Nous avions visé juste pour prendre nos billets d’avion pour aller dans le sud. La période de canicule de février à Paris allait céder la place à de la pluie le jour où nous partons. Ma collaboratrice a réservé les billets. Nous arrivons à Orly et notre vol n’est pas inscrit. Je regarde mon billet et horreur, je lis CDG. Pour aller à Toulon je ne prenais qu’Orly. Nous allons vite au stand Air France où une hôtesse revêche nous annonce des prix absurdes pour changer de vol. Sans le vouloir, elle a appliqué la publicité de la SNCF : « c’est à nous de vous faire aimer le train ». Car il était exclu de payer quatre fois le prix d’un billet. Tout penauds nous rentrons à la maison et reportons d’une semaine notre voyage. Et il se met à pleuvoir. Pour compenser cela nous décidons d’aller dîner à l’Ecu de France mais nous saurons un peu plus tard que le restaurant est fermé ce soir. Nous réservons nos billets de train pour dans huit jours et entretemps mon fils m’annonce la possibilité d’un bel investissement pour notre entreprise industrielle. C’est le moment d’appliquer la devise de Winston Churchill : dans l’adversité j’ai besoin de boire du champagne, dans la réussite, je le mérite.
J’ouvre donc un Champagne Dom Pérignon 1966.
La très fine cape des Dom Pérignon anciens est extrêmement friable et collée au bouchon et n’est pas commode à enlever. Le bouchon se brise en deux car le bas reste collé au verre. C’est au tirebouchon que j’arrive à l’enlever. Je verse le champagne qui a peu de bulles visibles et la couleur est d’un or magnifique. C’est d’une rare beauté et d’une jeunesse confondante. Une telle couleur donne envie de boire. Le parfum est noble et en bouche c’est du plaisir pur. Ce champagne est rond, joyeux, ensoleillé, respirant le bonheur. C’est un vrai plaisir de le boire tant il est généreux. Il est au sommet de son art. Il suggère de jolis fruits blonds et des miels d’été.
Le dîner improvisé est simple, foie gras de canard et fromage du Jura. Le message du Dom Pérignon est simple comme peut l’être la calligraphie, c’est-à-dire simple mais d’une rare complexité si on peut accepter cet oxymore. Je suis heureux et cela efface le double déplaisir de l’avion raté et du restaurant fermé. Merci Winston Churchill de m’avoir inspiré.