Archives de catégorie : vins et vignerons

mon amour des vieux Sauternes jeudi, 24 novembre 2005



Dans cette cave qui n’existe plus (les bouteilles ont été transférées ailleurs) j’aimais contempler les couleurs ambrées de très vieux Sauternes

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YQUEM 2001 AU GRAND PALAIS jeudi, 17 novembre 2005

Bon, je n’ai pas eu mon Beaujolais Nouveau, alors je vais au cercle dont je suis familier. Au bar, mon barman préféré me dit : « mais monsieur, ici on n’a que du vin ». Déçu de l’avoir à nouveau raté, je me rends au Grand Palais à une visite privée de l’exposition de peintres de Vienne, Klimt, Kokoschka, Schiele et Moser. C’est LVMH qui est le mécène de l’exposition et je retrouve une foule ciblée, d’amis de Cheval Blanc et Yquem. La combinaison d’une chaude sensualité et d’une froide sophistication des tableaux de Klimt, dont cette Judith II qui glace les sangs quand la femme à la voilette appelle les sens, les délires proches de la folie de Egon Schiele dont un autoportrait quasi insoutenable, tout cela provoque de belles émotions commentées par une guide passionnante et sensible. Au buffet, décidément, je n’aurai pas mon beaujolais nouveau ! On goûte Cheval Blanc 1995 qui est d’une belle maturité. Chaud, rond, au bois intelligent, il m’étonne d’être déjà si chaleureux. Je discute avec des visiteurs que je ne connais pas et je saisis un verre d’Yquem 2001. Je fais « ah ! », et mes voisins se demandent si je viens d’avoir une attaque. Cet Yquem qui agite tous les acheteurs du monde est d’une beauté redoutable. Le nez est encore peu affirmé, même s’il est élégant, mais c’est en bouche que tout se passe. Un milieu de bouche rempli de fruits confits, de pâtes de fruit et d’agrumes, envoûte le palais. Je ne peux m’empêcher d’aller le dire à Sandrine Garbay, cette jolie vigneronne qui « fait » Yquem. Pierre Lurton m’avait raconté que ce bébé était si précoce qu’il avait décidé que son stage en fût de vieillissement serait raccourci. Ce fut une bonne décision si j’en juge par l’extrême personnalité de cette future légende. Retenez Yquem 2001, car il vaudra mieux l’oublier et le boire vers 2040, en résistant à sa séduction avant cette date, car il serait, dès maintenant, déjà éblouissant.

dégustation de champagnes à l’Intercontinetal mardi, 15 novembre 2005

Un site de vente de vins par internet, dirigé par deux tenaces et efficaces jeunes entreprenants organise une soirée de dégustation de champagnes. Je cite ce site parce que leur démarche mérite d’être encouragée, c’est 1855.com. La réunion se tient à l’hôtel Intercontinental dans le magnifique salon Opéra où, semble-t-il Garnier s’est fait la main avant de construire l’Opéra. Cette salle spectaculaire est l’écrin parfait pour goûter de beaux champagnes, les bruts non millésimés de grandes maisons. On rencontre des gens connus et j’ai le plaisir de bavarder avec un grand collectionneur de vins, avec qui je me suis souvent battu pour acquérir des vins uniques. Dans le domaine des vins très rares et historiques, c’est-à-dire de 1780 à 1870, je suis en culottes courtes par rapport à lui, car il a bu des vins rarissimes dont il me raconte à quel point il les a aimés. Cela donne encore plus de motivation à ma démarche. Nous nous sommes promis de partager quelques raretés chez un restaurateur ami des deux. J’en salive d’avance. De stand en stand on goûte de beaux vins. Je ne citerai que quelques uns qui m’ont particulièrement attiré : le Gosset d’une belle pureté, le Charles Heidsieck, le Pol Roger et le Veuve Cliquot. Quand on a le palais marqué par ces non millésimés, l’arrivée du Dom Pérignon 1998, vraie raison de cette foule abondante, se passe comme sur un tapis rouge. L’expression et la délicieuse note d’agrumes en milieu de bouche emportent l’adhésion. On parle, on retrouve des amis et on boit de beaux champagnes dans un lieu magique. Belle initiative.

