Déjeuner au restaurant du George V avec un ami journaliste qui m’invite. Lorsqu’on entre au George V, on a une bouffée de richesse, de luxe, et il faut bien reconnaître que dans la foule qui hante ces lieux, le cosmopolitisme est majeur. Tout ici est raffinement. Tout respire la recherche de l’excellence.
Mon menu sera : jardin marin, iodé, pour accompagner la pièce de foie gras au pressé de caviar / jambon, truffe noire, champignons, en timbale de spaghetti / riz noir légèrement fumé enrichi d’un crémeux de boudin noir, jus passion café / anguille de la Somme à peine fumée, pain brulé, réduction de jus de raisin.
J’ai, par expérience, une grande admiration pour le talent de Christian Le Squer. Je suis donc a priori conquis. La petite gelée fondante d’accueil qui de plus se voit propulsée par le Champagne Comtes de Champagne Taittinger 2006 ne va pas contrarier mes préjugés. Les amuse-bouche sont bons et ne cherchent pas à en imposer et c’est une bonne chose. Thierry le chef sommelier qui nous a versé ce champagne a bien fait car le champagne est pur, précis et en plus il est de belle ampleur en bouche. Il va d’ailleurs se révéler extrêmement gastronomique.
L’avocat et l’oursin se combinent de bien belle façon. Avec le jardin marin et le riz noir, je veux explorer de nouvelles tendances du chef. Le « terre et mer » est une tendance qui perdure et dont je ne suis pas un adepte convaincu. Si cela a bien fonctionné pour l’avocat, je suis plus sur la réserve pour l’entrée. Le foie gras poché est divin et tout ce qui est marin et qui l’entoure ne me convainc pas outre mesure. De plus le caviar est à peine lisible. Le foie gras seul m’eût enthousiasmé.
Le Meursault Les Narvaux domaine Ballot Millot et Fils 2014 est un vin fort agréable et on ne sent pas particulièrement de manque lié à sa jeunesse. Il a un beau fruit, une belle droiture, et même s’il n’apporte pas de vibration particulière, il fait le job comme on dit aujourd’hui.
La timbale de spaghetti est une merveille de précision. C’est un plat abouti, où tout est dosé avec une précision millimétrique. C’est une merveille. Le Château Saint-Pierre Saint-Julien domaine Martin 2007 est une mauvaise pioche. Rien dans ce vin n’est excitant. Il a une râpe intéressante mais qui ne sous-tend aucune vibration. Il est vite remplacé par un Château Le Gay Pomerol 2011 qui est mis en valeur par le précédent. Car ce vin est vibrant, vif, actif, avec la belle saveur de truffe des pomerols qui colle bien au spaghetti.
Le riz noir est intéressant mais mes amours se concentreront sur l’anguille, plat emblématique du chef, qui profite du pomerol mais aurait sans doute préféré un riche vin du Rhône.
Je ne suis pas très convaincu par l’interprétation qui est faite du roquefort mais j’applaudis à deux mains la merveilleuse omelette norvégienne interprétée de façon originale, d’une exécution digne d’éloges. Il est intéressant de constater qu’il y a des plats d’une réelle perfection où chaque composante semble pesée au trébuchet. Tout est assemblé comme s’il était impossible de concevoir le plat autrement. C’est le cas de la timbale de spaghetti, de l’anguille et de l’omelette norvégienne. Les autres plats semblent être en phase de maturation comme le jardin marin et le riz noir. Mais globalement on se trouve transporté par cette cuisine de très haut niveau. Le cadre est beau, le service est impeccable. Il y a en ce lieu une atmosphère de haute gastronomie.
J’ai rendez-vous ensuite au bar de l’hôtel George V avec un organisateur de grands dîners. Le bar est fréquenté par une population très bigarrée de toutes origines. La décoration est riche et les fleurs sont belles. On nous propose un Champagne Amour de Deutz 2006 qui manque d’équilibre et n’a pas atteint la sérénité du Comtes de Champagne de la même année. Le George V a probablement l’atmosphère luxueuse la plus sympathique de tous les palaces parisiens.
le bar