Christie’s organise l’une de ses ventes de vins dont un thème important sera la vente de la cave de vins anciens du domaine Séguin-Manuel, que le nouvel acquéreur vend sans doute pour financer l’achat de la propriété. En prélude à la vente on peut goûter quelques vins actuels de bourguignons qui me sont souvent inconnus, et un vin de 1955 de Séguin-Manuel qui doit donner des indications aux rares enchérisseurs qui se seront déplacés, puisque maintenant beaucoup de mes « opposants » sont virtuels, donnant leurs ordres par internet ou au téléphone. Je goûte ce 1955 à l’amertume certaine mais dont j’aime le râpeux bourguignon. Voilà un vin qui se boirait à table, sur une viande sauvage, pour atteindre de brutales provocations. J’entends autour de moi : « imbuvable », ou « ouille, ouille, ouille », ou « pas possible ». Un ami expert en vins à la culture extrême qui arrive me demande : « ça vaut la peine de goûter ? ». Je lui dis : « faites attention, car sous une attaque très rebutante il y a la matière d’un bon vin ». Mon ami me remercie en me confiant que si je ne l’avais pas prévenu il aurait sans doute condamné ce qu’il considère maintenant comme un bon vin. L’aptitude à la tolérance influence forcément le goût. Est-ce un mal ? La vente a confirmé que les prix des vins anciens s’expriment aujourd’hui en euros avec les mêmes chiffres que l’on atteignait, mais en francs, il y a dix ans. L’engouement s’approche de la folie. J’avais fait part à Christie’s de mon jugement sur les prix de cette importante cave : trop chers à mon goût. Ayant quitté la salle après de belles rapines pour ne pas me laisser tenter par cette cave importante, j’ai appris par la suite que les estimations avaient été doublées ou triplées dans l’excitation de la vente. La hausse des prix des vins extrêmes n’est pas finie. Il y a plus de demande que d’offre sur ces vins.