Au restaurant Pages, je déjeune avec un ami. Arrivé un peu en avance, j’ouvre les deux vins que j’aimerais qu’il découvre sans qu’il sache de quoi il s’agit. Il n’y a aucun problème à l’ouverture et les parfums sont prometteurs, surtout celui du vin blanc.
J’avais vu le chef Ken à mon arrivée pour faire le menu. Il y aura des filets de pagre cru et du cabillaud à la sauce umami, sauce traditionnelle du restaurant. Puis nous aurons de l’agneau et un peu de wagyu. Le dessert sera breton, avec de la pomme et du cidre en une interprétation originale de la tarte Tatin.
Le Graves Blanc Barton & Guestier 1959 a un niveau très haut et une couleur magnifique et claire dans la bouteille parfaitement transparente sans couleur. Dans le verre il est plus doré, d’un or de blé d’été. En bouche, ce qui me fascine, c’est l’incroyable longueur du vin et sa persistance en bouche qui est quasi infinie. Alors que ce vin de négociant est un Graves simple, il a la prestance d’un très grand cru. Le millésime exceptionnel joue certainement un rôle dans la réussite de ce vin. C’est surtout sur le pagre cru que le vin s’exprime, plus que sur la sauce umami qui réclamerait un vin blanc plus lourd.
Mon ami se trompe largement de région quand il essaie de découvrir le vin rouge, mais que celui qui n’a jamais fait fausse route lui jette la première pierre. Il s’agit d’un Château Lafite-Rothschild dont je ne connais pas l’année, sans étiquette et au niveau presque dans le goulot. On pourrait penser à un vin d’avant 1970. Dans l’assiette où le bouchon est brisé en plusieurs morceaux, mon ami scrute, fait tournoyer les petits morceaux pour chercher des indices qui permettraient de dater le vin, mais cette recherche est vaine.
A la première gorgée, l’idée qui me vient est 1962. Mais en continuant à boire, il me semble que l’année est plus faible que 1962 car le vin délicat et très subtil est assez léger. Il y a bien sûr un goût de truffe propre à Lafite, mais discret. Alors ce qui semble plausible est 1956 ou 1957, le plus probable étant 1957. Le vin s’est montré à l’aise avec le wagyu. Il s’agit d’un Lafite sensible, mais manquant quand même un peu d’opulence.
Mon ami avait apporté un Bourgogne blanc Domaine Clément de Coulanges-la-Vineuse 2018
sympathique et inattendu mais qui n’est pas du niveau du Graves.
Pierre-Alexandre, le directeur du restaurant, en fin de repas nous a fait goûter un Château Climens Asphodèle sec 2019. Une absolue merveille. Ce vin combine une extrême complexité et une grande richesse avec une belle fraîcheur. Il est gastronomique et divin à cet âge. Gardera t’il la même richesse dans les prochaines années, je ne sais pas, mais il m’a ébloui.
Le gagnant du repas est le Graves Sec 1959 de très belle prestance.