soirée Grand Siècle au Pavillon d’Armenonville lundi, 14 novembre 2005

Le champagne Laurent-Perrier organise chaque année un dîner où est remis le trophée ou plutôt le Prix Grand Siècle, qui couronne une personnalité aux qualités humaines remarquables. J’avais raconté une précédente cérémonie dans le bulletin 97. Simone Veil sera ce soir la femme de l’année.
Au Pavillon d’Armenonville les voitures se succèdent pour libérer des beautiful people en habit de soirée. L’aboyeur qui annonce les noms à Bernard de Nonancourt, son épouse, ses filles et Yves Dumont et son épouse, alignés pour nous accueillir, cela a un petit air « hors d’âge » pour les jeunes loups et louves qui rajeunissent la soirée. Le champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle en magnum, servi à profusion, est un champagne de charme. Il se boit bien, il est expressif, et il a un goût de revenez-y redoutable. On bavarde avec des gens connus ou moins connus. L’ambiance est chaleureuse.
Le menu est le suivant, pour plus de 400 personnes : tarte fine aux cèpes et bolets, gâteau moelleux et crème de persil / salmis de palombe, gratin florentine / tomme crayeuse / vacherin d’automne, coulis de poire d’automne. Ce fut remarquablement exécuté, les cuissons furent précises pour les deux plats. Le chef d’un restaurant deux étoiles de Toulouse, Michel Sarran, présent à notre table, goûtait avec son sens critique aiguisé ce qui se présentait dans nos assiettes. Il opina, d’autant que le chef du Pavillon est un de ses amis et camarade de rugby.
Il est intéressant de constater que le repas fut grand, marqué par une générosité évidente, mais le dialogue des plats et des vins fut assez limité. La correspondance n’était pas facile. Les cèpes allaient évidemment très bien avec le Grand Siècle en magnum que nous avions adoré à l’apéritif, mais la crème de persil lui limait le plaisir.
Imaginez une brigade de soixante serveurs en gants blancs qui portent chacun un magnum de château Latour 1988. C’est extrêmement impressionnant de largesse. Cela me remémora l’entrée en scène, quasi identique, d’une cinquantaine d’Yquem 1967 lors d’un dîner au château d’Yquem (bulletin 148). Mais le Latour 1988 est un vin difficile. Celui de mon verre est surboisé, brutal, amer, rude, et comme Enrico Bernardo, meilleur sommelier du monde 2004 était à la table voisine, je suis allé lui porter mon verre pour qu’il le sente. Nous échangeâmes nos verres et incontestablement le sien était plus chaleureux, élégant. Il est donc probable que l’accord avec la délicieuse palombe était meilleur pour lui que pour moi.
La couleur du champagne Laurent-Perrier rosé Alexandra 1997, du nom de la ravissante fille de Bernard de Nonancourt, est d’une sensualité rare. Ce sont des pétales de rose qui volent au vent des bulles vagabondes. Avec le chef galonné de notre table, nous avons parlé des accords liés à la couleur. Le dessert a des couleurs d’automne, alors que le champagne délicieux a des couleurs de printemps. On aurait bien vu des fruits roses puisque la couleur du vin les appelle. Le dessert fut bon, le champagne fut bon, chacun de son coté.
L’essentiel est bien sûr la générosité de Laurent-Perrier et la nomination de Simone Veil. Jeanne Moreau, d’une voie sépulcrale fit son hagiographie. La réponse de Simone Veil fut plus amène. On se leva deux fois pour applaudir ces admirables personnes. Après le dîner, sur un Porto Taylor Old Tawny de 20 ans d’âge, les discussions avec les nouveaux amis de notre table se poursuivirent au-delà du couvre-feu. Ce fut une grande, belle et généreuse soirée.

un foudre emblématique de la Mouline de Guigal lundi, 7 novembre 2005



Les trois grandes Côtes Rôties de Guigal sont des vins éblouissants que je bois avec un infini bonheur. Leur prix ne cesse de croître, rejoignant ceux des vins les plus rares de la planète.

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visite chez Marcel Guigal lundi, 7 novembre 2005

