Archives de catégorie : vins et vignerons

Percée du vin jaune, le deuxième jour dimanche, 4 février 2007

Au petit déjeuner, lecture des journaux qui racontent la Percée du samedi. Je suis abondamment cité. Les femmes ayant peu d’envie d’affronter les navettes et la foule nous partons visiter Château Chalon, pèlerinage obligé, et l’abbaye de Baume-les-Messieurs, où l’on se retrempe dans une atmosphère mystique qui ramène un millénaire en arrière. Nous déjeunons au restaurant Le Grand Jardin, étape sans prétention mais très sympathique où une tarte aux oignons et des raviolis de champignons au foie gras ont accompagné un Château Chalon de la Fruitière Vinicole de Voiteur 1997 qui nous a réchauffé le cœur. Bel accord sur un vin flexible et accueillant.

Dans une belle salle voûtée de l’hôtel, il est temps de faire une belote. Quand on a Dom Pérignon 1998 et des toasts au foie gras, on pousse mieux la carte. Nous avions commandé la veille deux poulardes de Bresse cuites en terrine lutée, suprême sur un gratin de pommes de terre au vin jaune, cuisse en salade comme un lendemain de pot au feu. Le jeune sommelier que je consulte m’oriente évidemment vers les vins jaunes. Mais la carte n’en a que de jeunes. Une intuition m’impose de commander un vin qui se révélera absolument fabuleux sur la poularde : Château d’Yquem 1989. Le vin est sublime, d’un caramel tendre, et la chair de la poularde chante avec lui. L’accord est magique sur la première chair, mais ne convient pas au deuxième service. Qu’importe. Le sommelier ayant douté de la pertinence de l’accord, je vais voir le chef en cuisine pour lui faire goûter le sauternes avec un peu de chair blanche. C’est une révélation pour le chef qui avait le même doute que le sommelier.

Je demande au chef pâtissier de poêler quelques tranches de pamplemousse rose pour l’Yquem. Mais ça ne marche pas, car cet Yquem est caramel et miel et n’est pas agrume. Tant pis.

Le lendemain matin, je me rends aux Caves Jean Bourdy pour acheter de très vieilles bouteilles. Je prends une des dernières Château Chalon de 1865 et de 1895 qui seront les vins vedettes de futurs dîners. Le séjour dans un Jura baigné de soleil est un souvenir de grand bonheur.

 L’assassin revient toujours sur le lieu de ses crimes…..

Percée du vin jaune, le premier jour samedi, 3 février 2007

Après notre nuit à Dôle, par un beau soleil, nous retrouvons le Château de Germigney, délicieux hôtel à la décoration raffinée. Les femmes resteront à l’hôtel et nous allons à la première journée de la Percée du Vin Jaune qui se tient à Salins. Les navettes sont attendues par une foule dense dans un froid attisé par le vent. La ville est toute occupée par près de 70 stands de vignerons qui font goûter leurs vins. Nous allons voir les 356 lots de la vente aux enchères de ce jour, objet principal de ce voyage. Il y a relativement peu de Château Chalon, et seulement deux bouteilles du 19ème siècle, estimées à des prix que je trouve insensés. Je le dis aux organisateurs et j’insiste. Je retrouve mes compétiteurs traditionnels, amateurs comme moi de ces vins passionnants. Un ami suisse sera un calme adversaire alors que nous avons souvent lutté dans de précédentes éditions de cette vente.

Ayant scruté les lots, nous flânons en ville mangeant ici du Comté en barquette de plastique, là les saucisses de Morteau offertes par des jeunes chrétiennes. Dans une cour, une femme du Morbihan propose des huîtres. Mon gendre commande six huîtres. Nous passerons bien vite à douze, puis à 24, car entre-temps, j’ai dégoté un Château Chalon 2000 de Salins (vigneron que je n’ai pas noté) qui révèle la noix des huîtres de la plus belle façon. Ce 2000 un peu fumé est très expressif.

Nous retournons prendre place dans une église désaffectée de toute beauté qui sert d’écrin à cette vente qui attire une foule de curieux. Je viens lire à nouveau ce qui est écrit sur les deux bouteilles du 19ème siècle.

Sur celle de 1893 : « 1893. oui 1893. Cave de M. J. B. Guyon à Perrigny. Reçue en été 1955 et remis un bouchon : le 25 septembre 1995 ». Tout ceci est écrit sur un papier d’écolier avec une improbable machine à écrire.

