Ma plus jeune fille vient déjeuner à la maison avec ses deux enfants et la nounou qui les a suivis pendant des années. C’est l’anniversaire de la nounou, occasion de se rappeler de beaux souvenirs. J’adore le choix des vins pour les événements familiaux. La première bouteille qui attire mon regard et mon intérêt est un Château Montrose. Il y a plusieurs millésimes dans le casier mais c’est le 1959 qui me semble le plus intéressant à boire. Le niveau est à mi- épaule, mais ça devrait aller.
De peur que l’on manque de vin rouge, je choisis une demi-bouteille de Le Corton du Château de Beaune 1964. J’ai la même réflexion pour le niveau.
Le troisième choix est celui d’un Moët Brut Impérial 1964 car cette année est particulièrement réussie pour ce vin.
Le dessert étant une mousse au chocolat, nous pourrons utiliser un Maury La Coume du Roy 1948 qui avait été ouvert récemment.
J’ouvre en premier le Montrose 1959. Le bouchon est descendu de deux centimètres et une couche de poussière le recouvre. Je trouve un point de liège où mon tirebouchon peut s’accrocher et doucement, je remonte le bouchon entier. Il est très beau. Le nez est prometteur ce qui me réjouit.
Le Corton 1964 a un bouchon qui se cisaille pendant la remontée, mais j’arrive à le tirer entièrement aussi. Le nez est moins précis, mais l’oxygénation lente fera son œuvre.
L’entourage du bouchon du Moët 1964 est assez sale et poussiéreux mais je remonte entier un joli bouchon au liège de grande qualité. Le parfum me semble idéal.
C’est à pied que je vais chercher du pain. La boulangerie est fermée. En cherchant un raccourci pour aller à une autre boulangerie je me suis perdu. Google Map devrait être mon sauveur, mais ne sachant pas comment orienter mon téléphone par rapport aux rues, j’ai fait des allers et retour avant de trouver le bon chemin. On dit que ce sont les femmes qui ne savent pas s’orienter. Les six kilomètres que j’ai marchés montrent que cet adage n’a pas de fondement.
Les quatre invités arrivent et sentent les fleurs du jardin pendant que les oiseaux chantent avec entrain. Pour une fois depuis longtemps le soleil se montre et les fleurs de printemps sont un bonheur champêtre.
Le menu sera très simple. Il y aura du gouda, des chips et une tarte à l’oignon pour l’entrée. Puis un poulet aux pommes de terre et gousses d’ail, un camembert et la mousse au chocolat.
Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964 a une belle couleur dorée claire. Incroyable. Aussi long et fluide qu’une rivière qui coule à une vitesse douce ce champagne a une belle amertume subtile. Il est immense et tellement confortable avec la tarte à l’oignon.
Le Château Montrose 1959 mi- épaule offre un parfum noble et ce qui frappe, c’est sa perfection. Tout dans ce Saint-Estèphe est exactement comme il se doit. C’est dû au millésime 1959 qui est le millésime ancien que j’ai le plus bu : 354 fois. Une pure réussite pour Montrose. Avec la gousse d’ail qui accompagne le poulet, la combinaison est passionnante. Ma fille a été très impressionnée.
Le Corton Château de Beaune Bouchard Père & Fils 1964 est en demi-bouteille. J’ai envie de le boire avec le camembert. Et cela crée une combinaison orgasmique absolue, celle que l’on désire de trouver même lorsque c’est improbable comme ici. Ce vin solide est plein d’énergie et l’amertume du camembert enveloppe le vin tel un boa constrictor. C’est un accord étonnant.
Le Maury la Coume du Roy 1948 avait déjà montré son charme il y a quelque temps. Délicat et subtil, c’est le compagnon idéal de deux mousses au chocolat l’une de ma fille, plus sophistiquée et intellectuelle et l’autre de ma femme, plus campagnarde, solidement attachée à la cuisine française.
La combinaison créée par Le Corton est quelque chose d’unique et mettrait ce vin hors concours. Mais le classement plus strict des vins est : 1 – Montrose 1959, 2 – Moët 1964, 3 – Le Corton 1964, 4 – Maury 1948.
Tous les vins ont été à leur meilleur niveau. C’est agréable de vérifier que des vins de soixante ans et plus ont leur place entière dans la gastronomie.