J’avais, pour des raisons diverses, gardé peu de relations de mes métiers d’avant. Un de mes clients, entrepreneur comme moi, m’avait conservé une fidèle amitié. Nous déjeunons ensemble au restaurant Laurent où toutes les tables sont occupées d’habitués, gens qui comptent dans les sphères du pouvoir ou de l’industrie. Nous choisissons des asperges présentées avec un œuf mollet et du parmesan puis un merlan cuit avec une délicate tapenade et des copeaux de chips. Le choix est évident : Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1999. On pourrait me reprocher un manque d’imagination dans mes choix de vin, mais le buffle aime revenir laper les eaux qu’il a chéries. Je mesure à quel point l’oxygène est indispensable à ce vin. Car au début, un peu froid, il est agréable mais manque d’étoffe. C’est – comme souvent – la dernière gorgée qui exprime la séduction extrême de ce vin dont la limpidité est une signature reconnue. Que l’Alsace est belle quand elle parle ce discours. Patrick Lair vient nous apporter en fin de repas deux verres de couleur zinzolin. Le vin est tellement jeune ! Il s’agit de Grand Puy Lacoste 2008. Ce vin de six à huit mois sans doute se boit avec bonheur. Il est généreux à cet âge. Comment peut-on prédire l’avenir d’un vin qui va mille fois changer de visage ? Celui de ce jour est souriant.