Un ami avait parlé de mes dîners à Marcel Guigal, et l’idée d’une rencontre avait été lancée. Sur le conseil d’un ami connu du monde du vin, je l’appelle et j’arrange un rendez-vous sur la route de retour du Sud après l’escapade chez Marc Veyrat (bulletin 158). Un déjeuner en commun est prévu.
Nous nous annonçons à une dame à la réception qui fait une moue dubitative et va en parler à une autre dame qui s’approche. Je dis que je viens voir Marcel Guigal et qu’il est question d’un déjeuner. La réponse claque comme un revers de Roger Federer : « ah, ça, ça m’étonnerait ». Nous attendons ma femme et moi, et quelques minutes plus tard, Marcel Guigal m’apprend qu’il a énormément de travail, qu’il ne s’appartient plus, que son fils Philippe rentre du Canada. Philippe est en train de faire goûter les vins récents à des acheteurs britanniques importants. Marcel nous suggère de nous joindre au petit groupe qui déguste. Mais de déjeuner point. Sa femme, puisque c’est sa femme qui m’avait smashé du fond du comptoir, avait vu juste. Les femmes ont toujours raison.
En cave, Philippe Guigal arbore une superbe casquette de joueur de base-ball et commente de façon fort agréable et souriante les vins de cette splendide propriété et ceux de son négoce. Mes notes sont au lance-pierre, car elles furent prises sur ma paume et sur mon palm.
Je goûte Saint-Joseph 2003 blanc, puis Saint-Joseph de Saint-Joseph 2004, mais j’avais mangé des petits bonbons qui arrachent la bouche lors du trajet en voiture. C’est donc une prise de connaissance aussi efficace que de lire un annuaire dans le noir. Le Condrieu 2004 recale mon palais, juste à temps pour le Condrieu la Doriane 2004 qui manifestement monte en densité. L’Hermitage blanc 2002 a un peu de grappes d’ex voto 2002 en lui puisque l’ex-voto ne fut pas millésimé en 2002. Il a une belle acidité et une fraîcheur remarquable.
Les rouges : Cotes du Rhône 2003 nez poivré, jolie bouche simple, Crozes Hermitage 2002 paradoxalement moins agréable, très poivré. Le Saint-Joseph 2002 est plus fin, plus délicat. Le Saint-Joseph vignes de l’hospice 2002 a 30 mois de fût neuf. Un nez boisé et dense très coulant et frais en bouche. Le Saint-Joseph de Saint-Joseph 2003 : nez de poivre, agressif, joli en bouche, viril, cassis. C’est sec, écorce de noix, anis étoilé, menthe.
Le Gigondas 2001 est flatteur et joyeux ! Il est court, mais riant et très épicé. Le vin sent la rafle. Le Châteauneuf du Pape 2001 a un nez fermé. En bouche il est un peu fermé, mais il sera bon. Très épicé. La Côte Rôtie brune et blonde 2001 est vraiment encore fermée, mais agréable, dotée d’un beau final bien frais. A ce stade, on sent des constantes : il y a dans tous ces vins des finales de cassis et d’épices. L’Hermitage 2002 est très joli. Un vin comme ça, ça me plait. La Côte Rôtie château d’Ampuis 2002 possède un beau nez d’une élégance rare. Le vin est beau et son final est un peu aqueux.
La Côte Rôtie la Mouline 2001 est bue très froide. Le vin est très épicé, de belle structure mais il ne se livre pas encore, à ce stade de son évolution. La Côte Rôtie La Turque 2001 a un nez plus cassis plus dense, plus agréable, plus chaleureux. Mais quand La Mouline s’ouvre, quelle élégance ! La Landonne 2001 apparait comme un vin plus vieux, plus mûr un peu plus léger, plus assis. A ce stade, et Dieu sait si je ne suis pas expert de ces bambins, c’est La Turque 2001 qui a le plus de charme maintenant pour moi, le vin au nez plus avancé montrant une belle élégance en bouche. Cela ne présage pas des évolutions futures. Philippe fit à ses visiteurs et à moi-même l’honneur d’une Côte Rôtie La Landonne 1982, beau vin déjà mur que l’on devrait boire à table plutôt qu’en cave. Mais on imagine sa valeur intense.
Pour nous être agréables, nous sommes retenus à déjeuner au restaurant Le Cloître à Vienne par un jeune responsable administratif de l’export de la maison Guigal. Alors que le restaurant a un nom fort pieux et se situe au pied d’une magnifique église, la décoration tient plus de la trattoria que du cloître. La cuisine est honnête, et le ravioli de homards, le sandre, sauce à la Syrah et une tarte à la noix accompagnent un Hermitage 1995 Guigal qui a vraiment le style maison. Un peu amer et court, il est tout de même plaisant.
Marcel et Philippe Guigal, sentant que ce déjeuner n’était pas forcément ce dont nous avions rêvé, ont tenu à nous voir quitter leur domaine avec des mots fort amicaux et porteurs de promesses de se revoir en prenant le temps. Cela nous a ravis.
Je comprends que ces vignerons aux vins redoutablement bons ont des agendas contraignants. Ça me plait assez que les vins de Guigal se fassent désirer. Seraient-ils des vins féminins ? Ce n’est pourtant pas comme cela qu’on les aurait décrits.

cette photo a une histoire lundi, 24 octobre 2005


Lorsque j’ai créé le site de wine-dinners, il fallait faire de belles photos. Pour mettre des bouteilles "en situation", j’ai ouvert cette bouteille et le liquide dans les verres est bien du Chypre 1845. Qu’on ne s’inquiète pas. Ce fut bu !

