Je vais le raconter de façon « people » pour m’en amuser (1). Ma fille cadette m’a donné en cadeau d’anniversaire un « bon pour… ». Très souvent, ces « bon pour » se perdent dans l’oubli. Celui-ci ne sera pas perdu car il s’agit d’une paire de chaussures de chez Berluti. Rendez-vous est pris au magasin, avec promesse d’un déjeuner. Création exubérante, travail de bottier, je prends deux paires dont une est mon cadeau. J’ai retenu une table. Ce sera au restaurant Pétrossian où j’ai évidemment retenu ma boîte de caviar. Nous profiterons d’une montagne de caviar Malossol, special réserve Persicus. Le caviar n’est bon que quand on en a trop. Le grain est gros, bien délié, d’un gris clair, et son attaque en bouche est d’une précision extrême. Le sel est élégant, l’iode enjôleuse. C’est un très grand caviar. Le lecteur attentif se demande sur quel vin ou quel champagne nous allons croquer ces précieux grains. Question facile ! Sur le champagne Salon 1988 bien sûr. Une cave trop chaude sans doute a fait vieillir plus vite ce grand champagne et ce n’en est que mieux. Son vineux affirmé est absolument parfait sur le caviar. L’un et l’autre se prolongent. L’accord sera encore plus beau avec un plat que j’expérimente pour la première fois, un tartare de bœuf avec du caviar Sévruga. Car la tendresse de la viande apaise le choc de confrontation du Salon et du caviar. Pendant le repas je regardais mes pieds chaussés d’un cuir à la patine inimitable. Il est des samedis matin qui ne sont pas chagrin.
(1) si j’évoque ce sujet « people », c’est que sur un forum français de vins, dès que je parle de mes aventures, c’est considéré comme de la provocation si je cite un nom prestigieux ou un vin inaccessible. Ce sujet serait considéré comme odieusement people. D’où l’allusion.
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