Déjeuner au château Palmerjeudi, 30 octobre 2014

L’origine de mon voyage à Bordeaux était une invitation à venir déjeuner au château Palmer pour un repas en « 7 ». J’ai naturellement imaginé que l’on boirait des vins en « 7 ». Et effectivement Thomas Duroux, directeur général de Palmer a prévu dans la cuisine du château 2007, 1997 et 1967 de Palmer. Je connais suffisamment Thomas depuis de nombreuses années pour que je me permette de lui lancer une apostrophe clooneyienne : « what else ? ». Car je suis tellement avide d’expériences que j’aurais été ravi que la série se prolonge d’un 1947 par exemple. Mais la cave de Palmer est relativement pauvre, ce qui arrive lorsque des maisons changent de mains. J’ai apporté un vin, aussi, comme nous ne sommes que deux à table, Thomas décide de changer de programme et va chercher en cave un 1952.

Thomas rapporte la bouteille qu’il met sur un panier de service où la bouteille est couchée. Pour prendre la photo de la bouteille, je soulève la bouteille du panier et Thomas me crie : « malheureux, celle-ci est fichue pour notre repas, je vais en chercher une autre ». Et il m’explique que lorsque les sédiments ne sont pas reposés, le vin a un goût très nettement diminué par rapport à celui d’une bouteille au sédiment déposé au fond de la bouteille.

Je lui explique que dans ma procédure, qui consiste à ouvrir les vins quatre à cinq heures avant, le fait de redresser la bouteille comme je l’ai fait n’a aucune influence. Mais comme Thomas y tient, et comme il va ouvrir une bouteille à boire dans l’instant, il va chercher une autre bouteille et remet celle-ci en cave. Il ouvre la bouteille dans le panier et ensuite, il carafe. A chacun sa méthode.

Dans le joli château d’une époque où l’on voulait à Bordeaux de l’ostentatoire pour les façades, la décoration est très raffinée, avec des tons chaleureux qui me plaisent. Nous prenons l’apéritif avec un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle qui a bénéficié de probablement huit ans de stockage dans la cave de Palmer et on sait bien qu’un temps de cave assez long profite à ce champagne. Il est frais, agréable, et se boit avec plaisir mais aussi avec gourmandise. C’est un champagne frais et raffiné, qui est aussi de belle soif.

Le chef de cuisine est japonais et l’on sait que les cuisiniers japonais ont un sens inné de la délicatesse des plats. Son pedigree auprès des plus grands chefs français explique sa cuisine de haut niveau.

Sur une cuisse de pintade confite, œuf brouillé et légère tomate, nous buvons un Château Palmer blanc 2007. C’est le premier millésime d’un projet des actionnaires de faire pour leur usage un vin blanc. Le vin est franc et direct. Il y a plus de 50% de muscadelle, avec des vignes de sélection massale cherchées à Pujols, où il y a des vignes de 110 ans. Il y a 35% de Loset ou courbin blanc qui est un cépage cherché à Jurançon et un petit pourcentage de sauvignon gris pour donner au vin une touche d’épices. Si ce vin n’a pas de prétention, je le trouve très typé, franc et plaisant. Il a de la volonté et je le vois acceptable sur une table, même si je ne me précipiterai pas pour en rechercher.

Le Château Palmer 1952 a un nez très engageant et Thomas est content de voir la limpidité du vin qu’il a préparé. Le vin évoque les feuilles d’automne, des saveurs très discrètes mais riches de sens comme on dit lors d’interviews littéraires. Il a une belle puissance, de l’énergie. 1952 est une année subtile, toute en suggestions. Ce vin me plait énormément car il pianote de grandes complexités. Le vin est servi avec un lapin très judicieux accompagné de quinoa. Si le vin est un peu austère, évoquant parfois le thé mais aussi des bois marins, j’aime ses suggestions, son équilibre et son raffinement. Il est fluide, de belle matière. En un mot il est excellent.

Le vin que j’ai apporté, correspondant au thème du « 7 », est une Tête de Vouvray, Vouvray Grand Vin d’Origine, maison Dubech Jeune à Thiais 1937. On pourra dire que le Palmer 1952 respecte aussi le thème du 7, puisque 5 + 2 = 7. Le niveau dans la bouteille est parfait. Le Vouvray évoque une multitude de fruits jaunes d’or. Thomas le trouve court alors que je le trouve long, aimant son final de vin devenu sec en supposant qu’il ne l’a pas été dès le départ, puisque, sans savoir, j’imagine que « Tête de Vouvray » pourrait signifier « crème de tête ». J’aime son acidité citronnée, le pamplemousse que l’on ressent. Comme pour le Bonnezeaux 1919 d’hier, j’adore son caractère kaléidoscopique, qui délivre des complexités qui changent à chaque gorgée.

Thomas Duroux est un homme pressé. Comme tous les gens hyperactifs, il a déjà en tête son prochain rendez-vous. Mais ce déjeuner fut intense car à deux on a le temps de se dire beaucoup de choses. J’ai pu constater lors de la visite faite avant le déjeuner que Palmer bouge aussi dans le sens de la qualité. Ce voyage bordelais est très encourageant car les trois domaines visités veulent rester à la pointe de la qualité. Longue vie à ces châteaux qui œuvrent pour promouvoir les qualités immenses et uniques des vins français.

(pour une raison que j’ignore, des photos sont bleues !)DSC09571 DSC09573 DSC09574 DSC09576 DSC09575

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