Sur celle de 1865, il y a une vieille étiquette et une étiquette analogue à celle de la 1893. Sur la première étiquette : « 1865. 1865. Cave de M. Guyon de Perrigny. Remis en bouteille en 1955 ». Sur l’étiquette plus récente : « 1865. oui : 1865. Cave de M. J. B. Guyon – Perrigny. Remis en bouteille par moi dès la bouteille reçue le en été 1955 et donc bouchon neuf. Vu le 26/10/95 ». Pour acheter ainsi, il faut la foi du charbonnier.

La vente commence. Mon gendre fait ses premières armes. J’achète quelques lots, voyant que les prix grimpent à des hauteurs rares. Des journalistes viennent m’interviewer et me demander ce que je viens chercher.

Vient le moment de se placer sur les deux bouteilles phares qui intéressent les organisateurs et les journalistes. Je fais quelques tentatives sur la première bouteille, la 1893, puis je décroche. Sur la deuxième, je suis plus pugnace et je l’obtiens. Ce sera le grand titre des journaux du lendemain. La vente se poursuit sur des vins plus jeunes. Tout s’arrête. Les organisateurs sont gentils car ils retiennent les acheteurs pour déguster des vins qui n’ont jamais été revendiqués par ceux qui les avaient acquis dans des ventes anciennes. Et nous goûtons des vins fort bons dont un vin de l’Etoile du Château de l’Etoile 1961 délicieux. Un vin de l’Etoile 1972 et un Château Chalon 1972 sont intéressants à essayer et un Côtes du Jura rouge 1964 me plait énormément.

Pendant ce temps là, on fait les décomptes des acheteurs qui prennent leurs lots. Je passe en dernier, car mon bordereau est copieux et je constate que plus de la moitié des vins sont encore sur la table. Ce qui s’est passé, c’est que les vendeurs ont fixé des prix de réserve déraisonnables. Beaucoup de lots qui m’intéressaient sont restés invendus, faute de réalisme. La 1893 n’a pas été vendue. Et la 1865 que j’ai achetée a atteint son prix de réserve parce que je me suis battu contre un fantôme. Il n’y avait dans la salle aucun enchérisseur contre moi. Je ne suis évidemment pas content de cette tentative qui a été faite et que j’avais signalée longtemps avant la vente, de surestimer les vins du Jura.

J’ai acquis la 1865. Elle est à moi. Je la voulais. Je suis donc responsable de ce que j’ai fait. L’âme heureuse, nous rentrons à l’hôtel, et c’est d’un Dom Pérignon 1998 que nous avons besoin. Dans la belle salle à manger où une vaisselle rouge sang anime la décoration aux tons pastel, le chef Pierre Basso Moro fait une cuisine bien exécutée mais qui devra gagner en sensibilité. Le sablé à la fleur de sel cohabite vraiment bien avec la noix de coquille Saint-jacques, pomme verte et vieux comté, mais le jus de carotte cannelle et citron vert fait chambre à part. Ces deux parties du plat ne se parlent pas, ce qui ne gêne en rien le Dom Pérignon aux accents floraux qui parade avec bonheur. La poitrine de porc confite de longues heures, gâteau de blettes et cardons, chips de betterave et vitelotte, jus aux truffes noires écrasées est un plat délicieux. La poitrine a un goût d’une pureté extrême. Et le Dom Pérignon lui convient. Les portions étant petites, il faut du fromage. Une moelleux au chocolat et praliné, croustillant de pâtissière impose un Mas Amiel 15 ans d’âge, Maury de belle qualité, même si je le trouve un peu assagi. Ses accents de griotte ravissent l’âme.

Immense verticale de Krug Vintage et Clos du Mesnil mardi, 23 janvier 2007

Les Caves Legrand accueillent Rémi Krug qui fait une des dernières grandes dégustations de ses champagnes, pour marquer 42 ans passés au service du vin qui porte son nom. Il est fier que certains champagnes portent sa marque et que de nombreux millésimes futurs seront influencés par le travail qu’il a fait, dans le cadre d’une vision à long terme. C’est la première fois qu’il fait une dégustation où sont comparés le Krug « Vintage » au Krug Clos du Mesnil, pour huit années où ont été produits à la fois le Vintage et le Clos du Mesnil. Le Vintage est un vin d’assemblage alors que le Clos du Mesnil est le petit bijou d’une parcelle ceinte de murs, de la taille de la parcelle de la Romanée Conti, voire un peu plus petite. Rémi est passionné, et décrit ses vins avec amour, comme s’il les découvrait à chaque fois. Il dit que sa stratégie n’est pas de faire de Clos du Mesnil un vin meilleur que le Krug Vintage, mais au contraire de faire de chacun le meilleur de ce que l’on peut faire, dans sa définition.

