Archives de catégorie : vins et vignerons

viiste à la Romanée Conti et déjeuner sur le pouce lundi, 2 mai 2005

Visite à la Romanée Conti. Je goûte les 2004 en fût. Sont-ils en pleine fermentation malolactique ou celle-ci va-t-elle commencer ? C’est un sujet qui ne fait pas partie de mon quotidien. C’est un exercice de vigneron. Le coté perlant de certains vins limite ma capacité d’analyse. Mais est-ce important ? Là où je trouve le Richebourg joyeux, Aubert de Villaine signale la belle structure de La Tâche. Nous nous rejoignons sur un point : la Romanée Conti 2004 est diablement charmante. Même sans avoir le palais habitué à cette jeunesse de présentation, il n’est pas difficile de pronostiquer que ce sera un très grand vin.
Nous nous rendons ensuite à Flagey Echézeaux au restaurant de Carole et François Simon, qui fait face à l’église. Cuisine sympathique et fort avenante qu’accompagne un Echézeaux Coquard 1984 (le nom a deux autres rallonges, mais on me dit que seul le premier compte en cette occurrence). Nous sommes étonnés que 1984 ait cette puissance. Le vin a le coté ingrat, peu amène, de la Bourgogne qui bougonne, mais cela dénote un certain charme. Le vin attrape les senteurs du canard et cela fait un fort bel accord créé par un vin très naturel, archétypal, que j’aurais imaginé sans doute plus vieux d’au moins dix ans. Ce fut l’occasion d’étudier avec Aubert de Villaine quelques projets communs mais aussi de voir par l’exemple les sujets de gastronomie sur lesquels je pousse mes recherches.

visite à Clos de Tart lundi, 2 mai 2005

Je suis attendu au Clos de Tart par Sylvain Pitiot, dont j’ai déjà signalé le livre sur les vins de Bourgogne, complet, descriptif et éducatif. Les caves creusées dans la roche il y a plus d’un demi millénaire sont impressionnantes. Nous buvons les 2001, 2002 et 2003 dans cet ordre. Le premier a des senteurs de fruits noirs, cassis et mûre. Et la comparaison des odeurs des trois est très instructive. On reconnaît la signature du domaine, faite, pour mon palais, de poivres et d’épices sur ces fruits noirs. C’est le 2001 qui me plait le plus, plus dans le fruit que le 2002 plus austère, et plus affirmé que le 2003 qui n’a pas encore franchement trouvé une voie. Que sera-t-il sur la durée ? Difficile de le dire, mais je ne suis pas sûr qu’il vieillira autant qu’on l’a prédit généralement pour l’année.
Une anecdote en cette cave magique. Je dis à Sylvain Pitiot : ça sent la framboise. Sylvain ne la sent pas. Je m’approche d’une bonde étoupée qui dormait sur une étagère à une distance assez grande. Elle sent la framboise. Ce qui est amusant, c’est que j’ai un odorat généralement limité, et surtout sur des sujets qui ne sont pas les miens, mais depuis que je m’intéresse au vin, il s’est développé dans certaines directions. Je fus soupçonné – amicalement – d’un tour de magie, pour avoir décelé l’indécelable.