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Club des Professionnels du vin et rencontre vinicole 05 mardi, 18 octobre 2005

Les hommes politiques ont compris que l’on n’est plus jugé sur son efficacité mais sur des postures. Alors, la France est morose car elle n’est plus gérée. On ne cherche plus la pertinence d’un plan de relance mais ce qui taraude les dîners en ville, c’est la compétition entre des dauphins (c’était écrit avant les émeutes, je l’ai laissé). Ce climat se ressent au Club des Professionnels du vin où l’assistance est clairsemée et attentiste, malgré la qualité des domaines représentés. J’y vais plus pour croiser des amis que pour faire des études thématiques. Comme j’ai la chance que l’on m’indique de bonnes pistes, je découvre ici et là de grands vins. Citons-en quelques uns. Le champagne rosé Deutz 1996, les champagnes Bonnaire et Clouet deux familles liées de Buzy et Cramant, dont un 1992 qui aurait pu figurer dans le peloton de tête du concours du « Spectacle du Monde » (bulletin 154). Le Chablis Moutonne Grand Cru Long Dépaquit de Bichot 2000 se boit bien, un fort intéressant Corton Charlemagne de Chanson égaya le buffet de cochonnailles du Pavillon Dauphine, le Chambertin Bichot 2003 promet beaucoup. L’Armagnac 1945 de Laubade, généreusement offert à la dégustation m’a moins convaincu. Trop torréfié, réglissé à mon goût. Autour des stands, des cavistes, restaurateurs, agents et journalistes ont une approche moins papillonnante que la mienne. Ces salons sont nécessaires.
Le lendemain, une autre « rencontre vinicole 05 » à l’Espace Cardin rassemble une foule plus dense avec des vins de beau calibre, dont plusieurs sont les mêmes qu’au Pavillon Dauphine. Les délicieux champagnes Diebolt-Vallois que j’ai déjà racontés dans des millésimes rares (bulletin 138), de très orthodoxes blancs et rouges de Smith Haut Lafitte qui sont très bien faits, des vins originaux, typés, de Puech Haut, petites bombes d’épices, le Meursault 1999 du château de Meursault, bien marqué Meursault, et le Banyuls de l’Etoile 1993 séducteur comme pas deux.

concours du meilleur caviste indépendant par Laurent-Perrier lundi, 10 octobre 2005