J’ai pris, comme d’habitude dans ces dégustations verticales, des notes sur un petit cahier, ce que je ne fais pas lors de dîners, et je vais les reproduire dans leur « jus », pour que vous viviez ces émotions comme je les ai vécues. Les redites sont laissées, car c’est au fil de la plume.

Le Krug Vintage 1995 est déjà très doré. Le nez est très chaleureux, de caramel. En bouche, il est déjà très fumé, bacon. Belle longueur, belle maturité, déjà. On sent l’iode et le citron vert.

Le Krug Clos du Mesnil 1995 est un peu plus rose. Le nez est très vineux et salin. En bouche il fait très peu assemblé. Je sens les fruits roses, les fleurs, le sel et les agrumes. Il est plus rêche mais il promet plus. Il va exploser dans quelques années. Le final est très agrume, avec un peu de miel, ce qui apparaît plus lorsque l’on a un peu grignoté.

Le Krug Vintage fait plus solide, carré. Le Krug Clos du Mesnil est plus romantique.

Le Krug Vintage 1990 est très doré, au nez intense. Quelle puissance ! On a une structure très carrée, très solide.

Le Krug Clos du Mesnil 1990 est plus pâle. Le nez est un peu coincé. En bouche, je marque un petit recul. Il n’est pas à 100% ce qu’il devrait être. Rémi vient sentir mon verre et ne voit pas d’anomalie. Mais en revenant sur ce millésime après avoir goûté d’autres années, l’imperfection est nette, même si le nez ne le révèle pas.

Le Krug Vintage 1989 a une belle couleur. Son nez est l’exacte définition d’un nez de champagne. En bouche, c’est déjà plus assagi, plus tranquille.

Le Krug Clos du Mesnil 1989 a une belle couleur dorée intense, voire foncée. Le nez est discret. La bouche est de fruit confit. Plein de soleil, ça, c’est du champagne. Mon voisin signale un final de menthe que je reconnais quand il me le dit. Avec un réchauffement dans le verre, on reconnaît du miel et du loukoum, tout en ayant cette fraîcheur qui est une signature de Krug.

Le Krug Vintage 1988 a un nez d’une intensité énorme. Ce qui me frappe dans ce champagne mythique que j’ai bu des dizaines de fois, c’est son côté iodé et salin.

Le Krug Clos du Mesnil 1988 a un nez minéral de pierre à fusil, incroyable pour un champagne à ce niveau d’intensité. Il est complètement exceptionnel. Il est sauvage. Et il rejoint le sauvage bourguignon tel que je l’adore. C’est immense. Je reconnais de la groseille et de la groseille à maquereau dans ce champagne fou. Le Krug Clos du Mesnil 1989 est élégant est bien élevé. Le Krug Clos du Mesnil 1988 est un fou chantant de charme infini.

Le Krug Vintage 1985 est moins doré. Mais en bouche, il est pain d’épices et pain doré. La bulle est forte, il y a du toasté, avec cette permanente fraîcheur.

Le Krug Clos du Mesnil 1985 démarre lentement. Il est d’une subtilité rare. Il glisse tellement en bouche que l’image qui me vient est celle d’une pirogue entraînée sur des rapides qui frotte de lourdes pierres rondes. C’est assez incroyable, et d’une fraîcheur inconcevable.

Avec le Krug Clos du Mesnil 1988 on avait atteint des sommets, mais avec ce 1985 éblouissant, c’est cette fraîcheur qui me paralyse et me laisse sans voix. Le Krug Vintage 1985 est viril, plein. Le Krug Clos du Mesnil 1985 est très huître, subtil.

Le Krug Vintage 1982 est d’un beau doré. Très archétypal, il est à mon sens la définition de Krug. Mais c’est presque trop scolaire. Le Krug Clos du Mesnil 1982 est très évolué. J’aime ce côté évolutif qui pianote sur la langue. Le Krug Vintage 1982 purement parfait est presque trop doctrinal. Le Krug Clos du Mesnil 1982 est du miel, du caramel qui offre parfois de l’huître si l’on passe d’un toast à l’autre du plateau qui nous a été offert pour apaiser une petite faim.

