pour lui. Je n’en écris pas plus, car j’en jouis.

Le Château la Mission Haut-Brion 1949 a un rouge dense. Le nez est un peu fumé. En bouche, c’est caramélisé. Je sens un vin qui a souffert. Très caramel, crème brûlée, truffe, torréfié. Ce vin appelle la truffe. Il plombe la bouche.

Le Château Lafite Rothschild 1949 est d’un rouge clair. Il est bouchonné !!! Une bouteille a pollué l’autre. Quel gâchis ! Le nez de bouchon s’estompe. En bouche on sent cette faiblesse même si elle est légère. Le final est plutôt amer. Le vin est insuffisant, l’acidité est trop forte. Il n’y a pas assez de densité. Le goût est altéré par le bouchon. Ce vin n’aurait pas dû figurer.

Le Château Latour 1949 a la couleur d’un beau vin rouge jeune. La couleur est un peu trouble. Le nez est exceptionnel de fruits rouges et roses. En bouche, c’est frais, ça glisse en bouche. C’est même léger. Mais quel vin ! C’est l’attaque en bouche qui est parfaite. C’est frais. C’est incroyablement fluide, ça surfe. La trace est belle. C’est un grand vin, un peu monolithique, montrant un soupçon de fatigue malgré la fluidité. Il a lui aussi un léger accent bourguignon. Il est encore un peu fermé et devrait s’ouvrir. C’est un très grand vin qui s’ouvre lentement. Il devient plus dense, plus construit, plus musclé. Au final c’est un très grand vin.

Le Château Mouton Rothschild 1949 a une couleur d’un rouge foncé. Le nez est d’une personnalité énorme. Il a une expression flamboyante. Il est marqué par la puissance. En bouche, c’est doucereux, soyeux, charmeur de façon infinie. Je note : « c’est sexy, bas résille ». Il y a un peu de fumé de café mais ce qui apparaît, c’est le charme absolu. Je note : « charme ! Passionnant, immense, je suis totalement séduit ».

Après la ronde de dix bordeaux, je fais mon classement : 1 – Cheval Blanc 1949, 2 – Mouton Rothschild 1949, 3 – Pétrus 1949, 4 – Latour 1949, 5 – Lafleur et Mission.

Mais il arrive parfois que des coups de poings vous étendent. L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet 1949 est de ceux-là. La couleur est d’un rouge clair allant vers l’orangé. Le nez est très doucereux, plus macaron. En bouche, c’est la sensualité lascive, les canapés profonds. Il existe un parfum qui s’appelle « après l’amour ». J’appellerais ce vin « avant l’amour », car c’est une invitation à l’amour. Il y a un équilibre entre l’acidité, la rondeur et la douceur. C’est le vin qui m’inspire cette remarque odieusement sexiste : « c’est un vin qui donne de l’esprit aux femmes ». Il est à placer au dessus des dix bordeaux.

Il est temps de bavarder de commenter nos moments d’émotion car il y en eut de grands. Je vide quelques fonds de carafes avec des amateurs avides comme moi. Cette dégustation est suivie d’un dîner aux vins beaucoup plus simples : un Puligny-Montrachet « les Pucelles » J. Boillot 1999 qui a bien du mal à retenir l’attention après ces merveilles et un honnête Château Clinet 1990 qui eût brillé en d’autres circonstances. Le menu est un kaléidoscope : l’asperge verte de Pertuis, truffe en coulis, œuf en coque d’asperges / homard bleu tiède, royale coraillée, nougatine d’ail doux / tendron fondant de veau de lait, morilles, artichauts violets / fougeru briard travaillé à la truffe / fraises des bois andalouses, macaron à la rose et litchis dans leur gelée. Il est très net que le talent d’Alain Dutournier est cent fois plus à l’aise sur la cuisine bourgeoise aux goûts coordonnés que sur les inventions aux goûts additionnés.

Cette manifestation eût été beaucoup plus convaincante si au lieu de nous faire traiter onze vins prestigieux comme des élèves sommeliers ou élèves journalistes on avait demandé à l’immense talent d’Alain Dutournier de nous concocter un repas prestigieux qui eût mis en valeur les aptitudes gastronomiques de ces grands vins. C’eût été possible. L’exercice, tel qu’il fut fait, à quelques défauts près, méritait qu’on s’y intéresse. J’en ai un souvenir heureux.

les capsules de Pétrus jeudi, 3 mai 2007

Sur ces capsules, on voit un château dont le schéma ne ressemble en rien à la bâtisse du siège actuel de la propriété.

 

Sur celle de gauche, il y a marqué : "1er des grands crus" alors que sur les deux autres c’est "grand vin Pomerol".

L’intitulé est à gauche : "chau Petrus", le mot château étant raccourci, alors que sur les deux autres, "château Pétrus" est écrit en entier.

A noter que beaucoup de gens disent que Pétrus n’est pas un "château". Or la capsule l’indique et l’étiquette ne l’indique pas.

"rien n’est simple, tout se complique" pourrait dire le limier qui veut connaître le fin mot de Pétrus.

Caviste lundi, 23 avril 2007

texte : "Personnellement, je vous conseillerais plutôt le Vinjoli à capsule verte à 0,75 euros : moins tonitruant au niveau des tanins, mais tellement plus sur le fruit".

Ce dessin est de Voutch.