Pour un déjeuner à deux j’ai choisi le restaurant Garance dirigé par Guillaume Muller, chez qui j’ai fait plusieurs dîners. J’arrive en avance et derrière la porte vitrée de l’entrée, je vois sur une pancarte : « FERMÉ ». Je toque à la porte et par les vitres je peux voir le personnel de cuisine qui déjeune et se soucie peu du bruit que je fais. Il fait froid en ce début de mois de mai.
Par chance j’ai le numéro de téléphone de Guillaume qui me dit que la porte n’est pas fermée et vient m’accueillir avec le sourire.
J’ai apporté une bouteille que j’ouvre avec mes outils sur le bord du comptoir. Le bouchon du vin de 1955 se brise en plusieurs morceaux mais fort heureusement rien ne tombe dans la bouteille. Le nez du vin est superbe, joyeux et prometteur.
Lorsque mon invité arrive, j’ai déjà choisi avec Guillaume le champagne que nous boirons. C’est un Champagne Duval-Leroy Clos des Bouveries 2002 que j’ai choisi pour son âge canonique car il est assez rare qu’on en propose d’aussi vieux.
Bonne pioche ! Quel régal que ce champagne de totale sérénité. Il est majestueux et se situe bien au-dessus de ce que je pouvais imaginer. C’est son millésime qui lui donne cette grâce, cette noblesse et cet aboutissement.
L’entrée aux morilles est subtile et convient parfaitement au champagne.
La délicieuse côte d’agneau aux pommes de terre en robe des champs accompagne le Châteauneuf-du-Pape Paul Jaboulet Aîné 1955. Ce vin est d’une grâce absolue. Presque doux, ce vin est équilibré et remarquablement fait. Guillaume à qui j’ai fait goûter ce vin a eu la même remarque que celle que faisait mon grand-père : si on veut se faire plaisir, rien ne vaut un Châteauneuf-du-Pape. Et j’ajouterai : rien ne vaut un Châteauneuf-du-Pape ancien, car ce 1955 est d’une rondeur que n’aurait jamais un vin plus jeune.
A une table voisine une jolie femme avait remarqué le vin de notre table. Je lui ai proposé de goûter le 1955 mais elle refusa, disant simplement qu’elle était fascinée par la couleur du vin.
L’ambiance de ce restaurant est extrêmement conviviale et la cuisine est intelligente, fondée sur la qualité des produits. Au moment de payer l’addition, je suis près d’une table où deux femmes bavardent. L’un est proche des 80 ans et l’autre a 89 ans. Elles sont guillerettes. Je leur propose de goûter le champagne. Elles aussi sont éblouies par la qualité du champagne et sa maturité. J’adore ces rencontres inattendues.
Bonne cuisine et bonne ambiance, c’est un atout pour Garance.