Le Krug Vintage 1981 est le premier à avoir un nez minéral. Que c’est beau. Il est fumé. Le Krug Clos du Mesnil 1981 a un nez magique, oriental. La bulle est puissante. Ce champagne est évolué aussi, mais ici un peu trop. Je sens qu’il est déjà passé sur un autre versant de sa vie. Le Krug Vintage 1981 est fabuleux et me plait par son gras.

Le Krug Vintage 1979 a un nez phénoménal et une bouche phénoménale. C’est grandiose. Le nez évoque le pétrole, la bouche est fumée, de caramel brûlé. Il a une personnalité folle. C’est fou. C’est complètement immense.

Le Krug Clos du Mesnil 1979 a un nez géant. En bouche, c’est de la framboise, des fruits rouges. C’est la béatitude absolue. Comment peut-on faire quelque chose d’aussi grand ? Il y a du fruit confit, de la fraise, mais aussi de l’épice, du poivre. C’est grand et la bulle est forte. C’est le plus grand Krug Clos du Mesnil 1979 que j’aie bu. C’est hors du commun.

Le Krug Vintage 1979 est immense, viril, à la personnalité forte. Les Krug Vintage de ce soir se montraient scolaires et parfaits. Ce dernier est canaille, excitant, grandiose. Le Krug Clos du Mesnil 1979 est magique. Ce fruit rouge est fou et devient lilas.

Rémi conclut cette dégustation par un magnum de Krug Grande Cuvée qui a de l’ordre de six ans et nous dit : « Krug, c’est la Grande Cuvée. C’est ça dont je suis fier ». Rémi a cette parole simple comme je les aime : « si vous voulez vous amuser à faire vous-même une grande cuvée, prenez tout ce qui reste des 16 vins dégustés, assemblez les. C’est ça la Grande Cuvée ».

Rémi Krug parle avec émotion de ses enfants. Il me parait impossible de classer ceux qui m’ont plu au-delà des autres. Ce qui frappe, c’est l’immense complexité des Krug Clos du Mesnil, qui changent d’une année sur l’autre, mais aussi d’une gorgée à l’autre du même verre. Je trouve un peu dommage d’avoir présenté les Krug Vintage à côté des Krug Clos du Mesnil, car ces vins de grande qualité, purs compagnons de la gastronomie, méritent d’être goûtés pour eux-mêmes. Les faire cohabiter avec les Krug Clos du Mesnil les réduit un peu, alors qu’ils sont immenses. Mais cet exercice un peu fou, qui est une première jamais tentée auparavant avait un mérite certain. On aura compris par les termes dithyrambiques que j’ai utilisés que j’ai aimé.

Christophe Navarre, président de Moët Hennessy, venu déguster en ami avec son épouse, a tenu à remercier Rémi pour son apport indispensable au renom de cette icône champenoise. Ecouter un passionné de ce calibre est un régal, presque aussi grand que le charme de ces vins infinis.

Vertical tasting of Krug Vintage and of Clos du Mesnil mardi, 23 janvier 2007

In 2007, Rémi Krug is doing one of the last great tastings of his champagnes, to mark 42 years spent serving the wine that bears his name. He is proud that certain champagnes carry his mark and that many future vintages will be influenced by the work he has done, as part of a long-term vision. This is the first time that he has led a tasting where « Vintage » Krug are compared to Krug Clos du Mesnil, for eight times they have been produced together in the same year. Vintage is a blended wine, while Clos du Mesnil is the gem of a walled plot, the size of the Romanée Conti plot, or even a little smaller. Rémi is passionate, and describes his wines with love, as if he is discovering them for the first time. He says his strategy is not to make Clos du Mesnil a better wine than Krug Vintage, but on the contrary to make each one the best that can be created, in its definition.

As usual in these vertical tastings, I took notes in a little notebook, which I don’t do at dinner parties. They are reproduced in their « juice », so that you experience these emotions as I experienced them. The repetitions are left, because it is the edge of the pen.