visite au champagne Diebolt Vallois mercredi, 20 avril 2005

Un ami sommelier, immense expert en champagne m’a ciselé une journée de dégustation. Cela débute à Cramant, chez Diebolt-Vallois, où nous sommes reçus par le propriétaire. Tout ici sent le travail soutenu d’une maison familiale où rien ne sera fait pour essayer de séduire. Mais on sent le sens esthétique, le propriétaire étant fort féru d’art. Dans la cave discrète un ascenseur monte charge nous descend comme à la mine à un niveau où l’on prélève quelques flacons qui font déjà rêver. Au niveau encore inférieur la pioche paraît irréaliste de rareté. Au dernier sous-sol, en une cave voûtée, nous allons boire des merveilles. La cave est à 9°, ce qui est assez frais, et l’usage veut que l’on crache ce que l’on a bu sur la craie des murs. Ce rite n’a créé aucune odeur ni moisissure, signe que la craie digère bien.
Jacques Diebolt ouvre les blancs de blancs. Le 1995 est très jeune. Il sent la mirabelle. Son final est très beau. Ce vin vieillira bien Le 1988 a un nez incroyable de miel. La bulle est forte, les fruits sont jaunes. Le final est brillant. Il s’agit d’un grand champagne. Le 1982 a une couleur d’or pur et un nez de noix. La petite amertume initiale disparaît à l’aération. Il y a des fleurs blanches et des fruits jaunes. C’est un vrai vin. Le 1976 a un nez de morille. L’attaque est franche et belle. On sent le cuir, la raideur, l’acidité. Si le nez est moins beau, c’est surtout un champagne très franc, d’une invraisemblable jeunesse, d’une pureté incroyable.
Vient ensuite un non millésimé, mis en cave en 1983 au nez de pain d’épices, flatteur, très demi-sec, un peu court, un vin fait pour la table. Le 1979 a un nez coincé. En bouche, c’est somptueux. Le miel, la réglisse le poussent à fond. La fin est un peu courte. Un goût de revenez-y appelle un 1982 qui confirme son élégance.
Les vins qui suivent seront dégorgés sur place. Une opportune clé anglaise extirpe le bouchon, la main du vigneron gérant la trajectoire qui libérera la lie à éliminer. Le 1973 est un vin éblouissant. C’est un vin purement prodigieux, qui montre une évolution absolument parfaite. La persistance en bouche est grandiose.
Il fallut plusieurs 1961 pour en trouver un magistral. Vin ensoleillé, très beau, qui, contrairement au 1973 très rectiligne, explore des directions nombreuses de goûts qu’il veut nous suggérer. On est en présence d’un grand champagne. Sauvage, de séduction folle. De quoi se pâmer.
Une bonne version de 1953 a un nez de fleur blanche et des saveurs anisées. C’est de loin le plus noble de tous les champagnes étudiés. L’ordre s’il s’agit de noblesse est 53 / 61 / 73. Si l’on juge l’épanouissement, la plénitude, l’ordre devient 73 / 53 / 61. Cette série de champagnes est un honneur immense qui nous fut fait. L’escapade champenoise se continue au prochain numéro.

visite aux champagnes Philipponnat mercredi, 20 avril 2005

Mon ami sommelier avait prévu une visite à Philipponnat, à Moreuil sur Ay, où j’allais apprendre de nouveaux blancs de noir. Le brut non millésimé est simple, facile, sans problème. La cuvée 1522, qui ne date pas de cette année là, est un assemblage pour assurer une meilleure constance de production que la cuvée Clos des Goisses, le bijou de la maison. La « Cuvée 1522 » datant probablement de 1996 est bien typée, charmeuse. C’est râpeux en fin de bouche.
Le Philipponnat 1985 dégorgé ce jour a un nez viril et en bouche garde cet aspect fort masculin. Il n’est objectivement pas facile d’approche, mais il est très bon. Le même 1985, dégorgé en novembre 2000 est plus arrondi. Certains aspects sont encore brutaux, mais ce vin est séduisant malgré tout. Le 1988 est un blanc de blancs, dégorgé en 1992 ou 1993. Très charmeur au nez de beurre, il est typé, fort, intense. Le Clos des Goisses 1992, vin d’une très petite parcelle aux pentes vertigineuses a été dégorgé en 2004. Le nez est racé. Il est magnifique en bouche. Charmeur de grande personnalité.
Le Clos des Goisses Philipponnat 1982 dégorgé en septembre 2004 a un nez somptueux. Il est salin, iodé, et appelle des huîtres ou des oursins. Beau champagne. Et c’est le Clos des Goisses 1980, dégorgé au même moment, qui est encore plus grand. C’est un immense champagne, le plus grand de toute cette lignée de Philipponnat, expliquée par un responsable d’export entre deux rendez-vous, dont la fatigue de globe-trotter limite l’envie d’exciter nos papilles.
En cette journée rare nous avons côtoyé d’immenses champagnes. Nous avons rencontré de grands professionnels passionnés. Il y a de belles choses à apprendre en champagne quand on est bien conseillé.

que tient Saint Pierre dans sa main? mardi, 19 avril 2005



On sait que sur l’étiquette de Pétrus il y a un Saint barbu. Mais que tient-il dans sa main ? Ce n’est pas un tastevin, c’est la clef du Paradis.

