Ma fille étant encore inscrite au même bureau de vote que sa mère et moi, le jour de l’élection présidentielle donne une occasion de plus de déjeuner ensemble. Mon gendre poêle des coquilles Saint-Jacques et j’ouvre un Champagne Krug 1982 qui est en ce moment dans un état de grâce absolue. Il commence à ambrer, sa bulle est d’une rare vivacité, et ce qui est impressionnant, c’est la force de son message. Il a une grande personnalité, typée, presque fumée. Le fruit est complexe et le goût est tous azimuts. Il est impressionnant de conviction.
C’est la fin de la saison des coquilles aussi les coquilles elles-mêmes perdent un peu de goût alors qu’au contraire, les coraux prennent l’expressivité que la coquille a légèrement perdu. Et si la coquille convient au Krug, le corail appelle le Château Margaux 1967 que j’ai ouvert il y a trois heures. Son nez est d’une rare distinction. En bouche, on est frappé par plusieurs aspects. Le vin est velouté, racé, noble et subtil. Il a aussi de la puissance, parle fort, plus que ce que son année suggère. Il n’a quasiment pas d’âge, car on serait bien en peine de trouver un signe de vieillissement.
Le foie gras cuit à la vapeur est accompagné d’un jus de fenouil. La logique voudrait que l’on lui associe le Krug, mais en fait c’est le Château Margaux qui lui convient le mieux, créant un accord subtil. Nous essayons foie gras et corail. C’est possible, mais sans réelle valeur ajoutée. Il vaut mieux profiter de l’un et de l’autre. Le veau basse température avec une purée de céleri et des petits pois croquants car à peine cuits donne au Château Margaux 1967 une sérénité particulière. C’est un très grand vin au message long et fort dans un gant de velours. Sa persistance aromatique légèrement truffée est très forte.
Nous finissons le champagne avec des tranches de mangue avant d’aller faire notre devoir citoyen.