The 1995 Krug Vintage is already very golden. The nose is very warm, of caramel. In the mouth, it is very smoky, bacon. Good length, good maturity already. You can smell iodine and lime. The 1995 Krug Clos du Mesnil is a little rosier. The nose is winey and salty. In the mouth it is not completely assembled. I smell the pink fruits, the flowers, the salt and the citrus fruits. It is rougher but it promises more. It will explode in a few years. The finish is very citrus, with a little honey, which appears more when you have a little snacking. The Krug Vintage is more solid, square. The Krug Clos du Mesnil is more romantic.

The Krug Vintage 1990 is very golden, with an intense nose. What power! We have a very square, very solid structure. The 1990 Krug Clos du Mesnil is paler. The nose is a bit stuck. In the mouth, I take a step back. It’s not 100% what it should be. Remi comes to smell my glass and sees no anomaly. But looking back at this vintage after tasting other years, the imperfection is clear, even if the nose does not reveal it.

The Krug Vintage 1989 has a beautiful color. Its nose is the exact definition of a champagne perfume. On the palate, it is already quieter. Krug Clos du Mesnil 1989 has a beautiful intense golden color, even dark. The nose is discreet. The palate is of candied fruit. Full of sun, that’s champagne! My neighbor reports a mint finish that I recognize when he tells me. When warming in the glass, we recognize honey and Turkish delight, while having this freshness which is a signature of Krug.

The Krug Vintage 1988 has a nose of enormous intensity. What strikes me about this legendary champagne that I have drunk dozens of times is its iodine and saline side. Krug Clos du Mesnil 1988 has a mineral nose of flint, incredible for a champagne at this level of intensity. He is completely exceptional. He is wild. And he joins the wild Burgundian as I adore him. It’s huge. I recognize currant and gooseberry in this crazy champagne. The 1989 Krug Clos du Mesnil is elegant and well-bred. Krug Clos du Mesnil 1988 is a singing madman of infinite charm.

The Krug Vintage 1985 is less colorful. On the palate, it is gingerbread and French toast. The bubble is strong, there is toasted, with this permanent freshness. The 1985 Krug Clos du Mesnil starts slowly. It is of rare subtlety. It slips so smoothly in the mouth that the image that comes to me is that of a canoe driven on rapids rubbing heavy round stones. It’s quite incredible, and incredibly fresh. With the Krug Clos du Mesnil 1988 we had reached new heights, but with this dazzling 1985, it is this freshness that paralyzes me and leaves me speechless. The 1985 Krug Vintage is manly, full. The 1985 Krug Clos du Mesnil is very oyster, subtle.

The Krug Vintage 1982 is a beautiful golden color. Very archetypal, it is in my opinion the definition of Krug. But it’s almost too scholarly. Krug Clos du Mesnil 1982 is very evolved. I love that evolutionary side that tingles on the tongue. The purely perfect 1982 Krug Vintage is almost too doctrinal. Krug Clos du Mesnil 1982 is honey, caramel that sometimes offers oyster if we go from one toast to another from the plate offered to us to appease a little hunger.

The Krug Vintage 1981 is the first tonight to have a mineral nose. How beautiful. It is smoked. The 1981 Krug Clos du Mesnil has a magical, oriental nose. The bubble is powerful. This champagne is also evolved, but here a little too much. I feel like he’s already passed on another side of his life. The Krug Vintage 1981 is fabulous and I like its fat.

The Krug Vintage 1979 has a phenomenal nose and a phenomenal palate. It’s grandiose. The nose evokes petroleum, the palate is smoky, of burnt caramel. He has a crazy personality. It’s crazy. It’s completely huge. The 1979 Krug Clos du Mesnil has a giant nose. On the palate, it is raspberry, red fruits. It is absolute bliss. How can you make something so big? There is candied fruit, strawberries, but also spice, pepper. It’s big and the bubble is strong. This is the biggest Krug Clos du Mesnil 1979 that I have drunk. It’s out of the ordinary. The Krug Vintage 1979 is huge, manly, with a strong personality. Tonight’s Krug Vintage were academic and perfect. The latter is scoundrel, exciting, grandiose. The 1979 Krug Clos du Mesnil is magical. This red fruit is crazy and turns lilac.

Rémi concludes the tasting with a magnum of Krug Grande Cuvée which is around six years old and tells us: « Krug is the Grande Cuvée. That’s what I’m proud of « . Rémi has these simple words, as I like them: « if you want to have fun making a great cuvée yourself, take whatever is left in your glasses of the 16 wines tasted, assemble them. This is the Grande Cuvée « .