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rapide visite à chateau Palmer mardi, 5 avril 2005

A Palmer, les visites se succèdent au chronomètre. On se croirait dans un centre de thalassothérapie où l’on vous dit : « le bain d’algues : à 17 h 12 ». Une impressionnante cohorte de visiteurs de tous horizons et de tous pays vient découvrir le charme de l’Alter Ego de Palmer 2004 et l’élégance structurée de Château Palmer 2004. J’étais venu en ami bavarder de divers sujets. J’ai goûté ces beaux 2004. Je suis content d’avoir terminé sur eux ce périple épuisant de découverte des bébés vins qui seront sur les tables dans quelques années.

visite à Pichon Lalande et déjeuner privé mardi, 5 avril 2005

Direction rive gauche de la Gironde, par la route qui traverse Margaux, Saint-Julien et Pauillac. Je dois me rendre à Pichon Longueville où je suis attendu. Bien évidemment je me trompe de château, ce qui montre à quel point je suis peu assidu des châteaux qui ont fait les trésors qu’abrite ma cave. Je ne suis jamais allé à Latour, à Margaux, à Lafite, à Mouton car je n’aime pas déranger. Ce n’est pas parce que les châteaux font l’effort de recevoir ceux qui les visitent qu’il faut obligatoirement y aller. J’ai sans doute eu tort d’être trop discret jusqu’ici car des gens passionnants font les vins brillants que je vénère. Violaine de Lencquesaing m’accueille sur le sentier et nous rejoignons sa mère, pétulante femme qui sera bientôt octogénaire, mais a plus d’énergie pétillante que beaucoup de gens plus jeunes. Les chais sont impressionnants. Trois sculptures d’un bleu intense attirent mon regard par leur beauté. Une collection de verreries anciennes remontant à l’époque romaine est spectaculaire. C’est un hobby de May Eliane de Lencquesaing que je comprends, car je vis aussi l’avidité du collectionneur. De la terrasse qui coiffe les chais on découvre un panorama de rêve : toutes les terres alentour produisent des vins qui sont parmi les plus grandioses du monde : Pichon bien sûr, Latour, Léoville Las Cazes entre autres. Nous goûtons dans une orangerie exquise les vins du domaine de 2004 : le Bernadotte, la Réserve de la Comtesse, et le Pichon Longueville Comtesse de Lalande. Ces vins de la rive gauche me paraissent plus sereins que ce que j’ai ressenti sur la rive droite. Les équilibres se forment déjà. Il fait beau, nous arpentons les allées fleuries qui mènent au beau château qui séduit : c’est une demeure où l’on vit. La décoration est élégante, délicate, fournie. Elle exprime le bonheur. Les couleurs sont très féminines. La salle à manger accueille pour qu’on y mange bien.

la table dressée pour notre déjeuner

Tous les petits détails, le raffinement anglais dans le service de table, préparent le convive à déguster comme il convient ce vin de grand renom. Nous commençons par Pichon Longueville 1991, car de la toute petite récolte qui ne fut pas abîmée par des conditions climatiques épouvantables en début de cycle de la vigne, ce qui est resté est fort élégant. Léger, subtil, ce vin insiste pour nous dire : « je sais que je suis de 1991, mais voyez comme je vis bien ». Le 1986 qui suit me rappelle celui que j’ai bu tout récemment (bulletin 128). Comme le 1991, il est servi dans sa fraîcheur. Il se présente légèrement frais et peu ouvert. Nous discutons longuement de nos méthodes respectives de mise en valeur des vins. J’admets volontiers que l’on présente un athlète au moment où il se réveille. Son étirement matinal a du charme. J’ai plus le goût de le voir en piste, quand la sueur marque son front et signe l’effort pour gagner. Si l’on concevait bien que le 1986 se présente ainsi en jouant la jeune beauté surprise devant sa psyché – et l’on sait que Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1986 est un immense Pauillac – j’ai eu plus de mal avec le 1959. Voici un vin époustouflant, chef d’œuvre historique. J’ai moins envie de le voir en pyjama. Il le faut en Brummell.

