Bipin Desai, chercheur et professeur en physique nucléaire d’une des plus grandes universités américaines organise aussi des dîners thématiques spectaculaires. Il « promène » avec lui chaque année un groupe d’amateurs américains pour des festivités dans les plus grands restaurants de France et d’Espagne. Et selon la tradition, un dîner au restaurant Taillevent se tient avec pour invité d’honneur un vigneron qui présente ses vins. Ce soir Hubert de Montille et son fils Etienne sont venus avec leurs vins. C’est Etienne qui va présenter les vins faits sous sa responsabilité.
Dans le petit salon japonais du premier étage, nous devisons debout avec une coupe de Champagne Taillevent qui est un Deutz, et sur lequel je n’accroche pas beaucoup au premier abord, puis je m’habitue. En plus du groupe d’américains il y a des grands experts comme Michel Bettane, Raoul Salama, Neil Martin et quelques autres. J’ai fait connaissance d’un nouvel américain, à la tête d’une collection de vins exceptionnelle qui m’a impressionné.
Nous allons goûter 18 vins en quatre séries de quatre ou cinq vins, sur un menu préparé par Alain Solivérès qui est de grand talent : velouté rafraichi de homard à la citronnelle, fleur de bourrache et caviar / bar de ligne cuit à l’unilatérale, artichauts poivrade, cébettes et cèpes / mignon de veau de lait de Corrèze rôti aux girolles / canard de Challans rôti aux figues de Solliès / fromages de nos provinces / douceur de mangue aux parfums de pain d’épices et de safran. Nous sommes dans le salon lambrissé où j’avais organisé une verticale de vins d’Armand Rousseau il y a seulement quatre jours.
Les séquelles de mon rhume ne rendraient pas mes avis très pertinents. Les vins seront juste listés avec deux ou trois commentaires.
Première série : Meursault Les Narvaux Dessous domaine de Montille 2008 / Meursault Poruzot Deux Montille Sœur Frère 2008 / Puligny-Montrachet Le Cailleret domaine de Montille magnum 2007 /Corton Charlemagne domaine de Montille magnum 2007 / Chevalier Montrachet Château de Puligny Montrachet domaine de Montille 2007.
C’est le Cailleret qui est généralement le plus apprécié, mais tous les vins sont de remarquable qualité, mes voisins signalant l’avenir brillant que connaîtra 2008 contrairement à ce qui se dit parfois. Si j’aime les grands crus, Corton Charlemagne et Chevalier Montrachet, j’ai un petit faible pour le Meursault Narvaux. C’est une très belle série.
Deuxième série : Puligny-Montrachet Le Cailleret domaine de Montille magnum 2005 / Puligny-Montrachet Le Cailleret domaine de Montille magnum 2002 / Puligny-Montrachet Le Cailleret domaine de Montille 1998 / Puligny-Montrachet Le Cailleret domaine de Montille magnum 1996.
Cette mini-verticale du Cailleret est intéressante. Au début, l’opulence du 2005 me séduit. Le 2002 est plus lent à s’étoffer, et au final mon classement est 2002, 1998, 2005, 1996. Mais j’ai constaté autour de moi que les avis sont partagés. J’aime la pureté de ces vins.
Troisème série : Volnay les Taillepieds domaine de Montille magnum 2009 / Volnay les Taillepieds domaine de Montille magnum 2007 / Volnay les Taillepieds domaine de Montille magnum 2005 / Volnay les Taillepieds domaine de Montille magnum 2002 / Volnay les Taillepieds domaine de Montille magnum 1999.
Là aussi, une mini-verticale de vins jeunes. Etienne nous dit que le Taillepieds est comme le Code Civil. Je suppose que cela fait référence à sa rectitude. Influencé sans doute par les propos de Michel Bettane qui a complimenté Etienne pour le travail de précision fait sur ce vin sur les dernières années, mais aussi par ce que je bois, je classe ainsi : 2009, 2007, 1999, 2005 et 2002, le 2002 comme pour les blancs voulant me faire mentir, car il a trouvé son épanouissement beaucoup plus tard.
Quatrième série : Vosne-Romanée Les Malconsorts domaine de Montille 2008 / Vosne-Romanée Les Malconsorts, Christiane domaine de Montille 2008 / Vosne-Romanée Les Malconsorts domaine de Montille magnum 2006 / Vosne-Romanée Les Malconsorts, Christiane domaine de Montille magnum 2006.
Les deux parcelles sont entourées par La Tâche et Michel Bettane dit que ces deux parcelles sont plus proches du cœur historique de la parcelle de la Tâche que certains parcelles périphériques de La Tâche. La parcelle Christiane, du nom de la mère d’Etienne et femme d’Hubert donne, à mon goût, un vin nettement meilleur. Les avis sont partagés, mais Hubert de Montille est catégorique : le vin le meilleur, c’est celui de l’assemblage des vins des deux parcelles. De ce fait, Etienne fait les trois, ceux des deux parcelles et l’assemblage. C’est cette série que j’ai particulièrement appréciée pour la pertinence et l’équilibre des vins et aussi un « je ne sais quoi » qui les rapproche de vins anciens. La supériorité du « Christiane » est plus marquée pour moi que pour mes voisins de table.
Les étapes de comparaisons élaborées par Etienne sont très pertinentes. Cela donne une belle vision de différents vins du domaine, tous marqués par l’élégance, la finesse et la précision. Etienne est un passionné, entreprenant, obsédé par la perfection. J’avoue avoir été un peu perdu devant la profusion des vins d’abord du fait de mon rhume insistant mais aussi du fait de la jeunesse des vins. Discuter avec Etienne, Michel Bettane est un régal. Mais ce soir la grande découverte, c’est celle d’un collectionneur d’un niveau hors du commun. Nous sommes appelés à nous revoir. Taillevent a fait comme toujours une belle performance. Voilà une soirée d’une belle richesse de découvertes.