Déjeuner au restaurant La Cagouille. D’une femme pas très belle mais typée, d’une forte personnalité, on dira : « elle a quelque chose, un je ne sais quoi ». La Cagouille, c’est ça. La décoration n’a rien, le mobilier est minimaliste, mais le lieu « a une gueule ». Une gueule d’atmosphère bien sûr.
Arrivant en avance je grignote des coques qui créeraient des accords canailles avec beaucoup de vins, y compris des liquoreux. J’ai les yeux de Chimène pour la carte des vins. C’est un Champagne Dom Pérignon 2002 que je vais attaquer en attendant mon ami. Quand il arrive, lui qui a hérité d’un domaine de champagne, sans voir la bouteille plongée dans un seau, il dit : « oh, ça c’est grand ». Et c’est vrai que ce champagne a tout pour lui. Elégant, floral, distingué, avec des petites notes de fruits blancs, il conquiert les cœurs par sa force de persuasion. Sa trace vineuse est profonde.
L’entrée est une salade de champignons des bois, ail et échalotes. Mais c’est la salade vinaigrée qui domine et écrase les champignons. J’use de mes bonnes relations pour que l’on m’apporte une seconde version du plat sans la salade et l’effet est évident sur le champagne qui rebondit, vibrant à la mâche des champignons.
On m’avait conseillé de prendre les crevettes impériales et riz safrané et l’on a bien eu raison car les crevettes sont divines. Le champagne est toujours aussi brillant, même si les crevettes appelleraient volontiers des accords plus fous.
Mon ami me quitte et mon chauffeur à qui j’avais confié une course n’est pas là. Instantanément, je vois devant moi un Vieux Cognac Grande Champagne Michel Forgeron. J’aime sa précision et son fruité, mais la longueur n’est pas là. C’est un Cognac Hors d’Age Michel Forgeron qui le remplace immédiatement et là, respect, c’est un vrai cognac, profond comme un lac limpide.
Quand je quitte La Cagouille, je me reproche de ne pas y venir plus souvent. C’est un signe qui ne trompe pas.
la salade de champignons, avant et après
les superbes crevettes