« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! » Il n’y a rien de plus vrai que ce vers d’un poème de Baudelaire et j’ai la chance de le vérifier tous les jours lorsque je suis dans ma maison du sud. Les sons, les couleurs, tout m’enchante. Il se trouve que j’ai un projet en cours avec la cuisinière chef du restaurant La Promesse à Ollioules. Elle exploite aussi un restaurant plus petit au centre d’Ollioules, le restaurant Promis !. Valérie Costa et son mari Jean-Marc me reçoivent dans leur restaurant. Comme si nous conspirions, une affichette indique à l’extérieur que le restaurant est privatisé aujourd’hui. Nous pourrons donc bavarder en déjeunant ensemble tous les trois.
Je me doutais que je ne serais pas obligatoirement le client lambda du restaurant aussi ai-je des munitions dans ma musette. J’ouvre donc un Champagne Salon 1997 qui se goûte particulièrement bien en cette phase de sa vie.
Voici le menu que Valérie Costa a composé pour nous trois : jambon de cochon noir de Bigorre de 28 mois de la famille Grau / craquants aux olives noires / gressins au beurre / langoustines tiédies à l’huile d’olive à la mandarine et caviar osciètre Kaviari / filet de veau aux morilles et lard paysan, courge spaghetti à la vapeur / saint-nectaire fermier / la mangue et la passion, biscuit caramélisé, pistaches et coulis chaud de mangue / sablé citron et sablé aux pépites de chocolat.
Le Champagne Salon 1997 a un nez qui s’impose. C’est Jean Paul Belmondo qui disait sur un texte de Michel Audiard : « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent ». Le nez du Salon c’est ça. Il impose le respect. En bouche il combine la puissance, le caractère vineux avec une délicatesse et une douceur rares. Il est floral et en plus vineux. Le jambon délicieux lui convient mais c’est surtout sur les merveilleuses langoustines qu’il devient une évidence. Et curieusement sur ce plat il devient doux, presque sucré tant il envoûte de son charme.
Pour le veau Jean-Marc me fait plusieurs propositions et nous continuons au champagne avec le Champagne Bollinger Grande Année 2005. Il se montre très pertinent sur le filet de veau, sur la morille mais surtout pour moi avec la courge très finement découpée et donc aérienne, qui crée un accord couleur sur couleur. Le Bollinger ne joue pas sur le même registre gastronomique que le Salon. Il est plus carré, solide et droit, sans atteindre la complexité charmeuse du Salon. Il aurait fallu inverser l’ordre des champagnes mais pour le menu cet ordre est le plus pertinent. Le Bollinger est excellent avec le saint-nectaire d’un affinage idéal.
Le dessert se prend avec un Rhum arrangé des Seychelles Le Jardin du Roi, au rhum Takamaka fait avec cannelle, citronnelle, vanille et zeste d’orange. C’est tellement bon qu’on en reprend en oubliant la charge alcoolique masquée par le charme de cette liqueur. L’accord avec la mangue est gourmand.
Avec tant de saveurs généreuses, je ne peux pas dire que nous ayons sérieusement reconstruit le monde, mais nous avons entretenu notre amitié. Ce fut un très beau repas, dans ce joli petit restaurant qui s’animera aux beaux jours lorsque l’on pourra sortir des tables en plein air dans le beau village d’Ollioules.