Rémi Krug speaks with emotion of his « children ». It seems impossible to me to rank those that I liked above the others. What is striking is the immense complexity of the Krug Clos du Mesnil, which changes from year to year, but also from one sip to another of the same glass. I find it a bit of a shame to have presented the Krug Vintage alongside the Krug Clos du Mesnil, because these high quality wines, pure companions in gastronomy, deserve to be tasted for themselves. Having them coexist with the Krug Clos du Mesnil reduces them a bit, while they are immense. But this somewhat crazy exercise, which is a first ever attempted, had a certain merit. We will understand by the rave terms I used that I liked. Christophe Navarre, president of Moët Hennessy, who came to taste as a friend with his wife, thanked Rémi for his essential contribution to the reputation of this Champagne icon. Listening to an enthusiast of this caliber is a treat, almost as great as the charm of these endless wines.

réception privée à Dom Pérignon jeudi, 11 janvier 2007

la photo n’est pas très nette. Mais on voit bien notre tableau de chasse.

Le compte-rendu sera étoffé ci-après. Le petit nuage sur lequel je me trouve est XXXL

Les Dom Pérignon bus ce jour :

Dom Pérignon : 1999, 1998, 1996, 1995,

Dom Pérignon Oenothèque : 1993, 1992, 1973, 1976, 1966, 1962, 1959

Pour le 1959, j’ai ouvert la bouteille que j’avais apportée : Chateau Chalon Jean Bourdy 1947

Le choc gustatif de la juxtaposition des deux est tellement grandiose que je me sens obligé de mettre ici le poème de Charles Baudelaire : "Correspondances", car c’est exactement ce que j’ai ressenti en ce moment magique qui a pétrifié de bonheur Richard Geoffroy, Vincent Chaperon et moi.

Des "correspondances" qui marquent une vie

 La Nature est un temple où de vivants piliers

 Laissent parfois sortir de confuses paroles ;

 L’homme y passe à travers des forêts de symboles

 Qui l’observent avec des regards familiers.

 Comme de longs échos qui de loin se confondent

 Dans une ténébreuse et profonde unité,

 Vaste comme la nuit et comme la clarté,

 Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

 Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,

 Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,

 Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

 Ayant l’expansion des choses infinies,

 Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,

 Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

Au déjeuner :

Dom Pérignon 1999 sur :

Le caviar et la crème d’avocat

La petite huître au jus de gingembre

Le risotto à l’encre de seiche

La langoustine, Molé noir

Magnum de Dom Pérignon rosé 1990

Saumon et truffe noire en cuisson lente, petite salade Tetsuya

Dom Pérignon Oenothèque 1992

Figues rôties, glace au lait de coco, virgule pâte sésame Néri-Goma et sésame toasté.

dîner littéraire au George V avec Cheval Blanc mercredi, 10 janvier 2007

Pierre Lurton à l’écoute d’Eric Beaumard.

Olivier Barrot, directeur de la revue "Senso" et critique littéraire, et Alain Rey, le célèbre auteur du Petit Robert, auteur et chroniqueur, et lexicologue admirable.

Voici le compte-rendu de ce dîner :

L’hôtel George V a trouvé une très jolie formule en mêlant la présentation d’un livre à la présentation d’un vin sur la belle cuisine de Philippe Legendre. Ce soir, Olivier Barrot, journaliste critique littéraire et directeur de la revue Senso reçoit Alain Rey, le lexicologue qui dirige la réalisation du Robert, qui présente son nouveau livre. Erudition infinie sous l’habit d’un français moyen, étonnamment sympathique. Eric Beaumard reçoit Pierre Lurton qui présente Cheval Blanc.

Nous sommes reçus par une coupe d’un Champagne Laurent Perrier en magnum 1996, fort agréable, qui se boit facilement. C’est un champagne de soif. Le menu va montrer une fois de plus le talent d’Eric Beaumard pour susciter des accords d’une précision extrême : escargots de la fontaine de Berne à la bordelaise / sandre de Sologne rôti aux légumes d’hiver et au verjus / palombe des Landes façon bécasse / vacherin / blanc-manger à l’ananas confit, sorbet coco et citron vert.