avec May Eliane et Violaine, et le chien !

Tout ce que je dis est évidemment à prendre à la marge, car le 1959 d’une longueur rare, choisi pour ce repas amical parce que l’année est d’un fort souvenir pour May Eliane de Lencquesaing, démontra tout naturellement qu’il est un très grand vin, à la garde quasi éternelle. J’espère que mes hôtes le goûteront encore ce soir, après une oxygénation supplémentaire, pour vérifier si cette forme différente leur plait aussi, alors qu’elles ont opté pour une présentation d’un vin dans la forme qui met en valeur d’abord sa jeunesse. Nos discussions furent animées, amicales et heureuses. J’ai visité la cave, goûté le chaud soleil dans le beau jardin où les fleurs de printemps explosent de couleurs et de joie de vivre. Une famille qui travaille à la pérennité d’un domaine au sol béni de Bacchus. Une volonté de bien faire dans l’esprit de la tradition. Une exigence. Et ce moment d’amitié. C’est là où la France est inégalable.

dégustations diverses à saint-emilion lundi, 4 avril 2005

Je m’effondrai dans mon lit après l’épuisante séance des 2004 et ce dîner copieux, me jurant qu’il était hors de question que j’approche mes lèvres du moindre vin le lendemain. J’arrive vers 10 heures à Cheval Blanc pour rencontrer Pierre Lurton. On me met en main d’autorité le Petit Cheval 2004, puis Cheval Blanc 2004. Impossible de juger ces grands vins prometteurs à cette heure de la journée. De nombreux visiteurs sont là, dont Hidé, un des éléments du charme de Hiramatsu, qui m’annonce qu’il quitte ce restaurant. J’en suis attristé et je suivrai ce grand professionnel où il fera son nid. Je vais le revoir par hasard le lendemain. Un des grands cavistes parisiens est là. Il m’entraîne à une dégustation dans un site privé qui appartient à Jean-Luc Thunevin. Comme disait Goebbels, quand j’entends le mot Valandraud, je sors, non pas mon revolver, mais toute idée d’abstinence. Et je me suis retrouvé devant des dizaines de stands aux vins plus intéressants les uns que les autres.
Un convaincu Hervé Bizeul, vigneron du Roussillon que j’avais vu tonique au salon des grands vins présente la petite Sibérie, le Clos des Fées, les Sorcières du Clos des Fées. Je ne peux pas dire que je suivrai toutes ces tendances ayatollesques. Un exercice beaucoup plus interpellant m’attend avec le Pintia Toro 2004, le Alion Ribera del Duero 2004 moins convaincant, le brillant Valbuena Ribera des Duero 2004 et l’immense Vega Sicilia Unico 2004 , magistrale indication de la grandeur des vins espagnols du plus haut niveau.
J’ai adoré un Château Petit Gravet Aîné Saint Emilion Grand Cru 2004 présenté par la charmante Catherine Papon-Nouvel, car il est atypique et ne veut pas démontrer plus qu’il ne peut. Le Château Valandraud 2004 à l’inverse est une bombe d’alcool et de concentration. C’est un cocktail Molotov aujourd’hui qui présage de redoutables performances plus tard. Pour s’amuser il y avait le vin de Bob, le Château Bellevue sur Vallée, vin d’un jeune américain. C’est gentil, quand son essai d’un vin sucré qui approche de saturations épouvantables doit être ignoré.

