Un ami m’invite à déjeuner et me demande en quel restaurant j’aimerais me rendre. Je réponds le restaurant Passage 53. Par une journée ensoleillée qui fait pousser les jolies filles sur les grands boulevards et rend plus animé le Passage des Panoramas, je me présente au restaurant et je demande Guillaume Guedj, le maître des lieux. Or il est en face de moi. Je ne l’ai pas reconnu avec son nud papillon et une nouvelle coiffure. L’ami a eu l’heureuse idée de convier aussi son épouse que j’ai eu la chance de côtoyer lors de plusieurs dîners de wine-dinners.
La décoration du lieu est lumineuse, toute de blanc comme au Japon. Le chef Shinishi Sato, ancien de l’Astrance et d’autres prestigieuses maisons, officie à l’étage dans une cuisine d’une propreté exemplaire.
Nous prenons le menu dégustation : amuse-bouche, déclinaison de la carotte / caviar de Sologne, gnocchis et mascarpone / uf mollet, crème de haddock, betterave / toast au tourteau, mousse au xérès / asperges blanches, comté et uf mimosa / turbot, asperges vertes, sauce petits pois / entremets, pomme verte et oseille / veau de lait, sauce au vin jaune et morilles / agneau de Lozère, algues et épinards / déclinaison du citron et crumble / glace Mélilotus, riz au lait / fraises des bois, Panna Cotta laurier / tartelette chocolat noir.
Nous commençons le repas avec un Champagne Taittinger Comtes de Champagne 2005, suggestion de Guillaume Guedj que j’ai approuvée, car je l’avais adoré hier. Et cette bouteille confirme l’impression de la veille. C’est un champagne ample, joyeux, riche qui envahit le palais de bonheur. C’est une magnifique réussite pour Comtes de Champagne.
Le vin de la suite du repas lorsque le Taittinger est terminé est un Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 2006. Mon ami aurait aimé un Chave blanc qu’il adore mais il n’y en a pas sur la carte aussi l’ai-je orienté vers ce beau riesling. Lorsqu’on m’a fait goûter, j’ai agréé la bouteille, mais j’avais eu une petite hésitation. Car le vin, même s’il est lumineux et précis, manque un peu d’énergie. Il n’est pas aussi vif que ce qu’un Sainte Hune doit être. Il a été agréable tout au long du repas grâce à la richesse et la fluidité d’un vin fruité et citronné, et mon ami qui le découvrait l’a apprécié, mais il m’a manqué une petite étincelle de génie, comme si le vin n’avait pas desserré son frein à main. Ma remarque est à la marge, car d’un Sainte Hune, on ferait son ordinaire sans hésitation.
Le repas m’a enchanté. Le caviar est idéal pour le champagne et vibre bien. La crème de haddock, fumée, excite bien l’uf mollet qui toutefois finit un peu en sourdine lorsque l’on atteint le fond de l’uf. Le plat miraculeux, c’est le plat d’asperges. Il est d’une précision et d’une justesse exemplaires. Le veau de lait est une merveille, le turbot est gourmand et à chaque fois, c’est la précision des saveurs qui m’enchante. Les desserts sont légers et de goûts affirmés. En un mot cette cuisine est exemplaire. Il y a une grande originalité des choix de saveurs très cohérentes et surtout une extrême lisibilité de la structure du plat. La présentation des assiettes avec les mets aux couleurs pastel est d’un grand esthétisme. Le service est attentionné et Guillaume Guedj vient faire des remarques très pertinentes.
On ne peut qu’applaudir à la prestation dont nous avons été les heureux bénéficiaires dans une ambiance chaleureuse.