Didier Depond, président des champagnes Salon et Delamotte reçoit de temps à autre des amis amateurs de ses champagnes pour un déjeuner appelé : « entre privilégiés ». Je reconnais des participants avec qui j’ai déjà fait de belles dégustations. Nous serons nombreux car il y a quatre jeunes personnes de Chine ou du Japon et des têtes nouvelles puisque nous sommes plus nombreux que d’habitude, autour de vingt personnes.
J’avais vu sur Instagram que le compte du champagne Salon a parlé plusieurs fois du millésime 1905. Cela a attiré ma curiosité et, sans savoir si je l’ouvrirais, j’ai pris avec moi une bouteille d’alcool de 1905 sans aucune autre indication que la date.
Lorsque j’arrive au domaine, je demande à Didier à quoi correspond 1905. Il me dit que c’est le premier millésime fait par Aimé Salon. La réponse est claire et m’invite à ouvrir l’alcool 1905. Didier pense que c’est un alcool de prune. Je suis plus circonspect car je sens l’alcool mais je ne vois pas un fruit précis.
Nous allons en salle de dégustation, accueillis par un Champagne Blanc de Blancs Delamotte sans année. Ce champagne est une très belle expression précise et ciselée de ce que doit être un blanc de blancs.
Avant de passer à table Didier fait dégorger dans la cour deux magnums dont il ne donne aucune idée d’âge.
Nous passons à table. Comme chaque fois il y aura des vins à deviner. Les trois premiers champagnes sont servis dans des verres différents. Nous cherchons tous des différences et il est assez consensuel de classer le 2ème puis le 3ème et le 1er. On se torture en conjectures et nous sommes bien attrapés car les trois champagnes sont les mêmes, le Champagne Delamotte 2018. Il est délicieux dans sa jeunesse et on voit l’importance des verres dans la dégustation, puisqu’ils créent des écarts très sensibles.
Didier Depond est très fier car le millésime 2018 est le premier où il a pu inclure dans le vin les six grands crus de la Côte des Blancs, alors qu’il n’y en avait que quatre jusqu’alors.
La deuxième série d’énigmes est une comparaison de deux Delamotte 2007, le Champagne Delamotte 2007 dégorgé d’origine et le Champagne Delamotte 2007 dégorgé il y a six mois. Le dégorgé récent est tout en fraîcheur alors que le champagne initial a plus d’assise et de complexité.
Le menu conçu par un restaurateur célèbre de la Champagne est ainsi rédigé : Langoustine marinée caviar / le saumon de Normandie, mi-cuit, tiède, sauce champagne, émulsion de pomme de terre fumée et caviar / bar de ligne « ikejimé » de pêche artisanale de Vendée, fondu de fenouil et huîtres Gillardeau, sauce champagne / filet de cerf d’Alsace rôti, sauce cassis / bouillon clair de pot au feu / fromage frais et affinés / fine tarte aux pommes, glace vanille / café et mignardises.
Ce menu est raffiné et très bien exécuté. Le plat qui m’a enthousiasmé est celui du saumon.
Trois champagnes sont bus sans énigme, le Champagne Salon 2013 qui promet énormément et qui est déjà parfaitement expressif et équilibré, le Champagne Salon 2002 dégorgé ce matin dans la cour et le Champagne Salon 1996. Le 1996 est un seigneur éblouissant alors que le 2002 est beaucoup plus sentimental. Si le 1996 m’impressionne, le 2002 m’émeut.
Suivent deux vins rouges à boire à l’aveugle. Beaucoup de réponses allaient vers le bordelais. J’ai été le seul à suggérer l’Espagne pour le premier et j’ai visé juste. Le premier est un Priorat Terrasse Espagne 2007 et le second que j’avais déjà gouté est un vin argentin de 2013 qui est fait en collaboration par Didier Depond et un de ses amis présents que j’apprécie beaucoup.
Le champagne suivant est un Magnum Champagne Delamotte Collection 1983 et j’ai été le premier à donner le bon millésime (si je cite mes prouesses, c’est parce qu’il y en a peu). Ce champagne délicat est absolument charmant et montre à quel point l’âge est un facteur positif.
Nous poursuivons avec deux magnums de Champagne Delamotte Rosé base 1993 que j’adore car il explore des pistes de goûts irréels et énigmatiques. Et je suis conquis par ses subtilités joyeuses.
Le suivant est un magnum de Champagne Salon 1976 dont la couleur est assez proche de la couleur du rosé. Quel grand champagne racé et vif, d’une jeunesse que seuls les grands champagnes peuvent garder.
Sans que j’aie été prévenu huit bougies allumées arrivent devant moi. Quelle gentille attention que de fêter mes dix fois plus d’années que de bougies.
C’est alors que j’explique pourquoi j’ai apporté un alcool de 1905. En le sentant, le parfum m’indique la possibilité d’un armagnac, plus qu’une prune. Et en bouche je suis surpris par un sucre très présent. Et cela me semble une évidence : c’est un Rhum 1905 absolument splendide, d’une force qu’on n’attendrait pas de 118 ans ! Un régal rare.
Didier réussit à créer une ambiance extrêmement amicale qui aide à la dégustation. A part le Rhum sublime, mon cœur ira vers le Salon 1976 et le brillantissime rosé 1983 de Delamotte.
Quelle belle journée d’amitié !