L’exploration de bouteilles de la cave de ma maison, qu’il vaudrait mieux boire rapidement, continue. Je prends en mains une bouteille de Château Conseillante Pomerol 1943. Spontanément, j’aurais écrit Château La Conseillante, dénomination utilisée le plus souvent dont sur un millésime 1946 très proche et un 1949, alors qu’une bouteille de 1928 a aussi oublié le « La ». Le « La » serait-il apparu entre 1943 et 1946 ? Ce serait cohérent avec ce que j’ai pu vérifier en regardant les photos de ce vin sur mon blog.
En main la couleur du vin n’est pas très nette, un peu trouble, ce que je n’aime pas trop. A la lumière le rouge sang du vin est assez beau. Le niveau dans la bouteille est basse épaule, ce qui justifie que je la boive. Le bouchon vient entier même s’il subit des déchirures, et le haut du bouchon est devenu sec. Le milieu du bouchon est noir mais peu gras et le bas du bouchon est d’une belle couleur de liège sain.
Je sens des fruits prometteurs et ma femme sent en premier un nez de bouchon qui ne m’avait pas alerté. Comment le vin va-t-il se comporter, nous verrons bien.
A l’heure prévue par ma femme je remonte la bouteille de Château Conseillante 1943 de la cave, déposée là car il faut chaud en cette fin de mois de mai. J’apprends que le poulet au four aura du retard. Pour occuper mon attente je découpe de petites tranches de comté et je me sers un verre. La question d’un éventuel nez de bouchon ou goût de bouchon ne se pose pas. Il n’y a pas l’ombre d’une trace. La couleur me plait beaucoup, sans aucun trouble et avec un sang de pigeon signe de jeunesse. Le nez m’apparaît un peu vieux. En bouche, le vin est droit et clair, mais sans grand intérêt. Il n’est pas inspiré. Je suis à deux doigts d’écarter ce vin sans âme, mais le poulet arrive.
La transformation est spectaculaire. Est-il possible que ce soit le même vin ? Est-il imaginable que le comté ait eu un tel pouvoir de neutralisation du vin ? Toujours est-il que c’est un vin superbe qui se montre maintenant, dont je reconnais la noblesse truffée du pomerol. Est-ce que le vin avait besoin de plus d’aération ? Il y a sans doute un peu des deux, comté et besoin d’aération. J’ai eu envie de vérifier en gardant un tiers de la bouteille pour le lendemain. Sur le poulet j’ai bu un vin qui ne pouvait pas masquer son âge, mais qui s’est comporté comme un grand vin.
Le lendemain au dîner, le parfum du vin est plus intense et plus amical. Le vin semble plus concentré, ce qui est compréhensible puisqu’il s’agit du bas de la bouteille. Le vin est plus large, plus plaisant à boire. Il a un petit soupçon de torréfié, ce qui est logique car il y a l’influence de la lie, présente sans être abondante, car une bonne partie est restée collée au verre de la bouteille. Le plaisir est plus grand, ce qui indique que le vin aurait pu profiter d’un temps d’aération de plus de quatre heures avec bonheur. « La » Conseillante, qui s’appelait alors Conseillante est un grand pomerol.
L’étiquette est de toute beauté