Durant l’inventaire de la cave de ma maison, j’avais remarqué qu’un Château Climens 1966 avait un bouchon en mauvaise posture. Il ne flottait pas dans le vin mais il était suffisamment descendu dans le goulot pour qu’il tombe en cas de manipulation un peu brusque. Je vais essayer de voir ce soir s’il est encore buvable. Vers 17 heures, j’enlève la capsule. Je sais qu’il est impossible de remonter le bouchon aussi je vais carafer le vin. Le parfum est parfait. Pas l’ombre d’une déviation. Ma femme qui le sent confirme que le vin est pur. Comme le carafage interdit l’oxygénation lente, il est possible de goûter le vin maintenant. L’attaque est d’abricots, puis viennent des évocations de peau d’orange. Le finale évoque des zestes de pomelos. Ma femme fera ce soir des coquilles Saint-Jacques juste poêlées et une tarte aux abricots.
Les coquilles sont servies avec de fines tranches de pommes de terre grillées sur la poêle. Le Château Climens 1966 est fantastique. Les sauternes peuvent évoluer de deux façons, soit conserver le côté gras et sirupeux qui fait le charme de ces liquoreux, soit devenir plus secs, comme s’ils avaient « mangé leur sucre ». J’aime ces deux expressions et dans le cas présent, si le Climens a le nez d’un sauternes sirupeux, sa bouche est résolument sèche ce qui en fait un compagnon idéal des pommes de terre.
Le vin est fluide, roulant sur la langue comme l’eau fraîche d’un ruisseau de montagne. C’est un vin plein d’énergie, légèrement amer dans le finale, et d’une grande fraîcheur. J’ai un amour particulier pour ce Climens noble et plein de vivacité, qui ne force pas son talent, n’ayant rien à prouver. Il est naturel.
Il y avait un grand risque avec ce bouchon descendu dans le goulot mais heureusement, le bouchon n’étant pas tombé dans le liquide, il n’y a pas eu de dommage. Ce dîner s’est décidé au dernier moment et tout en étant impromptu, ce fut un beau dîner.