Après deux magnifiques repas au restaurant Yoann Conte et au restaurant Le Clos des Sens nous avons dormi à l’Auberge du Père Bise Jean Sulpice dans une très belle suite dotée d’une terrasse d’où la vue s’étend sur le lac d’Annecy. Nous avons décidé de ne pas prendre le petit-déjeuner. Avant de déjeuner je vais saluer Jean Sulpice en cuisine qui me reçoit avec un large sourire. Il me montre les cuisines et le bistrot attaché à l’Auberge. Magali Sulpice son épouse m’accueille aussi avec chaleur.
Nos deux amis du sud nous ont rejoints sur la belle terrasse du restaurant et nous sommes donc au complet, sept, pour le déjeuner. Lionel, l’excellent sommelier, va nous accompagner pendant tout le repas où nous ne saurons rien. Mais Cécile, pour permettre nos choix de vins nous en donne un aperçu par oral.
Nous commençons par un Champagne Jacques Selosse Version Originale dégorgé en septembre 2016. Il est particulièrement doux, même étonnamment doux, agréable et subtil et correspond bien au style de la cuisine de Jean Sulpice. Aussi, quand il est terminé, alors que j’avais envisagé que l’on prenne ensuite un Krug, il me semble plus opportun de reprendre le même champagne pour que le talent de Jean Sulpice soit mis en valeur sans compétition entre deux champagnes. Le deuxième Champagne Jacques Selosse Version Originale dégorgé en septembre 2016 est plus vif et tout aussi charmant et va accompagner le début du repas.
Le menu composé par Jean Sulpice est : Poireau, fruit de la passion / Bœuf de « Montbéliarde » mariné aux herbes / Granny Smith féra fumé et foie gras (fumé) / Radis, café, sésame / Sarrasin croustillant aux herbes du jardin / Soupe d’œuf safranée aux écrevisses du lac d’Annecy / Gnocchi de polenta aux herbes sauvages et œufs de truite / Omble chevalier, beurre maître d’hôtel au sapin / Brochet quenelle et filet poché aux morilles de Talloires en sabayon et ail des ours / Ecrevisses sauvages, légumes printaniers de la nage, beurre de carapace et roussette de Savoie et beurre de mélisse (citronné) / Plin d’escargots gros gris de Haute Savoie, beurre aux herbes / carré d’agneau de Lozère, pistache et flouve des Alpes jus d’agneau infusé serpolet, épinard ou Ris de veau, jus à la bière rousse du Mont Blanc, carotte et cardamome / Dans l’esprit d’un alpage, création fromage mousse Beaufort herbe noisettes du Piémont / Plateau de fromages alpins / Chou pâtissier à la rhubarbe et reine des prés / Chocolat, myrtille et glace génépi / Fraise, Crème brûlée Antésite et fantaisie, coulant coco fraise.
Jean Sulpice est un magicien des herbes et des fleurs et du dosage des saveurs. Tout est d’une rare subtilité en tout moment du repas. Les chairs des poissons sont d’une grande précision, les écrevisses ont le goût d’écrevisse, ce qui est rare, et les légumes nous enchantent.
Le rythme du repas est réglé par les agréables présentations et explications des charmantes serveuses qui nous entourent avec compétence et Lionel, le sommelier, sera de bon conseil. Au moment des fromages, la charmante Margot nous conseillera avec une maîtrise remarquable de son sujet.
Il serait bien difficile de décrire tous les plats. J’ai été frappé par la beauté esthétique du plat de gnocchis de polenta. L’omble chevalier nous a rappelé celui si réussi de Marc Veyrat. On est ici dans la même veine de talent sur un poisson tellement gastronomique. Les raviolis sont d’une force gustative extrême et le vin doit être fort pour soutenir le plat. Le carré d’agneau est succulent, les fromages sont parfaits et les desserts subtils et légers. Un rêve.
En souvenir de précédentes escapades savoyardes, j’ai commandé une Roussette de Savoie « Marestel » Domaine Dupasquier 1985 car j’aime tout particulièrement les vins de ce vigneron qui m’avait reçu de façon fort amicale. Le vin est superbe, son âge lui donnant une sérénité d’une grande justesse. Il est étrange par rapport aux vins blancs que l’on boit habituellement, avec du fumé et des amers virevoltants. Il est profond et incisif aussi soutient-il bien la cuisine de Jean. Il s’accommode avec grâce des légumes forts et typés.
Si le choix du blanc était le mien, c’est Lionel qui nous a poussés avec habileté vers le Chambolle-Musigny « Les Cras » Domaine Georges Roumier 2007. Ce vin est d’une rare élégance. Tout en lui est subtil et raffiné. Il n’a pas la puissance d’un Grand Cru mais sa flexibilité gracieuse lui permet de briller sur tous les plats. Il est idéal sur le carré d’agneau.
Le Champagne Krug « Grande Cuvée » que j’envisageais au début du repas vient maintenant et s’impose par sa force conquérante. Il sera le mâle dominant dans les accords avec les fromages et les desserts. Il a une belle maturité, une belle rondeur, mais c’est surtout son caractère fonceur qui impressionne.
Alors que nous avions commencé le repas sur la terrasse avec un soleil radieux et fort comme un soleil d’été, une ondée a fait déplacer notre table en fin de repas pour éviter les gouttes entre deux parasols. Un pécheur se présente avec un panier rempli d’écrevisses car il vient juste de relever les casiers dont l’appât est de têtes de féra. Il nous les montre et les jette ensuite dans un bassin où elles vont se batailler, en quête de territoires.
Pour quatre de notre groupe de sept, les pionniers d’hier, ce sont trois repas d’affilée qui dépassent chacun les quatre heures à table voire cinq heures, aussi l’urgence est telle qu’une sieste s’impose, car nous ne sommes qu’au milieu du gué.
la pêche à l’écrevisse et le bassin