Le Petit Cheval 2000 a un nez qui montre immédiatement que ce n’est pas Cheval Blanc. L’année le rend vaillant et l’escargot le propulse à des hauteurs qu’il n’atteindrait sans doute pas autrement. C’est un vin intéressant, mais loin des performances de son royal devancier. Le Château Cheval Blanc 1995 confirme que l’on entre de plain pied dans la perfection. Car, ça, c’est un grand vin. Et ce saint-émilion est d’une incroyable sensibilité. On est très loin des visions modernes. C’est un vin authentique, contenu, mais précis, noble. Sur le sandre, c’est un régal. Voilà coup sur coup deux accords d’une intelligence rare. Quand on place devant moi la palombe traitée comme un gibier, je me demande si le Château Cheval Blanc 1989 va soutenir le choc. Car la sublime chair est typée. Mais l’accord est lumineux. C’est un choix divin, d’autant que je ne l’aurais pas osé. Le vin est grand, d’une grande année. Il a la profondeur, la sagesse d’un vin bien formé. Pas d’extravagance, mais une grandeur sereine. Un vin idéal.

Il faut bien le vacherin pour soutenir le choc de Cheval blanc 2001 qui est tout le contraire du 1995. On est ici dans le modernisme, la jeunesse rugueuse, très loin de la fraîche prestance du 1995. C’est un vin à attendre, avec l’espoir qu’il s’arrondisse.

Je n’ai pas un amour fou de la noix de coco sur Yquem. C’est peut-être la seule réserve que je ferais à une cuisine éblouissante aux chairs justes. Le Château d’Yquem 1999 joue un peu en dedans. Il n’a pas encore trouvé sa place. Son caractère assez aqueux, peu botrytisé, l’empêche de révéler la magie Yquem. Espérons qu’il la trouve un jour.

Pierre Lurton eut la gentillesse de rappeler à cette noble assemblée que je lui avais fait découvrir Yquem 1861 lors d’un dîner mémorable. Sa description du Cheval Blanc 1995 fut lumineuse et m’impressionna, tant on sent le talent qu’il met à diriger la destinée de ce grand vin.

verticale de Léoville Barton et Langoa Barton au restaurant Taillevent vendredi, 15 décembre 2006

Je revois le lendemain Bipin Desai qui organise au restaurant Taillevent un dîner en l’honneur d’Eva et Anthony Barton, propriétaires du Château Léoville-Barton et du Château Langoa-Barton. Nous participerons à seize convives, la fine fleur de ceux qui parlent du vin, à une de ces verticales dont Bipin a le secret. Je reconnais beaucoup d’habitués. Bipin demande à trois personnes de commenter les vins présentés en trois séries, Raoul Salama de la Revue du Vin de France, Jancis Robinson, la célèbre critique œnologique et votre serviteur. Je sors donc mon petit carnet pour prendre des notes et, comme le lecteur y est habitué, dans ces grandes séries de vins, les notes sont prises à la volée, sans recherche littéraire, car le temps est compté. L’apéritif se prend dans l’intimiste salon chinois, avec un champagne Taillevent fait par Deutz qui s’inscrit avec les gougères dans le théorème « pain vin saucisson » : chaque composante appelle les autres dans une ronde sans fin.

Nous passons à table pour un repas toujours aussi raffiné dont les sauces sont subtiles et d’une précision extrême : épeautre du pays de Sault en risotto, cuisses de grenouilles dorées / coquilles Saint-jacques dorées, mousseline de céleri et velouté de cresson / canard de Challans rôti aux épices, potiron et betterave au jus / Ossau Iraty, confiture de cerises noires / feuille à feuille au chocolat et au marrons.

La première série de vins comprend Léoville Barton 1985 – 1986 – 1993 – 1995 et Langoa Barton 1966 – 1986 – 1996 – 2001.

Le Langoa Barton 2001 a un nez intense et dense. Il est astringent, montre quelques limites. Un certain manque de largeur de vues. Le Langoa Barton 1996 a un joli nez, moins acide. En bouche, il a le même aspect astringent. Il est à peine plus ouvert, comme si c’était le même vin. Le Léoville Barton 1995 a un nez fermé. Il convient de dire que dans chaque série, les premiers vins que l’on découvre sont les moins ouverts dans le verre. En bouche après un aspect un peu aqueux, on sent que le vin va se découvrir et s’ouvrir, vin plus riche et plus complexe.

