Des amis de mes dîners étant présents dans le sud de la France, nous avions prévu de nous retrouver un jeudi au restaurant Les Gorges de Pennafort à Callas. Ma femme m’annonce qu’une amie veut nous inviter ce même jeudi aux Gorges de Pennafort. Je suis toujours émerveillé par ces hasards si improbables. Les deux intentions ne pouvant se fusionner, je vais avoir l’occasion de déjeuner deux fois en ce restaurant.
La route vers Callas au milieu des vignobles est d’une grande beauté. Le site installé le long des gorges est ravissant. Notre amie nous invite mais me demande de choisir les vins. La carte des vins est bien fournie mais je n’arrive pas à débusquer de bonnes pioches, car le prix sont musclés, du même ordre de grandeur que ceux que l’on trouve à Paris.
Nous prenons un menu donnant lieu à des choix possibles pour chaque plat. Notre choix est commun : raviole de foie gras et parmesan / turbot braisé au champagne / ris de veau braisé au Porto / plateau de fromages pour moi et feuilleté de poires à la fourme d’Ambert pour notre amie / desserts du chef. Fort agréablement et curieusement, le nombre de surprises du chef qui s’ajoutent à ce menu est quasiment infini. Ainsi nous avons eu une mousseline aux herbes locales, une terrine de foie gras aux figues, une assiette de légumes variés au parmesan et un sorbet que j’imagine être de basilic, et un saint-pierre aux petits légumes aigres-doux et câpre qui se sont succédé avant que n’arrive le premier plat auquel le chef a ajouté une belle brassée de copeaux de truffe d’été. Le lieu est manifestement généreux et cela s’est poursuivi pour le turbot que l’on a agrémenté de grains de caviar largement distribués, précédé d’une dorade et supions non prévus au menu.
La cuisine de Philippe da Silva est franchement plaisante. J’ai apprécié la raviole scientifiquement travaillée au point que l’on ressent le dosage idéal, le turbot un peu cuit mais bien soutenu par le caviar, et le ris de veau de grande qualité, légèrement caramélisé et dont le cœur est fondant.
Je savais que notre amie adore le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle aussi l’ai-je choisi. Et j’ai bien fait car ce champagne très typé est d’un charme rare. Dès la première gorgée, on est conquis. Il combine deux aspects. D’un côté il est féminin, gracieux, romantique. De l’autre il est profond, avec des esquisses de noisettes et de caramel, laissant une trace forte en bouche. C’est un régal.
J’ai commandé un Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape 1998 qui est l’une des bouteilles les plus vieilles de cette carte des vins qui compte une trop forte majorité de vins très récents. La sommelière ouvre la bouteille sur une petite table et prélève un petit verre pour goûter. Elle n’est pas dans mon champ de vision et soudain ma femme me fait signe de regarder. La sommelière carafe le vin sans m’avoir demandé si je le désirais. Il m’a fallu de longues minutes pour que j’oublie cette contrariété. Car dans une atmosphère très chaude dépassant 30° sur la belle terrasse, j’aurais préféré ne pas précipiter l’aération du vin. Malgré ce petit contretemps, ce vin est superbe et d’une année de grande réussite pour Beaucastel. Il a des notes de vins du sud, avec des évocations de garrigue, mais il a aussi des petites traces de café et de caramel bien fondues. Il est vineux, puissant, et d’un grand équilibre. Il s’est très bien trouvé avec le ris de veau malgré le porto sensible. J’en ai prolongé le plaisir avec quelques fromages dont un saint-nectaire.
La décoration du restaurant est très typée et correspond au goût du maître des lieux, le service n’est pas tout-à-fait à la hauteur du niveau de la cuisine qui est de très belle qualité.
Ce restaurant est l’un des meilleurs de la région et nous y avons passé un très agréable moment.
Le chef pose en dessin à côté de mots pour exprimer « taquiner la bibine »