Voyage à Chartres. Déjeuner dans un restaurant cossu, le Grand Monarque, tenu par un jeune directeur plein de vie que je connais : il possède aussi le Petit Riche. Au moment du service, quel contraste avec Ducasse ! J’avais l’impression de revivre des repas de Province d’il y a quelques décennies, lorsque, jeune écolier en vacances, je parcourais la France à l’initiative heureuse de mes grands parents. Chaque plat qui me fut servi était exactement ce que je mangeais à l’époque, et le serveur était le même, comme si le temps avait stoppé sa marche sur près d’un demi siècle. Atmosphère dont je percevais la magie, qui me remplissait d’une douce félicité. Nous avons bu un Savennières Chateau de Chamboureau 1986. Choix du directeur qui a une belle cave de Loire. Intéressant pour quelques verres, et on voit vite les limites. Ce vin revécut sur le fromage. Puis un Lafite 1980. En le choisissant, nous savions ce que nous faisions. Il n’était pas question de boire un Lafite explosif, mais de recevoir les suggestions, les séductions de Lafite, en filigrane. Lorsque l’on sait ce que l’on fait, on prend plus de plaisir, et nous avons apprécié les évocations fournies par ce vin au nez délicat. J’ai profité de mon passage pour acheter quelques bouteilles de rêve que me proposait un négociant qui vit dans la région : Yquem 1893, Mouton 1947, de quoi imaginer sur le chemin du retour le dîner qui les accueillerait.