Déjeuner au restaurant Laurent. On le sait, c’est ma « cantine », donc il n’est plus question de juger. J’y ai un rond de serviette virtuel. Un manzanilla léger, c’est un agréable apéritif, mettant en ordre les papilles pour une belle aventure gustative. J’avais l’intuition que le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1976 serait le compagnon du pied de cochon, et ce fut le cas. Intéressant quand il est seul, il vibre avec émotion quand il est associé au plat. Toute évocation descriptive serait restrictive. Avec le pied de porc, c’est un bonheur de soleil, de gouleyant, d’expressivité intelligente.
Le pigeon est un beau pigeon. La chair est traitée comme elle doit l’être. Je pense au responsable des monuments historiques de la capitale, conscient des dégâts de ce diarrhéique volatile. Il a sans doute décidé que l’éradication de l’espèce passerait chez Laurent. Alors, on a le pigeon le plus pur, qui a décapé les statues de Charlemagne ou de Saint-Louis, qui exprime son authenticité historique dans notre assiette. Et là, le Vosne-Romanée Cros Parantoux de Henri Jayer 1994 est la démonstration du pouvoir de l’homme sur cette liane rebelle qui se pare à l’automne naissant de pulpeuses grappes juteuses. Ce vin est grand sans être éblouissant, fine démonstration d’un savoir faire unique. Tout est subtil dans ce vin. Le navet est d’un charme extrême, mais c’est le cèpe, croustillant comme un cèpe puceau qui donne au Cros Parantoux un accent bourguignon incommensurable.
Après le Clos Sainte Hune Trimbach 1976 et le Cros Parantoux Henri Jayer 1994, solides institutions, les judicieux conseils de Patrick Lair et Philippe Bourguignon vont permettre de finir le repas sur de jolies notes. Un champagne de Montgueux, à l’extrême sud de l’appellation, champagne Alexandre brut nature de Jacques Lassaigne 1999, et un Banyuls du docteur Parcé 1996, « la Coume » comme on dit aussi à Maury, bois de cèdre, pruneau, tout ce qui embellit la bouche en fin de repas. Laurent est une grande table de pur confort.