Le Léoville Barton 1993 a un nez plus flatteur, plus ouvert. Il démarre assez bien, mais dévie assez vite vers un vin un peu plus fatigué. Le Langoa Barton 1986 a un joli nez de 1986. Il est très subtil et commence à s’ouvrir, même si les vins sont encore froids. Le Léoville Barton 1986 a un nez plus confituré, plus chou rouge. En bouche il est d’une belle finesse, élégant. Le Léoville Barton 1985 au nez qui donne envie de boire est plus tenu, plus avancé, il met en valeur le 1986. Le Langoa Barton 1966 a un nez plus évolué mais extrêmement joli. En bouche il est très beau, à peine amer, bien typé.

Le jugement change lorsque l’oxygène fait son œuvre. J’aime beaucoup le 2001, à la jolie épice, qui s’exprime bien. Le 1993 est facile à boire aujourd’hui, élégant, de bel équilibre. Le 1985 devient de plus en plus élégant et le 1966 est très plaisant. Je fais mon petit classement personnel : 2001 / 1985 / 1966 / Langoa Barton 1986. Raoul Salama donne une analyse très documentée sur les évolutions et les progrès qui ont été accomplis aux châteaux et donne des préférences qui ne sont pas les miennes. Les discussions passionnantes autour de la table avec les avis de Clive Coates, David Peppercorn, Serena Suttcliffe et d’autres montreront que tous nos avis différent, ce qui est un grand compliment à faire à ces deux vins.

La deuxième série comporte Léoville Barton 1950 – 1982 – 1989 et Langoa Barton 1955 – 1982 – 1989.

Entre les deux 1989, c’est le Léoville Barton qui est plus profond au nez. Mais je trouve en bouche un charme énorme au Langoa Barton et j’inscris sur mon carnet : « que du plaisir ! ». Le Langoa Barton 1982 est bouchonné et par manque de chance on le remplace par un autre bouchonné. Cela donnera lieu à un incident d’alcôve qui émouvra Jean-Claude Vrinat plus qu’il n’eût fallu, car nous sommes capables d’admettre ces petits incidents de parcours. Le Léoville Barton 1982 est un très beau vin. Il a une profondeur qui me plait. Le Langoa Barton 1955 est un vin déjà un peu évolué découvrant son alcool et un goût de prune. Il est assez joli. Le Léoville Barton 1950 me trouble par son côté bonbon anglais et confiture de rose. Le nez est doucereux et la bouche est très fruit rouge. Il me rappelle avec insistance cette étoupe que j’avais sentie dans la cave de Clos de Tart il y a un an. Le Langoa Barton 1989 est un vin de plaisir quand le Langoa Barton 1989 est plus structuré mais plus strict. Le Léoville Barton 1982 est un grand vin est je classe Léoville Barton 1982, Langoa Barton 1989 et Langoa Barton 1955.

La troisième série comporte : Léoville Barton 1959 – 1990 – 2000 – 2003 et Langoa Barton 1949 – 2000 ainsi que des magnums de Langoa Barton 1948 – 1961. Je me concentre, car je dois en parler.

Le Léoville Barton 2003 a un nez d’une rare séduction. En bouche, il est brutal, tout fou, attendant d’être dompté. Un vin qu’il faut attendre. Le Langoa Barton 2000 est plus humain, plus terrien, il sent les épices raffinées. Un vin de plaisir absolu. Le Léoville Barton 2000 est dans la logique des vins, mis en valeur par son compère. Le Léoville Barton 1990 m’évoque une promenade en forêt, le cassis. Je l’aime. Le Langoa Barton 1961 est charmant, fruité, vin de plaisir. Il ressemble beaucoup au Léoville Barton 1950.

Le Léoville Barton 1959, ça, c’est du vin, avec des évocations de café. C’est tout à fait le goût que j’aime. Le Langoa Barton 1949 est joli mais discret. Il évoque un peu le Porto. Un peu trop doux pour mon goût. Le Langoa Barton 1948 est un peu avancé, mais authentique. J’y vois de la menthe. Il est charmant, avec mêmes des notes bourguignonnes. Revenant de l’un à l’autre je leur trouve plus de charme. Mon classement change souvent. Je le stabilise à : Léoville Barton 1959 / Langoa Barton 1961 / Langoa Barton 1949 / Léoville Barton 1990.

Beaucoup d’experts voteront pour le 1948. Ce qui m’a frappé, c’est que le Léoville Barton n’a jamais vraiment dominé le Langoa Barton. Ces deux Saint-Julien sont de grandes expressions de leur terroir et des symboles de leur appellation. Les boire sur de belles années et sur la cuisine de Taillevent donne des démonstrations convaincantes.