spectaculaire dîner au chateau La Gaffelière lundi, 4 avril 2005

Arrivé au château La Gaffelière, une fois la porte austère comme celle d’un cloître refermée, un jardin délicat, arboré avec goût, pousse à l’émerveillement. Deux Bugatti dans un garage orné de mosaïques antiques indiquent que le maître des lieux vit ses passions. L’impressionnante collection de tableaux de peintres flamands des périodes de gloire montre que l’exception et la joie de vivre sont les maîtres. La cuisine sera faite par le chef de l’hostellerie de Plaisance, où je loge, et c’est le mieux de ce qui peut se faire.

Passage obligé, puisque c’est la semaine des primeurs, nous goûtons les 2004. La Chapelle d’Aliénor qui se cherche un peu, Château Armens que j’avais aimé lors des dégustations du Cercle Rive Droite, Château Tertre Daugay déjà magnifique dans sa présentation actuelle où le fruit est élégant et la structure intelligente, et Château La Gaffelière moins présent que le Tertre Daugay, mais promettant de belles évolutions. Un blanc est inaccessible pour moi tant on est loin de ce qu’il sera.

Dans les riches salons, un champagne Pommery 1991, moins chaleureux que mon 1987 récent, étonne par sa personnalité. Il raconte des choses. Nous passons à table et je remarque les éblouissantes armoires d’acajou aux dimensions cyclopéennes. Le premier vin est le Tertre Daugay 1990. Je n’arrive pas à croire qu’un 1990 puisse être aussi jeune, tant le fruit sur un bois intense et vert semble indiquer un vin à peine né. Et en analysant, c’est bien un 1990 à la jeunesse folle.

La Gaffelière 1961 est l’expression de la perfection du vin jeune. C’est l’idéal. Le 1928 est époustouflant. Un nez d’une densité rare, une structure affirmée où les champignons abondent. Et un toast à la truffe caresse le vin de façon parfaite. C’est délicieusement rond.

Le premier 1904 sent mauvais et inamical, exhale le soufre, et nous suivons la progressive extinction de cette odeur, car en bouche, c’est une prodigieuse explosion de bonheur. Le vin qui ne sent pas bon est magnifique en bouche. Une deuxième bouteille de 1904 montre un nez plus civilisé, chaleureux, mais le vin n’a pas le coté « canaille » du premier.

J’avais dans ma voiture un 1929 que j’évoquai prudemment lorsque nous fûmes à table. Fallait-il l’ouvrir chez celui qui le produit ? L’ambiance étant amicale, on suggéra que je l’ouvrisse. Manifestement moins bien conservé que les bouteilles du château, ce vin montra malgré tout une noblesse extrême.

Un Guiraud 1983 conclut ce délicieux moment.

Mon classement, approuvé par des convives qui sont des professionnels du vin fut : le premier 1904, le 1928, le 1929 que j’avais apporté, le second 1904, et le 1961 qui se trouverait premier si l’on jugeait pour les palais d’aujourd’hui.

Nous fêtions Stéphane Derenoncourt qui conseille les vins de la famille Malet-Roquefort et avec qui j’ai partagé quelques analyses intéressantes. Générosité immense de chaleureux propriétaires de grands vins.

primeurs 2004 Cercle Rive Droite des Grands Vins de Bordeaux dimanche, 3 avril 2005

