De bon matin après le dîner coréen, direction le sud. Les six petits-enfants sont au complet, avec quatre sur six de leurs parents. De quoi agiter la maison de rires et de pleurs, de caprices et de tendresse. C’est le coup d’envoi des vacances, alors, ça s’arrose. Le lecteur assidu de ces bulletins sait que tout est prétexte à ouvrir de bons vins quand on est au bord de l’eau.
Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle magnum sans année montre par son bouchon qu’il a plus d’une dizaine d’années. Sa sérénité est spectaculaire. Ce qui frappe, avec la mémoire de la verticale de Bollinger, c’est que le Grand Siècle est féminin, floral, romantique, gracile, délicatement tactile, alors que le Bollinger est vineux, masculin et joue sur la richesse. Et nous sommes heureux de constater que ces deux conceptions se complètent au lieu de se combattre. Il y a la place pour deux. Les fleurs blanches, les évocations subtiles avec une longueur extrême sont un véritable bonheur et donnent bien le coup d’envoi d’un été qui sera chaud. La boutargue cette année est qualitativement meilleure que celle de l’an dernier, plus grasse, plus moelleuse, et s’accorde merveilleusement au champagne.
Un jour plus tard, mon gendre sait qu’il doit repartir le lendemain par le premier avion. On ne va pas le laisser partir comme cela. Aussi, c’est un Champagne Henriot magnum 1996 qui est ouvert sur la boutargue mais aussi sur un foie gras qui se tartine sur des galettes à la châtaigne. Je suis frappé de voir à quel point le passage entre la boutargue et le foie gras aussi bien que l’inverse se font sans la moindre difficulté. Cela vient du fait que la boutargue est moelleuse et très peu salée. Le champagne est d’une grande pureté et il représente pour moi un champagne orthodoxe. Si l’on devait définir ce qu’est le champagne classique de grand niveau, ce serait celui-ci, car il est équilibré et ne cherche pas à éblouir en étant typé. Il est champagne, il l’assume, et le vit bien.