A l’invitation de Bernard Repolt, je me rends au siège de la maison Remoissenet à Beaune. Cette maison familiale de négoce appartient depuis quelques années à un richissime américain. Le siège est composé d’un entrelacs de parties d’immeubles ou d’immeubles en centre ville, avec une décoration d’inspiration médiévale qui date un peu mais crée une atmosphère sympathique. Nous nous rendons dans les chais construits en 1950, d’une architecture très pertinente, pour déguster de fûts quelques 2012 et 2011. C’est la première fois que je goûte des 2012 et je suis étonné de l’extrême accessibilité des vins rouges. Ils sont bons et peuvent se boire avec plaisir, alors qu’ils n’ont pas encore six mois. Il y a tellement de petites cuvées que l’on pourrait s’y perdre. Le Charmes-Chambertin Remoissenet 2012 est un vin d’un charme immense – il porte bien son nom – plus agréable à boire que le Chambertin Clos de Bèze Remoissenet 2012 plus riche mais qui mettra plus de temps à se révéler. Le Montrachet Remoissenet 2011 est absolument superbe alors que les blancs de 2012 sont vraiment trop jeunes pour être appréciés.
Bernard ouvre deux vins de 2010 qui sont en bouteilles, le Meursault-Poruzots 1er cru et le Beaune Toussaints 1er cru. Ils sont dans une période intermédiaire qui ne les met pas assez en valeur. Nous revenons au siège pour aller prélever dans l’opulente cave des vins anciens deux bouteilles pour le déjeuner. Je vois quelques piles sympathiques mais je sens qu’on ne peut pas y toucher. Quand il me dit que généralement il ne boit pas au déjeuner, j’ai un regret, car j’ai prévu une surprise. Peu importe, l’ambiance est amicale et nous partons au restaurant hôtel Ermitage de Corton à Chorey-lès-Beaune avec deux flacons de rouge, un Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Remoissenet 1969 et un vin mystère. Nous sommes accueillis par Nicolas Chambon, propriétaire des lieux et amateur de vins anciens. M’excusant pour une pause technique je vois à mon retour que le 1969 a été ouvert par une serveuse qui a fait tomber des miettes de bouchon dans le liquide. Montrant mes biscotos, je veux prendre en main l’ouverture du vin mystère et Bernard me dit : « vous n’échapperez pas à laisser des miettes dans le vin, car jamais je n’ai réussi à l’éviter pour ce vin ». Audouze est fier et fanfaron : « rien ne tombera dans le liquide ». Bernard est tenace : « ça m’étonnerait ». Devant Bernard, Nicolas Chambon et son équipe, j’ouvre la bouteille. Dix fois Bernard examine la bouteille pour essayer de trouver une miette qui aurait échappé mais il n’en trouve pas.
Le Gevrey-Chambertin Clos Saint-Jacques Remoissenet 1969 est un vin lourd, à l’alcool fort, et qui s’est un peu torréfié comme lors d’un passage dans une cave chaude. Le vin mystère a une belle couleur et fait plus jeune, même si l’on sent qu’il est plus vieux. Il est d’une belle tenue et s’il a un peu d’alcool, sa trame et son grain sont plaisants. Je me trompe d’une décennie. C’est un Volnay Premier Cru Remoissenet 1967. C’est une très plaisante surprise. Sur de délicieux escargots de Bourgogne, le 1969 fait belle figure. Sur une joue de bœuf fort plaisante, le 1967 est à son aise, mais au fil du temps, le 1969 s’améliore considérablement pour trouver un équilibre sans défaut qu’il n’avait pas, alors que le 1967 commence à faire sa sieste.
Bernard avait prévu de recevoir des américains juste après le déjeuner aussi la question d’ouvrir mon vin ne se pose même pas. Je le confie à Bernard pour une prochaine rencontre. C’est un Château Doisy Barsac Dubourdieu 1921 à l’ambre foncé magnifique, au niveau dans le goulot alors qu’il s’agit d’un bouchage d’origine.
Souvent, les peintres en bâtiment qui ont obtenu un chantier posent leur pot de peinture pour montrer qu’ils sont là, mais vaquent à leurs autres chantiers en retard. Mon Doisy 1921 est posé dans les belles caves de Remoissenet comme l’hameçon pour de belles pioches futures, à partager avec ce chaleureux vigneron.