La tête pleine de souvenirs merveilleux de l’univers de Marc Veyrat et le corps encore marqué de fatigue par la profusion des mets, nous prenons la route pour nous rendre au restaurant Flocons de Sel à Megève où Emmanuel Renaut a obtenu trois étoiles. Nous avons une belle table face à la montagne, mais la vue n’a pas la largeur et la profondeur que nous offrait le restaurant de Manigod.
Nous voulons prendre l’apéritif et la carte des vins est une heureuse surprise. Les prix incitent à boire grand. Jean-Philippe est maintenant assis à notre table, et nous suggère de prendre le Champagne Bollinger Grande Année 2004 dégorgé en juillet 2012.
C’est un beau champagne, bien agréable à boire, mais je trouve qu’il est trop poli, trop « bon élève », c’est-à-dire qu’il lui manque une petite canaillerie qui le rendrait plus excitant. Inutile de dire que c’est un grand champagne, mais trop bien élevé. Il va nécessairement s’assouplir et devenir très grand car il est d’une belle année.
Le menu a été conçu par Emmanuel Renaut.
L’avant propos est composé de quelques salés aux goûts de montagne : tartelette racine et noisette / toast fin crème acidulée, œuf de fera / biscuit de Savoie, moutarde et betterave / lait d’alpage fumé en beignet.
Le menu a une partie commune et ne varie qu’au niveau de la viande est, en ce qui me concerne : Jardin d’hiver / tourte aux saveurs d’hiver / salsifis en spaghettis, lard, poudre, légèrement fumé et truffe d’hiver melanosporum / moelleux de panais, betterave, consommé jardinier relevé de raifort et vieux beaufort / langoustines froides en surprise, mandarine, gentiane et oseille / brochet du lac, pêche d’Eric Jacquier, comme un biscuits, jus d’oignon paille grillé / écrevisses servies tièdes cuites au moment sur un crémeux de carcasses, lait fumé et pomme verte / paleron confit, Mondeuse de chez Trosset et truffe / les alpages sur un plateau / flocons de sucre.
Dès les amuse-bouche, le décor est planté. Il y a la dextérité, le sens des nuances et la précision. Les plats sont bien exécutés et goûteux. Ce voyage gastronomique me plait beaucoup car il est rassurant. Il y a à la fois le talent et le confort.
Nous avons choisi avec les conseils avisés des sommeliers le Chablis Grand Cru Blanchot François Raveneau 2004. C’est une merveille absolue. Il a beaucoup de corps, de présence et en même temps une précision extrême. C’est un vin ciselé et très persistant en bouche. Il est tellement bon que lorsqu’il a fallu choisir un deuxième blanc pour la suite du repas, j’ai demandé que l’on commande le même, car je n’imaginais sur la carte bien fournie aucun blanc qui puisse égaler la divine perfection de ce blanc épanoui qui m’a impressionné.
Pour les viandes, j’ai suggéré que nous prenions le Chateauneuf-du-Pape Clos de Papes Paul Avril 1998 magnifique d’équilibre, en pleine possession de ses moyens. Il soutient le choc du paleron et de la truffe avec aisance, vin joyeux de pleine mâche. C’est à mon goût le Châteauneuf le plus conforme car le moins extrême. Il est pour moi une synthèse de Châteauneuf.
Lorsque j’avais rencontré Emmanuel Renaut à Paris, j’avais promis d’apporter un vin ancien pour la visite que je ferais un jour. Les vols que nous avions choisis vers Genève ne permettant pas de bagage en soute, j’avais manqué ma promesse ce qu’Emmanuel m’a gentiment signalé. Il est simple d’approche, souriant, équilibré, et c’est un bonheur de le voir sur son territoire.
Dans la cave, il y a une impressionnante collection de Chartreuses et le repas s’est conclu sur une Chartreuse verte des années 70, absolument magnifique. C’est une bénédiction florale de fraîcheur printanière.
Une mention spéciale ira à la carte des vins fournie et aux prix intelligents. Voilà une halte qui donne envie de revenir.