Tours-sur-Marne est une coquette bourgade de la champagne, perdue au milieu des vignes. Au cœur de l’automne, quand les ceps ont fini de livrer leurs trésors, les feuilles se parent de mille couleurs pour un dernier spectacle de pure beauté : le vert bien sûr, pour rappeler que les vignes furent jeunes, le jaune doré et le rouge sang pour suggérer les liquides magiques qu’elles ont donnés et le noir d’encre pour que l’homme qui dompte ces lianes se souvienne que tout ici est mortel. Un joli soleil fait briller cette féerie. Nous arrivons au siège de Laurent Perrier, devant une devise comminatoire : « ne buvez pas d’eau ». Le jury du concours du meilleur caviste indépendant du monde se retrouve après la préparation que nous avions faite au « Petit Verdot » (bulletin 152). Les dix candidats cavistes sont de sérieux phénomènes pour avoir passé l’épreuve d’un questionnaire qui aurait certainement éliminé bon nombre de membres du jury (moi bien sûr) du fait de l’extrême complexité et de l’étendue des sujets. Ils sont tous fébriles, anxieux, car l’épreuve qui vient est la description et la reconnaissance de sept vins. Le jury les goûte en sachant ce qu’ils sont et prend des notes pour pouvoir jauger la pertinence des descriptions. Chaque caviste a le choix entre trois réponses pour un vin, ce qui est déjà une précieuse indication. Malgré cela, l’épreuve est si difficile, même pour des gens très doués, que le taux de découverte des vins ne dépassera pas 50%. Les descriptions sont amusantes. Parfois d’une exactitude remarquable, souvent d’un lyrisme scolaire, et quelquefois totalement à coté du vin goûté. La palme revient à un candidat qui a trouvé de la tige de pivoine (pas la fleur, la tige) dans un vin. Les réponses furent globalement très compétentes pour des vins difficiles : Jasnières Domaine Renvoisé 2001, Mendoza, Torrontes Santa Julia 1999, Brouilly domaine Longuefay 2004, Amarone della Valpolicella domaine Righetti 2001, Carmenere Tabali reserva, Chili 2002, Moscato di Pantelleria liquoroso « Tanit » domaine Miceli Sicilia, single malt Scotch Whisky caol-ila Dun Bheagan 12 ans. Inutile de dire que ce n’était pas simple.
Un succinct déjeuner avec les candidats et nous dépouillons les réponses pendant que l’épreuve d’un questionnaire se déroule. La partie la plus passionnante sera la présentation du coup de cœur. Chaque caviste a apporté un vin qu’il aime et le justifie au jury. Certains vins furent des découvertes assez époustouflantes car ces malins gaillards ont déniché des petits trésors. J’en cite deux ou trois.
Un Saumur 2000 Clos Rougeard « Brézé » qui titre 12,5°. Ce blanc a un nez d’une puissance rare, beurré de mille fleurs, presque salin. En bouche très floral, iodé, passionnant. Le Grasberg 2002 de Marcel Deiss titre 13° et se compose de trois cépages alsaciens. Le nez de fruits exotiques précède une amplitude en bouche élégante, florale, saline qui finit en bonbon acidulé.
Un caviste a apporté une Commandaria de Chypre St John non millésimée absolument délicieuse évoquant au nez les Banyuls les plus délicats. Il eut cette phrase admirable : « sentez ce vin, il sent le billet d’avion qui vous emporte vers d’autres mondes ».
Le Jurançon 1991 cuvée la Quintessence du Domaine Bru-Baché titre 13,5°. Un nez très opulent, franc, séducteur. En bouche, le coing, le fruit élégant, frais, à peine sucré. Quelle présence en bouche ! Fort et imprégnant, c’est un exemple du beau Jurançon.
Une des présentations, très technique, insista sur un jeune vigneron atypique qui fait tout à contrecourant, soignant ses allées à la pince à épiler, chouchoutant ses bourgeons à la lampe à bronzer. Le résultat est un jus de cassis poivré moins bon que s’il était fait avec du cassis. Je ne citerai pas ce vin du pays de l’Héraut, dont seul l’intitulé « garance » avait une gueule d’atmosphère.
La lecture de la liste des quatre finalistes est aussi cruelle que lors de la désignation de Miss France. On dit aux jeunes et jolies filles : « même si tu n’es pas nommée, tu souris ». Le sourire forcé de ces beautés est presque insoutenable de souffrance intime. Là, les déçus ne cachent pas leur sentiment d’injustice. Ils font bonne figure peu après, mais on sent la blessure profonde du candidat écarté.
La dernière épreuve est un jeu de rôle. Le candidat a cinq minutes pour conseiller Enrico Bernardo, mis à contribution car il reste deux italiens en piste qui s’exprimeront dans leur langue, qui veut acheter des vins pour un dîner. Voir le meilleur sommelier du monde 2004 répondre à un caviste : « vous savez, je n’y connais pas grand-chose, je m’en remets à vous » vaut le détour. Le gagnant fut un caviste italien au charme certain soutenu par une connaissance extrême car il avait entre autres gagné l’épreuve de la description et reconnaissance des vins à l’aveugle.
Comme dans tous les albums d’Astérix l’histoire se finit par un festin, mais là, contrairement aux ripailles gauloises, on laissa les bardes chanter à tue-tête, puisque Georges Lepré, chanteur au talent achevé, montra au lauréat que le bel canto, c’est en France qu’on sait le pratiquer. Et le président de la fédération des cavistes troussa joliment un air d’opérette, en duo avec Georges.
Un médaillon de lotte, un carré de veau de lait sous la mère, un millefeuille de framboises mettent en valeur les champagnes de la maison Laurent Perrier dont un très intelligent ultra brut, un brut millésimé 1996 en magnum délicat et une opportune cuvée Laurent Perrier rosé brut en magnum. Cela ponctuait une bien belle journée qui a mis en valeur la compétence de cavistes brillants.