Etant invité à une réception dans un des prestigieux châteaux du bordelais, je tricote autour quelques rendez-vous. Mon séjour commence par une dégustation des 2004 (nous sommes le 3 avril 2005) organisée par le Cercle Rive Droite des Grands Vins de Bordeaux. Cela se passe au Château de Pressac, noble demeure aux remparts anciens et au bâtiment très Viollet-le-Duc, qui jouit d’une vue impressionnante sur de vastes vallées. Le charmant propriétaire qui a acheté le château en 1998 nous accueille d’un large sourire. Il prête sa demeure pour plusieurs séances de dégustation pendant la semaine des primeurs. Son saint-émilion grand cru sera parmi les vins jugés. Un cahier de 74 pages, à deux vins par page, nous est donné, afin qu’une brochette de journalistes de nombreux pays notent leurs impressions. Beaucoup le font directement sur leur ordinateur portable. Il y a deux générations de goûteurs. Les grands, les vrais, les purs, notent tout à l’aveugle, sur des échantillons. Chaque bouteille neutre porte le nom de l’appellation et un numéro. Je fais partie de l’autre groupe qui juge en connaissant les noms. Ce qui est évidemment un tout autre exercice.
J’aurai personnellement goûté 50 vins et annoté 49 vins. C’est une rude épreuve. Mes gencives, comme mes dents, comme celles de mes collègues juges, sont devenues violettes. J’ai compté mes dents en fin d’exercice pour savoir si tous ces tannins, toutes ses astringences, ne les avaient pas dissoutes. Je ne vous imposerai pas mes notes, car ce serait trop long, mais je me suis astreint à apprendre comment juger de tels vins. Une anecdote pour s’amuser. Je goûte un vin assez atypique. Je lui trouve un nez animal, très viande. Je m’en ouvre à deux journalistes britanniques. L’un lui trouve un nez floral, l’autre lui trouve un nez de fruit. En me penchant à nouveau, je sens un nez de fleur et de fruit, ce qui prouve mon aptitude au consensus européen.
D’une façon générale j’ai trouvé que les vins ont tendance à être de technique. Dans des petites appellations les vins ne représentent plus leur région, mais des vins travaillés. J’ai rencontré beaucoup de vins élégants, beaucoup de vins difficilement buvables. Paradoxalement je fus plus intéressé par les vins les plus ingrats, dont l’acidité et l’amertume préparent de futurs bons vins. Ce que ne seront sans doute pas forcément les vins déjà buvables. Une constatation intéressante : les vins qui sont faits par les œnologues dont tout le monde parle sont élaborés de façon extrêmement intelligente et n’en font pas trop. Ce sont naturellement les vins qu’on aimerait critiquer. Je leur ai trouvé un charme certain. Mon sentiment est que l’année 2004 aura beaucoup de déchets, car j’ai goûté plusieurs vins qui ont raté leur coup. Il sera indispensable de lire les bonnes feuilles de plusieurs experts pour déterminer les achats à suivre.
J’indique ici quelques vins qui m’ont plu : Château Marjosse, appellation Bordeaux, Château Tour de Mirambeau, Bordeaux Supérieur, Château Reynon, Premières Côtes de Bordeaux, Château Fougas Maldoror, Côtes de Bourg, Château Cap de Faugères, Côtes de Castillon, Château Joanin Bécot, Côtes de Castillon, Clos Puy Arnaud, Côtes de Castillon, Château Puygueraud, Côtes de Francs, Château Dalem, Fronsac, Château Fontenil, Fronsac, Château Canon de Brem, Canon Fronsac, Château Le Bon Pasteur, Pomerol, Domaine de l’Eglise, Pomerol, Château l’Enclos, Pomerol, Château Taillefer, Pomerol, Le Fer, Saint-Émilion Grand Cru, Château Franc Grâce Dieu, Saint-Émilion Grand Cru, Château Péby Faugères, Saint-Émilion Grand Cru, même s’il est « tendance ». En blanc, j’ai apprécié le Reignac et le Plaisance. Des vins extrêmement différents, des techniques souvent opposées. Il faudra bien choisir ses primeurs. Les Pomerols me sont apparus les plus authentiquement bons, mais j’aime les pomerols, pour la production rive droite de cette année.
François Mauss, président du Grand Jury Européen, dont des membres étaient présents dans la salle aux jugements à l’aveugle, publiera sans doute des analyses dans la lettre dont je vous ai adressé un exemplaire. Il y a de telles variations de réussite dans les vins de cette année où le Bordeaux perd un peu de son caractère qu’il faudra lire tous ces témoignages.