J’invite ma fille à déjeuner. Ses bureaux sont proches des Champs-Elysées. Comme elle et moi nous faisons régime – enfin, nous essayons – l’ordre du jour est à une salade verte à l’eau. Mais un des associés du cabinet de ma fille lance : « pourquoi n’allez-vous pas à la Maison de l’Aubrac ? » Perfide, non ? Ma fille prend un carpaccio de bœuf, ce qui est politiquement correct, alors que je prends une entrecôte à maturation longue, de cinq semaines, avec son aligot. Politiquement incorrect. Je déniche dans la carte des vins un Chateauneuf-du-Pape Henri Bonneau Réserve des Célestins 2001 et le plan « eau » est touché-coulé. On nous offre une coupe de champagne Louis Roederer qui a le charme de la générosité ainsi qu’une entrée faite de foie gras épicé délicieux et d’un toast au tartare goûteux. Mon régime pourrait écrire « Bonjour Tristesse ».
La viande est absolument superbe, goûteuse à souhait et l’aligot est redoutable dans sa simplicité. Le vin nous transporte d’aise. La délicatesse, l’élégance, la finesse d’exécution de ce vin sont une leçon de choses. Au moment où je le bois, je me dis que rarement je n’ai bu un Chateauneuf-du-Pape aussi émouvant. Chaque gorgée est comme un madrigal amoureux. La justesse de jeu de ce vin est unique. Je suis conquis. Il y a peu de vins de ce millésime qui pourraient dégager une telle vibration.