Ça y est, je suis de retour à Paris après presque trois mois dans ‘mon’ sud. En arrivant chez moi, c’est comme si j’entrais dans un autre monde, avec des codes et usages différents. Il y a des figues dans le jardin, en abondance comme jamais, blanches alors que les figues du sud sont rouges. Si on se replace trente ans en arrière, jamais les figues n’étaient mûres au même moment, et jamais les figues parisiennes n’étaient aussi généreuses.
J’invite à déjeuner un ami gastronome talentueux au restaurant Laurent, pour faire la connaissance de la cuisine du chef qui a remplacé il y a quelques mois Alain Pégouret, qui s’est installé au restaurant Le Sergent Recruteur. Le jeune successeur s’appelle Julien Schmitt que j’ai connu à l’hôtel de Crillon.
Il fait beau et nous déjeunons dans le joli jardin du restaurant Laurent. Nous prenons le déjeuner de saison dont nous changeons l’entrée : morilles des pins rôties au vin jaune / homard cuit dans un beurre coraillé, fenouil rôti au citron, sauce new burg parfumée à la verveine / cannette de Challans marinée et rôtie aux épices, mousseline de patate douce et sa cuisse croustillante / fromages de chèvre / soufflé à la framboise, sorbet Mauresque.
La consultation de la carte des vins est longue car elle est riche, aussi mon ami suggère que sans attendre nous prenions chacun un verre de Champagne Pol Roger Brut sans année. Ce champagne est franc, de bonne soif, et dans sa fonction de champagne non millésimé, il offre une noblesse sensible car il est bien né.
Les amuse-bouches sont simples et agréables. Les morilles des pins ressemblent à des pleurotes. La mâche est un peu virile, adoucie par une belle sauce. On est quand même assez loin du raffinement du goût des ‘vraies’ morilles.
Le homard est une merveille, et la sauce fraîche est idéale. Voilà un plat très réussi. L’Hermitage Chave Blanc 2008 a besoin de s’aérer. Il va lui falloir environ vingt minutes pour exprimer tout son talent qui est grand. Ce vin blanc a une grande personnalité et varie ses directions aromatiques, vers la minéralité, le vineux ou les beaux fruits d’été. Il forme avec la sauce du homard un accord de première grandeur.
Le vin convient aussi à la cannette, dont la cuisse croustillante est d’un goût parfait. Le vin blanc accompagne deux chèvres, plus à l’aise avec le plus crémeux.
Des amis déjeunent à une table voisine aussi je commande un Champagne Alfred Gratien brut rosé sans année
à la belle couleur pour profiter du soufflé et trinquer avec ces amis. Le champagne est très droit et prend de l’ampleur à l’aération. Il est incisif et se montrerait très gastronomique sur des plats consistants.
Le restaurant Laurent est un lieu que je pratique depuis plus de quarante ans. Les équipes changent au fil du temps, mais l’esprit « Laurent » est toujours là, ce qui lui promet de garder ce qui fait son charme, un lieu, une atmosphère, une clientèle fidèle, une bonne cuisine, un service compétent et ce je ne sais quoi de très parisien. Longue vie à ce beau restaurant.