Luis, un participant espagnol de mes dîners m’a donné il y a quelques semaines, lors d’un dîner, un livre du 18ème siècle écrit en français afin que je le donne à Aubert de Villaine, co-gérant de la Romanée Conti. Il me semble évident que je ne dois pas être seul à remettre ce cadeau et que nous devrions, Luis et moi, le remettre à Aubert de Villaine.
Nous avons rendez-vous à 15 heures au siège de la Romanée Conti. Aubert m’avait envoyé un message me demandant si ça me dérangerait qu’une jeune chinoise de Hong-Kong participe à la dégustation en cave. Ma réponse fut évidente.
Tandis que j’attends qu’Aubert soit disponible, on m’annonce l’arrivée de Mme de Villaine. Quelle joie de la revoir, elle qui lit chacun de mes bulletins que je lui adresse par courrier. Elle vient accompagnée de la jeune chinoise et son compagnon. Nous serons donc six à la dégustation, Aubert et Pamela de Villaine, les deux jeunes hongkongais, Luis et moi.
Avant de descendre en cave nous allons dans une belle salle de réunion pour que Luis offre le beau livre particulièrement riche d’indications sur l’histoire de la Bourgogne et de belle conservation. Luis en profite pour donner un parchemin datant de 1609, relatant les relations entre des provinces espagnoles et la Bourgogne, du temps de Louis XIII.
Il y a bien longtemps que je n’étais pas venu faire la dégustation des vins sur fûts car je trouvais que la présentation des vins qui viennent juste d’être embouteillés faite chaque année par Aubert suffisaient. J’ai sans doute eu tort car l’ambiance en cave est porteuse d’une émotion particulière.
Nous irons dans les deux caves, celle de la cuverie et celle sous le siège de la société, plus ancienne et plus émouvante.
C’est Aubert qui manie la pipette pour remplir nos verres. Je souhaite prendre des notes et lorsque je commence à écrire sur l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2022, je mets le mot ‘riche’ et j’entends Aubert dire : ‘ce vin est riche’. Si ce mot est le premier qui vient à l’esprit d’Aubert et de moi, cela signifie probablement quelque chose.
Voici les notes succinctes que j’ai prises, sachant qu’en cave où il n’y a que des tonneaux, et tenant en main mon verre, écrire est un exercice délicat.
Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2022 : riche, fort, solide et aussi de belle fraîcheur. Fin de bouche agréable. Vieillira très bien. Très pur.
Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2022 : nez plus complexe, bouche plus ronde et souple, finale de forte personnalité. Plus fruité. L’écart entre les deux vins est plus marqué que pour d’autres millésimes.
Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 2022 : nez subtil et en bouche, ce vin est romantique, raffiné. Tout est subtil. Pureté. Très grand vin et belle réussite. Ce vin est tellement fluide.
Aubert nous dit que le millésime 2022 dispose à la fois d’une grande qualité et d’une grande quantité ce qui le fait ressembler au millésime 1959. Jamais les caves de la cuverie n’ont été aussi pleines.
Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2022 : nez très expressif, qui n’est pas seulement lié à la puissance. Le fruit est riche et joyeux. Ce vin est large. Il est énergique et joyeux sans avoir à montrer sa puissance. Je l’adore car il est franc.
La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2022 : nez glorieux. Ce vin est tellement grand. Tout est superbe. Ce vin est une synthèse. Il sera immense. Le final est superbe, très fort. Il me vient un éclair : je pense que ce vin a la perfection que j’avais trouvée dans Les Gaudichots 1929 de la Romanée Conti qui est le plus grand vin de la Romanée Conti que j’aie bu. Comme nous sommes en cave et parlons anglais, je note : « so good ».
La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2022 : c’est la grâce. Tout est rond. On s’émerveille. Il est très équilibré, mais il est en devenir. Il est plus en devenir que la Tâche qui est immédiatement aimable.
A ma demande, nous goûtons ensuite le Corton Rouge Domaine de la Romanée Conti 2022. C’est ce vin qui est normalement bu en premier. A la suite de la Romanée Conti, on voit qu’il est plus rustre et dans une philosophie très différente, mais je le trouve percutant, enthousiaste, « pushing ».
J’avais apporté avec moi deux vins déjà ouverts que je souhaitais faire goûter à Aubert de Villaine mais aussi aux autres participants et le fait de les boire dans la vieille cave du domaine va ajouter de l’émotion.
Il y a le Château Rayne-Vigneau 1928 si élégant et raffiné et le Malaga 1872 qui combine le doux et le salé. Le boire ici alors que je vénère le sel, marqueur des vins de la Romanée Conti, cela m’émeut encore plus. Luis est aussi très ému de boire ce vin de 150 ans.
Nous avons longuement bavardé. Luis est reparti vers de nouvelles aventures, heureux d’avoir pu faire un beau cadeau à Aubert de Villaine et d’avoir pu entrer dans le saint des saints ou le sein des seins, là où s’élabore le vin le plus recherché de la planète. Je suis heureux d’avoir pu être l’entremetteur de cette belle rencontre.
dans les caves