Comment fêter une énième fois la naissance de mon petit-fils ? Yvan Roux nous a annoncé des « petits farcis ». Dans mon esprit, ce sont de petits artichauts farcis. Mais ici, il s’agit aussi bien de courgettes que d’aubergines, de champignons ou de gros oignons, gavés d’une farce au goût intense. C’est l’occasion d’ouvrir deux flacons. Le Champagne Perrier-Jouët rosé 1966 se justifie car c’est l’année de mon mariage avec la grand-mère du nouveau-né, et le Château Laville Haut-Brion 1979 se justifie par l’année en neuf, qui a juste trente ans à la naissance du nouveau venu.
Le Champagne Perrier-Jouët rosé 1966 a une couleur qui m’inquiète un peu, car elle vire vers le marron. Le nez est superbe. La bulle a presque totalement disparu et le goût, avec un peu d’aération, est radicalement charmeur. Plus le temps passe et plus l’impression de la complexité de ce champagne s’affirme. On l’imagine en compagnon idéal de folies gastronomiques et je verrais bien un pigeon juste rosé sur ce beau champagne. Mais le temps passant, le charme agit moins. Me remémorant de magistraux rosés de cette maison et de cette même année, il me semble qu’on est très loin de ce que ce champagne peut offrir.
Le Château Laville Haut-Brion 1979 a un parfum impérial. Pénétrant, envoûtant et racé, il impressionne. Sa couleur est d’une folle jeunesse, car il est encore d’une clarté juvénile. En bouche, ce qui frappe, c’est son extrême longueur. Ce blanc est magnifique, en pleine sérénité, donnant des notes mentholées dans le final et des fleurs blanches au milieu de palais. Le vin est splendide, mais par un soir de canicule, dès que le vin se réchauffe, une impression glycérinée bloque tout le talent de ce grand vin.
Les petits farcis jouent poliment leur rôle de faire-valoir en ânonnant leur texte.
On sait bien qu’il faudrait cesser de boire des grands vins dans les chaleurs de l’été caniculaires. Mais si on est condamné à ne plus fêter un petit-fils, alors, oublions vite toute sagesse.